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Ohadata D-08-61

Les Etats parties à l’OHADA et la Convention des Nations Unies


sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens
par
Gaston KENFACK DOUAJNI
Magistrat - Spécialiste en Contentieux Economique (ENM - Paris)
Membre correspondant de l’Institut pour l’Arbitrage International (Paris) Membre de la London
Court of International Arbitration (Panafrican Council)
Sous-directeur de la législation civile, commerciale, sociale et traditionnelle
au Ministère de la Justice, Yaoundé – Cameroun

Revue Camerounaise de l’Arbitrage N° 32 / Janvier – Février – Mars 2006, p. 3.

Ayant toujours relevé du droit coutumier international, les immunités juridictionnelles des
Etats et de leurs biens ont récemment été codifiées, grâce à la Convention des Nations Unies y
relative (ci-après nouvelle Convention)1, adoptée le 2 décembre 2004, puis soumise à la
signature des Etats à partir du 17 janvier 2005 jusqu’au 17 janvier 2007.
Présentée comme étant l’aboutissement de vingt-sept années de travail au sein de l’ONU2,
cette nouvelle Convention consacre une conception restrictive des immunités étatiques.
En effet, fondée sur le principe universellement reconnu de l’égalité souveraine des Etats, en
vertu duquel un Etat est soustrait à la juridiction d’un autre Etat et ne peut ni être jugé, ni être
saisi dans un autre Etat sans son consentement, les immunités étatiques de juridiction et
d’exécution étaient absolues jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Depuis le début du XXe siècle, s’est amorcée une évolution vers la restriction desdites
immunités, en raison de l’implication croissante des Etats dans les activités commerciales
internationales.
En effet, les partenaires desdits Etats dans les activités commerciales en question,
généralement des opérateurs privés du commerce international, tels que sociétés financières et
autres banques commerciales, n’acceptaient de conclure des transactions commerciales3 avec
ces Etats, qu’à la condition qu’ils renoncent à leurs immunités de juridiction et d’exécution.
Les Etats ont donc dû renoncer à leurs immunités, pour rendre possible la conclusion des
transactions commerciales sus-évoquées.
La jurisprudence et les différentes législations de certains pays à travers le monde ont précisé
la portée d’une telle renonciation, préparant ainsi le terrain en vue de l’adoption d’un
instrument juridique à caractère universel, que la nécessité d’une sécurisation des transactions
commerciales entre Etats et opérateurs étrangers privés rendait inéluctable.

1
Pour un commentaire détaillé de ladite Convention, voir Gerhard HAFNER et Léonore LANGE, « La Convention des
Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens », in AFDI 2004, p. 45 à 76.
2
Gerhard HAFNER et Léonore LANGE, op. cit. ; adde Régis de GOUTTES, « L’évolution de l’immunité de juridiction des
Etats étrangers » sur le site www.courdecassation.fr
3
Les contrats de crédit constituent une part importante desdites transactions.
L’adoption, par les Nations Unies, de cette nouvelle Convention, s’explique donc par le
double souci de stabiliser les relations entre Etats et promouvoir les échanges commerciaux
internationaux4.
La création de l’OHADA5 ayant été justifiée, entre autres, par la nécessité de « garantir la
sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l’essor de celles-ci et
d’encourager l'investissement »6 dans ses pays membres, il y a lieu de s’interroger sur
l’incidence que peut avoir la Convention sus-évoquée sur lesdits pays (II) ; encore faut-il que
cette Convention soit connue, d’où la nécessité de sa présentation (I), au moins dans ses
grandes lignes.

I.- PRESENTATION DE LA NOUVELLE CONVENTION


Dans la mesure où la nouvelle Convention constitue le terme d’une longue évolution, il
convient de rappeler l’état du droit des immunités avant son adoption (A) ; son contenu (B)
sera ensuite précisé.

A- L’état du droit des immunités avant la nouvelle Convention


Ainsi que le précise le rapport de la quarante-troisième session de la Commission du Droit
International des Nations Unies relatif au projet d’articles devenu la Convention nouvellement
adoptée, la codification vise à couvrir « la totalité de la procédure judiciaire, depuis
l’engagement des poursuites... jusqu’au prononcé et à l’exécution des jugement ».
Il en résulte que l’expression « immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens »
regroupe à la fois l’immunité de juridiction et l’immunité d’exécution.
Fondée sur les principes coutumiers tirés du droit des gens, que sont l’indépendance, la
souveraineté et l’égalité des Etats, l’immunité de juridiction des Etats étrangers s’oppose à ce
qu’un Etat soit jugé par un autre Etat, sans son consentement ; ce qu’exprime la maxime «Par
in parem non habet jurisdictionem»7.
Avant l’adoption de la nouvelle Convention, les juridictions américaine et française ont eu
l’occasion d’appliquer l’immunité de juridiction de l’Etat étranger.
Ainsi, dans une affaire jugée par la Cour Suprême des Etats-Unis en 18128, le Chief Justice
Marshall a estimé que si un souverain vient se placer sous la juridiction d’un autre souverain,
c’est sous l’expresse condition ou bien sous la foi d’une réserve implicite que son immunité
d’Etat indépendant lui soit reconnue9.
Les tribunaux américains ont interprété cette décision du Chief Justice Marshall comme
instituant un principe d’immunité totale au bénéfice des Etats étrangers, tandis qu’en 1932, un
rapport était mis au point par un groupe de recherche en droit international attaché à la

4
Voir communiqué de presse AG/J40l du 23 octobre 2003 sur le site www.un.org/news/fr-
press/docs.2003/AGJ40l.doc.htm.
5
Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
6
Voir préambule du Traité OHADA in « OHADA - traité et actes uniformes commentés et annotés » ; Juriscope 2002,
p. 32.
7
Maxime rappelée par Gerhard HAFNER et Léonore LANGE, ainsi que par Régis de GOUTTES dans leurs articles cités
aux notes 1 et 2 supra.
8
Schooner Exchange v. Mc Faldom 11 U.S (7Cranch) 116, cité par Catherine KESSEDJIAN, « La pratique américaine en
matière d’exécution de l’Etat étranger », in « L’immunité d’exécution de l’Etat étranger », Travaux du CEDIN,
Montchrestien, 1988, p. 121.
9
Catherine KESSEDJIAN, op. cit., p. 122.
Harvard Law School, lequel groupe proposait un projet de loi annonçant la restriction des
immunités des Etats étrangers10.
Dans le même temps, des Etats étrangers, non seulement à l’intérieur de leurs frontières, mais
également pour leurs transactions internationales, renonçaient au bénéfice de leurs immunités,
au risque de se voir par exemple, refuser des contrats de prêt pour leurs dettes publiques,
lorsqu’ils n’acceptaient pas que ces contrats soient assortis d’une clause de renonciation aux
dites immunités11.
En tout état de cause, grâce aux actions combinées de la jurisprudence et de la doctrine, les
Etats-Unis d’Amérique ont, en 1976, édicté un texte fixant les conditions de restriction, par
les juridictions américaines, des immunités des Etats étrangers. Il s’agit de la Foreign
Sovereign Immunity Act (FSIA) du 21 septembre 1976, amendée en 1988, qui consacre la
restriction des immunités des Etats étrangers et constitue le socle du droit américain des
immunités étatiques, au moment où les Nations Unies adoptent la nouvelle Convention.
En France, la jurisprudence a eu à appliquer l’immunité de juridiction dans l’absolu12, avant
d’évoluer vers la restriction de celle-ci, du fait de la renonciation à ladite immunité par les
Etats étrangers.
Du reste, même en l’absence de cette renonciation, le juge français procédait à la distinction
entre acte de service public (jure imperii) et acte de gestion (jure gestionis), pour restreindre
les immunités juridictionnelles des Etats étrangers.
En effet, dans l’affaire République Islamique d’Iran et OITE contre Société Framatone et
autres, la Cour de Cassation française, par un arrêt du 20 mars 1989, avait affirmé que « si
l’immunité d’exécution dont jouit l’Etat étranger et ses départements ministériels est de
principe, elle peut toujours être exceptionnellement écartée, notamment, lorsque le bien saisi a
été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé, qui donne lieu à la
demande en justice, même si cette affectation n’a pas été prévue par une clause expresse du
contrat, la juridiction saisie pouvant rechercher par tous moyens, si cette affectation existe »13.
Ainsi, la Cour de Cassation refusait d’appliquer dans l’absolu, l’immunité d’exécution,
lorsque le bien saisi était affecté par l’Etat étranger, à une activité commerciale ; par ailleurs,
la Haute Juridiction française spécifie qu’il appartient au juge de rechercher si les biens en
cause ont été affectés par l’Etat poursuivi, à ses activités de service public ou de gestion, afin
d’éviter que cet Etat n’invoque son immunité d’exécution, uniquement pour échapper aux
conséquences de ses actes de gestion, lesquels relèvent du droit privé14.
Quoi qu’il en soit, en vertu de leur souveraineté, les Etats ont la possibilité de renoncer à leurs
immunités de juridiction et d’exécution, acceptant ainsi d’être attraits devant les tribunaux
d’un pays tiers, et même, de se voir appliquer les moyens d’exécution forcée.
Une telle renonciation, qui ne saurait se présumer mais doit résulter d’un engagement non
équivoque de l’Etat concerné, est traditionnelle lorsque cet Etat se livre à des transactions
économiques internationales15.

