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TITRE II : LES SCHEMAS JURIDIQUES DES PROCESSUS D’INTEGRATION

L’intégration régionale nécessite l’institution d’organes de contrôle chargés de veiller au respect des
engagements pris par les Etats. En effet, créer une zone communautaire sans l’optique d’établissement d’une
communauté de droit serait un effort vain. Il est donc important d’asseoir un véritable ordre juridique
communautaire L’ordre juridique est un « ensemble organisé et structuré de normes juridiques possédant ses
propres sources, doté d’organes et procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu’à en faire constater
et sanctionner, le cas échéant, les violations »1. Dans le cadre du droit communautaire, la CJCE a affirmé qu’il
existe un ordre juridique communautaire, distinct de l’ordre juridique international2. L’examen des ordres juridiques
mis en place par les schémas juridiques des processus d’intégration conduit à s’intéresser à l’ordonnancement
juridique mis en place (Chapitre 1) et à la justice communautaire (Chapitre 2).

CHAPITRE I : L’ORDONNANCEMENT JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE


Dans l’étude de l’ordre juridique communautaire, il est devenu classique de distinguer parmi les sources du droit
communautaire le droit primaire et le droit dérivé. Dans une organisation d’intégration, le traité apparaît comme
la loi fondamentale de la Communauté. En comparaison avec ce qui se passe au plan national, le traité est la
"constitution" de la Communauté ; c’est le droit primaire. Il convient dans un premier temps de s’intéresser aux
sources des droits communautaires (Section 1) avant de se pencher sur les rapports entre ces sources et les
ordres juridiques nationaux (Section 2).

SECTION 1 : LES SOURCES


Nous nous intéresserons aux sources du droit UEMOA (§ 1), ainsi qu’à ceux de la CEDEAO (§.2).
§.1- Dans l’UEMOA
La typologie des sources des sources du droit communautaire de l’UEMOA fait ressortir trois catégories de
sources à savoir : le droit primaire (A), le droit dérivé (B) et le droit subsidiaire (C).

A)- LES COMPOSANTES DU DROIT PRIMAIRE OU ORIGINAIRE


Le droit primaire constitue le « droit constitutionnel » de l’organisation parce que ce droit détermine les
compétences et pouvoirs des différents organes et la nature des actes pris par ces derniers.
Droit de nature conventionnelle, parce que soumis aux procédures d’élaboration du droit des traités (négociation,
signature, ratification), le droit primaire est constitué par le Traité de Dakar du 10 janvier 1994 et des protocoles
additionnels adoptés depuis la création de l’organisation (Exemple : le protocole additionnel n°1 relatif aux
organes de contrôle de l’UEMOA, le protocole additionnel n°2 relatif aux politiques sectorielles de l’UEMOA).
Sur le plan du mode d’élaboration, rien ne distingue ces traités et protocoles additionnels, constitutifs du droit
primaire de l’UEMOA, du droit conventionnel classique tel que systématisé par les différentes conventions de
Vienne sur le droit des traités. Une première impression corroborée par la procédure de révision du traité
nettement marquée du sceau de l’inter-étatisme3.

B)- LES COMPOSANTES DU DROIT INSTITUÉ OU DERIVÉ

1
G.ISAAC, Droit communautaire général, op.cit., p. 117.
2
Voir. CJCE 15 juillet 1964, Costa c/ENEL, Rec. 1141 ; CJCE 13 novembre 1964, Commission c/Luxembourg et Belgique,
Rec.1220 ; CJCE 5 février 1963, Van Gend et Loos, Rec. 3 ; CJCE Avis 1/91 du 1’ décembre 1991, Rec. I-6079.
3
Voir article 106 du Traité UEMOA.
1
Le droit dérivé est le droit sécrété par les organes mis en place par le droit primaire. Les règles relevant du droit
dérivé émanent de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, du Conseil des Ministres ou de la
Commission. On distingue en la matière le droit dérivé unilatéral (1) du droit dérivé conventionnel (2).
1)- Le droit dérivé unilatéral
Ils désignent les actes unilatéraux pris par les organes et qui régissent les sujets du droit de l’Union, par opposition
au droit dérivé conventionnel qui résulte des accords passés par les organes de l’Union avec des partenaires
extérieurs (Etats ou organisations internationales) Il se divise en deux catégories : les actes obligatoires (a) et les
actes non obligatoires (b).
a)- Les actes de droit dérivé obligatoires
Référence faite à l’article 42 du Traité, on dénombre quatre (4) types d’actes de droit dérivé obligatoires. Il s’agit
de l’acte additionnel, du règlement, de la directive et de la décision.
- L’acte additionnel prévu à l’article 19 du Traité de Dakar émane de la Conférence du Chef d’Etat et de
Gouvernement. Selon l’article 19 alinéa 2, ils sont annexés au Traité ; ils complètent celui-ci sans toutefois le
modifier ; leur respect s’impose aux organes de l’Union ainsi qu’aux autorités des organes des Etats membres
Leur autorité est très étendue : ils sont obligatoires pour tous les acteurs ou pour tous les sujets du droit de
l’Union4. Il convient de préciser que certains actes additionnels relèvent matériellement du droit primaire puisqu’ils
ont le pouvoir de réviser la charte constitutive. Il en est ainsi des actes additionnels prévus aux articles 27 al. 3 et
à l’article 105 et qui concernent respectivement la modification du nombre de commissaire et l’adjonction d’une
autre langue de travail.
- Le règlement dans l’UEMOA est prévu à l’article 42 du Traité et est un acte adopté à la majorité soit par le
Conseil des Ministres, soit par la Commission sur délégation. Selon l’article 43 « les règlements ont une portée
générale, ils sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicable dans tout Etat membre ».
Par leur effet direct, ils sont à même de régir directement la situation juridique des particuliers.
- La directive est un acte qui peut émaner du Conseil des Ministres ou de la Commission. Au terme de l’article
43 al.2 « les directives lient tout Etat membre quant au résultat à atteindre ». Les Etats sont tenus d’atteindre les
résultats fixés mais restent libres de choisir les moyens pour y parvenir dans le délai imparti. La directive est donc
un acte qui allie rigueur et souplesse, qui permet d’assurer l’harmonisation des législations alors que le règlement
est la règle indiquée pour l’uniformisation.
- La décision est un acte émanant du Conseil des Ministres ou de la Commission qui est obligatoire dans tous
ses éléments pour les destinataires qu’elle désigne. Il s’agit d’un acte de portée individuelle et ses destinataires
sont des Etats ou des particuliers. C’est l’exemple en matière de Taxe ou de Coopération Régionale (TCR).

