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Ohadata D-11-96

Conflits de juridictions
par
FOFANA Ouedraogo Ramata
Juge à la Cour de Justice de l’UEMOA
ramatafof@yahoo.fr

Les Actes du Colloque International d’Evaluation de la Jurisprudence CCJA, Revue de


droit uniforme africain, n° 3, 4ème trimestre 2010, p. 71.

INTRODUCTION
Créée à Dakar par le Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, en abrégé
UEMOA, du 10 janvier 1994, la Cour de Justice est l’un des deux organes de contrôle
juridictionnel de l’UEMOA, le second étant la Cour des Comptes.
La Cour de Justice a pour mission de veiller au respect du droit quant à l’interprétation et à
l’application du Traité de l’Union (Article 1er du Protocole Additionnel n° 1).

Composition : La Cour de Justice de l’UEMOA est composée de huit membres nommés par
la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement de l’UEMOA, à raison d’un membre par
pays, pour un mandat de six ans renouvelable.

Organisation : Elle est organisée en quatre formations :


- Assemblée plénière statuant en matière contentieuse ;
- Chambre du Conseil ;
- Assemblée générale consultative pour connaître des demandes d’avis ;
- Assemblée intérieure pour l’élection du Président, la répartition des fonctions et autres
questions relatives au fonctionnement de la Cour.

Compétence : Elle exerce essentiellement trois activités juridictionnelles qui entrent dans le
cadre de ses compétences : le contentieux, l’arbitrage, la consultation juridique.
Les recours en matière contentieuse sont :

Le recours en manquement : La Cour intervient comme une juridiction internationale, juge


des manquements.
En signant le Traité du 10 janvier 1994 créant l’UEMOA, les Etats membres ont accepté un
certain nombre d’obligations dont le manquement peut être porté par-devant la Cour par la
Commission ou les Etats membres, pour faire constater ledit manquement.
Le recours peut être exercé sans que le requérant ait à justifier d’un intérêt particulier et
notamment, d’un préjudice propre.

Le recours en annulation ou en appréciation de légalité : Dans ce cadre, la Cour peut


intervenir soit comme une juridiction constitutionnelle, lorsqu’elle est appelée à contrôler la
conformité des actes des organes de l’Union au Traité, en statuant alors sur la validité desdits
actes, soit comme juridiction administrative, lorsqu’elle est amenée à annuler les actes pris
par les organes communautaires.
Le recours peut être introduit par le Conseil des Ministres, la Commission, par un Etat
membre ou par un particulier, personne physique ou morale. En ce dernier cas toutefois,
l’intéressé devra établir que l’acte incriminé lui fait personnellement grief.
Le recours doit être introduit dans les deux mois de la publication de l’acte, de sa notification
à l’intéressé ou du moment où celui-ci en a eu connaissance.

Le plein contentieux de la concurrence : En matière de concurrence, la Cour peut se


prononcer sur les décisions et sanctions que la Commission de l’UEMOA a pu prendre,
conformément aux dispositions de la législation communautaire sur la concurrence, contre les
entreprises qui n’ont pas respecté le principe de la libre concurrence, ou qui ont abusé de leur
position dominante.

Le recours en responsabilité : La Cour connaît des litiges relatifs à la réparation des


dommages causés par les organes de l’Union ou par les agents dans l’exercice ou à l’occasion
de l’exercice de leurs fonctions.
C’est la responsabilité extracontractuelle de l’Union.

Le recours du personnel de l’Union ou le contentieux de la Fonction publique


communautaire : La Cour connaît également des litiges opposant l’Union à ses agents. C’est
le contentieux de la fonction publique communautaire, et c’est de loin le contentieux le plus
important en nombre de la Cour de Justice jusqu’en 2009.

Le recours préjudiciel : En règle générale, le rôle d’une Cour de cassation est d’assurer
l’unité dans l’interprétation et l’application du droit. La Cour de Justice de l’UEMOA n’est
pas une juridiction de cassation placée au-dessus des cours suprêmes nationales, comme c’est
le cas pour la CCJA de l’OHADA. Elle est saisie par le système de renvoi préjudiciel pour
prévenir toutes interprétations divergentes et erronées et pour assurer l’unité dans
l’interprétation du droit communautaire.
L’article 12 du Protocole Additionnel n° 1 instituant les organes de contrôle de l’UEMOA, les
articles 27 alinéa 7 des Statuts de la Cour, 15 -6èment du Règlement de procédure de celle-ci
ont prévu un mécanisme juridique permettant à toute juridiction nationale d’interroger la Cour
de Justice de l’UEMOA, si elle estime devoir être éclairée sur un point de droit
communautaire soulevé dans un litige pendant devant elle.