10
idem.
11
G. DELAUME, «Public Debt and Foreign Immunity: some considerations pertinent O5.566» Amer. J. int. L. 745. 752-756
(1973) également cité par Catherine KESSEDJIAN, op. cit., p. 122.
12
Cass. Civ., 22 janvier 1849 ; DP 1849, p. 5 J. la Haute Juridiction française a appliqué l’immunité de juridiction de l’Etat
étranger dans l’absolu, en invoquant les « règles universellement reconnues du droit des gens », la « courtoisie
internationale », ainsi que les « règles de droit international public gouvernant les relations entre Etats ».
13
Cass. Civ. 1ère ch. civ., 20 mars 1989, Chanet, 1004.
14
Pierre-Marie MARTIN, « Droit international public », Masson, Paris - Milan - Barcelone 1995. n° 129 p. 60.
15
idem.
A cet égard, une clause compromissoire est généralement incluse dans les contrats
matérialisant les transactions sus-évoquées, et constitue, de la part de l’Etat partie aux dites
transactions, une renonciation, fût-elle implicite, à son immunité de juridiction.
Sans cette renonciation, l’Etat trouverait difficilement des cocontractants pour ses transactions
commerciales internationales16.
La renonciation concerne tant l’immunité de juridiction que l’immunité d’exécution17, cette
dernière immunité ayant pour effet de protéger l’Etat contre les atteintes à sa souveraineté, en
empêchant que ne soient prises des mesures d’exécution forcée à son encontre.
Il est de principe, en droit international, que la renonciation à l’immunité de juridiction, par
l’acceptation d’une convention d’arbitrage, vaut, sauf clause contraire, renonciation à
l’immunité d’exécution18.
Le juge français a, à plusieurs reprises, appliqué ce principe en affirmant, tantôt que « le
recours à l’arbitrage selon le règlement CCI, implique de la part de l’Etat qui a accepté de s’y
soumettre, engagement d’exécuter la sentence conformément à ce règlement »19, tantôt
encore, qu’ « en souscrivant à des clauses compromissoires sans lesquelles à l’évidence les
marchés n’auraient pas été conclu, puis en s’y soumettant, l’Etat tunisien a ainsi accepté les
règles du droit commun du commerce international ; qu’il a, par là-même, renoncé à son
immunité de juridiction et, les conventions devant s’exécuter de bonne foi, à son immunité
d’exécution »20.
Plus récemment encore, la Cour de Cassation française, après avoir visé « les principes
régissant les immunités des Etats étrangers, ensemble l’article 24 du règlement d’arbitrage de
la Chambre de Commerce Internationale », a décidé que « l’engagement pris par l’Etat
signataire de la clause d’arbitrage, d’exécuter la sentence dans les termes de l’article 24 du
règlement d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, impliquait renonciation de
cet Etat à l’immunité d’exécution... »21.
Saisie de cette affaire en qualité de juridiction de renvoi, la Cour d’Appel de Paris en a déduit
le principe que la renonciation par un Etat à son immunité de juridiction vaut, sauf clause
contraire, renonciation à son immunité d’exécution22.
Des développements qui précèdent, il apparaît que les systèmes américain et français ont
évolué vers une conception restrictive des immunités étatiques, après avoir appliqué celles-ci
dans l’absolu.
De même, certains pays de tradition de la Common Law se sont, depuis le milieu des années
1970 et à la suite des Etats-Unis, dotés d’une législation fixant les conditions de restriction
des immunités étatiques.
C’est ainsi que le State Immunity Act du Royaume Uni (20 juillet 1978), le Foreign
Immunities Act de l’Australie (16 décembre 1985), une loi sud-africaine (en vigueur depuis le

16
Dominique CARREAU, « Droit international », Pedone, 1997, 5e édition, p. 363, n° 927.
17
Pierre-Marie MARTIN, voir note 14, supra.
18
idem.
19
Aff. Norbert Beyrard c/ République de Côte d’Ivoire; Cass. Civ., 9 juillet 1992, Rev. Arb. 1994, 133, note Ph. THERY.
20
Rouen, 20 juin 1996, Société Bec frères c/ Office des Céréales de Tunisie, Rev. Arb. 1997. 263, note Emmanuel
GAILLARD.
21
Cass., 1ère Ch. C., 6 juin 2000, Société Creighton LTD c/ Ministère des Finances de l’Etat du Qatar, Rev. Arb. 2001,
p. 130, note Philippe LEBOULANGER.
22
Paris, 1ère Ch. 6 ; 12 décembre 2001, Creighton LTD c/ Ministère des Finances et autres de l’Etat de Qatar, Rev. arb. 2003,
n° 2, p. 417.
6 octobre 1981)23 et canadienne de 198224 autorisent des mesures d’exécution à l’encontre des
biens et avoirs affectés par les Etats étrangers à leurs activités commerciales, et ne les
excluent que pour ceux servant de support à leurs actes de puissance publique.
On a expliqué que l’adoption de ces différentes législations par les Etats suscités, a été rendue
nécessaire par le souci d’attirer ou de maintenir sur leurs territoires respectifs, les opportunités
d’affaires, et celui de protéger leurs nationaux dans les litiges qui opposent ou opposeraient
ces derniers à des Etats étrangers ou à leurs émanations, relativement aux contrats
commerciaux ou d’investissement25.
On notera avec intérêt, qu’alors que le droit est essentiellement d’origine jurisprudentielle
dans le système de la Common Law26, qui est celui de la plupart des Etats anglo-saxons cités
plus haut, ceux-ci ont éprouvé, pour des raisons de sécurisation juridique des activités
économiques sur leurs territoires, le besoin de codifier leur droit des immunités étatiques, par
l’adoption de lois claires et attractives y relatives.
Pour leur part, les Etats parties à l’OHADA ont, en la matière, aussi évolué au plan législatif,
ne serait-ce que parce que l’Acte uniforme relatif à l’Arbitrage autorise les personnes morales
de droit public à conclure des conventions d’arbitrage en droit interne.
En effet, l’article 2 alinéa 2 de l’Acte uniforme suscité dispose que « les Etats et autres
collectivités publiques territoriales, ainsi que les établissements publics, peuvent également
être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester
l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention
d’arbitrage ».
Toutefois, comme on le verra plus loin, les juridictions desdits Etats appliquent généralement
dans l’absolu, le principe des immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, ramant
ainsi à contre-courant des tendances internationales rappelées plus haut, tendances que
consacre la nouvelle Convention, comme le révèle son contenu.

B- Le contenu de la nouvelle Convention


Texte de trente-trois articles, la nouvelle Convention comporte un préambule et six parties,
qui traitent respectivement de l’introduction, des principes généraux, des procédures dans
lesquelles les Etats ne peuvent invoquer l’immunité, de l’immunité des Etats à l’égard des
mesures de contrainte en relation avec une procédure devant un tribunal, des dispositions
diverses et, enfin, des clauses finales.
Une annexe fixant les points convenus en ce qui concerne la compréhension de certaines
dispositions de la Convention y est jointe, et en fait partie intégrante.
Comme doit le faire la partie préliminaire de tout instrument juridique de même nature, le
préambule de la nouvelle Convention expose ses motifs et en présente l’objet.
On peut ainsi, y lire que les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens procèdent
d’un principe généralement accepté en droit international coutumier, et que l’adoption d’une
convention internationale tenant compte de l’évolution de la pratique des Etats en la matière
« renforcerait la prééminence du droit et la sécurité juridique, en particulier dans les rapports
entre les Etats et les personnes physiques et morales...».