4
Voir les développements faits par BATCHASSI Y. et YOUGBARE R., in « Les actes additionnels de l’UEMOA : analyse
juridique », op. cit. Concernant la justiciabilité desdits actes, une analyse des dispositions du traité article 19 et 42 et de
certains actes de droit dérivé (article 27 – 2ème tiret) de l’Acte additionnel n°10/96 portant statut de la Cour de Justice aurait
pu faire croire que les actes additionnels ne sont pas justiciables de la Cour de Justice tant en raison de la compétence
d’attribution de la Cour que de la nature d’actes de gouvernement desdits actes. Mais depuis les trois arrêts de l’affaire YAÏ
(arrêt 03/2005 du 27 avril 2005, arrêt 01/2006 du 05 avril 2006 et arrêt 01/2008 du 30 avril 2008), la Cour de Justice a
affirmé et réaffirmé sa compétence à connaître des actes additionnels faisant grief. En effet, dans son arrêt 03/2005 du 27
avril 2005, la Cour affirme qu’« Il est de doctrine et de jurisprudence constante que ‫״‬le recours en annulation peut être
dirigé de manière générale, contre tous les actes ayant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du
requérant, en modifiant de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, quelle que soit leur dénomination“ […].
En l’espèce, il est évident que la nomination de Monsieur Jérôme Bro GREBE est de nature à porter grief à Monsieur
Eugène YAÏ et qu’il a eu pour conséquence sa révocation.
En tout état de cause, la compétence de la Cour en matière de contrôle de légalité ne saurait se limiter aux seuls actes cités
par le Protocole additionnel n°1 et par le Règlement de procédures.
Enfin, il résulte de l’ensemble de ces considérations, que la Cour de Justice est compétente pour apprécier la légalité de
l’Acte additionnel n°06/2004 du 15 novembre 2004 ».
2
Au-delà des différences inhérentes à la portée ou aux destinataires de ces actes, ceux-ci restent soumis à un
régime commun se résumant par l’obligation de motivation et de publication. Ainsi, chaque acte doit non
seulement pouvoir être justifié en référence à l’intérêt communautaire, mais aussi doit faire l’objet d’une publicité
par son insertion dans le Bulletin Officiel de l’Union point de départ de l’écoulement du délai d’opposabilité. De
par cette innovation, tous les actes de l’Union bénéficient du caractère d’applicabilité immédiate.
b)- Les actes de droit dérivé non obligatoires
Les actes dérivés non obligatoires ont un caractère incitatif. Leur but est de pousser les Etats à adopter un
comportement. On peut distinguer les actes typiques et les actes atypiques.
L’article 42 du Traité prévoit deux types d’actes de droit dérivé non obligatoires typiques. Il s’agit :
❖ des avis émis par le Conseil des Ministres, la Commission, auxquels on peut ajouter ceux qui peuvent
être émis par la Cour de Justice et le Comité Inter-Parlementaire et de la Chambre Consulaire ;
❖ des recommandations qui émanant du Conseil des Ministres ou de la Commission
Les actes atypiques, eux, ne sont pas prévus dans le traité constitutif, mais sont nés de la pratique. Ce sont les
déclarations des chefs d’Etat et de Gouvernement, les communiqués finaux de la Conférence des Chefs d’Etat
et de Gouvernement ou du Conseil des Ministres ainsi que les résolutions prises par le Comité Inter-parlementaire.
2)- Le droit dérivé conventionnel
L’UEMOA dispose de la personnalité internationale et à ce titre du pouvoir de conclure des accords internationaux
avec des Etats tiers ou des organisations internationales. Cette prérogative est affirmée à l’article 13 al.2 du
Traité5 et ses modalités de mise en œuvre développées à l’article 84 et suivants. Le droit dérivé conventionnel
est donc composé des accords internationaux conclus par l’UEMOA.
En droit communautaire européen, face au silence des traités quant à la place des accords internationaux dans
l’ordonnancement juridique communautaire, la CJCE a jugé que non seulement ces accords font partie intégrante
de l’ordre juridique communautaire à partir de leur entrée en vigueur 6, mais que dans la hiérarchie des normes
communautaires, ils avaient un rang inférieur au droit primaire et supérieur au droit dérivé unilatéral7.

C)- LES COMPOSANTES DU DROIT SUBSIDIAIRE


Le voudraient-ils, les rédacteurs du Traité UEMOA n’auraient pas pu prévoir toutes les situations, toutes les
difficultés susceptibles de naître de l’application du Traité. Ils ont compris que le droit communautaire ne pouvait
se résumer au Traité et à l’œuvre « législative » des organes de décision mais devait aussi impliquer le juge
communautaire. C’est à cet effet qu’ils ont affirmé à l’article 1er du Protocole additionnel n°1 que : « la Cour de
justice veille au respect du droit quant à l’interprétation et à l’application du Traité de l’Union »8.
Ainsi, outre les sources écrites, le droit communautaire se fonde sur des sources jurisprudentielles, notamment
les principes généraux du droit, qui revêtent une importance capitale dans le domaine des droits fondamentaux
dont le respect est affirmé par le Traité à son article 3.
Comme en droit interne, les principes généraux du droit sont d’origine prétorienne, le juge communautaire y
recourant en cas de défaillance des sources formelles. Certains des principes sont directement tirés du Traité ;
d’autres, comme c’est le cas en droit international, relèvent des principes généraux communs aux droits des Etats
membres. Longtemps considérées comme des sources potentielles, l’existence des sources subsidiaires a été

5
« Des accords de coopération et d’assistance peuvent être conclus avec des Etats tiers ou des organisations internationales,
selon les modalités prévues à l’article 84 du présent traité ».
6
CJCE, 30 avril 1974, Haegerman, Aff. 181/73, Rec.p.449
7
CJCE, 12 décembre 1972, International Fruit Company, Aff. 21, 22, 23, 24/72, Rec.p.1219
8
Article 1er du Protocole additionnel n°I.
3
consacrée par la Cour de Justice dans l’affaire YAÏ9 car dépendant de l’activité jurisprudentielle de la Cour de
justice de l’Union. Le juge communautaire est donc un législateur supplétif car la fonction de la jurisprudence est
supplétive et non substitutive. Elle joue un rôle indirect dans la création du droit car elle n’est source de droit que
dans le silence de la loi, ou si la loi comporte des lacunes.

§. 2- Dans l’OHADA

A)- Les composantes du droit primaire

Le droit communautaire primaire est composé du Traité de l’OHADA.