La Procédure : La procédure applicable devant la Cour est régie par le Règlement n° 01/96
du 05 juillet 1996 portant Règlement de procédures de la Cour. Elle comporte une phase
écrite et une phase orale. La requête est introduite par l’entremise d’un avocat inscrit à l’un
des barreaux des Etats membres.
En rapport avec le thème précis de cet atelier qui est : réflexion sur les conflits de
compétences entre les juridictions communautaires, il importe de relever que la diversité des
groupements d’intégration économique régionale, où se retrouvent les mêmes Etats membres,
dont les fonctions et les activités font souvent double emploi, interpelle et suggère d’investir
la réflexion sur la compatibilité et la nécessaire mise en cohérence des différents schémas
d’intégration.
Je propose d’aborder la réflexion sur ce thème en deux parties : d’une part, nous ferons un
bref aperçu des différents conflits et d’autre part, nous verrons quelles peuvent être les
solutions à envisager en cas de conflits.

I.- LES CONFLITS DE COMPETENCE


La création dans le même espace régional, de plusieurs juridictions supranationales pose la
problématique de leur compatibilité, de leur cohabitation et des risques possibles de conflits
de normes, mais également de compétences entres les juridictions communautaires elles-
mêmes, et entre ces juridictions et les juridictions nationales.

A. SOURCES DE CONFLITS
Les Etats d’Afrique de l’Ouest comme du Centre semblent avoir compris qu’aucune politique
véritable d’intégration économique n’est possible sans un minimum de contrôle confié à un
organe indépendant. Cette prise de conscience s’est matérialisée par la création de cours de
justice en lieu et place de structures relevant de la justice internationale.

1.- Création d’organe de contrôle juridictionnel


Mais, si le souci est de s’écarter des règles classiques de la justice internationale ou du
règlement diplomatique des conflits, la multiplicité des juridictions de ces organisations
d’intégration économique de nature communautaire pose le problème de la concurrence
jurisprudentielle entre ces différentes juridictions.

2.- Similitude dans les domaines de compétence


La question des rapports entre les juridictions communautaires que sont l’UEMOA, la
Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, en abrégé CEDEAO, la
Communauté Economique et Monétaire des Etats d’Afrique Centrale, en abrégé CEMAC, et
la CCJA/OHADA peut être envisagée comme non conflictuelle, dans la mesure où les cours
de justice appliquent des droits différents secrétés par leurs différents traités. Mais, au delà de
ce principe, la question des conflits doit être posée, puisque depuis les réformes intervenues
en 2005 à la CEDEAO, cette organisation a évolué de l’inter-étatisme à la supranationalité.
La portée des actes communautaires qui s’appliquaient avant tout aux Etats membres, et la
non affirmation de façon expresse de la primauté du droit communautaire sur le droit national,
ont cédé la place à un système où le droit produit par la CEDEAO est d’essence
supranationale.
Depuis 2005, le droit produit par toutes les organisations sous-régionales est d’essence
supranationale. Les similitudes UEMOA-OHADA, tout comme celles UEMOA-CEDEAO,
sont toutes sources de difficultés.
Il convient d’envisager les contrariétés que contiendraient les modalités du contrôle
juridictionnel dans ces organisations et aussi les relations conflictuelles entre les juridictions
communautaires et les juridictions nationales.

B. NATURE DES CONFLITS


Les conflits de normes qui sont notés, l’imprécision ou l’insuffisance de certaines dispositions
du droit communautaire, peuvent être la cause de conflits entre d’une part, les juridictions
communautaires elles-mêmes, et d’autre part, entre les juridictions communautaires et les
juridictions nationales.
1.- Conflits entre les juridictions communautaires
La nécessité d’instituer des organes de contrôle juridictionnel au sein des organismes
d’intégration, est une décision à haute portée juridique et juridictionnelle qui s’est matérialisée
par la création de cours de justice. Même si a priori chaque juridiction est censée se limiter à
ses domaines de compétences tels que définis par les différents textes les régissant, les terrains
d’achoppement ne manqueront pas, surtout en l’absence de toute hiérarchie entre ces
différents droits.