23
Catherine KESSEDJIAN et Michel COSNARD, « Les immunités de juridiction et d’exécution », rapport établi en juin
1995, à la demande du Ministère français de la Justice, p. 2 ; adde, Dominique CARREAU, op. cit., n° 937, p. 368.
24
Pierre-Marie MARTIN, op. cit., n° 128, p. 60.
25
Catherine KESSEDJIAN et Michel COSNARD, op. cit.
26
René DAVID, Camille JAUFFRET-SPINOSI, in « Les grands systèmes de droit contemporains », Précis Dalloz, 11e
édition, n° 18, p. 18.
La partie introductive de la nouvelle Convention précise la portée de celle-ci, fournit des
précisions sur l’emploi de certains termes qu’elle utilise, indique les privilèges et immunités
qu’elle n’affecte pas, puis affirme son caractère non rétractif.
Contenu dans cette partie introductive, l’article 1er de la Convention dispose qu’elle
s’applique à l’immunité de juridiction d’un Etat et de ses biens, devant les tribunaux d’un
autre Etat.
Précisant le sens de certains termes y utilisés, l’article 2 de la Convention définit, entre autres,
l’Etat et la notion de « transaction commerciale ».
Il en résulte qu’au sens de cette Convention, l’Etat désigne :
l- l’Etat et ses divers organes de gouvernement ;
2- les composantes d’un Etat fédéral ou les subdivisions politiques de l’Etat, qui sont
habilitées à accomplir des actes dans l’exercice de l’autorité souveraine et agissent à ce titre ;
3- les établissements ou organismes d’Etat ou autres entités, dès lors qu’ils sont
habilités à accomplir ou accomplissent effectivement des actes dans l’exercice de l’autorité
souveraine de l’Etat ;
4- les représentants de l’Etat agissant à ce titre.
En ce qui concerne la « transaction commerciale », la nouvelle Convention la définit comme :
- « 1. Tout contrat ou transaction de caractère commercial pour la vente de biens ou la
prestation de services ;
- 2. Tout contrat de prêt ou autre transaction de nature financière, y compris toute
obligation de garantie ou d’indemnisation en rapport avec tel prêt ou telle transaction ;
- 3. Tout autre contrat ou transaction de nature commerciale, industrielle ou portant sur
la fourniture de biens ou de services, à l’exclusion d’un contrat de travail ».
La nouvelle Convention adopte ainsi une conception large de la notion de transaction
commerciale car, d’une part, l’article 17 de l’annexe à ladite Convention énonce que
« l’expression transaction commerciale recouvre les questions d’investissement », mais
encore, il est précisé que « pour déterminer si un contrat ou une transaction est une transaction
commerciale..., il convient de tenir compte, en premier lieu, de la nature du contrat ou de la
transaction, mais il faudrait aussi prendre en considération son but, si les parties au contrat ou
à la transaction en sont ainsi convenues, ou si, dans la pratique de l’Etat du for, ce but est
pertinent pour déterminer la nature commerciale du contrat ou de la transaction »27.
En disposant qu’il faut prendre en considération la nature de la transaction, ainsi que son but,
pour déterminer si un contrat est une transaction commerciale, la nouvelle Convention prend
en compte l’évolution de la pratique des Etats en matière de « transactions commerciales », et
met fin à une divergence qui a pendant longtemps constitué un achoppement pour l’adoption
de ladite Convention.
En effet, certains Etats estimaient qu’il faut tenir compte de la seule nature du contrat ou de la
transaction, pour déterminer son caractère commercial, tandis que d’autres, et notamment, les
pays en voie de développement, soulignaient que la future Convention ne leur serait favorable
que si le but du contrat ou de la transaction était pris en compte dans la détermination du
caractère commercial de celle-ci.
En soulignant la nécessité de prendre également en compte le « but de la transaction », la
nouvelle Convention permet aux pays en développement, de bénéficier des immunités
étatiques pour certaines transactions justifiées par la raison d’Etat, « comme, par exemple,

27
Art. 2.2 de la nouvelle Convention.
l’achat de vivres pour nourrir une population, combattre la famine ou secourir une zone
menacée, ou de médicaments pour enrayer une épidémie »28.
En tout état de cause, la Convention exige que soit pris en compte, soit seulement le critère du
but, soit seulement celui de la nature, soit encore les deux, le cas échéant, selon la pratique de
l’Etat en cause, pour déterminer la nature commerciale d’une transaction.
Il apparaît que, comme mentionné plus haut, la nouvelle Convention adopte une large
conception de la notion de transaction commerciale.
Toutefois, les contrats de travail en sont exclus.
A cet égard, l’article 11 al. 1 de ladite Convention stipule clairement que l’Etat étranger ne
peut invoquer son immunité de juridiction devant une juridiction de l’Etat du for, relativement
aux actions résultant des contrats de travail conclus avec une personne privée, pour des
travaux accomplis ou devant être accomplis, en totalité ou en partie, sur le territoire dudit Etat
du for.
Le principe ainsi posé par l’article 11 al. 1 de la nouvelle Convention, est suivi à l’alinéa 2, du
même texte d’autres exceptions, tellement nombreuses qu’elles ont donné lieu à des
critiques29.
L’exclusion des contrats de travail, qui constitue une autre codification, par la nouvelle
Convention, d’une règle antérieure du droit coutumier international, se justifie par « la
nécessité, pour l’Etat étranger, de respecter les lois et règlements de l’Etat de résidence...
Parmi ces lois et règlements de l’Etat de résidence, figurent notamment, la législation sociale
et le droit du travail »30.
Comme on l’a relevé plus haut, la nouvelle Convention précise les privilèges et immunités
qu’elle n'affecte pas ; à cet égard, elle cite, en son article 3, les privilèges et immunités
diplomatiques, consulaires, ainsi que celles des personnes attachées aux missions
diplomatiques, consulaires et organisations internationales.
Le même article 3 précise en ses alinéas 2 et 3, que ladite Convention n’affecte ni les
privilèges et immunités que le droit international reconnaît aux chefs d’Etat, ni ceux reconnus
par le droit international aux aéronefs ou objets spatiaux appartenant ou exploités par un Etat.
Seule la renonciation à ces privilèges et immunités par un Etat, peut autoriser que ledit Etat
soit soumis à la juridiction d’un autre Etat et, par suite, fasse l’objet de saisie sur certains de
ses biens.
En posant en son article 3 al. 1, que les immunités qu’elle réglemente n’affectent pas les
immunités diplomatiques et consulaires, la nouvelle Convention tient compte des conventions
diplomatiques et consulaires de Vienne de 1961 et 1963, dont la jurisprudence de certains
Etats a eu à imposer le respect.
En effet, précisant la portée de la renonciation par un Etat étranger à ses immunités, la
jurisprudence, notamment française, a plusieurs fois eu à rappeler que ladite renonciation est
présumée ne pas s’appliquer aux biens et avoirs des représentations diplomatiques, lesquels