C’est à Port-Louis (Iles Maurice) que le Traité OHADA fut signé le 17 octobre 1993 par 14 Etats africains membres
de la Zone franc.

En application de son article 52, le Traité fut soumis à la ratification des Etats signataires conformément à leurs
procédures constitutionnelles. La question de l’abandon de souveraineté était au cœur des procédures de
ratification. La question était sensible. Malgré cela, le Traité a été ratifié par tous les Etats signataires et est entré
en vigueur le 18 septembre 1995, soit soixante jours après le dépôt du septième instrument de ratification (article
52 Traité OHADA).

Le Sénégal est l’Etat dépositaire du Traité. Au 31 décembre 2000, seize Etats ont signé et ratifié le Traité OHADA.

A)- Les composantes du droit primaire

Le Traité OHADA a fait une référence expresse aux règlements, aux Actes uniformes et aux décisions (article 30
Traité OHADA). Cependant l’OHADA ignore la directive. Elle ne pratique pas la directive.

1)- Les règlements


Les règlements sont prévus par l’article 4 du Traité OHADA. Aux termes de cet article, « des règlements pour
l’application du présent traité seront pris chaque fois que de besoin, par le Conseil des ministres à la majorité
absolue ». Les règlements sont de même nature que le traité dont ils sont l’application. Ils sont d’application
directe et obligatoire dans tous leurs éléments.

L’objet des règlements diffère selon le domaine auquel ils s’appliquent. De façon générale, le règlement contient
des prescriptions générales et impersonnelles. Actuellement cinq règlements ont été pris en application du Traité
OHADA. Il s’agit du :

- Règlement de procédure de la CCJA (signé le 18 avril 1996 à N’Djaména) ;


- Règlement d’arbitrage de la CCJA (pris à Ouagadougou le 11 mars 1999) ;
- Règlement financier des institutions de l’OHADA) ;
- Règlement portant le statut des fonctionnaires (règlements 1/98 du 30 janvier 1998) et le régime
applicable au personnel de l’OHADA (règlement 2/98 du 30 janvier 1998).

9
Cf. Les arrêts 03/2005 du 27 avril 2005, 01/2006 du 05 avril 2006 et 01/2008 du 30 avril 2008
4
2)- Les décisions
Les Conseil des ministres a le pouvoir de décision qu’il exerce selon des règles procédurales bien déterminées.
On doit distinguer les décisions qui ont une portée générale de celles qui portent nomination de personnes devant
animer les organes prévus par les Traité.

a)- Décisions de portée générale


On peut citer entre autres décisions :

- La décision n° 004/99/CCJA du 3 février 1999 relative aux frais d’arbitrage ;


- La décision n° 004/99/CM du 12 mars 1999 portant approbation de la décision relative aux frais
d’arbitrage.

b)- Décisions individuelles


Les décisions individuelles sont nombreuses, puisqu’elle a fallu nommer : le secrétaire permanent pour une durée
de 4 ans renouvelable une fois (article 40, al. 1er) ; le directeur de l’Ecole régionale supérieure de la magistrature
(article 41, al. 2) ; le président de la Cour commune de justice et d’arbitrage et les autres juges après leur élection
par le Conseil des ministres.

3)- Les actes uniformes


L’OHADA pratique les Actes uniformes. Ces actes ont pour but l’uniformisation des droits positifs internes des
Etats parties. C’est ce qui ressort de l’article 5 du Traité OHADA qui dispose que les actes pris pour l’adoption
des règles communes prévues à l’article premier du présent traité sont qualifiés « actes uniformes ».

L’acte uniforme est l’instrument de l’harmonisation.

a)- Objet des Actes uniformes


L’objet des Actes uniformes recoupe dans une large mesure celui du traité de l’OHADA qui définit le domaine de
l’uniformisation du droit à réaliser. Le champ de compétence de l’OHADA est décrit de façon large par l’article 1er
du Traité OHADA. Ce traité a, en effet, pour objet l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties.

Son article 2 énumère les matières qui entrent dans le champ du droit des affaires. Entrent dans le domaine du
droit des affaires, l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants,
au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises
et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et
des transports et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l’unanimité, d’y inclure
conformément à l’objet du Traité et aux dispositions de l’article 8 du Traité (OHADA).

b)- Elaboration des Actes uniformes


Selon l’article 6 du traité OHADA, les Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat permanent en concertation
avec les gouvernements des Etats parties. Ils sont délibérés et adoptés par le Conseil des ministres après avis
de la CCJA.

La démarche est suffisamment hardie, osées, audacieuse, la solution est suffisamment innovante, originale pour
être passée sous silence, la compétence du conseil des Ministres est exclusive.

De la sorte, les parlements nationaux sont exclus du processus d’élaboration des Actes uniformes. En réservant
les lois autorisant les présidents de la république à ratifier le traité OHADA, les parlements n’ont plus été associés
à l’œuvre d’harmonisation du droit des affaires.
5
c)- Présentation des actes uniformes
A ce jour, dix (10) actes uniformes ont été adoptés que sont :

- L’acte uniforme relatif au droit commercial général (AUDCG) ;


- L’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ;
- L’acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) ;
- L’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution ;
- L’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ;
- L’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ;
- L’acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises ;
- L’acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route ;
- L’acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives
- L’acte uniforme relatif à la médiation.

§ 3 : Dans la CEDEAO
Les sources du droit de la CEDEAO peuvent être scindées en deux catégories : les sources primaires et les
sources dérivées. La nomenclature des sources du droit CEDEAO est identique à celle du droit UEMOA. Cette
identité est apparue avec la signature le 14 juin 2006 du Protocole additionnel A/SP.1/06/06 portant amendement
du Traité révisé de la CEDEAO.

A) LE DROIT PRIMAIRE
Le droit primaire de la CEDEAO est aujourd’hui constitué du Traité révisé de 1993 et des multiples protocoles
conclus depuis la création de cette organisation. La nature juridique du Traité et des protocoles ne suscite pas de
commentaire particulier ; ce sont des actes soumis au régime des actes conventionnels du droit international
public classique. Ils sont donc soumis à la procédure de ratification et de réception dans les ordres juridiques des
Etats membres. En d’autres termes, les Etats ne seront engagés qu’après des procédures, prévues par leurs
constitutions, pour insérer le droit international dans leurs ordres juridiques internes.

