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Ohadata D-11-63

LA PROCEDURE CONTENTIEUSE APPLICABLE DEVANT LA CCJA

Par
Alexis Coffi AQUEREBURU
Bâtonnier de l’ordre des Avocats du Togo

INTRODUCTION

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA est juge exclusif du


contentieux relatif à l’interprétation et à l’application des Actes uniformes OHADA. C’est ce
qui définit essentiellement son domaine de compétence en matière de contentieux même si
elle ne s’y limite, la Cour commune étant également juge du contentieux de l’arbitrage.

Le fonctionnement de la Cour a fait l’objet d’un Règlement de procédure (Règlement


de référence) qui a organisé la procédure contentieuse devant la Cour.

Cette procédure est dite contentieuse par opposition à une autre procédure, celle là dite
« consultative » faisant référence au rôle consultatif de la Cour dont le domaine de
compétence ne s’arrête pas au seul contentieux.

I. LES MODES DE SAISINE ET LE DEROULEMENT DE L’INSTANCE A LA


COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE

A. LES PERSONNES ET ORGANES HABILITES A SAISIR LA COUR


COMMUNE.

1. La saisine par les parties au litige

Deux types de recours sont à distinguer :

a. Le recours en cassation contre les décisions des juridictions nationales


de fond

Ce recours est ouvert aux parties à une instance devant une juridiction nationale
statuant en premier et dernier ressort sur un sujet relatif à l’application et à l’interprétation du
Droit uniforme. Il s’agit ni plus ni moins du mécanisme classique du pourvoi en cassation
comme cela se fait en droit interne pour violation, méconnaissance ou mauvaise interprétation
de la Loi.

La procédure pour ce faire est prévue par l’article 28 du règlement. Ainsi, lorsque la
Cour est saisie par l’une des parties à l’instance par la voie du recours en cassation, le recours
est présenté au Greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée par
l’Avocat du requérant dans les conditions de l’article 23 du règlement. Le recours contient les
noms et domicile du requérant et des autres parties à la procédure devant la juridiction
nationale et de leur Avocat, les conclusions du requérant et les moyens invoqués à l’appui de
ces conclusions. Le recours indique de même les Actes uniformes ou les règlements prévus
par le Traité dont l’application dans l’affaire justifie la saisine de la Cour (article 28.1)

La décision de la juridiction nationale qui fait l’objet du recours doit être annexée à
ce dernier et mention doit être faite de la date à laquelle la décision attaquée a été signifiée au
requérant. Aux fins de la procédure, le recours contient élection de domicile au lieu où la
Cour a son siège. Elle indique le nom de la personne qui est autorisée et qui a consenti à
recevoir toutes significations. Et si le requérant est une personne morale de droit privé, il doit
joindre à sa requête ses statuts ou u extrait récent du registre du commerce ou tout autre
preuve de son existence juridique de même que la preuve de la régularité du mandat donné à
l’Avocat. (Article 28.2., 3 et 4)

b. Le recours en cassation contre les décisions des juridictions nationales


suprêmes pour incompétence

Il s’agit ici d’un recours prévu par l’article 18 du Traité OHADA et dont la procédure
a été organisée par l’article 52 du règlement de procédure. L’hypothèse est la suivante : une
partie à une instance devant une juridiction nationale suprême a vainement soutenu
l’incompétence de ladite cour au regard des attributions de la CCJA. Cette partie dispose alors
d’un recours direct devant la Cour commune contre la décision de la juridiction nationale
prétendument incompétente.

Le recours est immédiatement signifié par le Greffier en chef à toutes les parties à la
procédure devant la juridiction nationale, chacune des parties disposant d’un délai de trois
mois à compter de la signification du recours pour présenter un mémoire dans le respect du
principe du contradictoire.

Si la Cour décide que la juridiction nationale s’est déclarée compétente à tort, la


décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue. Il y a là une expression
manifeste de la supranationalité de la CCJA et de ces décisions et se justifie par la mission
d’unification du Droit uniforme dévolue à la haute cour communautaire.

2. La saisine par les juridictions suprêmes nationales

Il s’agit d’un mode de saisine original prévu et organisé par le législateur OHADA à
travers le règlement de procédure devant la Cour commune dont l’article 51 dispose que
lorsque la Cour est saisie conformément aux articles 14 et 15 du Traité OHADA par une
juridiction nationale statuant en cassation qui lui renvoie le soin de juger une affaire
soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes, cette juridiction est
immédiatement dessaisie.

En cette occurrence, la juridiction nationale transmet à la Cour l’ensemble du dossier


de l’affaire avec une copie de la décision de renvoi. Dès réception de ce dossier, les parties
sont avisées de cette transmission par la Cour.

En pratique, ce mode de saisine par renvoi n’est que très peu utilisé par les juridictions
nationales suprêmes et il a été observé en doctrine avec plus ou moins de pertinence que ce
renvoi ne repose sur aucune base juridique stable encore que nul besoin n’est d’avoir une telle
base en vertu de la supranationalité des dispositions du Traité OHADA.

Une fois la Cour commune saisie par l’un quelconque des moyens que nous venons
d’évoquer, une procédure spécifique devant aboutir à l’examen et sa solution est à observer
par les parties.

B. LE DEROULEMENT DE LA PROCEDURE CONTENTIEUSE DEVANT


LA COUR COMMUNE.