28
Gerhard HAFNER et Léonore LANGE, op. cit., p. 56 et 62.
29
Voir sixième Commission de l’Assemblée Générale, consultations informelles en application de la décision de
l’Assemblée générale 48/413, 11 novembre 1993, UN - DOC. AC. 6/48/L.4 paragraphe 62 - cité par Gerhard HAFNER et
Léonore LANGE, op. cit., p. 64.
30
Régis de GOUTTES, op. cit., p. 2.
sont protégés, en vertu du droit conventionnel, par la Convention de Vienne du 18 avril 1961
sur les relations diplomatiques31.
Dans sa deuxième partie, consacrée aux principes généraux, la nouvelle Convention réaffirme
le principe fondamental selon lequel « un Etat jouit, pour lui-même et pour ses biens, de
l’immunité de juridiction devant les tribunaux d’un autre Etat, sous réserve des dispositions
de la présente Convention »32.
S’agissant des modalités pour rendre effectif le principe ainsi posé, la nouvelle Convention
énonce qu’ « un Etat donne effet à l’immunité des Etats, en s’abstenant d’exercer sa
juridiction dans une procédure devant ses tribunaux contre un Etat et, à cette fin, veille à ce
que ses tribunaux établissent d’office, que l’immunité de cet autre Etat... est respectée »33.
Le texte précise, toutefois, qu’un Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un
tribunal d’un autre Etat, à l’égard d’une matière ou d’une affaire, s’il a expressément consenti
à l’exercice de la juridiction de ce tribunal34.
Il résulte des dispositions ci-dessus rappelées de la nouvelle Convention, qu’elle réaffirme le
principe de l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, un Etat ne pouvant,
toutefois, invoquer cette immunité devant les juridictions d’un autre Etat, s’il a expressément
renoncé à ladite immunité.
On pense ici au cas où, à l’occasion d’une transaction commerciale, les parties, à savoir l’Etat
étranger et une partie privée de nationalité différente, conviennent expressément de soumettre
à la compétence d’attribution des juridictions d’un autre Etat, le règlement des litiges relatifs à
ladite transaction.
Il est normal, en effet, qu’un Etat qui s’est ainsi expressément soumis à la juridiction d’un
autre Etat ne puisse, par la suite, être admis à invoquer son immunité de juridiction.
La règle ainsi prévue par l’article 7 de la nouvelle Convention constitue une exception au
principe général de l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, réaffirmé par
l’article 5 de ladite Convention.
D’autres exceptions audit principe général sont énumérées à la troisième partie de la nouvelle
Convention et concernent, respectivement, les transactions commerciales (art. 10), les contrats
de travail (art. 1l), les atteintes à l’intégrité physique d’une personne ou des dommages aux
biens (art. 12), la propriété, la possession et l’usage des biens (art. 13), la propriété
intellectuelle et industrielle (art. 14), la participation d’un Etat à des sociétés ou autres
groupements (art. 15), les navires dont un Etat est le propriétaire ou l’exploitant (art. 14), ainsi
que les effets d’un accord d’arbitrage (art. 17).
Il a déjà été mentionné, plus haut, qu’en vertu de la nouvelle Convention, un Etat n’est pas
admis à invoquer ses immunités de juridiction et d’exception, pour échapper à ses obligations
résultant des transactions commerciales ou d’un contrat de travail auxquels il est partie.
Quant aux exceptions qui font l’objet des articles 13 (propriété, possession et usage des
biens), 14 (propriété intellectuelle et industrielle), 15 (participation à des sociétés ou autres
groupements) et 16 (navires dont un Etat est le propriétaire ou l’exploitant), elles n’appellent
pas de commentaires particuliers, sauf à noter, d’une part, qu’elles ont toutes trait aux

31
Paris, 1ère Ch. A, 10 août 2000, Ambassade de la Fédération de Russie en France c/ Compagnie NOGA ; Rev. Arb. 2002,
p. 114, note Philippe LEBOULANGER ; adde Paris, 1ère Ch. A, 26 septembre 2001, République du Cameroun et
Ambassade du Cameroun à Paris c/ Winslow Bank, Rev. Camerounaise Arb., n° 18, juillet-août-septembre 2002, note
Gaston KENFACK-DOUAJNI.
32
Article 5 de la nouvelle Convention.
33
Article 6.1 de la nouvelle Convention.
34
Article 7.1 de la nouvelle Convention.
activités ou transactions commerciales, et à en déduire, d’autre part, que d’après la nouvelle
Convention, les immunités étatiques s’effacent, sauf convention contraire, en présence des
activités ou transactions commerciales entreprises par l’Etat.
Il s’agit, à ce niveau, de la codification de la restriction des immunités étatiques fondée sur la
distinction entre actes de service public et actes de gestion accomplis par l’Etat, distinction
antérieurement élaborée par la jurisprudence de certains pays développés, puis consacrée par
la législation des pays que sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, le Canada ou
encore, l’Afrique du Sud35.
L’exception prévue par l’article 12 de la nouvelle Convention, qui est relative aux atteintes à
l’intégrité physique d’une personne ou des dommages aux biens, est intéressante, d’autant
qu’elle révèle le souci de ladite Convention de protéger les droits de l’homme au plan
universel.
En effet, cet article 12 stipule qu’ « à moins que les Etats concernés n’en conviennent
autrement, un Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre
Etat, compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant à une action en réparation
pécuniaire, en cas de décès ou d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne, ou en cas de
dommage ou de perte d’un bien corporel, dus à un acte ou à une omission prétendument
attribuables à l’Etat, si cet acte ou cette omission se sont produits, en totalité ou en partie, sur
le territoire de cet autre Etat et si l’auteur de l’acte ou de l’omission était présent sur ce
territoire au moment de l’acte ou de l’omission ».
Une lecture serrée de cette exception au principe des immunités étatiques permet de
comprendre qu’elle vise à dissuader les Etats à entreprendre des actions qui porteraient
atteinte non seulement aux biens corporels, mais aussi aux droits de l’homme telles, par
exemple, que des assassinats ou autres agressions physiques commises, pour des raisons
politiques, par les agents d’un Etat donné, totalement ou partiellement, sur le territoire d’un
autre Etat.
En effet, les victimes de telles actions auront désormais la possibilité d’introduire une action
en réparation pécuniaire contre l’Etat dont les agents sont réputés être les auteurs desdites
actions, sans que, grâce à l’article 12 suscité, l’Etat en cause ne puisse invoquer devant les
juridictions de l’Etat du for, son immunité de juridiction.
Cette exception, qui marque un pas supplémentaire de l’humanité en direction de la protection
des droits de l’homme, ne devrait pas décourager les Etats à signer la nouvelle Convention ou
à y adhérer, car il y a lieu de garder présent à l’esprit, qu’un Etat ne perd pas un procès
simplement parce qu’il ne peut faire jouer son immunité de juridiction ; il faut encore que le
demandeur à l’action puisse établir le bien-fondé de ses allégations contre l’Etat mis en cause.
Autrement dit, les Etats ne seront pas systématiquement condamnés par les juridictions
d’autres Etats, du simple fait que des personnes s’estimant victimes des agissements
répréhensibles de leurs agents les poursuivent. Il faudrait encore que les auteurs des
poursuites prouvent le bien-fondé des griefs qu’ils formulent contre les Etats en cause.
Quoi qu’il en soit, la dernière exception au principe de l’immunité étatique mentionnée par la
nouvelle Convention est prévue à l’article 17 de ladite Convention, intitulé « effet d’un accord
d’arbitrage ».
Ce texte stipule que « si un Etat conclut par écrit un accord avec une personne physique ou
morale étrangère, afin de soumettre à l’arbitrage des contestations relatives à une transaction

35
Voir notes 23 et 24 supra.
commerciale, cet Etat ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un
autre Etat, compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant :
a) à la validité, à l’interprétation ou à l’application de l’accord d’arbitrage ;
b) à la procédure d’arbitrage ; ou
c) à la confirmation ou au rejet de la sentence arbitrale, à moins que l’accord d’arbitrage
n’en dispose autrement ».
Cette disposition de la nouvelle Convention consacre également une règle antérieurement
admise en droit international, et selon laquelle un Etat qui souscrit à une convention
d’arbitrage, a implicitement renoncé à son immunité de juridiction36.
Cela étant, la question est de savoir si la nouvelle Convention admet, comme c’était le cas
avant son adoption, que la renonciation par un Etat à son immunité de juridiction emporte,
sauf convention contraire, renonciation à son immunité d’exécution.
Une réponse positive à cette question est fournie par la quatrième partie de la nouvelle
Convention, intitulée « Immunités des Etats à l’égard des mesures de contrainte en relation
avec une procédure devant un tribunal ».
En effet, après avoir implicitement, mais indiscutablement, réaffirmé le principe général de
l’immunité d’exécution des Etats dans ses articles 18 et 19, la nouvelle Convention admet des
exceptions à ladite règle, d’une part, en subordonnant ces exceptions au consentement exprès
de l’Etat en cause et, d’autre part, en distinguant entre mesures de contrainte antérieures et
mesures de contrainte postérieures au jugement ordonnant ladite contrainte37.
La distinction ainsi relevée signifie simplement que l’Etat a la faculté de renoncer à son
immunité d’exécution, tant en ce qui concerne les mesures conservatoires ou provisoires
(article 18), qu’en ce qui concerne les mesures d’exécution (articles 19)38.
Quoi qu’il en soit, bien que l’article 20 de la nouvelle Convention stipule que « ... le
consentement à l’exercice de la juridiction... n’implique pas qu’il y ait consentement à
l’adoption de mesures de contrainte », il n’est pas discutable que cette Convention admet des
exceptions à l’immunité d’exécution des Etats.
Pour autant, tous les biens d’un Etat ayant consenti à ce qu’il lui soit appliqué des mesures de
contrainte, ne sont pas saisissables.
A cet égard, l’article 21 de la Convention énumère les biens qui, malgré l’immunité
d’exécution consentie par un Etat, ne peuvent faire l’objet d’aucune saisie ou mesure de
contrainte. Sont ainsi cités :
« a) des biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans
l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’Etat ou de ses postes consulaires, de
ses missions spéciales auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les
organisations internationales ou aux conférences internationales ;
b) les biens à caractère militaire ou les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans
l’exercice des fonctions militaires ;
c) les biens de la Banque Centrale ou d’une autre autorité monétaire de l’Etat ;