1°) Le Traité
L’article 92 dudit Traité abroge expressément le Traité constitutif de 1975 dès son entrée en vigueur et reprend à
son compte toutes les conventions, protocoles, décisions et résolutions adoptés depuis 1975. Le nouveau traité,
étant entré en vigueur le 23 août 1995, il faut donc considérer que le Traité de 1975 est abrogé dans toutes ces
dispositions. Le droit primaire constitue le "droit constitutionnel" de la CEDEAO en ce sens qu’il détermine les
compétences et les pouvoirs des différentes institutions mises en place et la mesure des actes juridiques qui
seront pris au sein de cette Communauté. Selon l’article 6 paragraphe 2, « Les institutions de la Communauté
exercent leurs fonctions et agissent dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent Traité et
par les protocoles y afférents ». La Conférence est d’ailleurs habilitée à saisir la Cour de Justice au cas où une
Institution de la Communauté outrepasserait ses compétences ou excéderait les pouvoirs que lui confère le
Traité10. La Cour de justice de la Communauté exerce donc le contrôle de conventionalité des actes comme le
juge constitutionnel le fait pour les lois au plan interne (contrôle de la constitutionnalité).

2°) Les Protocoles

10
Article 7 §3 (g) du Traité révisé.
6
Ce qui mérite d’être relevé, de prime abord, c’est le nombre pléthorique des protocoles adoptés au sein de cette
Communauté11. Au lieu d’utiliser le droit dérivé pour la mise en application des dispositions du Traité, les Etats
membres ont eu souvent recours aux protocoles12. Il y a lieu de s’interroger sérieusement sur les raisons qui
motivent cette préférence pour le droit primaire. Les Etats se refusent à prendre des actes contraignants. Il s’agit,
cependant, de donner une bonne impression en signant les protocoles, tout en sachant qu’on ne sera tenu de les
exécuter qu’après ratification. En d’autres termes, les Etats ne seront liés que s’ils le souhaitent. Il n’est pas
exagéré de dire, à la lumière des résultats très peu encourageants de cette Communauté, que la CEDEAO est
« une tribune de bonnes intentions ». En effet, l’usage très fréquent de ces instruments juridiques, accompagné
de l’exigence de l’unanimité dans l’élaboration du droit dérivé, a constitué un handicap sérieux dans l’application
du droit communautaire. De la signature des actes jusqu’à leur mise en vigueur, les circonstances peuvent
beaucoup changer et ne plus correspondre à la réalité. En plus, étant donné que la ratification d’un certain nombre
d’Etats (généralement sept pays membres) suffisait à mettre en vigueur les protocoles, certains Etats (ceux qui
les ont ratifiés) pouvaient être liés tandis que d’autres (ceux qui ne les avaient pas ratifiés) ne l’étaient pas. Ceci
aboutit à un système juridique fragmenté, un système juridique « à la carte ». Cette situation contraste avec le
caractère d’intégration de cette organisation. En effet, par souci d’efficacité, les organisations d’intégration ont
plutôt recours aux actes dérivés pour la réalisation de leurs objectifs.

B) LE DROIT DERIVÉ
Le droit dérivé de la CEDEAO est constitué des différents actes que prennent les Institutions pour appliquer le
droit primaire. Ces actes émanent principalement de la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement, du
Conseil des ministres et de la Commission. Comme nous l’avons souligné plus haut, les sources dérivées du droit
CEDEAO sont identiques à celles du droit UEMOA, depuis l’adoption du Protocole portant amendement du Traité
révisé. Ainsi, selon le nouvel article 9 paragraphe 1er, « Les actes de la Communauté sont dénommés Actes
additionnels, Règlements, Directives, Recommandations et Avis » (Cf. article 42 du Traité UEMOA). En outre,
ces nouvelles catégories de sources du droit CEDEAO ont les mêmes caractéristiques que celles de l’UEMOA.
De ce fait, le respect des actes additionnels s’impose aux Etats membres et à l’ensemble des organes de la
Communauté. Quant aux règlements, ils ont une portée générale et sont obligatoires dans tous leurs éléments.
Ils sont directement applicables dans les Etats membres, et ont force obligatoire à l’égard des Institutions de la
Communauté. Les directives, elles, lient les Etats membres quant aux objectifs à atteindre. S’agissant des
décisions, elles sont obligatoires pour leurs destinataires. Enfin, les avis et recommandations n’ont pas de force
exécutoire13.
Les actes additionnels, les règlements, les directives et les décisions doivent être publiés au Journal Officiel de
la Communauté et par chaque Etat membre à son Journal Officiel, dans les trente jours de leur signature. Les
décisions doivent également être notifiées à leurs destinataires. Les actes additionnels, les règlements et les
directives entrent en vigueur après leur publication par la Commission, à la date qu’ils auront fixée à cet effet.
Quant aux décisions, elles prennent effet à compter de leur date de notification14.
Pour conclure sur les sources des droits UEMOA et CEDEAO, force est de relever l’absence d’une hiérarchie
formelle des normes communautaires. Les deux traités ont muets en la matière. Ni la nomenclature des actes
communautaires fixée par les articles 42 du Traité UEMOA et 9 du Traité révisé de la CEDEAO, ni la jurisprudence

11
L’on compte plus d’une trentaine de protocoles dans la CEDEAO : au total 26 protocoles et conventions étaient en
vigueur au 30 juin 1993, (Voir tableau des protocoles et conventions entrés en vigueur le 30/06/1993) ; sans compter ceux
qui ne sont pas en vigueur et ceux qui ont été signés ultérieurement. L’on peut également y ajouter les deux (2) Protocoles
additionnels portant respectivement amendement du Protocole relatif à la Cour de Justice de la Communauté (2005) et du
Traité révisé (2006).
12
Les dispositions sur la libre circulation des biens et des personnes sont essentiellement contenues dans les protocoles
additionnels.
13
Voir. Article 9 nouveau.
14
Article 9 § 2 et 3 nouveau.
7
communautaire ne fournit des indications sur la hiérarchie qui assoit la cohérence normative de l’ordre juridique
communautaire. On peut néanmoins, en référence au rôle des organes et au droit communautaire comparé,
établir la hiérarchie suivante :
1°)- le traité constitutif et les protocoles additionnels ;
2°)- les actes additionnels (complètent le traité sans le modifier – assimilables aux lois organiques) ;
3°)- les principes généraux du droit ;
4°)- les actes de droit dérivé conventionnels (accords internationaux) ;
5°)- les actes de droit dérivé unilatéral qui comprennent :
- des mesures de portée générale (droit dérivé de premier niveau) ;
- des mesures d’exécution (droit dérivé de deuxième rang) ;
6°)- la jurisprudence.
Une telle hiérarchisation est purement indicative puisque ne reposant sur aucun fondement juridique. C’est dire
l’utilité qu’il y aura, en cas d’adaptation du Traité, de penser à établir une hiérarchie des normes communautaires.

