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René TAGNE
Avocat au Barreau du Cameroun
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L’OHADA constitue une expérience africaine, d’organisation régionale d’intégration juridique, dans laquelle des institutions supra
nationales sont dotées d’un véritable pouvoir normatif produisant des effets dans l’ordre juridique interne des Etats Parties.
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Tel est le titre de l’article de M. YOUMSI Joseph, actuellement Conseiller à la Cour Suprême du Cameroun, voir Juridis Périodique
n° 30 - Avril - Mai - Juin 1997.
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Le préambule du Traité a préconisé la formation des Magistrats et autres auxiliaires de Justice pour le renforcement des capacités de
production d’une Justice de qualité.
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L’Union Internationale des Avocats (UIA) a tenté ce bilan dans la revue Le Juriste n° 2005/l page 55 et s., à travers une contribution de
Maître Alain FENEON, Avocat au Barreau de Paris.
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L’OHADA comprend : un Conseil de Ministres, une Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Le Conseil de Ministres est assisté d’un
Secrétariat permanent auquel est rattachée une Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA).
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Les huit (8) actes déjà produits portent sur le Droit Commercial Général, le Droit des Sociétés Commerciales et le Groupement
d’Intérêt Economique, le Droit des Sûretés, les Procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, sur les procédures
collectives d’apurement du passif, le Droit de l’Arbitrage, l’Organisation et l’Harmonisation de la comptabilité des entreprises et sur les
contrats de transport des marchandises par route.
C’est du reste l’impression qui se dégage de la lecture des décisions de la Cour Suprême du
Cameroun par rapport aux articles 14 et 15 dudit Traité. Ces dispositions délimitent le champ de
compétence de la CCJA et corrélativement, imposent le dessaisissement des juridictions nationales
saisies, « des affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes ».
A l’analyse, la Haute Juridiction camerounaise fait preuve d’un tâtonnement ou d’une inconstance
déconcertante qui frise l’arbitraire (II). Il s’agit d’une attitude d’autant plus grave et regrettable que la
jurisprudence de la CCJA a à plusieurs occasions, explicité les dispositions en question (1).
1. Ordonnance n° 002/2000 CCJA du 26/04/00, rendue dans une cause opposant Samba SOW à
la société PETROCA
Dans un contentieux lié à l’interprétation d’un bail commercial, la Cour d’Appel de Bangui (RCA) a
rendu le 13/09/1991, un arrêt dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l’appel recevable.
Au fond : Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré inopposable à Aliou SOW, la cession du
terrain litigieux à Texaco et en ce qu’il a débouté Petroca de sa demande reconventionnelle ;
Dire et juger que le jugement litigieux demeure la propriété de Aliou SOW ;
Condamne Petroca à lui payer les arriérés des loyers ;
Condamne Petroca aux dépens ».
Contre cette décision, sieur SOW, par l’organe de son Conseil Me Dangabo Moussa, Avocat à
Bangui, s’est pourvu en cassation devant la CCJA suivant lettre du 30/09/1999 enregistrée au greffe de
la Cour le 25/10/1999 sous le n° 03/99/PC. L’objet de cette voie de recours est de réévaluer le taux de
loyer payable par la Petroca.
A l’examen de ce pourvoi, la Cour relève sans difficultés que « le requérant n’invoque à l’appui de
son recours, aucun moyen de droit tiré de l’interprétation ou de l’application d’un Acte Uniforme
OHADA ou d’un règlement prévu au Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique,
comme l’exigent les dispositions de l’art. 14 al. 3 et 4 du Traité ».
C’est ainsi que la CCJA a rejeté le recours de sieur SOW.
2- C’est le même sort qui a été réservé à l’action d’Alexandre Ehongo Nemes dans un litige qui l’a
opposé à la Compagnie Camerounaise d’Assurances et de Réassurances S.A.C.C.A.R (AXA
Assurances), à travers l’ordonnance n° 00l/200l/CQA du 13/06/2001.
Cette décision rejette le pourvoi relevé en faveur de l’annulation de l’arrêt n° 228/Civ. rendu le
05/04/00 par la Cour d’Appel de Yaoundé. Arrêt réglant les conséquences civiles d’un accident de la
circulation et dont le dispositif se présente comme suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale en appel et en dernier
ressort ;
En la forme : Reçoit les appels ;
Au fond : Déclare irrecevable l’exception tirée de la violation de la clause compromissoire soulevée
par la CCAR ;
Condamne la CCAR à payer à Eyongo Alexandre NEMES, la somme de 12.281.503 FCFA à titre de
dommages-intérêts, soit 7.291.503 FCFA pour le préjudice matériel et 5.000.000 FCFA pour le
préjudice moral ;
Déboute Ehongo du surplus de sa demande… ».