36
Dominique CARREAU, op. cit., p. 363, n° 927.
37
L’article 18 régit les mesures de contrainte antérieures au jugement, tandis que l’article 19 vise les mesures de contrainte
postérieures au jugement.
38
Philippe LEBOULANGER, in « Présentation de la Convention des Nations Unies du 17 janvier 2005 », Rev. Arb. n° 3,
p. 805. L’article sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens mentionne la « saisie-exécution » ; il
convient de préciser que dans les pays de droit d’origine romano-germanique, la saisie-exécution se dénomme désormais
« saisie-attribution ».
d) les biens faisant partie du patrimoine culturel de l’Etat ou de ses archives, qui ne sont
pas admis ou destinés à être mis en vente ;
e) les biens faisant partie d’une exposition d’objets d’intérêt scientifique, culturel ou
historique, qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente. »
La nouvelle Convention précise que les biens ainsi énumérés ne pourraient être saisis que si
l’Etat débiteur, qui a renoncé à son immunité d’exécution, a aussi expressément autorisé leur
saisie39. On rappellera, à cet égard, que la jurisprudence de certains Etats a eu à préciser la
portée de la renonciation, par les Etats, à leurs immunités et a exclu toute possibilité de saisir
les biens ci-dessus énumérés.
En tout état de cause, si l’on ne perd pas de vue qu’antérieurement à cette nouvelle
Convention, le droit coutumier international, tout en admettant la restriction de l’immunité
d’exécution des Etats, excluait la possibilité de saisir les biens affectés par lesdits Etats à leurs
activités de service public40, l’on ne peut que constater qu’en excluant des saisies certains
biens des Etats qui ont consenti à faire l’objet des mesures de contrainte, ladite Convention
codifie encore une règle antérieure du droit coutumier international.
On notera avec intérêt que cette Convention fait preuve de prudence, en omettant de prendre
clairement position sur la possibilité d’appliquer des mesures de contrainte à l’encontre d’un
Etat, à travers la saisie de ses émanations.
A cet égard, l’annexe à la Convention, qui fournit des précisions relativement à
l’interprétation à donner à certains de ses articles, énonce que « ... l’article 19 (qui fixe les
conditions de restriction de l’immunité d’exécution des Etats)41 ne préjuge ni les questions
liées à une situation dans laquelle une entité d’Etat a délibérément déguisé sa situation
financière ou réduit, après coup, ses actifs, pour éviter de satisfaire à une demande, ni d’autres
questions connexes ».
La notion d’entité d’Etat à laquelle il est ici fait référence, renvoie aux émanations des Etats
et, compte tenu de la délicatesse des questions que soulèvent les mesures de contrainte
pratiquées sur les Etats à travers la saisie de leurs émanations42, la prudence observée par la
nouvelle Convention mérite d’être approuvée, d’autant qu’elle a contribué (cette prudence) à
permettre que ladite Convention consacre des solutions généralement acceptables par tous43.
Ainsi présentée, la nouvelle Convention apparaît comme étant un instrument qui aura
certainement des influences positives sur le développement des relations économiques
internationales. De ce fait, elle ne manquera pas d’influencer les rapports des pays membres
de l’OHADA avec le reste de la communauté internationale.

39
Article 21 al. 1 de la nouvelle Convention.
40
Voir note 14, supra ; adde Gaston KENFACK DOUAJNI, « L’arbitrage dans le système OHADA », Thèse, Paris I,
29 mars 2005. p. 105 et s. ; du même auteur, « Propos sur l’immunité d’exécution et les émanations des Etats », in Rev.
Camerounaise Arb. n° 30, édition juillet-août-septembre 2005, p. 4.
41
C’est nous qui précisons.
42
Sur la notion d’émanation des Etats, voir P. LAGARDE, « Une notion ambivalente : l’émanation de l’Etat nationalisant »,
in Etudes Colliard, 1984, p. 539 et s. ; adde Gaston KENFACK DOUAJNI, « Propos sur l’immunité d’exécution et les
émanations des Etats », cité à la note 40, supra.
43
Gerhard HAFNER et Léonore LANGE, op. cit., p. 71.
II.- L’INFLUENCE DE LA NOUVELLE CONVENTION SUR LE DROIT OHADA
Bien que comportant des dispositions sur la base desquelles les juridictions des Etats
membres de l’OHADA44 peuvent restreindre les immunités étatiques, le droit OHADA donne
généralement lieu à une application rigide desdites immunités (A).
Il est pourtant nécessaire de restreindre ces immunités (B), afin de sécuriser les activités
économiques dans l’espace OHADA.

A) L’application jurisprudentielle des immunités étatiques dans l’espace OHADA45


Les bénéficiaires des immunités étatiques dans l’espace OHADA sont les Etats et leurs
démembrements.
En effet, les différents Actes uniformes actuellement en vigueur visent l’Etat ou une personne
morale de droit public46, les personnes morales de droit public ou les entreprises publiques,
quelles qu’en soient la forme et les missions47, les Etats et les autres collectivités publiques
territoriales, ainsi que les établissements publics48.
Plus que l’immunité de juridiction, c’est surtout l’immunité d’exécution qui est souvent en
cause, à l’occasion des litiges impliquant davantage les sociétés d’Etat que les Etats OHADA
eux-mêmes.
A cet égard, les juridictions étatiques de l’espace OHADA se sont généralement montrées
hostiles à une application restrictive de l’immunité d’exécution des personnes morales de
droit public, préférant appliquer ladite immunité dans l’absolu.
Ainsi, dans une affaire où la Société de Fournitures Industrielles du Cameroun (SFIC), société
de droit camerounais ayant son siège social à Douala, avait fait pratiquer une saisie-attribution
sur les comptes de l’Office National des Ports du Cameroun (ONPC), société publique
camerounaise ayant son siège à Douala, pour avoir paiement de la somme de un milliard six
cent seize millions neuf cent trente-huit mille cinq cent trente-six (1.616.938.536) francs
CFA, la société débitrice (ONPC), obtint mainlevée de ladite saisie, grâce à l’ordonnance
n° 339 du 3 novembre 199849.
Motivant ladite ordonnance, le juge des requêtes de Douala s’appuyait, d’une part, sur une
jurisprudence française aujourd’hui dépassée, qui appliquait encore dans l’absolu, l’immunité
d’exécution des personnes morales de droit public50 et, d’autre part, sur l’article 30 de l’Acte
uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution (ci-après article 30 AUVE).