SECTION 2 : LES RAPPORTS ENTRE LES ORDRES JURIDIQUES


La mise en place d’une entité intégrée conduit à l’imbrication des ordres juridiques communautaires et nationaux.
Les différents modes de relation vont de la substitution à la coexistence en passant par l’harmonisation et la
coordination15. Dans ses relations avec les ordres juridiques nationaux, le droit communautaire privilégie la
substitution et l’harmonisation.
La substitution correspond à l’hypothèse dans laquelle les compétences étant mises en commun, le droit
correspondant ne peut qu’émaner des autorités communautaires à l’exclusion de toute intervention nationale.
Dans ce cas de figure, le droit communautaire réalise une véritable intégration juridique et se présente
formellement et matériellement comme un droit uniforme. Les systèmes de droits nationaux sont ainsi dans
l’obligation de l’assimiler.
Dans l’harmonisation, par contre, le droit national continue d’exister en tant que tel, mais se trouve privé de la
possibilité de déterminer lui-même ses finalités ; « il doit se modifier et évoluer en fonction d’exigences définies
et imposées par le droit communautaire de sorte que les différents systèmes nationaux présentent entre eux un
certain degré d’homogénéité et de cohérence découlant de finalités désormais communes »16.
La superposition des ordres juridiques qui résulte de toute entreprise d’intégration conduit à asseoir l’application
du droit communautaire sur deux principes : le principe d’intégration17 et le principe de primauté. Reste à vérifier
le degré d’effectivité de ces principes dans l’UEMOA (§.1) et dans la CEDEAO (§.2).

§ 1 : Dans l’UEMOA

15
Pour plus de détails voir., J. BOULOUIS, op.cit. pp.241-245.
16
Voir, J. BOULOUIS, op. cit., p.242.
17
Sur la question on consultera utilement , entre autres ouvrages de droit institutionnel européen : J. BOULOUIS, Droit
institutionnel de l’Union Européenne, 5e éd Paris, Montchrestien, 1995, pp. 191-264 ; L. CARTOU, Communautés
Européennes, 10è éd., Paris Précis Dalloz, 1991, pp.109-141 ; G. ISAAC, Droit communautaire général, 4è éd., Paris,
Masson, 1994, pp. 117-218 ; Jean-Victor LOUIS, L’ordre juridique communautaire 5è éd., Bruxelles, CCE, Perspectives
Européennes, 1990, 201p ; J. VERHOEVEN, Droit de la Communauté européenne, Bruxelles, Larcier, 1996, pp.227-277
Ph. MANIN, Les Communautés européennes, L’Union européenne, Paris, Pedone, 3e éd., 1997, pp.305-323.
8
Dans les rapports entre les ordres juridiques, deux principes s’imposent au niveau de l’UEMOA : ceux
d’intégration et de primauté.

A)- LE PRINCIPE D’INTEGRATION


Le droit communautaire forme un système juridique autonome intégré dans le droit des Etats membres. Selon
l’heureuse formule de la CJCE : « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE a
institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres lors de l’entrée en vigueur
du traité et qui s’impose à leurs juridictions »18. Les effets de l’application du principe d’intégration prennent un
tour particulier compte tenu du fait que les normes produites par les différents ordres juridiques
communautaires portent dans une grande mesure sur les mêmes domaines. Le principe d’intégration dont
découle l’applicabilité directe du droit communautaire est une donnée essentielle dans tout processus
d’intégration qui entend dépasser le stade de la simple coopération. En effet, l’efficacité du droit
communautaire dépend non seulement des conditions de son insertion dans l’ordonnancement juridique des
Etats membres mais aussi de ses effets.
« L’applicabilité directe... signifie que les règles du droit communautaire doivent déployer la plénitude de leurs
effets d’une manière uniforme dans tous les Etats membres, à partir de leur entrée en vigueur et pendant toute
la durée de leur validité ; qu’ainsi ces dispositions sont une source immédiate de droits et obligations pour tous
ceux qu’elles concernent, qu’il s’agisse des Etats membres ou des particuliers qui sont parties à des rapports
juridiques relevant du droit communautaire »19.
De cette définition donnée par la CJCE, il ressort que l’applicabilité renferme deux réalités : un aspect formel
qui concerne l’introduction du droit communautaire dans les droits nationaux, un aspect matériel qui touche à
la capacité du droit communautaire à créer, au bénéfice ou à la charge des particuliers, des droits et des
obligations dont ces derniers peuvent se prévaloir directement sans mesure nationale d’application.
L’expression « applicabilité directe » recouvre donc deux notions distinctes :
➢ ‘immédiateté des normes communautaires : les normes communautaires font partie intégrante des
droits nationaux dès leur publication au Bulletin officiel de l’UEMOA ou leur notification à leurs
destinataires. Leur pénétration dans les ordres juridiques ne nécessite aucun acte de réception
intermédiaire20.
➢ l’effet direct des normes communautaires : certaines normes communautaires créent des droits et
obligations pour les individus et peuvent donc être invoquées directement devant le juge national par
ceux-ci21.
1°)- L’applicabilité immédiate ou immédiateté de l’entrée en vigueur
L’applicabilité immédiate a pour conséquence l’interdiction de toute transformation et la proscription de toute
procédure de réception des normes communautaires. Ce faisant tout acte recognitif ou confirmatif est non
seulement inutile mais inadmissible. Cela signifie, suivant la formule célèbre de la Cour de justice des
Communautés européennes, que « les dispositions communautaires pénètrent dans l’ordre juridique interne
sans le secours d’aucune mesure nationale »22. Cette automaticité de l’entrée en vigueur des actes et leur

18
Arrêt Costa c/ ENEL, 15 juillet 1964, Aff. 6/64, p. 1141.
19
Arrêt Simmenthal, 9 mars 1978 aff. 106/77 Rec. 78, p.629 et s.
20
L’arrêt de référence dans l’UE est : CJCE 1964, Costa c/ ENEL Rec., 1964, p. 1141 : « L’ordre juridique communautaire
constitue un ordre juridique propre, intégré au système juridique des Etats membres ».
21
L’arrêt de référence dans l’UE est : CJCE 5/02/1963, Van Gend en Loos, Rec. 1963, p.3. « Le droit communautaire,
indépendant de la législation des Etats membres, de même qu’il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi
destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique ».
22
CJCE, 3 avril 1968, Firma Molkerei, Aff. 28/67, Rec. 1968, p. 211.
9
immédiateté d’application font que « l’exclusivisme territorial »23 des Etats s’effrite : les autorités nationales ou
plutôt les souverainetés nationales ne constituent plus un obstacle pour l’intégration des actes des institutions
communautaires dans les systèmes juridiques des Etats membres. Les normes édictées ont ainsi un caractère
transnational et acquièrent automatiquement statut de droit positif au sein de chacun des Etats membres 24.
En la matière et eu égard à l’unanimité dont jouit la conception moniste au sein des Etats membres de
l’UEMOA, l’applicabilité immédiate bénéficie à toutes les normes du droit communautaire (Traité constitutif,
protocoles additionnels, actes additionnels, règlements, directives, décisions, actes uniformes).
Il y a lieu de préciser que les formalités de publicité interne (publication aux journaux officiels nationaux pour
le droit primaire) ou la transposition des directives doivent être regardées comme des mesures d’exécution,
nullement comme des actes de réception.