Au soutien de son pourvoi, cet Avocat défendu par Me Ehongo Ndjenda Justin invoque d’une part,
la violation par la CCAR AXA, des garanties d’assistance et d’évaluation médicales, du taux de prise
en charge ambulatoire etc..., et la réévaluation des allocations, d’autre part.
La CCJA a à bon droit, constaté que « le requérant invoque, au soutien de sa requête des moyens de
droit ayant leur source, d’une part, dans l’art. 4 du contrat d’assurance conclu le 04/04/1994 entre les
parties, d’autre part, dans l’art. 21 du Code des Assurances des membres de la Conférence Inter
Africaine des Marchés d’Assurances (CIMA), en outre, dans les art. 1134, 1149 et 1151 du Code Civil
camerounais ».
La conclusion de la motivation de la Cour était dès lors inévitable :
« Attendu qu’il résulte de l’examen des moyens suscités, que le litige ne soulève pas des questions
relatives à l’application des Actes Uniformes et des Règlements prévus au Traité susvisé ; qu’en
conséquence, la Cour est manifestement incompétente pour connaître dudit recours ».
En définitive, les ordonnances juridictionnelles et les arrêts de la CCJA ont pu éclairer la lanterne
des justiciables et des praticiens de Droit que nous sommes, dans la compréhension des dispositions du
droit communautaire objet de notre commentaire. Seulement, la lecture de la jurisprudence de la Cour
Suprême du Cameroun nous empêche de croire que cette donnée juridique et jurisprudentielle est
intégrée par tous.
2. C’est ce qui se dégage de l’ordonnance n° 090 du 03/01/2005 rendue dans une cause opposant
la Société Restaurant China Town Sarl à Meyou Michel
Cette procédure porte expulsion fondée sur un bail commercial régi par l’Acte Uniforme relatif au
Droit Commercial Général.
Dans cette cause, sieur Meyou Michel a obtenu devant le Tribunal de Première Instance de Yaoundé
Centre Administratif, l’expulsion de la Société China Town de son immeuble dans lequel est exploité
un restaurant, au lieu dit BASTOS à Yaoundé.
Par arrêt n° 282/Civ. rendu le 23/06/04, la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, statuant sur appel de
la Société chinoise, a confirmé la première décision en ce qu’elle a ordonné l’expulsion de cette
Société, avant de ramener les astreintes à 100.000 F par jour de retard à compter de la signification.
Maîtres Ngongo Ottou et Ndengue, Avocats résidents à Yaoundé et Conseils de la Société locataire,
ont formé pourvoi contre cet arrêt du 23/06/04. Et presque simultanément, ils ont saisi Monsieur le
Président de la Cour Suprême d’une requête aux fins de sursis à exécution.
Dans leur requête, les deux avocats dénoncent le fait que les dispositions des art. 92 et 95 de l’Acte
Uniforme sur le droit commercial n’ont pas été bien appliquées10 par les premiers juges.
En réponse, Me Mong Marcel Antoine, Conseil de Meyou, conclut d’entrée de jeu au rejet de la
requête de Chinatown, « au motif que la Cour Suprême est incompétente, en application des
dispositions de l’art. 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, aux
termes desquelles seule la CCJA est compétente pour connaître des pourvois formés contre les arrêts
rendus par les Cours d’Appel dans les espèces où les textes applicables ou appliqués sont les Actes
Uniformes, comme en l’espèce ».
Contre une telle argumentation désormais consacrée par la CCJA, la Cour Suprême du Cameroun a
retenu implicitement sa compétence. Il est à noter que dans sa motivation, cette juridiction nationale
invoque curieusement des dispositions du Droit communautaire :
« Attendu que les arguments développés par la Société requérante sont pertinents, que le Juge
d’appel a fait une application erronée des art. 92 et 95 de l’Acte Uniforme portant sur le droit
commercial général, en ce qu’il y a incompatibilité entre le droit au renouvellement du bail et
l’opposition dudit droit par le bailleur pour reconstruction de l’immeuble, que retenir qu’il y a eu
opposition du bailleur à un droit déchu du locataire, comme l’a fait la Cour d’Appel pour prononcer
l’expulsion sans indemnité d’éviction, est une contradiction qui rend la motivation insuffisante et donc
constitutive d’un défaut de base légale ».
Nous aurons compris avec aise que cette attitude de la Cour Suprême du Cameroun vient battre en
brèche l’esprit et la lettre des art. 14 et15 du Traité OHADA et prend le contre-pied de la jurisprudence
de la CCJA, et même de son ordonnance n° 075 du 22/12/2004 susvisée.
Cette tergiversation manifeste de la Cour Suprême du Cameroun est de nature à renforcer
l’insécurité judiciaire que le Traité OHADA est appelé à abolir. Heureusement, il est possible
d’exploiter les dispositions de l’article 18 du même Traité, pour venir à bout de ce zèle judiciaire.