44
Pour mémoire, on rappellera que les pays membres de l’OHADA sont les suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun,
Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Guinée Equatoriale, Mali, Niger,
Sénégal, Tchad et Togo.
45
Pour une étude plus élaborée, voir Gaston KENFACK DOUAJNI, in « L’exécution forcée contre les personnes morales de
droit public dans l’espace OHADA », Rev. Camerounaise Arb. n° 18, éd. juillet-août-septembre 2002, p. 3 et s.
46
Voir article 1 de l’Acte uniforme portant droit commercial général et article 1 de l’Acte uniforme relatif au droit des
sociétés commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique.
47
Voir article 30 al. 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution.
48
Article 2 al. 4 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
49
Cette décision a été publiée dans la Rev. Camerounaise Arb. n° 18, éd. juillet-août-septembre 2002. p. 14.
50
Il s’agit de l’arrêt suivant, rendu par la Cour de Cassation française : Com. 9 juillet 1951, SNED ; D. 1952, 141, note C.
BLAEVOET.
Il résulte, en effet, du texte suscité, que « l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne
sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution.
Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou
des entreprises publiques, quelles qu’en soient la forme et la mission, donnent lieu à
compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera
tenu envers elles, sous réserve de réciprocité.
Les dettes des personnes et entreprises visées à l’alinéa précédent, ne peuvent être considérées
comme certaines au sens du présent article, que si elles résultent d’une reconnaissance par
elles, de ces dettes ou d’un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l’Etat où se
situent lesdites personnes et entreprises. »
Ainsi, après avoir posé le principe de l’immunité d’exécution de l’Etat et des autres personnes
morales de droit public, cet article 30 AUVE prévoit la compensation comme élément
susceptible de tempérer ledit principe. Toutefois, les conditions de mise en œuvre de cette
compensation spéciale rendent celle-ci si illusoire, qu’on a dit dudit texte, à juste titre, que son
application dans l’absolu ne peut permettre de sécuriser les activités économiques dans
l’espace OHADA, alors que le droit OHADA, dans son ensemble, a pour objet, précisément,
d’assurer cette sécurisation51.
C’est pourtant ce même article 30 AUVE qui a été appliqué par le juge camerounais, dans une
autre affaire impliquant une personne morale de droit public et postérieure à celle exposée
plus haut.
En effet, dans un litige opposant l’Université de Dschang et un de ses employés, ce dernier
avait pratiqué une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la première citée, pour avoir
paiement de la somme de deux millions deux cent quatre-vingt-neuf mille (2.289.000) francs
CFA.
Suivant l’Université de Dschang dans son argumentaire, qui opposait son immunité
d’exécution sur la base de l’article 30 AUVE, le juge des référés de Dschang, par ordonnance
n° 12/ORD du 11 septembre 200052, annula la saisie-attribution sus-évoquée.
Bien que conforme à la lettre de l’article 30 AUVE cité plus haut, l’ordonnance de référé du
11 septembre 2000 suscite des interrogations, au regard de l’article 48 du décret camerounais
n° 93/032 fixant le régime financier applicable aux Universités, car ce texte, dont
l’application fut vainement demandée par le créancier de l’Université de Dschang, dispose
que « toutes saisies-arrêts ou opposition sur les sommes dues par l’Université... doivent être
faites entre les mains de l’agent comptable ».
Les lois spéciales dérogeant aux lois générales (specialia derogant generalibus), on se serait
attendu à ce que le juge des référés saisi, applique l’article 48 suscité, texte spécial fixant le
régime financier des Universités camerounaises, au détriment de l’article 30 AUVE, qui pose
le principe général de l’immunité d’exécution des personnes morales de droit public.
En tout état de cause, le juge nigérien s’est, lui aussi, montré hostile à appliquer cet article 30
AUVE avec la restriction souhaitable dans la mise en œuvre d’un corpus de textes juridiques
conçu pour sécuriser les activités économiques, à l’occasion d’une affaire où le créancier
d’une société étatique nigérienne dénommée IRAN, avait pratiqué une saisie-attribution sur
les comptes bancaires de cette dernière.

51
Coffi Alexis AQUEREBURU, « L’Etat justiciable de droit commun dans le Traité de l’OHADA », in Revue Penant,
n° 832, janvier à avril 2000, p. 48 et s.
52
L’ordonnance de référé n° 12/ORD a été publiée dans la Rev. Camerounaise Arb. n° 18, éd. juillet-août-septembre 2002,
p. 13.
Suite à l’appel de la société IRAN, qui demandait l’application de l’article 16 de l’ordonnance
nigérienne n° 86-001 du 10 janvier 1986, texte lui conférant le bénéfice de l’immunité
d’exécution, ainsi que celle de l’article 30 AUVE, la Cour d’Appel de Niamey, par arrêt
n° 105 du 13 juin 200153, confirma l’ordonnance par laquelle le juge d’instance, par
application de l’article 30 suscité, avait ordonné la mainlevée de la saisie pratiquée sur la
société IRAN.
Le juge togolais, quant à lui, appliquerait certainement l’article 30 AUVE avec la même
rigueur que ses collègues camerounais et nigériens, malgré la loi togolaise n° 90-26 du
4 décembre 1990 qui a, dit-on, mis fin à l’immunité d’exécution des entreprises publiques au
Togo, « par souci d’améliorer les performances des entreprises publiques et de mettre en place
un environnement juridique plus adapté, permettant aux dites entreprises de mieux exprimer
leurs potentialités... »54.
On rappellera que dans chacune des trois affaires rapportées plus haut, ce sont des personnes
morales de droit public et sociétés publiques camerounaises (Université de Dschang, Office
National des Ports du Cameroun) et une société publique nigérienne (IRAN) qui étaient en
cause.
Il n’est pas douteux que les juges sollicités dans lesdites affaires auraient appliqué avec la
même rigueur l’article 30 AUVE, si l’Etat camerounais ou nigérien avait été impliqué dans
ces affaires.
Ce qui fait problème, c’est moins le principe de l’application de cet article 30 AUVE que la
manière dont les juges de l’espace OHADA l’appliquent.
En effet, si, comme le révèle le préambule du Traité instituant l’OHADA, l’on veut
réellement garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l’essor de
celles-ci et d’encourager l’investissement dans l’espace OHADA, il conviendrait que le droit
OHADA soit appliqué « avec diligence », comme le prescrit également le même préambule
du Traité OHADA.
L’une des manières d’appliquer le droit OHADA avec diligence consisterait, certainement,
dans la restriction de l’immunité d’exécution instituée par l’article 30 AUVE et de l’immunité
de juridiction des personnes morales de droit public.

B) Nécessité de restreindre les immunités étatiques dans l’espace OHADA


On a déjà mentionné qu’en droit comparé, le juge étatique, après avoir régulièrement appliqué
dans l’absolu les immunités étatiques, a évolué vers une application restrictive desdites
immunités, en se fondant sur la distinction entre acte de service public et acte de gestion,
lorsque l’Etat étranger n’avait pas, expressément ou implicitement, renoncé aux dites
immunités55.
Le juge étatique de l’espace OHADA devrait s’inspirer de la distinction ainsi consacrée en
droit comparé, pour appliquer le droit OHADA dans son ensemble, mais surtout, l’article 30
AUVE, dans un sens compatible avec l’objectif de promotion et de protection des activités
économiques poursuivi par l’OHADA.

53
Arrêt inédit, mais cité par Anne-Marie ASSI-ESSO, sous le commentaire de l’article 30 de l’Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, in « OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés », Juriscope 2002, p. 715.
54
Coffi Alexis AQUEREBURU, « L’Etat justiciable de droit commun dans le Traité de l’OHADA », op. cit., p. 53.
55
Voir note 13, supra.
Il convient de relever, à cet égard, que des dispositions du droit OHADA permettent au juge
étatique de l’espace OHADA, de procéder à une application restrictive des immunités
étatiques.
En effet, outre le préambule du Traité OHADA qui, comme rappelé plus haut, prescrit que le
droit OHADA « soit appliqué avec diligence, dans les conditions propres à garantir la sécurité
juridique des activités économiques, afin de favoriser l’essor de celles-ci et d’encourager
l’investissement », l’article 2 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage habilite les Etats
parties à l’OHADA et les autres personnes morales de droit public de l’espace OHADA, à
souscrire à des clauses d’arbitrage en droit interne56.
Ce faisant, ledit texte autorise les Etats et autres personnes morales de droit public de l’espace
OHADA, à renoncer à leur immunité de juridiction.
Or, étant donné, d’une part, que la souscription, par une personne morale de droit public, à
une convention d’arbitrage vaut renonciation à son immunité de juridiction et, d’autre part,
qu’il est de règle en droit international, que la renonciation à l’immunité de juridiction
emporte, sauf convention contraire, renonciation à l’immunité d’exécution57, le juge étatique
de l’espace OHADA, devant lequel un Etat partie à l’OHADA ou une société publique
invoque l’article 30 AUVE pour échapper à ses obligations pécuniaires résultant d’une
sentence arbitrale, doit pouvoir restreindre l’immunité d’exécution de la personne morale de
droit public en cause.
Il doit en être ainsi, notamment lorsque la sentence arbitrale dont l’exécution forcée est
poursuivie, a été rendue sur le fondement d’une convention d’arbitrage liant la personne
morale de droit public, en cause dans les conditions prévues par l’article 2 alinéa 2 de l’Acte
uniforme relatif au droit de l’arbitrage mentionné plus haut.
On mentionnera, à cet égard, que la gestion, par le juge étatique camerounais, de la phase
post-arbitrale d’un litige opposant une société d’Etat camerounaise, la Société Nationale de
Raffinage (SONARA), à une société privée de droit camerounais, permet d’espérer une
meilleure application progressive du droit des immunités étatiques dans l’espace OHADA.
En effet, dans l’affaire sus évoquée, la société de droit camerounais African Petroleum
Consultants (APC) avait obtenu contre la SONARA, une sentence arbitrale rendue à Londres
(Grande-Bretagne) le 17 avril 2002 et condamnant celle-ci à lui payer la somme de 2.724.800
dollars américains.
En vue de l’exécution forcée de ladite sentence, la société APC saisit le Président du Tribunal
de Grande Instance de Buea (ville située dans l’une des provinces anglophones du Cameroun)
d’une demande d’exequatur, sur le fondement de la Convention de New York du 10 juin
1958, pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères.
S’appuyant tant sur la Convention suscitée que sur l’article 11 de la loi n° 2002/004 du
19 avril 2002 portant charte des investissements en République du Cameroun58, modifiée par
la loi n° 2004/020 de juillet 2004, ainsi que sur les articles 30, 31, et 34 de l’Acte uniforme
relatif à l’arbitrage, qui réglementent les conditions d’octroi de l’exequatur aux sentences
arbitrales dans l’espace OHADA, le Président du Tribunal de Grande Instance de Buea