Délimitation des compétences


S’il est évident que ces juridictions partagent presque le même espace géographique et sont
presque toutes chargées du contrôle juridictionnel de la mise en œuvre des traités, il faut
cependant noter des différences entre elles.
Tandis que la Cour de Justice de l’UEMOA est une juridiction permanente dotée de fonctions
juridictionnelles et consultatives avec une compétence en matière de recours préjudiciel pour
assurer l’interprétation uniforme du droit communautaire et pouvant être saisie par les
institutions, les Etats, mais aussi par les personnes physiques ou morales selon la nature du
recours, la Cour de Justice de la CEDEAO appelée Cour de Justice de la Communauté, est
devenue depuis les réformes de 2005 et 2006, une véritable juridiction communautaire que les
particuliers peuvent saisir sans intermédiaire, en matière d’appréciation de la légalité des actes
communautaires, de recours préjudiciel ... et de droits de l’Homme.
Quant à la Cour de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA/OHADA), elle est non
seulement une juridiction de cassation en matière de contentieux du droit uniforme, placée au-
dessus des juridictions nationales, mais aussi un troisième degré de juridiction.
Ces différentes compétences laissent supposer de prime abord, qu’aucune incompatibilité
notoire ne pouvait exister quant aux rôles et missions dévolus à chacune de ces juridictions.
Mais, le risque de conflit entre systèmes juridiques est réel eu égard au caractère supranational
des normes édictées par ces institutions et les domaines de compétences d’attribution de ces
juridictions.

Les différents conflits

- au niveau communautaire :
Chaque fois que des litiges impliquent l’application simultanée et coordonnée des règles
communautaires de l’UEMOA, de la CEDEAO ou de l’OHADA, et peuvent être revendiqués
par chacune des trois juridictions, le problème de conflit de compétence va se poser.

- au niveau national :
Du fait de l’appartenance à différentes organisations, les actes d’un Etat peuvent violer
plusieurs traités à la fois, conduisant à ce que les juridictions de ces organisations respectives
se déclarent concurremment compétentes.
A titre illustratif, les textes pris par ces Etats pour la mise en œuvre des règlements et
directives UEMOA-CEDEAO, qui légifèrent sur les mêmes domaines, et les A.U. de
l’OHADA qui peuvent concerner des domaines dans lesquels l’UEMOA et la CEDEAO
interviennent sous forme de politiques sectorielles (libre circulation, TEC, PAC, Energie…).
Le conflit de compétence entre la CJ/UEMOA et la CCJA OHADA d’une part, et la
CJ/UEMOA et la CJ/CEDEAO d’autre part, est réel.
A titre d’exemple, l’hypothèse de conflit découlant de normes déjà adoptées et mises en
œuvre est celle qui existait entre, d’une part, l’Acte uniforme portant organisation et
harmonisation des comptabilités des entreprises (AUOHC), adopté à Yaoundé le 24 mars
2000, appelé Acte uniforme relatif au droit comptable, et d’autre part, le Règlement
n° 04/CM/UEMOA du 20 décembre 1996 portant adoption d’un référentiel comptable
commun au sein de l’UEMOA, dénommé Système Comptable Ouest Africain (SYSCOA).
Ce conflit n’a plus une grande portée pratique aujourd’hui, mais il constitue un bon exemple
de contradiction qui, sans l’harmonisation intervenue en 2001, allait aboutir à la coexistence
de deux normes contradictoires qui risquaient de compliquer sérieusement leur mise en
œuvre.

2.- Conflits avec les juridictions nationales


La question de l’articulation du droit communautaire et des droits nationaux devant le juge
national, est une des questions les plus importantes pour le développement d’un système
juridique cohérent dans la sous région.
Le rôle du juge national devient assez difficile quand il va se trouver en présence de plusieurs
ordres juridiques de niveau supérieur.
Face aux divergences, il y a lieu de se demander dans quel sens les juges nationaux
trancheraient, s’ils avaient à connaître d’une affaire impliquant des normes contradictoires
CEDEAO, UEMOA et OHADA ? Deux réponses possibles existent :

La supposée suprématie de la CCJA / OHADA


Il faut préciser que les heurts qui sont notés au sein de l’espace intégré ne concernent en
principe que l’OHADA et les juridictions nationales. Car, le Traité OHADA a préféré mettre
sur pied un système radical de substitution de sa juridiction communautaire, la CCJA, aux
organes juridictionnels nationaux, dans le cadre du contrôle de l’interprétation et de
l’application de la norme communautaire au niveau de la cassation.
A la solution de « coopération judiciaire » préconisée par l’UEMOA et les autres, l’OHADA
oppose celle de la « hiérarchie juridictionnelle » de la CCJA.
En effet, tandis qu’au sein des organismes d’intégration, le souci a été, à travers le renvoi
préjudiciel, de « concilier la légitime autorité du juge national avec la nécessaire uniformité
du droit communautaire », sans idée de hiérarchie, dans l’OHADA le choix a été fait d’ériger
la CCJA non seulement en une juridiction de cassation, mais aussi en un troisième degré de
juridiction.
Ainsi, à l’exception des décisions impliquant des sanctions pénales, c’est la CCJA qui va
« confisquer » aux juridictions de cassation nationales, leurs compétences normales.

