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EXEQUATUR EN MATIERE D'OHADA

Le texte suivant est extrait de la thèse de Maître Vincent TOHOZIN du Bénin.


Pour consulter l'intégralité de la thèse, écrivez à info@cifaf.org.

INTRODUCTION

1-Influencés par le double constat de l'insécurité juridique et judiciaire qui à sévit dans leurs pays et par
la mondialisation de l'économie, la circulation des personnes, l'essor des conventions internationales et à
l'intensification des politiques d'intégration régionale, quatorze (14) Etats africains ont œuvré au
décloisonnement de leurs système judiciaires en ratifiant le traité relatif à l'harmonisation du droit des
affaires en Afrique, signé à Port Louis le 17 octobre 1993.

2-Deux autres Etats, la Guinée Conakry et la Guinée équatoriale ont déjà rejoint l'organisation de sorte
que l'OHADA représente aujourd'hui un marché de plus de soixante dix millions ( 70.000.000)
d'habitants.

3-Ce traité a permis l'élaboration de plusieurs actes uniformes : Actes uniformes relatifs aux procédures
simplifiées de recouvrement et voies d'exécution ; au Droit des sociétés commerciales et groupement
d'intérêt économique ; aux sûretés ; au Droit commercial général ; aux procédures de règlement et
d'apurement du passif ; au Droit Comptable et à l' arbitrage.

4-Au-delà de cet effort d'harmonisation du cadre juridique du Droit des affaires, le traité de l'OHADA
s'est intéressé au Droit judiciaire communautaire en procédant notamment à la création de la Cour
commune de justice et d'arbitrage (C.C.J.A).

Cette juridiction a pour tache de veiller à une application et à une interprétation harmonieuse du traité
OHADA et des actes uniformes OHADA dans l'espace juridique communautaire.

5-Mais, mieux que cet effort de création de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (C.C.J.A), le
législateur OHADA s'est intéressé au Droit de l'exequatur dans cet espace juridique au travers
notamment des Articles 20 du Traité et 46 du règlement de procédure. Les dispositions combinées de
ces textes indiquent que les décisions de la CCJA peuvent recevoir exécution forcée dans les Etats
parties sur simple apposition de la formule exécutoire par l'autorité compétente de l'Etat du lieu de
l'exécution.

6-Il s'agit à n'en point douter de l'éclosion d'un nouveau droit de l'exequatur.

Au regard de ce nouveau Droit de l'exequatur, comment régler le problème de l'office du juge national
de l'exequatur en Droit positif OHADA ?

En d'autres termes, quelle influence ce nouveau Droit de l'exequatur a sur l'étendue et les limites de la
tâche du juge national d'un Etat partie au traité OHADA saisi d'une question d'exequatur ?

Quels effets doit reconnaître le juge de l'exequatur aux décisions qu'un plaideur lui soumet lorsque ces
décisions émanent par exemple d'un Etat partie au traité ?

7-La résolution de ce problème offre de nombreux intérêts.

En effet ce que recherche un plaideur, un justiciable qui introduit une action en justice, ce n'est pas tant
la décision du juge, en son instrumentum, mais plutôt la mise en œuvre, l'exécution forcée de cette
décision à défaut d'exécution volontaire de la part de la partie adverse. Lorsqu'un béninois obtient par
exemple une décision au Bénin contre un togolais ayant des biens situés au Togo, et au Niger, toute
valeur accordée à cette décision en dehors du Bénin ne peut s'effectuer qu'au stade de l'exécution forcée
de la décision suivant un droit précis, celui de l'exequatur.

8- A cette heure de construction d'un espace juridique et judiciaire communautaire OHADA,


l'introduction par exemple au Togo ou au Niger d'une décision rendue dans un Etat partie, le Bénin, doit
elle continuer de s'accompagner de certaines garanties, des anciennes garanties au regard du nouveau
droit OHADA ?

Dans cet espace commun en construction, la décision rendue au Bénin peut-elle être considérée comme
une décision étrangère par le juge Togolais ou Nigérien ?

9-L'étude de ce nouveau Droit permettra de mesure

r l'effort du législateur OHADA en vue de parer à la dispersion éventuelle du patrimoine d'un débiteur
d'un pays à l'autre dans l'espace communautaire, mais aussi d'analyser le rayonnement transfrontalier
des titres et décisions obtenus dans un pays relativement à des opérations qui prolongent ou déploient
leurs effets à l'étranger, dans l'espace communautaire, le cas échéant, et encore le contenu des dispositifs
de lutte contre la pluralité de procédures initiées parallèlement devant différentes juridictions du même
espace, et les risques de fraude qui en découlent pour n'énumérer que ces quelques cas.