56
L’article 2 alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage dispose que « ... les Etats et les autres collectivités publiques
territoriales ainsi que les établissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur
propre droit pour contester l’arbitrabilité d’un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention
d’arbitrage ».
57
Voir notes 16 et 17, supra.
58
Cet article 11 rappelle que le Cameroun est partie à la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et
l’exécution de sentences arbitrales étrangères.
accorda l’exequatur à la sentence arbitrale du 17 avril 2002, par ordonnance n° HFC/91/2001-
2002 du 15 mai 200259.
Sur la base de la sentence arbitrale du 17 avril 2002 et de l’ordonnance d’exequatur du 15 mai
2002, la société APC procéda, les 29 et 30 mai 2002, à une saisie-attribution des créances de
la SONARA sur la société Shell Cameroon SA (tiers saisi), à concurrence de la somme de
deux milliards soixante-quatorze millions six cent cinquante-trois mille trois cent quarante
(2.074.653.340) FCFA.
A nouveau sollicité par la société APC, qui n’arrivait pas à entrer en possession des sommes
ainsi saisies, malgré le fait que la SONARA n’éleva aucune contestation contre ladite saisie
dans le délai légal prévu à cet effet, le Tribunal de Grande Instance de Buea, par décision
n° HCF/141/OM/200l-2002 du 13 août 200260, ordonna à la société Shell Cameroun SA de
reverser les causes de la saisie à la société APC.
Même si cette décision du Tribunal de Grande Instance de Buea n’a pas été suivie d’effet à ce
jour61, il y a lieu de souligner, pour s’en féliciter, la volonté ainsi manifestée par une
juridiction étatique de l’espace OHADA, d’ouvrir la voie à la restriction de l’immunité
d’exécution d’une personne morale de droit public, en s’appuyant sur le droit OHADA.
Avant l’affaire ci-dessus exposée, un juge étatique congolais avait déjà fait preuve d’audace
positive en rendant une ordonnance de reconnaissance, en République du Congo, d’une
sentence arbitrale CCI condamnant l’Etat congolais à payer diverses sommes d’argent à une
société étrangère dénommée COMMISIMPEX.
En effet, ayant entre 1983 et 1988, exécuté un certain nombre de marchés pour le compte de
différentes sociétés nationales congolaises et n’ayant reçu aucun paiement à cet effet, la
COMMISIMPEX signa en 1991, avec la Caisse Congolaise d’Amortissement, puis en 1992
avec le Ministère des Finances du Congo, un protocole d’accord échelonnant sur dix ans, le
paiement de la somme de vingt-deux milliards de francs CFA, représentant une partie de la
créance de cette société.
Ne parvenant toujours pas à se faire payer malgré le protocole d’accord sus-évoqué, la
COMMISIMPEX mit en œuvre la clause d’arbitrage CCI y contenue.
Par une sentence arbitrale CCI datée du 3 décembre 2000, la République du Congo et la
Caisse Congolaise d’Amortissement furent condamnées à payer diverses sommes d’argent à
la COMMISIMPEX.
Munie de cette sentence arbitrale, la COMMISIMPEX saisit, en date du 3 septembre 2001, le
Président du Tribunal de Commerce de Brazzaville, d’une requête tendant à fixer le montant
total de sa créance sur la Caisse Congolaise d’Amortissement et sur la République du Congo.

59
Cette ordonnance a été publiée dans la Rev. Camerounaise Arb. n° 18, éd. juillet-août-septembre 2002, p. 19. Il convient
de préciser que cette ordonnance d’exequatur avait été rendue par le Président d’un Tribunal de Grande Instance, à un
moment où le juge matériellement compétent à cet effet dans les provinces anglophones du Cameroun, n’était pas encore
clairement déterminé. Depuis la loi n° 2003 /009 du 10 juillet 2003 portant désignation des juridictions compétentes visées
à l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et fixant leur mode de saisine, le juge de l’exequatur, sur l’ensemble du
territoire camerounais, est le Président du Tribunal de Première Instance où l’exécution de la sentence est envisagée ou, le
cas échéant, celui du domicile du défendeur (art. 4 al. 2 de la loi n° 2003/009).
60
Décision inédite.
61
Estimant que les Procureurs Généraux près les Cours d’Appel de Buea et de Douala ont, en leur qualité de représentants
de l’Etat du Cameroun auprès des juridictions sus évoquées, fait obstacle à l’exécution de la décision
n° HCF/141/OM/2001-2002 du 13 août 2002 du Tribunal de Grande Instance de Buea, la Société APC a, par le canal de
son Conseil, introduit un recours, actuellement pendant, contre le Cameroun, auprès de la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage de l’OHADA à Abidjan.
Le juge de Brazzaville fit droit à la demande de la société COMMISIMPEX, par une
ordonnance du 9 novembre 200162 dont des extraits méritent d’être cités.
On peut, en effet, lire dans cette décision, que « le tribunal doit tenir compte de la
condamnation prononcée par les arbitres de la Chambre de Commerce Internationale (CCI)63,
le 3 décembre 2000. Cette condamnation est aujourd’hui définitive et a force de loi. Elle
oblige la République du Congo et la Caisse Congolaise d’Amortissement, solidairement ;
celles-ci ont épuisé contre cette sentence, les voies de recours ordinaires et extraordinaires...
Le tribunal relève, par ailleurs, que la République du Congo et la Caisse Congolaise
d’Amortissement ont renoncé à leurs immunités de juridiction et d’exécution… ».
Il est remarquable qu’un juge étatique de l’espace OHADA reconnaisse ainsi et rende
exécutoire dans un Etat dudit espace, une sentence arbitrale intervenue contre l’Etat en
question.
Bien que l’Etat congolais et la Caisse Congolaise d’Amortissement aient, comme précisé dans
la décision rapportée, renoncé à leurs immunités de juridiction et d’exécution, ouvrant ainsi la
possibilité de restreindre lesdites immunités, il faut saluer l’audace du juge africain officiant
ainsi dans son propre pays, car les juridictions africaines sont réputées résister à reconnaître
ou à faire exécuter dans leurs pays, des sentences arbitrales rendues contre les Etats africains,
parce qu’ils seraient sous influence des pressions politiques de leurs gouvernements
respectifs, qui leur enjoindraient de refuser la reconnaissance et l’exécution des sentences
arbitrales les condamnant64.
Quoi qu’il en soit, les juges camerounais et congolais ont, dans les deux affaires ci-dessus
rapportées, rendu des décisions qui vont à l’encontre de la réputation de défaut
d’indépendance dont ils sont affublés, même si l’on est enclin à affirmer que ces décisions
traduisent une audace inhabituelle chez les juges africains.
On peut en déduire que des sentences arbitrales condamnant l’Etat ou toute autre personne
morale de droit public sont reconnues par le juge étatique de l’espace OHADA sollicité à cet
effet, ledit juge procédant, ce faisant, à la restriction des immunités étatiques.
Au cas où le titre dont l’exécution forcée contre l’Etat ou tout autre organisme étatique est
poursuivie ne serait pas une sentence arbitrale65, le juge étatique OHADA sollicité devra
vérifier si son ordre juridique comporte un texte spécial, à l’exemple de la loi togolaise n° 90-
26 du 4 décembre 1990, dont on a dit qu’elle a mis fin à l’immunité d’exécution des
entreprises publiques au Togo66, ou du décret camerounais n° 93/032 du 19 mai 1993 fixant le
régime applicable aux universités, qui autorise l’application des mesures de contrainte aux
Universités camerounaises67.