1. Les aspects généraux de la procédure contentieuse devant la Cour


commune

a. L’obligation du ministère d’Avocat

« Le ministère d’Avocat est obligatoire devant la Cour (…) » : tel est en substance le
principe sans équivoque et absolu posé par l’article 23.1 du règlement de procédure de la
CCJA. C’est dire, que s’il est admis en droit commun qu’un justiciable puisse se passer du
ministère d ’un Avocat à un certain degré de juridiction tel que le premier degré dans
certaines législations ou le premier et le second degrés dans d’autres , tel n’est pas le cas
devant la CCJA où la représentation de chacune des parties par un Avocat est d’ordre public.

Ce monopole représentatif accordé aux Avocats est tout à fait compréhensible quand
on sait qu’en droit commun le ministère d’Avocat est obligatoire pour les procédures devant
les juridictions nationales suprêmes. L’exigence est d’autant plus compréhensible que la
connaissance, l’interprétation et l’application des Actes uniformes requièrent une grande
technicité juridique et procédurale que seuls les Avocats, praticiens de tous les instants desdits
Actes, sont à même de posséder. Les normes imposées par le législateur OHADA étant des
normes spécifiques, prises en vue de la réglementation d’un droit spécial, notamment le droit
des affaires, il s’en suit que les applications qui doivent en être faites, devront l’être dans des
conditions précises et harmonisées. L’Avocat, en tant que professionnel du droit, offre cette
garantie et sa présence doit rassurer les parties en leur assurant une meilleure défense de leurs
intérêts devant la Cour commune.
Afin de mieux outiller les Avocats dans la connaissance, l’interprétation et
l’application du Droit uniforme et tenant compte du fait que le but de la CCJA est de
promouvoir la bonne maîtrise de ce droit, il a été suggéré autant que faire se peut, que le
ministère d’un Avocat soit également obligatoire devant toutes les juridictions du fond des
Etats parties.

L’exigence du ministère d’un Avocat devant la Cour a été en outre assortie de deux
conditions qui participent à sa mise en œuvre efficace.

D’une part, l’article 23.1 du règlement fait obligation à toute personne qui se prévaut
devant la Cour commune de la qualité d’Avocat, d’en rapporter non seulement la preuve mais
également la preuve de son intérêt ou pouvoir à agir devant la Cour en produisant un mandat
spécial de la partie qu’elle représente.

Cette double conditionnalité n’a pas fini à ce jour de provoquer une levée de boucliers
de la part du corps des Avocats tant ils sont heurtés par la brutalité de la double exigence. Il
est vrai qu’en droit interne, les Avocats n’ont jamais eu à se soumettre à pareille exigence. Il a
été avancé que cette exigence du législateur OHADA affecte gravement la crédibilité et
l’essence même de la mission d’auxiliaire de justice qu’exerce l’Avocat. En attendant un
éventuel amendement de ce texte tant décrié, il reste aux Avocats à se conformer du mieux
possible à cette double exigence à chaque fois qu’ils interviendront devant la Cour commune.

D’autre part, le législateur OHADA a érigé un savoir être devant la Cour commune en
soumettant les Avocats à ce qu’il y a lieu d’appeler un codicille déontologique. L’article 23.2
du règlement de procédure prévoit ainsi que l’Avocat dont le comportement devant la Cour
est incompatible avec la dignité de celle-ci ou qui use des droits qu’il tient de ses fonctions à
des fins autres que celles pour lesquelles ces droits lui ont été reconnus peut, après avoir
été entendu, être exclu à tout moment de la procédure par ordonnance de la Cour, ladite
ordonnance étant immédiatement exécutoire.

Lorsqu’un Avocat se trouve exclu de la procédure, celle-ci est suspendue jusqu’à


l’expiration d’un délai fixé par le Président pour permettre à la partie intéressée de désigner
un autre Avocat.

Etant donné que chaque Barreau national a son propre code de déontologie et que la
qualification des comportements indélicats varie d’un Barreau à un autre, il serait bienvenu
que les règles de déontologie relatives à l’exercice de la profession d’Avocat dans l’espace
OHADA puissent être harmonisées sinon uniformisées afin de permettre à ces professionnels
du droit de savoir être et se comporter devant la haute cour communautaire.

b. Le caractère essentiellement écrit de la procédure

Le principe d’une procédure contentieuse essentiellement écrite devant la Cour


Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA n’apparait qu’en filigrane dans les
dispositions des articles 27 et suivants du Chapitre II du Titre du Règlement de la Cour
consacrée à la procédure contentieuse.
Bien que ledit chapitre soit nommément intitulé « de la procédure écrite », c’est
paradoxalement dans le chapitre suivant du même titre pourtant consacré à la procédure orale
qu’il faut trouver l’affirmation sinon la confirmation expresse du principe selon lequel la
procédure contentieuse devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est essentiellement
écrite. Tel est le sens de l’alinéa premier de l’article 34. 1 du Règlement de procédure de la
Cour.

La règle ainsi affirmée a pour conséquence en pratique que le déplacement des parties
et de leurs Conseils n’est guère nécessaire dans le cadre de la procédure contentieuse devant
la Cour. Il leur suffira de faire parvenir à temps et selon les modalités prédéfinies par le
Règlement de la Cour leurs actes de procédures.