2°)- L’effet direct ou « invocabilité »


Pour l’illustrer, le juge Lecourt affirmait à propos des Communautés européennes : « Ou bien la Communauté
est, pour les particuliers, une séduisante mais lointaine abstraction intéressant seulement les gouvernements
qui leur appliquent discrétionnairement les règles ; ou bien elle est pour eux une réalité effective et, par
conséquent, créatrice de droits »25
L’effet direct, selon Jean BOULOUIS, est : « le droit pour toute personne de demander à son juge de lui
appliquer le droit communautaire ; et c’est concomitamment l’obligation pour le juge de faire usage de ce droit
quelle que soit la législation du pays dont il relève »26. Il est défini par Sean-Van RAEPENBUSCH, comme
« l’aptitude du droit communautaire à compléter le patrimoine juridique des particuliers en leur reconnaissant
des droits subjectifs ou en mettant à leur charge des obligations tant dans leur rapport avec les autres
particuliers (effet direct horizontal) que dans les rapports avec l’Etat (effet direct vertical) »27.
L’effet direct ou « invocabilité » a donc trait à la capacité du droit communautaire à créer des droits et des
obligations au bénéfice ou à la charge des particuliers dont ceux-ci peuvent se prévaloir, à toutes fins utiles,
directement devant les autorités ou les juridictions nationales sans recours préalable à une mesure nationale
d’exécution, notamment pour en tirer des droits ou pour faire annuler ou déclarer inapplicables des actes
nationaux non conformes au droit communautaire. L’effet direct implique, en plus de l’« immédiatisation » de
la condition juridique des ressortissants de l’Union, une obligation d’application intégrale et conduit à une
« communautarisation » des fonctions des juridictions nationales28. Il importe de préciser, en référence à la
jurisprudence de la CJCE, que la plupart des normes, pour avoir cette qualité, doivent être claires, précises,
complètes, juridiquement parfaites et inconditionnelles29. « Il faut, en d’autres termes, que la norme soit
juridiquement et matériellement achevée »30.Il en résulte que c’est le caractère inconditionnel de l’acte qui fait
qu’il se suffit à lui-même, sans qu’aucun autre acte des institutions communautaires ou nationales ne soit
nécessaire.

23
L’exclusivisme territorial est l’un des principes sous-jacents au principe de souveraineté. Il postule, sous l’angle
juridique, le fait qu’aucune norme extérieure ne peut trouver à s’appliquer sur le territoire d’un Etat sans avoir fait l’objet
d’une réception (qui s’analyse en une sorte d’exequatur).
24
G. ISAAC, Droit communautaire général, Paris, Masson, 1983, p. 151.
25
Voir, R. LECOURT, L’Europe des juges, Bruxelles, 1976, p.248.
26
J. BOULOUIS, op. cit.
27
S. VAN RAEPENBUSCH, Droit institutionnel de l’Union européenne, Bruxelles, De Boeck, 1996
28
P. MEYER et L.M IBRIGA « La place du droit communautaire-UEMOA dans le droit interne des Etats » RBD n°37, p.
39.
29
Cf. CJCE Molkerei, Aff. 28/67, Rec. 1968, p. 226; CJCE Van Duyn, Aff. 41/74, Rec. 1974, p. 1337.
30
P.M. DUPUY, Droit international, Dalloz, 3e éd., 1995, n° 408.
10
On distingue en la matière l’effet direct complet, intégral ou non restreint (effet direct horizontal et vertical), et
l’effet direct limité ou restreint (effet direct vertical seulement).31
Par sa jurisprudence, la CJCE a délimité la portée pratique de l’effet direct attaché aux différents types d’actes
communautaires. Dans le principe, l’effet direct s’attache à toutes les normes communautaires. Pour la CJCE,
« … si, en vertu des dispositions de l’article (249), les règlements sont directement applicables […], il n’en
résulte pas que d’autres catégories d’actes visés par cet article ne peuvent jamais produire des effets
analogues »32. Partant de là, elle a consacré le principe de l’invocabilité des directives, ce qui a conduit à une
variation dans l’intensité ou la portée pratique de l’effet direct en fonction des différentes catégories de normes
communautaires :
➢ inconditionnel et non restreint pour les règlements, les décisions adressées aux particuliers et les
principes généraux du droit communautaire33 ;
➢ conditionnel et non restreint pour les traités constitutifs et les accords internationaux signés par la
l’organisation34 ;
➢ conditionnel et restreint pour les directives35 car les directives ne sont invocables que si le délai imparti
pour leur mise en œuvre est expiré sans mise en application correcte. En outre, les directives sont
uniquement et exclusivement invocables dans le cadre d’un litige vertical (particulier/Etat) et non contre
les particuliers (effet horizontal) à condition que leurs dispositions soient inconditionnelles et précises36.
Dans le droit communautaire de l’UEMOA37, les règlements appartiennent à la catégorie des normes d’effet direct
inconditionnel et non restreint38. Pour les dispositions du droit primaire et des accords internationaux, leur

