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I.- INTRODUCTION
Décidés à mettre fin à l’insécurité qui régnait dans l’environnement des entreprises, les Etats
appartenant à la zone franc se sont réunis le 17 octobre 1993, à Port-Louis (Ile Maurice), pour
signer un traité qui a jeté les bases de leur intégration juridique.
En créant l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA),
ils ont mis en place un système permettant l’adoption par l’ensemble des Etats concernés,
dans le domaine du droit des Affaires, de solutions juridiques claires, modernes et adaptées à
leur situation économique.
Ce système a pour but de favoriser une plus grande facilité des échanges, d’améliorer la libre
concurrence, de faciliter la communication ainsi que le transfert de techniques modernes de
gestion des entreprises et d’assurer en définitive, la sécurité juridique dans l’appréhension des
lois communes que sont les actes uniformes.
Les actes uniformes ont une force particulière et un caractère contraignant dans tout l’espace
OHADA. Ils introduisent des modifications obligatoires dans les législations nationales et
s’imposent directement aux opérateurs privés, dans les différents Etats membres de
l’OHADA.
Mais, l’unification législative voulue par le Traité relatif à 1’harmonisation du droit des
Affaires en Afrique serait chimérique, si elle n’était accompagnée d’une unification
jurisprudentielle.
C’est pourquoi, il a été prévu une Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dont le rôle
essentiel est de veiller à assurer dans les Etats membres, l’interprétation et l’application
commune du Traité créant l’OHADA, des Règlements pris pour son application et, surtout,
des Actes uniformes.
La Cour est installée à Abidjan (Côte d’Ivoire). Elle est actuellement composée de sept (7)
juges élus par le Conseil des Ministres de l’OHADA pour sept (7) années renouvelables une
fois, parmi les ressortissants des Etats Parties, dans les fonctions et sous les conditions
suivantes :
- les magistrats ayant acquis une expérience judiciaire d’au moins quinze années et exercé
de hautes fonctions juridictionnelles ;
- les avocats inscrits au barreau de l’un des Etats Parties, ayant au moins quinze années
d’expérience professionnelle ;
- les professeurs de droit ayant au moins quinze années d’expérience professionnelle.
Seuls deux membres de la Cour peuvent appartenir aux deux dernières catégories visées. La
Cour est renouvelée par septième chaque année. Elle ne peut comprendre plus d’un
ressortissant du même Etat. La Cour élit en son sein pour une durée de trois ans et demi non
renouvelable, son président et ses deux vice-présidents.
En cas de vacance d’un siège, par décès ou démission d’un membre de la Cour, le Conseil des
Ministres procède au remplacement du membre dont le siège est devenu vacant, pour la
fraction du mandat restant à courir, si celle-ci est supérieure à six mois (art. 34, al. 3). Le
Président nomme le Greffier en Chef de la Cour.
Les membres de la Cour sont inamovibles pendant la durée de leur mandat (art. 36). Dans
l’exercice de leurs fonctions, ils sont égaux indépendamment de l’âge, de la date d’élection ou
de l’ancienneté dans leurs fonctions (art. 2 du Règlement).
Lors de leur entrée en fonction, ils font une déclaration solennelle en audience publique.
Ils jouissent dans l’exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités diplomatiques. Ils
ne peuvent exercer toute autre fonction politique ou administrative, sauf autorisation de la
Cour.
• Consultative obligatoire :
L’article 6 du Traité indique que les Actes uniformes sont délibérés et adoptés par le Conseil
des Ministres après avis de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Celle-ci donne son
avis dans un délai de 30 jours à compter de la date de la réception de la demande de
consultation transmise par le Secrétariat Permanent.
Le texte définitif du projet d’Acte uniforme soumis à l’adoption du Conseil des Ministres
intègre l’avis de la Cour.
• Consultation facultative :
La Cour peut être consultée par tout Etat Partie ou par le Conseil des Ministres sur toute
question relative à l’interprétation et l’application du Traité, des règlements pris pour son
application et des Actes uniformes.