La règle est opportune à bien d’égards.

Elle permet aux Avocats des parties de bien déterminer et de décliner avec grande
précision leurs moyens de droit à faire valoir pour la défense des intérêts de leurs clients dans
la mesure où en principe, ils n’auront pas l’occasion de venir présenter des observations orales
avant ou au cours d’une audience de plaidoirie.

Les prises d’écritures dans le respect du principe contradictoire permettent également


aux Juges de la Cour de délimiter avec précision le problème de droit et de le trancher avec
plus ou moins de précision.

S’il a fallu recourir aux dispositions de l’article 34.1 du Règlement pour trouver
l’affirmation expresse du caractère essentiellement écrit de la procédure contentieuse devant
la Cour, il faut relever que même les dispositions du chapitre consacré à une telle procédure
confirment nettement le principe ainsi affirmé.

Quoi qu’il en soit, le caractère essentiellement écrit de la procédure n’exclut pas toute
oralité. Elle l’induit bien au contraire. L’article 34.1 du règlement de procédure permet ainsi à
la Cour, « à la demande de l’une des parties », d’organiser dans certaines affaires une
procédure orale.

En pareil hypothèse, le Greffier en chef informe les parties de la décision prise et de la


date d’audience telle que fixée par le Président de la Cour. L’audience est publique à moins
qu’il n’en soit décidé autrement par la Cour, la décision de huis clos emportant défense de
publication des débats. Après les débats dirigés sous la police du Président de la Cour, le
Greffier en chef établit un procès-verbal signé par lui et le Président, qui constitue un acte
authentique dont les parties peuvent prendre connaissance au Greffe et en obtenir copie à leur
frais. (Article 34.2 à 38.2 du règlement de procédure)

2. Le régime juridique des actes de procédure

a. Les règles relatives à la signification des actes de procédure


Contrairement au droit interne qui distinguent la notification de la signification, celle-
ci étant la notification faite au moyen d’un exploit d’huissier, le règlement de procédure de la
CCJA adopte à travers son article 24 une approche originale de la signification en disposant
que « les significations prévues au présent règlement sont faites par envoi postal
recommandé, avec accusé de réception, d’une copie de l’acte à signifier soit par remise de
cette copie contre reçu », les copies étant dressées et certifiées conformes par le Greffier en
chef.

Au total, les huissiers de justice n’ont donc pas droit de cité en matière de signification
dans la procédure contentieuse devant la Cour commune.

b. Les règles relatives aux délais de procédure : durée et computation des


délais.

La computation des délais dans le cadre de la procédure contentieuse obéit à un régime


déterminé par l’article 25 du règlement de procédure. Ainsi, lorsqu’un acte ou une formalité
doit en vertu du Traité ou du règlement être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a
pour origine la date de l’acte, de l’évènement, de la décision ou de la signification qui fait
courir ce délai et le jour au cours duquel survient cet acte, cet évènement, cette décision ou
cette signification n’est pas compris dans le délai (article 25.1).

Lorsque le délai est exprimé en mois ou en année, ce délai expire le jour du dernier
mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de
l’évènement, de la décision ou de la signification qui fait courir le délai et à défaut de
quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois (article 25.2).

Les délais comprennent les jours fériés légaux, les samedis et les dimanches et tout
délai expire le dernier jour à 24 heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi ou un
jour férié légal est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. La liste de ces jours fériés,
dressée par la Cour fait l’objet d’une publication au journal officiel de l’OHADA. Enfin, les
délais de procédure, en raison de la distance sont établis par une décision de la Cour publiée
au même journal. (Article 25.3, 4, et 5)

II. L’EXECUTION DES DECISIONS DE LA COUR COMMUNE DE JUSTICE


ET D’ARBITRAGE.

A. NATURE ET FORCE OBLIGATOIRE DES DECISIONS DE LA COUR


COMMUNE.
1. Nature des décisions de la CCJA

Les décisions de la Cour commune de justice et d’arbitrage prennent essentiellement la


forme d’arrêt, hormis quelques rares cas d’ordonnance.

Il s’agit des ordonnances rendues par la Cour sur le fondement des dispositions de
l’article 32.2 du règlement de procédure d’après lequel lorsque la Cour est « manifestement
incompétente » pour connaître du recours ou lorsque celui-ci est « manifestement irrecevable
ou manifestement non fondé », elle peut à tout moment rejeter ledit recours par voie
« d’ordonnance motivée ».

Les arrêts de la Cour commune ont fait l’objet de quelques dispositions générales dans
le règlement de procédure de la Cour. L’article 39 du règlement précise ainsi que l’arrêt de la
Cour contient :

- L’indication qu’il est rendu par la Cour


- La date du prononcé
- Les noms des juges qui y ont pris part ainsi que celui du Greffier,
- L’indication des parties
- Les noms des Avocats des parties
- Les conclusions des parties
- L’exposé sommaire des faits
- Les motifs
- Le dispositif, y compris la décision relative aux dépens,

Somme toute, une présentation classique d’une décision de justice.