La coopération avec les autres juridictions communautaires


Des options divergentes choisies pour assurer la cohérence dans l’application uniforme du
droit communautaire ou intégré, il découle qu’un arrêt rendu par le juge national d’appel, tenu
de saisir le juge communautaire UEMOA en vertu des dispositions sur le recours préjudiciel,
est susceptible d’être cassé et infirmé par la CCJA, si un pourvoi en cassation a été formé au
plan interne. Dans ces conditions, le risque est grand d’aboutir à la situation où
l’interprétation et l’application d’un des droits seront assurées par une juridiction qui n’a pas
reçu compétence pour le faire (la CCJA).
Le règlement de tous ces problèmes de conflits de compétence passe par une nécessaire mise
en cohérence des traités, grâce à leur relecture et par l’instauration d’un cadre institutionnel
chargé du règlement des conflits de normes et de compétences.

II.- EBAUCHE DE SOLUTIONS


A. LA MISE EN COHERENCE DES NORMES
La prise de conscience est de plus en plus forte en Afrique de l’Ouest, où des réflexions ont
été menées depuis longtemps par d’éminents professeurs, et par les différentes juridictions
communautaires, que des actions doivent être entreprises en vue de parvenir à une
cohabitation raisonnable entre les trois Organismes1.
Mais ces actions, bien que salutaires, ne constituent pas une solution définitive au problème.
La mise en cohérence et la coordination des normes est devenue une impérieuse nécessité.
Cette mise en cohérence, qui peut se réaliser à travers deux hypothèses, doit viser à
l’élimination des incompatibilités dans un premier temps, et à terme, à la création d’une
unique organisation, tel que le préconisent M. L.-M. IBRIGA2 et le Président de la Cour de
Justice de l’UEMOA3.
Une première hypothèse consisterait à opérer une spécialisation des organismes.
Il s’agit d’opérer une rationalisation à travers la répartition des tâches, en s’appuyant sur les
acquis de chacune des Institutions présentes dans la sous-région. Par exemple :
L’intégration des marchés, l’intégration monétaire et l’intégration des politiques économiques
se traduisant par l’élaboration et la mise en œuvre de politiques communes devraient être
attribuées à l’UEMOA, compte tenu de ses avancées dans ces divers domaines ;
Le volet politique, notamment la sécurité, la prévention et la gestion des conflits serait confié
à la CEDEAO, eu égard à son capital d’expérience dans la prévention et la gestion des
conflits ;
L’OHADA, elle, se verrait attribuer, vu sa vocation à couvrir tout le continent africain, la
fonction de centre principal de législation en matière de droit des affaires. Ceci reviendrait à
impliquer les autres organisations par les Actes uniformes pris dans le cadre de l’OHADA.
Une deuxième hypothèse se traduirait par la fusion. Cette solution implique l’absorption ou la
fusion des institutions régionales similaires, afin qu’elles soient synchronisées. Cela nécessite
des décisions politiques majeures, des actes de souveraineté aux plus hauts niveaux
continental, régional, sous-régional et national, avec pour les Etats membres, des choix
politiques difficiles à faire (détermination du pôle de l’intégration en Afrique de l’Ouest et en
Afrique Centrale, voire même à prendre l’Union Africaine comme pôle principal).