10
L’art. 92 de l’Acte Uniforme OHADA portant droit commercial général dispose : « Dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur
qui a droit au renouvellement de son bail, en vertu de l’article 91 ci-dessus, par acte extrajudiciaire, au plus tard trois mois avant la date
d’expiration du bail.
Le preneur qui n’a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail.
Le bailleur qui n’a pas fait connaître sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l’expiration du bail est
réputé avoir accepté le principe du renouvellement de ce bail ».
L’art. 95 stipule quant à lui :
« Le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée, ou indéterminée, sans avoir à régler d’indemnité
d’éviction, dans les cas suivants :
1°) S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur sortant.
Ce motif doit consister, soit dans l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de
l’exploitation du fonds de commerce.
Ce motif ne pourra être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après mise en demeure du bailleur,
par acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser.
2°) S’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués, et de le reconstruire.
Le bailleur devra dans ce cas, justifier de la nature et de la description des travaux projetés.
Le preneur aura le droit de rester dans les lieux jusqu’au commencement des travaux de démolition, et il bénéficiera d’un droit de
priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l’immeuble reconstruit.
Si les locaux reconstruits ont une destination différente de celle des locaux objet du bail, ou s’il n'est pas offert au preneur un bail dans
les nouveaux locaux, le bailleur devra verser au preneur l’indemnité d’éviction prévue à l’article 94 ci-dessus ».
B. Le secours de l’art. 18 du Traité contre le zèle de la Cour Suprême
Il est question ici de relever à l’attention de sieur Meyou et de tous ceux qui ont été victimes du
tâtonnement de la Cour Suprême du Cameroun, que l’art. 18 du Traité leur ouvre une porte de sortie.
Le rappel du texte (1) et de la jurisprudence de la CCJA y afférente (2) permettront de comprendre
le bien-fondé de la présente suggestion.
11
L’irrecevabilité procède de l’irrespect des conditions de forme relatives à la voie de recours en question. Elle ne concerna pas le fond
du litige.
12
La Cour Suprême a, à travers cet arrêt, ordonné le sursis à l’exécution de l’arrêt n° 325/Civ. du 07/05/01 de la Cour d’Appel de Douala.
Cet arrêt est dès lors, insusceptible d’être exécuté avant le dénouement de la procédure de pourvoi devant la Cour Suprême.
13
Par exemple, les Conseils de la BICEC ont estimé que Me Tonye a violé les dispositions de l’art. 23 du Règlement de Procédure de la
CCJA, pour n’avoir pas recouru au ministère d’Avocat dans le cadre de sa procédure. La CCJA n’a pas avalisé cette prétention, au
motif « qu’il n’est pas contesté que la requérante est Avocate inscrite au Barreau du Cameroun et qu’à ce titre, elle peut présenter tout
justiciable devant la Cour de céans ; qu’il serait contraire à l’esprit du texte énoncé, de la priver de son droit d’agir pour elle-même ».
Cette attitude des juges camerounais constitue une négation de la proclamation de ces Hautes Parties
Contractantes au Traité14, qui dans le préambule du texte, ont déclaré être « conscients qu’il est
essentiel que ce Droit des Affaires harmonisé soit appliqué avec diligence dans des conditions propres
à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l’essor de celles-ci et de
favoriser l’investissement ».
Au demeurant, cette situation contraste avec l’engouement manifesté vis-à-vis du Droit OHADA par
des Etats qui n’étaient pas représentés à Port-Louis15. En effet, le Président Kabila a annoncé en février
dernier, la prochaine adhésion de la République Démocratique du Congo à l’OHADA. Dans le même
ordre d’idée, des Etats anglophones comme le Ghana, le Nigeria et l’Ethiopie ont déjà organisé dans
l’intérêt des magistrats et auxiliaires de justice, plusieurs séminaires et missions d’information sur
l’OHADA16.
Si nous étions convaincu que le tâtonnement de la plus haute Juridiction nationale n’était commandé
par aucun esprit malveillant, nous suggérerions à la hiérarchie d’envisager urgemment un séminaire en
vue d’améliorer la formation des uns et des autres à ce nouveau Droit. Ne dit-on pas qu’il n’est jamais
tard pour apprendre, dans le sillage du philosophe grec qui n’avait cesse de proclamer « ce que je sais,
c’est que je ne sais rien ».
14
Telle est l’expression utilisée dans le préambule du Traité pour désigner les parties signataires de l’acte.
15
Etaient représentés à la conclusion du Traité OHADA, les pays suivants : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, les
Comores, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, et le
Togo, auxquels devait se joindre ultérieurement un 16e Etat, la Guinée (Conakry).
16
Voir Alain FENEON op. cit.