Relativement aux dépens, l’article 43.1 du règlement de procédure précise que c’est
l’arrêt qui met fin à l’instance qui statue sur les dépens. Au terme de l’article 43.2 suivant,
sont considérés comme dépens récupérables les droits de Greffe, les frais indispensables
exposés par les parties aux fins de la procédure notamment les frais de déplacement et de
séjour et la rémunération des Avocats selon le tarif fixé par la Cour. En font également partie,
les frais qu’une partie a dû exposer aux fins d’exécution forcée suivant le tarif en vigueur dans
l’Etat ou l’exécution forcée a lieu. La théorie de la succombance a été retenue sous réserve du
pouvoir de la Cour d’en décider autrement pour des motifs exceptionnels. Les dépens sont
partagés si plusieurs parties succombent et à défaut de conclusions sur les dépens, chaque
partie supporte ses propres dépens. (Article 43.3du règlement de procédure)

Les arrêts sont rendus en audience publique, les parties dûment convoquées. La minute
des arrêts est signée par le Président et le Greffier en chef. Elle est scellée et déposée au
Greffe. Copie certifiée conforme en est signifiée à chacune des parties qui peut obtenir la
grosse des arrêts au tarif fixé par la Cour (Article 40 du règlement de procédure).

Au-delà de ces considérations généralistes, l’analyse des dispositions du règlement de


procédure permet de recenser quatre sortes d’arrêts susceptibles d’être rendus par la Cour
commune et que nous pouvons regrouper en deux groupes ci-après abordés.
a. Les arrêts rendus avant tout débat sur la légalité de la décision
déférée

Il s’agit de décisions rendues par la Cour commune saisie sur recours en cassation par
les parties, sans examen au fond de la légalité de la décision déférée devant elle. Ce sont des
arrêts rendus sur la forme et c’est notamment le cas des arrêts d’irrecevabilité et des arrêts
d’incompétence.

- Les arrêts d’irrecevabilité

L’irrecevabilité désigne en droit procédural la sanction de l’inobservation d’une


prescription légale consistant à repousser sans l’examiner au fond, une demande qui n’a pas
été formulée en temps opportun ou qui ne remplit pas les conditions de forme ou de fond
exigées. De la sorte, les arrêts d’irrecevabilité viennent tout simplement constater puis
sanctionner l’irrégularité entachant la demande introduite par le requérant.

La CCJA a rendu a ce jour nombre d’arrêts d’irrecevabilité pour des motifs de droit
variés, soit que les recours ont été exercés hors-délai, soit que les pièces exigées n’ont pas été
produites, soit que les voies de recours préalables n’aient pas été respectées.

Il est intéressant de relever à cet effet, s’agissant du recours en cassation présenté par
les parties, que l’irrecevabilité n’est pas encourue de plein droit lorsque les conditions de
forme ou de fond prévues pour la recevabilité du recours n’ont pas été remplies.

Dans une démarche atypique, le législateur de l’OHADA dispose ainsi à travers


l’article 28.5 du règlement de procédure que « si le recours n’est pas conforme aux
conditions fixées au présent article, le Greffier en chef fixe au requérant un délai
raisonnable aux fins de régularisation du recours ou de production des pièces mentionnées
ci-dessus. A défaut de cette régularisation ou de cette production dans le délai imparti, la
Cour décide de la recevabilité du recours »

Ainsi que cela a été abondamment commenté, cette disposition laisse la Cour libre de
décider quand le recours est irrecevable et quand il ne l’est pas. Cette faculté est a priori
source d’inquiétude en terme d’insécurité judiciaire mais en même temps, elle permet à la
Cour de ne pas s’enfermer dans un formalisme outrancier qui entraverait le droit des
justiciables de l’espace OHADA de recourir à la justice communautaire. Et tout compte fait, il
y a lieu de remarquer que jusqu’ici, la Cour commune a plutôt fait un usage appréciable de
cette faculté qui lui a été donnée.

- Les arrêts d’incompétence

L’incompétence désigne le défaut d’aptitude d’une juridiction à connaître d’une


demande qui lui est soumise. Elle peut être absolue, relative ou d’ordre public.
L’incompétence absolue résulte d’une inaptitude légale de la juridiction à connaître de
la demande en raison de sa nature ou de la situation des parties. Elle peut être invoquée par
l’une et l’autre des parties mais elle ne peut d’office être soulevée par le juge.

L’incompétence relative pour sa part ne peut être invoquée que par la partie en faveur
de qui elle a été édictée. Elle découle souvent d’une inaptitude légale de la juridiction saisie à
connaître d’une demande en raison de son ressort ou de celui de la partie requérante.

Enfin, l’incompétence est d’ordre public quant elle peut être soulevée d’office par le
juge.

En tout état de cause, la démarche est la même qu’en matière d’irrecevabilité puisque
la Cour commune n’a pas à procéder lorsqu’un cas d’incompétence est avéré à l’examen au
fond de l’affaire. Elle rend simplement un arrêt d’incompétence avant tout débat au fond.

La CCJA n’étant compétente qu’en matière d’application et d’interprétation des Actes


uniformes OHADA, le règlement de procédure lui fait obligation de se dessaisir de tout litige
ne mettant pas en cause lesdits Actes en rendant un arrêt d’incompétence dans les trente
jours suivant l’exception d’incompétence. Il est important de relever que cette exception peut
être soulevée tant par la Cour commune agissant d’office que par toute partie au litige, in
limine litis. C’est dire que la nature de l’incompétence est indifférente devant la CCJA, ce qui
est assurément une autre originalité.

b. Les arrêts rendus après contrôle de la légalité de la décision déférée

Lorsque les griefs d’incompétence ou d’irrecevabilité ne sont pas encourus ou écartés,


la Cour commune procède à un véritable examen au fond des affaires déférées devant elle.
Cet examen peut déboucher soit sur un arrêt de rejet soit sur un arrêt de cassation.