62
Décision inédite.
63
C’est nous qui précisons.
64
A. AGYENIANG, «African Courts», p. 38 et 43 - A. ASOUZOU, «African States in International Arbitration», p. 28 à 33,
cités par Maurille OKILASSALI, in « La participation des Etats africains à l’arbitrage du CIRDI », Rev. Camerounaise
Arb., éd. avril-mai-juin 2001, p. 19.
65
Aux termes de l’article 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution, « Constituent des titres exécutoires :
1) les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ;
2) les actes et décisions juridictionnelles étrangères ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une
décision juridictionnelle, non susceptibles de recours suspensif d’exécution, de l’Etat dans lequel ce titre est invoqué ;
3) les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
5) les décisions auxquelles la loi nationale de chaque Etat partie attache les effets d’une décision judiciaire ».
66
Voir note 47, supra.
67
L’article 48 dudit décret dispose que « toutes saisies-arrêts ou opposition sur les sommes dues par l’Université... doivent
être faites entre les mains de l’agent comptable ».
En présence de tels textes spéciaux, le juge sus-indiqué devra restreindre l’immunité
d’exécution de la personne morale en cause, sur la base de la règle specialia generalibus
derogant (les lois spéciales dérogent aux lois générales), car « un texte qui vise un cas
particulier doit être considéré comme une dérogation à une règle générale »68, comme l’est le
principe général de l’immunité d’exécution posé par l’article 30 AUVE.
Même en l’absence d’un texte spécial comme ci-dessus spécifié, le juge étatique OHADA a
toujours la possibilité de restreindre l’immunité d’exécution des personnes morales de droit
public et, donc, d’apporter une dérogation au principe posé par l’article 30 AUVE, en se
fondant sur la distinction entre acte de service public et acte de gestion de la personne morale
en cause.
En effet, et comme on l’a déjà mentionné69, dans une telle éventualité, lorsque le bien à saisir
ou saisi, et appartenant à ladite personne morale, a été affecté à son activité économique ou
commerciale ou, plus généralement, si ladite personne morale s’est investie dans une activité
relevant du droit privé, son immunité d’exécution devra être restreinte.
En restreignant ainsi l’immunité d’exécution des personnes morales de droit public qui
s’investissent dans les activités économiques, le juge étatique de l’espace OHADA
contribuerait à accroître et à sécuriser lesdites activités, car les opérateurs économiques
privés, nationaux et internationaux, se verraient davantage encouragés à nouer des
transactions commerciales avec les intéressés, pour un meilleur développement des pays de
l’espace OHADA.
Toutefois, il serait irréaliste, voire naïf, de croire que le juge étatique OHADA abandonnera
facilement l’application dans l’absolu, de l’immunité d’exécution des personnes morales de
droit public, s’il n’y est pas aidé par le pouvoir exécutif.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire70, l’aide du pouvoir exécutif pourrait
consister en une circulaire des ministres en charge de la Justice, prescrivant aux magistrats
des parquets, de requérir que les juridictions auprès desquelles ils sont en poste appliquent les
immunités étatiques dans un sens compatible avec l’objectif de sécurisation et de
développement des activités économiques poursuivi par l’OHADA.
L’aide du pouvoir exécutif pourrait aussi, et doit même, nécessairement, se traduire par une
modification, par le Conseil des Ministres de l’OHADA71, de l’article 30 AUVE.
En effet, tout en maintenant le principe général de l’immunité d’exécution des personnes
morales de droit public institué par ce texte, la modification suggérée doit, à l’image de la
nouvelle Convention, prévoir des exceptions audit principe.
C’est le lieu de formuler le souhait que les Etats parties à l’OHADA figurent parmi les trente
premiers Etats qui doivent apposer leur signature au bas de ladite Convention, pour qu’elle
entre en vigueur72.
On rappellera, à cet égard, qu’adoptée par l’Assemblé plénière des Nations Unies le
2 décembre 2004, cette Convention a été ouverte à la signature de tous les Etats à partir du
17 janvier 2005, et le sera jusqu'au 17 janvier 200773, puis entrera en vigueur le trentième jour

68
François de FONTETTE, Vocabulaire juridique, Collection Que sais-je ?, PUF, sixième édition, p. 118.
69
Voir note 13, supra.
70
Gaston Kenfack Douajni, « Suggestions pour accroître l’efficacité de l’OHADA », in Rev. Camerounaise Arb., éd.
janvier-février-mars 2004, p. 9.
71
Le Conseil des Ministres de l’OHADA, composé des ministres en charge de la Justice et de ceux en charge des Finances
des Etats parties à l’OHADA, est l’organe normatif de ladite Organisation.
72
Article 30.1 de la nouvelle Convention.
73
Article 33 de la nouvelle Convention.
suivant la date de dépôt du trentième instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation
ou d’adhésion auprès du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies74.
A défaut d’être parmi les trente premiers Etats signataires de la nouvelle Convention, les Etats
parties à l’OHADA veilleront au moins à y adhérer, car celle-ci restera ouverte à l’adhésion
de tout Etat75.
En vue de se positionner pour accroître les investissements au plan national et capter une
partie importante du flux des investissements directs étrangers, il semble particulièrement
indiqué que les Etats parties à l’OHADA, qui ont signé un traité dont l’objectif est de
promouvoir leur développement à travers la sécurisation juridique et judiciaire des activités
économiques sur le territoire desdits Etats, soient parties à la nouvelle Convention, dont on a
déjà affirmé que son adoption a été rendue nécessaire par le souci d’encourager les échanges
commerciaux internationaux76.
C’est dire que le Traité OHADA et la nouvelle Convention ayant pratiquement le même
objectif de promotion et sécurisation des activités économiques, les Etats parties à l’OHADA
devraient se sentir à l’aise pour soit signer ladite Convention, soit y adhérer.
En devenant parties à cette nouvelle Convention, les Etats membres de l’OHADA auront
implicitement, mais nécessairement, apporté une exception au principe général de l’immunité
d’exécution des personnes morales de droit public, institué dans l’espace OHADA par
l’article 30 AUVE car, en raison de la supériorité du droit international sur le droit interne77,
les dispositions de cette nouvelle Convention relatives aux exceptions des immunités de
juridiction78 et d’exécution79 des Etats, seront applicables dans l’espace OHADA et donneront
lieu à une mise en conformité du droit OHADA avec ladite Convention.
La mise en conformité sus-évoquée se traduira indiscutablement par une modification
effective de l’article 30 AUVE.
A l’image de l’adhésion à la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance
et l’exécution des sentences arbitrales étrangères, l’adhésion à la nouvelle Convention,
lorsqu’elle sera en vigueur, constituera à coup sûr, l’un des critères sur lesquels s’appuieront
les opérateurs du commerce international, pour déterminer s’ils doivent ou non, conclure des
transactions commerciales avec tel ou tel Etat étranger.
Dans ces conditions, il serait dommage que les Etats parties à l’OHADA, qui se sont dotés
d’un corpus de règles juridiques inspirées de la pratique internationale des affaires, en vue
précisément d’attirer les investissements dans l’espace OHADA, se privent de flux importants
d’investissement, en s’abstenant d’adhérer à la nouvelle Convention, à défaut d’en être
signataires.

74
Voir note 72, supra.
75
Article 29.2 de la nouvelle Convention.
76
Voir Communiqué de presse de l’Assemblée Générale des Nations Unies, AG/J/401 du 13 octobre 2003, sixième
Commission, 13e séance - matin.
77
Pierre-Marie Martin, « Droit international public », Masson, Paris-Milan-Barcelone 1995, n° 324 et 325, p. 174 et 175.
78
Articles 10 à 17 de la nouvelle Convention.
79
Articles 18 et 19 de la nouvelle Convention.

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