D' un bon droit de l'exequatur dépend dans une large mesure le succès de la sécurité judiciaire
recherchée dans l'espace OHADA.

10-A l'origine, la procédure de l'exequatur a été instituée en vue de la protection de l'ordre juridique et
des intérêts du for.

11-Dans l'ancien droit français il n'existait pas ce type de procédure particulière car l'on s'était plus
occupé de l'exécution des arrêts des parlements hors de leur ressort exigeant pour cela une permission
de la Cour d'exécution délivrée sur ''lettres rogatoires'' de la juridiction d'origine, le pareatis. Mais c'est
un ancien texte, l'article 121 de l'ordonnance de 1629 qui a réglé pour la première fois le problème de
l'exécution des jugements des étrangers en disposant ainsi : " les jugements rendus, contrats ou
obligations reçues ès royaumes et souverainetés étrangères pour quelque cause que ce soit, n'auraient
aucune hypothèque ni exécution en notre dit royaume, ainsi tiendront les contrats lieu de simples
promesses, et nonobstant les jugements nos sujets contre lesquels ils auront été rendus pourront de
nouveau débattre leurs droits comme entiers par devant nos officiers ".

Aux termes de l'article 121 de cette ordonnance appelée Code Michaut, les jugements étrangers n'ont
aucune force exécutoire en France. Cette solution s'origine en ce que le monopole de la contrainte que
détient un Etat souverain dans le pays ou il est institué s'oppose à ce qu'un organe d'exécution y assure
la mise en œuvre de cette contrainte sur une injonction qui n'émanerait pas de ce Etat ou de l'une de ses
autorités, mais proviendrait d'un Etat étranger, au nom duquel, par exemple un juge a pu statuer . Selon
la logique de l'époque, seule la condamnation prononcée au nom du souverain local habilite les agents
d'exécution compétents à la mettre à exécution.

12-Cette ordonnance a cependant aussi récusé outre l'efficacité substantielle, l'autorité de chose jugée
qui garantit l'intangibilité de toutes décisions étrangères, et dispense de ce fait de prévoir une action en
justice aux fins d'appréciation de la régularité de la décision étrangère.

13-Le code Napoléonnien a également tenté de régler la question à travers les articles 2123 qui indique
que l'hypothèque judiciaire peut résulter des décisions rendues en pays étrangers et déclarées
exécutoires par un tribunal français, et 546 qui a étendu la règle à tous les actes d'exécution des
jugements étrangers.

14-Il a fallu cependant attendre l'arrêt PARKER pour que naisse cette figure Procédurale nouvelle,
l'action en exequatur et que soit instituée
par ce biais le système de la révision au fond c'est -à- dire selon les
justes mots de Bartin, " le pouvoir reconnu au juge d'examiner la valeur
du dispositif de la décision ( décision Etrangère) sous le double rapport
de l'application des faits et de l'application des règles de droit. "

15-Mais cette action ayant été créée sur la base de principes et de raisonnement discutables, et en réalité
sur la base d'un abus de souveraineté d'ailleurs sanctionné à l'étranger par la condition de réciprocité
fréquemment opposée aux décisions françaises, elle a connu depuis 1819 une importante évolution et
qui a abouti au revirement de jurisprudence de l'arrêt rendu le 7 janvier 1964 par la cour de cassation qui
a exclu le système de la révision en toute ''matière'', pour adopter le système du contrôle qui limite
l'office du juge à la simple vérification du respect par le juge étranger d'un certain nombre de conditions
de régularité internationale sans possibilité de remise en cause du bien fondé de la décision étrangère.

16-Cette procédure sous cette forme a été adoptée presque unanimement par de nombreux pays, sauf par
certains comme les Etats-Unis et l'Angleterre, ou il faut recommencer le procès jugé à l'étranger, le
jugement étranger servant toutefois de justification à la demande .
Il s'agit de l'action '' on the foreign judgment'' c'est -à -dire de l'action relative au jugement étranger.
Mais ce système très particulier d'exécution des jugements étrangers accepte en Angleterre l'application
de la règle de ''conclusive évidence '' : la décision étrangère soumise aux juridictions anglaises ne peut
être remise en cause quant au fond même si elle renferme une erreur manifeste et même s'il y a eu
mauvaise application de la loi anglaise par la juridiction étrangère .

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