- Les arrêts de rejet

Il s’agit des arrêts rendus par la Cour saisie sur recours en cassation par les parties ou
sur renvoi par les juridictions suprêmes nationales s’estimant incompétentes. Dans l’un
comme dans l’autre cas, il y a une demande au pourvoi qui fait nécessairement grief à la
décision nationale attaqué d’avoir méconnu ou mal appliqué ou interprétée une règle du droit
harmonisé.

Aussi lorsque la Cour commune juge –t-elle que la décision déférée a fait une exacte
application de la règle de droit uniforme litigieuse, ladite décision est purement et
simplement confirmée. Ce faisant, la Cour commune rend une décision sous la forme d’un
arrêt de rejet qui clôt le procès et ouvre droit à une exécution forcée.

Ce mécanisme juridictionnel cantonne la Cour commune dans son rôle de juridiction


de cassation par la vérification de la conformité de la décision attaquée à la loi et à elle seule
sans appréciation souveraine des faits de l’espèce. Ce qui n’est plus le cas lorsque la Cour
rend des arrêts de cassation.

- Les arrêts de cassation : le pouvoir d’évocation de la CCJA


Saisie dans les mêmes conditions que lorsqu’elle rend des arrêts de rejet, la Cour juge
dans la présente hypothèse que la décision déférée procède effectivement d’une mauvaise
appréciation ou application de la règle de droit uniforme. Les décisions rendues par la Cour
dans cette hypothèse ont alors la nature d’arrêts de cassation. Il s’agit de décision d’annulation
de la décision déférée.

Cette annulation n’est pas pure et simple comme devant les juridictions nationales
suprêmes qui se bornent au renvoi devant la juridiction ayant rendu la décision (autrement
composée). La Cour commune est en effet investie d’un véritable pouvoir d’évocation. Tel est
le sens des dispositions de l’article 14.5 du Traité OHADA d’après lequel « en cas de
cassation, elle (la Cour commune) évoque et statue sur le fond ».

La démarche nationale classique de cassation avec renvoi est donc rejetée puisqu’il
s’agit devant la Cour commune d’une cassation sans renvoi. La Cour se saisit elle –même de
l’affaire et la rejuge au fond en rendant un arrêt définitif qui va trancher le litige et s’imposer
aux parties sous réserves d’une voie de recours extraordinaire. Ce faisant, on aboutit à une
substitution de la Cour commune aux juridictions nationales du fond qui devaient se voir
renvoyer normalement l’affaire afin de la rejuger.

Le pouvoir d’évocation de la CCJA en matière de cassation est assurément une grande


originalité voulue par le législateur OHADA. Cette originalité a fait l’objet de commentaires
et de critiques des plus abondants. Il est ainsi apparu aux yeux de tous et dénoncé par
beaucoup que la CCJA était érigée en la matière en un troisième degré de juridiction. C’est
ainsi que pour Gaston KENFACK DOUAJNI que nous connaissons tous, « les Etats
signataires du Traité ont entendu faire de la Cour commune de justice et d’arbitrage une
sorte de conseil de sages à l’africaine dont les décisions s’imposent à l’ensemble des Etats
parties au Traité OHADA ». Exprimant cette même idée de supranationalité de la CCJA, un
autre auteur, M. GUYENOT a fait observer que la CCJA « se trouve dans la situation du
maître ou du père de famille qui, mécontent du travail de l’élève, prend sa place pour le
refaire entièrement ou l’achever avec plus de savoir et d’autorité. Il évoque pour terminer
l’affaire et rendre lui-même la décision qui s’impose ».

Il y a lieu d’observer que le pouvoir d’évocation de la CCJA n’est automatique et


absolu que lorsqu’elle rend des arrêts de cassation dans le cadre du contentieux de
l’interprétation et de l’application des actes uniformes. Autrement, dans le cadre du
contentieux de l’arbitrage, lorsque la Cour commune est saisie d’un recours en annulation et
qu’elle y fait droit, elle ne peut évoquer l’affaire et statuer au fond que lorsque les parties en
auraient fait la demande. (Article 29.5 alinéa 2 du règlement d’arbitrage de la CCJA.

L’évocation par la CCJA a quelques mérites qui tiennent essentiellement dans


l’accélération de la procédure et l’unification de la jurisprudence en matière de droit
OHADA. Mais le pouvoir d’évocation a surtout été l’objet de vives critiques relatives au
dépouillement par la Cour commune des prérogatives des juridictions suprêmes nationales, la
volonté de la majorité des acteurs étant de voir ces juridictions nationales retrouver leurs
prérogatives et la CCJA confinée à un rôle de contrôle de la légalité de l’application par les
juridictions nationales suprêmes des actes uniformes OHADA.
2. Force obligatoire des décisions de la Cour commune

L’article 20 du traité de l’OHADA pose le principe selon lequel : « les arrêts de la


Cour commune de justice et d’arbitrage ont l’autorité de la chose jugée et la force
obligatoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties, une exécution forcée
dans les mêmes conditions que les décisions juridiques nationales. Dans une même affaire,
aucune décision contraire à un arrêt de la Cour commune de justice et d’arbitrage ne peut
faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire d’un Etat partie ».