31
On parle d’effet direct vertical si la norme communautaire peut être invoquée dans un litige entre un individu et un Etat
membre, et d’effet direct horizontal si elle peut l’être dans un litige entre deux particuliers. L’effet direct vertical est celui
qui s’attache à toute norme assortie de l’effet direct en ce qu’elle confère directement et verticalement des droits ou impose
des obligations aux particuliers qui peuvent les invoquer à l’encontre de leur Etat tenu de faire respecter la règle
communautaire sur son territoire. Quant à l ’effet direct horizontal, c’est celui qui se produit entre particuliers
horizontalement c’est à dire qu’une disposition assortie d’un tel effet peut être invoquée par les particuliers dans leurs
rapports interpersonnels.
32
CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad, Aff. 9/70, p. 825.
33
Cela signifie que l’effet direct est automatique, c’est-à-dire qu’un particulier peut invoquer les actes et principes
communautaires tant à l’encontre de l’Etat (litige dit vertical) qu’à l’encontre d’un autre particulier (litige dit horizontal).
Cf. CJCE, 14 décembre 1971, Politi, Aff. 43/71, Rec. 1971, p. 1039.
34
Ces sources peuvent être invoquées dans n’importe quel type de litiges mais à certaines conditions. Cf. CJCE, 5 février
1963, Van Gend & Loos Aff. 26/62, Rec.1963, p. 9 ; CJCE, 1er juin 1974, Reyners, Aff. 2/74, Rec. 1974, p. 631).
35
Cf. CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn Aff. 41/74, Rec.1974, p. 1337.
36
Dans ce sens, la Cour de Justice des Communautés européennes affirme dans de nombreuses décisions que : « Dans tous
les cas où les dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et
suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées à défaut de mesures d’application prises dans les délais, à
l’encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu’elles sont de nature à définir des
droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l’encontre de l’Etat » (CJCE, 19 janvier 1982, Becker, Aff. 8/81,
Rec. 82, 53 (71) ; CJCE, 25 janvier 1983, Smit, Aff.126/82, Rec. 83, 73 (88) ; CJCE, 20 septembre 1988, Beentjes,
Aff.31/87, Rec. 88, 4635 (4662).
37
Ces déductions faites sur la base du droit communautaire européen le sont du fait de la similitude dans la rédaction des
dispositions concernant ces actes dans le Traité UEMOA et celui des Communautés européennes. En outre le juge
communautaire UEMOA ne se prive pas de se référer à la jurisprudence de la Cour de Justice de Luxembourg pour motiver
ses arrêts. Cf. Arrêt n°01/2008 du 30 avril 2008 dans l’Affaire YAÏ : « "Les deux arrêts précités ont donné entièrement
satisfaction au requérant qui peut en tirer toutes les conséquences de droit surtout qu’il est de jurisprudence constante que
la cour n’est pas obligée de déclarer recevable un recours lorsque, par une décision antérieure, elle donne entière satisfaction
au requérant sur le point de droit invoqué « le recours en annulation contre une décision d’une institution communautaire
n’est pas recevable, dès lors qu’une décision antérieure avait donné satisfaction au requérant" (CJCE arrêt du 13 décembre
1984, affaire Méyer épouse HANSER contre Comité Economique et Social) ».
38
L’effet direct est expressément affirmé. Cf. Articles 9.5 du Traité CEDEAO, 43 du Traité UEMOA, 10 Traité OHADA
11
invocabilité exige qu’elles remplissent les qualités d’une règle claire, précise, complète, juridiquement parfaite et
inconditionnelle.
Concernant les directives, il faut relever que, par essence, elles ne peuvent être d’effet direct compte tenu du
fait qu’elles nécessitent des mesures interne de transposition. Cette caractéristique a conduit pendant
longtemps la doctrine, en droit communautaire européen, à lui dénier tout effet direct39 Cependant la CJCE a,
sur la base du principe de l’effet utile40 et du défaut d’exécution de la directive41, reconnu l’invocabilité des
directives. Il ne peut s’agir, en l’espèce, que d’un effet direct vertical, de surcroît ascendant42 puisque les
directives s’adressent aux Etats, non aux individus.
L’invocabilité des décisions conduit à envisager deux situations. Celle où la décision est adressée à des
particuliers : dans ce cas de figure la décision, par définition, produit un effet direct sur la situation juridique de
ces particuliers. La seconde situation est celle où la décision est adressée aux Etats. Dans cette espèce, l’effet
direct est conditionné par le caractère précis clair et inconditionnel des dispositions concernées43
L’applicabilité directe ainsi constatée et affirmée serait sans portée si elle n’était couplée à la suprématie de
l’ordre juridique communautaire.

B)- LE PRINCIPE DE PRIMAUTE


La primauté, c’est l’affirmation de la précellence, de la prééminence du droit communautaire sur les droits
nationaux. La primauté est une exigence fondamentale dans un ordre d’intégration. Sans elle « l’ordre juridique
communautaire risquerait de se décomposer en série d’ordres partiels, autonomes et divergents »44. La mise
en œuvre de cette conception aboutit à une solution non équivoque : le droit de l’Union prime le droit interne
des Etats membres. Il ne pouvait en être autrement car le postulat de la primauté du droit communautaire
répond à des impératifs d’unité, d’uniformité et d’efficacité45. Quel est son fondement ? (1) Quelles sont sa
portée et ses conséquences ? (2).

1°)- Le fondement de la primauté


Contrairement à son origine prétorienne dans l’Union Européenne, la primauté, dans le droit de l’intégration en
Afrique de l’Ouest trouve sa consécration dans les traités constitutifs des organisations d’intégration, notamment
l’UEMOA et l’OHADA. Dans l’UEMOA l’affirmation est faite à l’article 6 du traité tandis que dans l’OHADA elle est
consignée à l’article 10. Dans les deux traités la primauté est proclamée à travers l’expression suivante :
« nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure ». Cette formule consacre la
primauté comme un élément essentiel de l’efficacité du droit communautaire dans les ordres juridiques nationaux.

39
La majorité de la doctrine a pendant longtemps soutenu que les directives ne pouvaient pas être d’effet direct pour trois
raisons :
- l’article 249 du traité d’Amsterdam ne le précise pas comme il le fait pour le règlement ;
- les directives ont pour destinataire les Etats membres et non leurs ressortissants ;
- par définition, la directive n’est pas une norme complète puisqu’elle doit être transposée par les Etats.
40
CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, Aff. 41/74, Rec 1974, p.1337
41
CJCE, 6 mai 1980, Commission c/ Belgique, Aff. 102/79, Rec, p.1473. Le défaut d’exécution peut résulter de l’absence
de transposition dans les délais impartis ou d’une transposition incorrecte.
42
Il ne peut y avoir d’effet direct vertical descendant puisque l’Etat à qui incombe le défaut d’exécution, ne peut invoquer
la directive contre les particuliers
43
CJCE, 6 octobre 1970, Franz Grad, Aff. 9/70, Rec, p.825 ; CJCE, 8 mars 1979, Salumificio di Comuuda, Aff. 130/78,
Rec, p.867 ; CJCE, 12 décembre 1990, Kaeffer et Procacci c/ Etat français, Aff. C-100 et 101/89, Rec, p.I-4647.
44
M. DEHOUSSE cité par L. CARTOU in Communautés Européennes, 1Oème édition, Paris, Dalloz, 1991, p.124.
45
R. KOVAR, “ Les rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux ” in Trente ans de droit communautaire,
Bruxelles, Commission Européenne, Coll. Perspectives européennes, 1981, p.118.