B. REGLEMENT DES CONFLITS DE JURIDICTION

1.- Entre les juridictions communautaires

1
Beaucoup de choses ont déjà été réalisées telles que :
- la mise en place d’un Comité conjoint de concertation UEMOA-CEDEAO pour harmoniser les politiques ;
- la participation de l’UEMOA aux différentes phases d’élaboration des Actes uniformes de l’OHADA ;
- l’organisation par la CJ/UEMOA, depuis trois ans déjà, des rencontres inter juridictionnelles pour
l’harmonisation des jurisprudences des différentes Cours régionales : …
2
L.-M. IBRIGA, Communication au colloque IDC du 3 au 6 novembre 2007 à Ouagadougou.
3
voir discours du Président de la Cour de Justice de l’UEMOA prononcé à l’ouverture de la rencontre
interjuridictionnelle le 19 mai 2008 au Palais des Sports de Cotonou.
Si l’on se place sous l’angle de la CJ/UEMOA et de la CCJA/OHADA, les normes de droit
sont d’applicabilité directe dans les Etats parties ou Etats membres. A priori, ces deux
catégories d’actes paraissent se situer au même niveau. En cas de conflit, à quelle norme faut-
il accorder la priorité ?
Selon le professeur SAWADOGO, le conflit doit être réglé en ayant recours au critère
chronologique qui fait prévaloir le texte le plus récent ou en appliquant le critère de spécialité
qui a pour conséquence, qu’une règle spécifique prime la règle générale ou qu’une règle
générale nouvelle laisse subsister les dispositions particulières qui la précèdent4.
La tentation est grande d’établir une hiérarchie, favorable aux Actes uniformes de l’OHADA,
en prenant en compte un certain nombre de considérations.
La première tient dans le nombre des membres participant à chaque traité constitutif : celui-ci
est de huit pour l’UEMOA et de seize pour l’OHADA (tous les membres de l’UEMOA sont
également membres de l’OHADA).
La deuxième se rapporte au mécanisme judiciaire du contrôle de l’application des normes, qui
semble donner le dernier mot à la CCJA.5
Au niveau des relations entre la CJ/UEMOA et la CJ/CEDEAO, le risque de conflit se situe
dans la possibilité de saisine concurrente des deux juridictions, étant donné, comme énoncé
ci-haut, que des actes d’un même Etat peuvent violer les dispositions des deux organismes et
donc entraîner la compétence des deux Cours, ou qu’un citoyen d’un Etat membre de la
CEDEAO décide de choisir de se faire appliquer une norme CEDEAO dans un pays membre
de l’UEMOA, même si celle-ci est contraire à ce qui est prévu à l’UEMOA sur ce domaine …
Sur ces cas précis, la solution possible serait le désistement de l’une des juridictions en faveur
de l’autre sur la base de la compétence d’attribution, de l’objet du litige, ou de l’ancienneté de
la saisine. Il apparaît évident que la spécialisation des juridictions est un impératif à envisager
pour éviter “ la guerre des juges ”.

2.- Entre les juridictions nationales et les juridictions communautaires


Les conflits qui peuvent exister au niveau national sont essentiellement entre les juridictions
nationales et la CCJA, puisque la clef de répartition entre les deux types de juridiction n’est
pas toujours aisée à déterminer entre normes nationales et normes harmonisées.
En cas de conflits, quelles solutions doivent être envisagées ? Attribuer compétence à la
juridiction nationale pour l’intégralité du litige, retenir la compétence de la CCJA ? Ou encore
une autre solution peut consister à former un pourvoi avec deux moyens destinés aux deux
juridictions6 (cas des pourvois mixtes).

En conclusion, nous pouvons dire que, les problèmes de hiérarchie et de conflits de normes
juridiques ci-dessus évoqués ainsi que leurs solutions passent par la nécessaire mise en

4
Professeur Filiga Michel SAWADOGO, dans une communication faite au cours du séminaire sur les conflits de
compétence UEMOA-OHADA, organisé par la CJ/UEMOA.
5
En effet, la CCJA saisie par un pourvoi en cassation contre la décision rendue par une juridiction nationale qui a
posé une question préjudicielle à la CJ/UEMOA, peut évoquer et statuer sur le fond, étant précisé que sa décision
non susceptible de recours s’imposera à tous (Traité OHADA, article 20).
6
D’ailleurs, le problème s’est posé dans l’affaire Snar / Leyma du 16 août 2001. Cette jurisprudence Snar et
Leyma peut être considérée comme la manifestation de la réticence des juridictions nationales au monopole
exclusif de la CCJA.
cohérence des traités, grâce à leur relecture et par l’instauration d’un cadre institutionnel
chargé du règlement des conflits de normes et de compétences.
Mais en attendant, il est urgent de mettre en place une structure de concertation, de
coordination des différentes organisations d’intégration, aux fins de créer entre elles une
synergie allant dans le sens de l’harmonisation, voire de la fusion.
Le règlement de tous ces problèmes de contrariété ou de contradiction de normes et conflits
de compétence a été toujours une préoccupation des praticiens du droit, nous devons nous
atteler à proposer aux législateurs communautaires, des pistes à même de résoudre ces conflits
latents.
L’OHADA s’est voulu de bonne guerre très ambitieuse, mais son système de hiérarchie
juridictionnel crée beaucoup plus de problèmes qu’il n’en règle en réalité. Ne faut-il pas
imiter aujourd’hui le modèle de l’UEMOA ?

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