Les solutions dégagées par ce texte sont confirmées par les dispositions du Règlement
de procédure de la CCJA dont l’article 41 prévoit que les arrêts de la Cour ont force
obligatoire à compter du jour du prononcé.

La force obligatoire des arrêts de la CCJA suppose en effet que ces arrêts sont revêtus
de l’autorité de la chose jugée, en ce qu’entre les mêmes parties, la même chose ne peut être
jugée dans un autre procès sous réserves bien entendu des voies de recours prévus par le
Règlement de procédure. En fait d’autorité de la chose jugée, c’est d’une véritable force de
chose jugée que sont revêtus les arrêts de la Cour commune dans la mesure où aucun recours,
par son seul effet ne peut en principe, entrainer la suspension de leur exécution dans les Etats
membres.

La force exécutoire des arrêts emporte simplement que les arrêts de la CCJA peuvent
donner lieu à exécution forcée. Tel est le sens des dispositions de l’article 46.1 du Règlement
de procédure de la Cour.

L’ensemble des dispositions de l’article 46 du règlement détermine un régime


juridique dualiste applicable à l’exécution forcée des décisions de la Cour. Ce régime
juridique est fait d’une part de règles identiques à celles de droit national auxquelles renvoi
est fait et d’autre part de règles dérogatoires à celles du droit national.

Ainsi, l’article 46.1 prévoit-il que l’exécution forcée des arrêts de la Cour est régie par
les règles de la procédure civile en vigueur dans l’Etat sur le territoire duquel elle a lieu. Par
contre, poursuit le même texte, la formule exécutoire est apposée, sans aucun contrôle que
celui de la vérification de l’authenticité du titre, par l’autorité nationale que le Gouvernement
de chacun des Etats parties désignera à cet effet et dont il donnera connaissance à la Cour.

Ainsi qu’il a été justement observé, par cette disposition, le législateur OHADA a
entendu faire l’économie des obstacles habituels à l’application d’une décision des
juridictions nationales qui ne peut donner lieu à exécution forcée dans un Etat étranger qu’à
la condition préalable d’une décision d’exéquatur prononcée par le juge national de ce pays
étranger.

Il y a lieu de préciser que l’exemption de décision nationale d’exéquatur pour les


arrêts de la CCJA ne s’applique pas aux sentences arbitrales rendues sous l’égide de la Cour
(article 25 du Traité OHADA)
La solution de l’exemption s’explique aussi par le fait qu’il n’existe contre les
décisions de la CCJA aucune voie de recours ordinaire. Aussi, pour faciliter l’obtention de
l’apposition de la formule exécutoire, chaque Etat partie est-il tenu d’indiquer l’autorité
compétente désignée et investie à cet effet. Au Togo, cette tache revient au greffier en chef de
la Cour suprême.

Pour le reste, l’article 46.2 du Règlement de procédure admet la possibilité d’un sursis
à l’exécution forcée des décisions de la Cour et ce, moyennant une décision expresse de la
même Cour sur demande d’une des parties. La procédure de sursis devant la Cour requiert le
ministère d’un Avocat et est écrite. La procédure est également contradictoire.

Après les observations des autres parties, le Président de la Cour statue sur la
demande par voie d’ordonnance motivée, non susceptible de recours et immédiatement
signifiée aux parties (article 46.4). A la demande d’une des parties, l’ordonnance peut
toutefois être modifiée ou rapportée, le rejet de la demande n’empêchant pas la partie qui
l’avait introduite de présenter une autre demande fondée sur des faits nouveaux (article 46.5
et 6).

B. LES VOIES DE RECOURS CONTRE LES DECISIONS DE LA COUR


COMMUNE.

Les caractères d’autorité de la chose jugée et de force obligatoire dont sont revêtues
les décisions de la Cour commune emportent l’exclusion des voies de recours ordinaires
contre les décisions de la Cour.

L’analyse est confirmée par les dispositions du Règlement de procédure de la CCJA


qui n’a prévu et organisé que des voies de recours extraordinaires contre les décisions de la
Cour.

Au total quatre (03) recours extraordinaires ont été organisés à savoir le recours en
révision (1), la tierce opposition (2) et le recours en interprétation (3) auxquels il faut ajouter
le recours en annulation des sentences arbitrales rendues en application du règlement
d’arbitrage de la Cour commune (4).

1. Le recours en révision

Le recours en révision est une voie de recours extraordinaire commune tant aux arrêts
rendus par la CCJA dans le cadre du contentieux relatif à l’interprétation et à l’application des
actes uniformes qu’aux sentences arbitrales rendues sous l’égide du règlement d’arbitrage de
la CCJA et arrêts de la même cour en matière de contentieux de l’arbitrage.

L’article 32 du règlement d’arbitrage dispose ainsi expressément que la tierce


opposition contre les sentences arbitrales et contre les arrêts de la Cour, lorsque celle-ci a
statué au fond conformément à l’article 29.5,1er alinéa, est ouverte , dans les cas et sous les
conditions prévues par l’article 49 du règlement de procédure de la CCJA.