12
2°)- La portée et les conséquences
L’affirmation de la primauté du droit communautaire signifie qu’en présence d’une contrariété entre le droit
communautaire et une règle constitutionnelle, légale, réglementaire ou administrative de son propre droit, le juge
national doit faire prévaloir le droit communautaire sur le droit national, en appliquant le premier et en écartant le
second. Cette caractéristique vaut pour l’ensemble des règles obligatoires du droit communautaire sur les règles
du droit interne.
C’est d’ailleurs l’avis de la Cour de Justice de l’UEMOA dans son avis n° 001/2003 du 18 mars 2003 dans lequel
il affirme : « La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées,
immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales administratives,
législatives, juridictionnelles et, même, constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte
dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux.
Les Etats ont le devoir de veiller à ce qu’une norme de droit national incompatible avec une norme de droit
communautaire qui répond aux engagements qu’ils ont pris, ne puisse pas être valablement opposée à celle-ci.
Cette obligation est le corollaire de la supériorité de la norme communautaire sur la norme interne.
Ainsi, le juge national, en présence d’une contrariété entre le droit communautaire et une règle de droit interne,
devra faire prévaloir le premier sur la seconde en appliquant l’un et en écartant l’autre ».
Cette affirmation jurisprudentielle doublée de l’affirmation formelle inscrite dans les articles 646 du Traité de Dakar
confirme l’adoption du postulat moniste pour résoudre le problème de l’intégration du droit communautaire dans
les ordres juridiques nationaux. La solution non équivoque : le droit d’essence communautaire prime le droit
interne des Etats membres. Le principe de primauté devient ainsi une composante essentielle de l’ordre public
communautaire, principe devant assurer, dans chacune des deux organisations, la cohérence comme la cohésion
de l’ordre juridique. Il ne pouvait en être autrement car le postulat de la primauté du droit communautaire répond
à des impératifs d’unité, d’uniformité et d’efficacité47.

§ 2 : Dans la CEDEAO
Il s’agira également ici d’explorer les principes d’intégration (A) et de primauté (B).

A) LE PRINCIPE D’INTEGRATION
Les actes des Institutions de la CEDEAO ont-ils un effet immédiat ? Les particuliers (les citoyens de la CEDEAO)
peuvent-ils réclamer devant les juridictions des Etats membres des droits sur la base des textes adoptés au plan
communautaire ? Peuvent-ils attaquer des actes nationaux des Etats en alléguant leur contrariété au droit
CEDEAO ?
La réponse aurait été négative il y a quelques années tant le caractère interétatique du droit de la CEDEAO était
patent. Si l’existence d’un Journal Officiel de la Communauté pouvait laisser supposer l’existence de l’applicabilité
immédiate, l’effet direct paraissait bien écarté au regard des dispositions du Traité originel comme du Traité révisé
de 1993. En effet, l’article 9 §.4 du Traité révisé prévoyait que les décisions de la Conférence n’ont de force
obligatoire qu’à l’égard des Etats membres et des Institutions de la Communauté et l’article 12 §.3 disposait que
« les règlements du Conseil n’ont, de plein droit, force obligatoire qu’à l’égard des Institutions ». Les seuls

46
« Les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux
règles de procédure instituées par celui-ci, sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale
contraire antérieure ou postérieure ».
47
R. KOVAR, « Les rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux » in Trente ans de droit communautaire,
Bruxelles, Commission européenne, Coll. Perspectives européennes, 1981, p.118.
13
destinataires du droit CEDEAO, à l’époque, étaient donc les Etats membres et les institutions communautaires, à
l’exclusion des particuliers.
Depuis l’adoption des protocoles additionnels A/SP.1/01/05 du 19 janvier 200548 et A/SP.1/06/06 du 14 juin
200649, les choses ont radicalement changé. Avec la nouvelle nomenclature des actes du droit CEDEAO similaire
à celle de l’UEMOA et l’ouverture de la saisine de la Cour de Justice aux particuliers, ces interrogations n’ont plus
qu’un intérêt historique. On peut affirmer, sans risque de se tromper, que les normes CEDEAO sont aujourd’hui,
à l’image de celles de l’UEMOA, d’applicabilité immédiate et d’effet direct. Cette évolution en ce qui concerne
l’effectivité du principe d’intégration n’est pas repérable pour ce qui est du principe de primauté.

B) LE PRINCIPE DE PRIMAUTE
En la matière et malgré l’amendement du Traité révisé, la CEDEAO ne peut malheureusement se prévaloir ni de
disposition expresse de son Traité, ni d’une jurisprudence communautaire, ni de jurisprudence nationale affirmant
le principe de primauté50. Cependant, avec la signature du Protocole A/SP1/06/06 de 2006, l’on peut présumer
une réelle volonté des Etats membres d’adjoindre au droit CEDEAO un caractère de primauté. Quelques éléments
décelés çà et là permettent de soutenir cette affirmation. L’article 4 (i) prévoit, en effet, que les Hautes parties
contractantes affirment et déclarent solennellement leur adhésion au principe de « reconnaissance et de respect
des règles et principes juridiques de la Communauté ». L’article 5 §.3 dispose pour sa part que « chaque Etat
Membre s’engage à honorer ses obligations aux termes du présent Traité et à respecter les décisions et les
règlements de la Communauté ». Cela suppose que les Etats doivent prendre les dispositions pour rendre
inapplicables leurs législations nationales contraires au droit communautaire. De même, aux termes de l’article
76 §.2, la décision de la Cour de Justice de la Communauté est exécutoire et sans appel. De ce fait, cette décision
s’impose aux Etats membres, aux Institutions ainsi qu’aux personnes physiques et morales de la Communauté.
Toujours est-il que ce caractère, essentiel pour l’institution effective de la supranationalité devrait être garanti par
la Cour de Justice de la Communauté. Eu égard aux incertitudes que présente le texte du Traité, elle seule peut,
par sa jurisprudence, donner plein effet à la primauté du droit communautaire CEDEAO sur les droits nationaux.

48
Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P/17/91 relatif à la Cour de
justice de la Communauté.
49
Protocole additionnel A/SP.1/06/06 du 14 juin 2006 portant amendement du Traite révisé de la CEDEAO
50
A notre connaissance, aucune juridiction nationale n’a eu à affirmer le principe de primauté.
14

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