Des demandes d’avis peuvent également émaner des juridictions nationales saisies d’un
contentieux relatif à l’application des Actes uniformes (à ce niveau se pose la question de
l’autorité qu’il faut accorder à ces avis. S’imposent- ils à la juridiction qui a demandé l’avis ?
S’imposent-ils aux autres juridictions des Etats parties ou à la Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage de l’OHADA elle-même ?).
Les avis que donnent la Cour peuvent porter sur tous les aspects : sur la forme, sur le droit et
sur l’opportunité.
- Forme : bonne rédaction - éviter les ambiguïtés - place du texte dans l’ordonnancement
juridique de l’OHADA.
- Droit : texte d’une parfaite qualité du point de vue du droit - Respect des règles de
compétence, de procédure, etc.
- Opportunité : justification et intérêt des projets - bilan des avantages et inconvénients -
efficacité et chance de réussite - capacité à mettre en œuvre et à assimiler une réforme
(exemple : date d’entrée en vigueur - dispositions transitoires) – cohérence entre les
différents textes. Mais, il faut préciser ici que l’opportunité est entendue d’un point de vue
administratif et non politique. Les choix politiques étant laissés à l’appréciation du Conseil
des Ministres de l’OHADA.
Les fonctions de la Cour dans le domaine de l’arbitrage seront étudiées au chapitre
Administration des arbitrages.
2.- Procédure
Les personnes ou les structures pouvant saisir la Cour sont différentes selon l’objet de la
saisine :
Pourvoi en cassation
- Saisine directe par l’une des parties à l’instance :
Le recours est présenté au greffe de la Cour dans les deux mois de la signification de la
décision attaquée, par l’avocat du requérant. (Cela signifie que toute décision doit avoir fait
l’objet d’une signification à la partie adverse avant de pouvoir être attaquée devant la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage. Le recours doit être introduit dans le délai de deux mois
après la signification, à peine de forclusion. Le ministère d’avocat est obligatoire pour saisir la
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage).
Le recours doit contenir, outre les renseignements relatifs à l’identité des parties, plusieurs
autres indications obligatoires, notamment les Actes uniformes ou les Règlements prévus par
le Traité, dont l’application dans l’affaire justifie la saisine de la Cour.
La décision de la juridiction nationale doit être annexée au recours. Mais à ce niveau, le
Règlement de procédure de la Cour a introduit une certaine souplesse (article 28.5 du
Règlement de procédure). En effet, si le recours n’est pas conforme aux conditions sus
indiquées, le Greffier en chef fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de régularisation
du recours ou production des pièces requises. A défaut de cette régularisation ou de cette
production dans le délai imparti, la Cour décide de la recevabilité du recours.
Le recours est signifié par la Cour à toutes les parties à la procédure devant la juridiction
nationale (art. 29 du Règlement), qui peuvent présenter un mémoire en réponse dans un délai
de trois mois à compter de la signification du recours.
- L’exception d’incompétence :
Toute partie qui estime qu’une juridiction nationale a méconnu la compétence de la Cour
Commune, alors que l’exception d’incompétence avait été soulevée, peut saisir ladite Cour
dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par un arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la
juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par
celle-ci est réputée nulle et non avenue. Et toute partie devant ladite juridiction peut, dans les
deux mois de la signification de la décision de la Cour, saisir cette dernière d’un pourvoi en
cassation, dans les conditions prévues au Traité et au Règlement de procédure.
Quant à l’incompétence de la Cour elle-même, elle peut être soulevée d’office par la Cour ou
être soulevée par toute partie au litige, “in limine litis”. Dans ce dernier cas, la Cour se
prononce dans les trente jours.
La supériorité de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est affirmée par l’article 16,
a1. 1 du Traité. En effet, la saisine de la Cour suspend toute procédure de cassation engagée
devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Cette procédure ne peut reprendre
que si la Cour se déclare incompétente pour connaître de l’affaire. Toutefois, cette règle
n’affecte pas les procédures d’exécution.