Ce renvoi permet de faire de l’article 49 susvisé le siège unique du régime juridique du


recours en révision devant la CCJA.

D’après ce texte, le recours en révision n’est ouvert qu’en raison de la découverte,


postérieurement au prononcé de la sentence, d’un fait inconnu de la cour et de la partie qui
demande la révision, lequel fait doit être de nature à exercer une influence décisive (article
49.1).

La procédure de révision s’ouvre par un arrêt de la Cour constatant expressément


l’existence d’un fait nouveau, lui reconnaissant les caractères qui donnent ouverture à la
révision et déclarant de ce chef la demande recevable (article 49.2).

La Cour a la faculté de subordonner l’ouverture de la procédure en révision à


l’exécution préalable de l’arrêt (article 49.3).

Le délai d’exercice du recours est de trois mois à compter de la connaissance du fait


susceptible de fonder la révision. Toutefois, une demande en révision est irrecevable à
l’expiration d’un délai de 10 ans à compter du prononcé de la sentence (article 49.4 et 5).

Le ministère d’Avocat est obligatoire et la procédure est écrite et contradictoire


(articles 50.2, 3 et 4). La demande en révision doit contenir les indications nécessaires pour
établir que les conditions fixées à l’article 49.1 sont remplies (Article 50.1).

Si la demande est déclarée recevable, la Cour fixe les délais pour toute procédure
ultérieure qu’elle estime nécessaire pour se prononcer sur le fond de la demande (article
50.5). La minute de l’arrêt portant révision est annexée à la minute de l’arrêt attaqué et
mention en est faite en marge de la minute de l’arrêt révisé (article 50.6).

2. La tierce opposition

La tierce opposition est également une voie de recours extraordinaire commune tant
aux arrêts rendus par la CCJA dans le cadre du contentieux relatif à l’interprétation et à
l’application des actes uniformes qu’aux sentences arbitrales rendues sous l’égide du
règlement d’arbitrage de la CCJA et arrêts de la même cour en matière de contentieux de
l’arbitrage.

L’article 33 du règlement d’arbitrage dispose ainsi expressément que la tierce


opposition contre les sentences arbitrales et contre les arrêts de la Cour, lorsque celle-ci a
statué au fond conformément à l’article 29.5,1er alinéa, est ouverte , dans les cas et sous les
conditions prévues par l’article 47 du règlement de procédure de la CCJA.

Ce renvoi permet également de faire de l’article 47 susvisé le siège unique du régime


juridique de la tierce opposition devant la CCJA.
D’après ce texte, la tierce opposition est ouverte à toute personne physique ou morale
contre un arrêt rendu sans qu’elle ait été appelée, si cet arrêt préjudicie à ses droits.

Le ministère d’Avocat est obligatoire et la procédure est écrite et contradictoire. La


demande en tierce opposition doit spécifier l’arrêt attaqué et indiquer en quoi cet arrêt
préjudicie aux droits du tiers opposant ainsi que les raisons pour lesquelles ce dernier n’a pu
participer au litige principal. (Article 47.2). L’exercice du recours n’est enfermé dans aucun
délai.

L’arrêt attaqué est modifié dans la mesure où il fait droit à la tierce opposition. La
minute de l’arrêt rendu sur tierce opposition est annexée à la minute de l’arrêt attaqué et
mention en est faite en marge de la minute de l’arrêt attaqué (article 47.3)

3. Le recours en interprétation

Ce recours a son siège dans l’article 48 du règlement de procédure de la CCJA. Ainsi,


d’près l’alinéa premier de ce texte, « en cas de contestation sur le sens ou la portée du
dispositif d’un arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter ».

Le recours en interprétation peut –être exercé dans les trois ans qui suivent le prononcé
du dispositif de l’arrêt par toute partie à l’instance ayant donné lieu à l’arrêt (article 48.2).

La demande est présentée conformément aux dispositions des articles 23 et 27 du


règlement de procédure, lesquels sont relatifs à l’obligation du ministère d’Avocat et au
caractère écrit de la procédure.

La demande spécifie l’arrêt visé ainsi que le texte dont l’interprétation est demandée
(article 48.3). La Cour statue par voie d’arrêt après avoir mis les parties en mesure de
présenter leurs observations. La minute de l’arrêt interprétatif est annexée à la minute de
l’arrêt interprété et mention en est faite en marge de la minute de l’arrêt interprété (article
48.4).

L’exercice de ce recours permet à la CCJA de remplir avec plus d’efficacité sa mission


d’interprétation des actes uniformes.

4. Le recours en annulation des sentences arbitrales rendues en application


du règlement d’arbitrage de la Cour commune

a. Généralités

Il s’agit d’un recours spécifique au contentieux de l’arbitrage et qui trouve son siège
dans les dispositions de l’article 29 du Règlement d’arbitrage de la Cour commune.

D’après le point 1 de ce texte, « si une partie entend contester la reconnaissance de


la sentence arbitrale et l’autorité définitive de chose jugée qui en découle par application de
l’article 27 ci-dessus1, elle doit saisir la Cour par une requête qu’elle notifie à la partie
adverse ».

Ainsi qu’il a été unanimement observé, la formule alambiquée du législateur OHADA


ne doit faire penser à une action en inopposabilité mais bien en une action en nullité de la
sentence arbitrale dans la mesure où ce recours porté devant la CCJA ne concerne pas
seulement la reconnaissance de l’autorité de la chose jugée de la sentence mais aussi la
sentence elle-même.

L’intitulé de l’article 29 portant « contestation de la validité » vient confirmer cette


analyse. De la sorte, ce recours en contestation de la validité a le même objet que le recours en
annulation prévu et organisé par les articles 25 et suivants de l’Acte uniforme relatif à
l’arbitrage dont on sait qu’il ne s’applique pas à l’arbitrage sous l’égide de la CCJA.

Si dans les deux cas, il s’agit d’obtenir l’anéantissement de la sentence arbitrale


contestée, ces deux recours ne doivent pas être confondus cependant. Ils se distinguent
essentiellement par les juridictions qui sont censées les recevoir: dans le cas du recours en
annulation de l’article 25 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage, le recours ne peut être connu
que du « juge compétent dans l’Etat partie »2 alors que le recours en contestation de la
validité prévu par l’article 29 du règlement d’arbitrage de la CCJA doit être connu par cette
cour. Toute l’originalité du système d’arbitrage de la CCJA réside là, la Cour commune
n’ayant qu’un rôle passif dans la prise de la sentence arbitrale tout en se voyant confier le soin
d’en régler le contentieux de la contestation.

b. Mise en œuvre du recours

Les conditions de fond

L’exercice du recours en annulation d’une sentence arbitrale rendue sous l’égide du


règlement d’arbitrage de la CCJA est subordonné à des conditions de fond évoquées à l’article
29.2 du règlement d’arbitrage.

D’une première part, le recours n’est recevable que si, dans la convention d’arbitrage,
les parties n’y ont pas renoncé.

D’autre part, le recours ne peut être fondé que sur un ou plusieurs motifs énumérés à
l’article 30.6 du règlement d’arbitrage autorisant l’opposition à l’arbitrage. Ces conditions
sont au nombre de quatre à savoir :

- L’absence, la nullité ou l’expiration de la convention d’arbitrage,

1. Le texte de l’article 27 du Règlement d’arbitrage de la CCJA est ainsi libellé : « les sentences arbitrales
rendues conformément aux dispositions du présent règlement, ont l’autorité définitive de la chose
jugée sur le territoire de chaque Etat-partie, au même titre que les décisions rendues par les
juridictions de l’Etat.
Elles peuvent faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire de l’un quelconque des Etats
parties ».

2. Confère article 25 alinéa 2 Acte uniforme sur l’arbitrage


- Le non respect par l’arbitre de sa mission,
- La violation du principe du contradictoire,
- La contrariété de la sentence à l’ordre public international.

Ces motifs sont les mêmes que quatre des six griefs retenus par l’Acte uniforme sur
l’arbitrage pour justifier une annulation de la sentence arbitrale. Seuls l’irrégularité dans la
constitution du tribunal arbitral et le défaut de motivation de la sentence n’ont pas été repris
par le règlement d’arbitrage de la CCJA comme ouvrant droit à un recours en annulation.

La procédure

La contestation de la validité de la sentence arbitrale est introduite devant la CCJA


par une requête notifiée à la partie adverse sans que la procédure ne soit non contradictoire :
l’annulation de la sentence ne peut intervenir en effet qu’au terme d’une instance où chacun
des parties a été mise en mesure de faire valoir ses moyens.

Le recours peut être introduit dès le prononcé de la sentence arbitrale et devient


irrecevable dans les deux mois de la notification de la sentence (article 29.3 du règlement
d’arbitrage). L’introduction du recours en nullité de l’article 29 du règlement a pour effet de
suspendre l’instance en exequatur de la sentence d’après l’article 30.3 du règlement
d’arbitrage.

Si la CCJA accueille le recours, elle « annule la sentence ». Toutefois , à la différence


du recours en annulation introduit devant les juridictions des Etats parties en vertu de l’Acte
uniforme sur l’arbitrage, la CCJA dispose du pouvoir de statuer au fond, après avoir évoqué,
si les parties en ont fait la demande. Si les parties n’ont pas demandé l’évocation, la procédure
arbitrale est reprise à la requête de la partie la plus diligente, le cas échéant, à partir du dernier
acte de procédure reconnu valable par la Cour (Article 29.5 alinéa 2 et 3 du règlement
d’arbitrage de la CCJA).

CONCLUSION

La Cour commune de justice et d’arbitrage est assurément un outil formidable dont


les mérites ne sont plus à démontrer. La procédure suivie devant elle en matière contentieuse
telle qu’organisée par le règlement de procédure est un dosage de règles procédurales
empruntant au régime de droit commun des Etats parties au Traité OHADA et de règles
dérogatoires marquant la spécificité de la haute Cour communautaire en tant qu’instrument
supranational d’unification de l’application et de l’interprétation du Droit harmonisé. Ces
règles spécifiques ne manquent pas de soulever des discussions nourries plus ou moins bien
fondées. La question essentielle qui reste posée à cet effet est de savoir s’il faille restaurer les
juridictions nationales suprêmes dans les prérogatives dont elles ont été dépouillées tout en
maintenant à la Cour commune sa fonction de police de l’application et de l’interprétation du
droit uniforme.

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