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lundi 25 mars 2024

SÉANCE 7 : LE RECOURS EN ANNULATION ET EN


RESPONSABILITÉ

I. Le recours en annulation

→ Le recours en annulation est un instrument juridique qui permet aux pays de l'UE et aux
institutions et organes de l'UE, de même qu'aux citoyens, entreprises et groupes d'intérêt, de
soumettre une requête directe à la Cour de justice de l'Union européenne, en vue d'un
contrôle juridictionnel pour vérifier la légalité des actes de l’UE.

Article 263 TFUE : « La Cour de justice de l'Union européenne contrôle la légalité des actes
législatifs, des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne,
autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du
Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l'égard des tiers. Elle contrôle
aussi la légalité des actes des organes ou organismes de l'Union destinés à produire des
effets juridiques à l'égard des tiers. »

Art 230 TCE (ex-article 173) : « La Cour de justice contrôle la légalité des actes adoptés
conjointement par le Parlement européen et le Conseil, des actes du Conseil, de la
Commission et de la BCE, autres que les recommandations et les avis, et des actes du
Parlement européen destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers. »

→ Sur la question de la qualité des requérants pour agir : possibilité d’attaquer les actes qui
les concernent directement et individuellement → critère d’affectation directe et
individuelle.
- À l’origine (art 230 TCE) : ne pouvait demander l’annulation que des décision qui, bien
que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressé à une autre pers,
la concerne directement et individuellement.
- TL : a simplifié la rédaction de cet art pour évoquer des actes qui concernent
directement et individuellement les requérants.

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L’affectation directe : acte du DUE produit directement ses effets sur la situation
juridique du particulier en ne laissant aucune marge d’appréciation aux destinataires de
cette mesure chargée de sa mise en oeuvre → a un caractère purement automatique et
découlant de la seule réglementation sans application d’autres R intermédiaires.

L’affectation individuelle : les PP ou PM peuvent former un recours contre un acte s’ils


sont individuellement concernées par une mesure communautaire lorsque, en raison de la
situation dans laquelle elle se trouve, l’acte nuit ou est susceptible de nuire à ses intérêts de
manière substantielle.

→ Art 230 TCE : « toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes
conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les
décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision
adressée à une autre per- sonne, la concernent directement et individuellement »

• Sur le lien individuel

CJCE, 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes et


autres c/ Conseil de la Communauté économique
Sur la recevabilité :
- Art 173, al.2, du traité C.E.E. : les PP ou PM ne peuvent former un recours c/ un acte
émanant de la Commission ou du Conseil que si cet acte constitue soit une décision
dont elles sont les destinataires, soit une décision laquelle, bien que prise sous
l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, les
concerne directement et individuellement.

CJCE, 5 juillet 1963, Plaumann : définit le lien individuel


Les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre ê concernées
individuellement que si cette décision les atteints en raison de certaines qualités qui leurs sont
particulières, ou d’une situation de fait qui les caractérisent p% à tt autre pers → les
individualisent.

>> DÉFINITION CONTESTÉE : trop restrictive et ne garantissait donc pas une protection
juridictionnelle effective des droits que les particuliers tirent du droit communautaire.

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CJCE, 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores (UPA)
Des PP ou PM ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l'article 173
al.4, du traité (devenu article 230), attaquer directement des actes communautaires de portée
générale, ont la possibilité de faire valoir l'invalidité de tels actes :
- Soit de manière incidente devant le juge communautaire ;
- Soit devant les juridictions nationales et d'amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes
pour constater elles-mêmes l'invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par
la voie de questions préjudicielles.

Ainsi, le requérant en tant que représentant des î de ses mb, peut être recevable à introduire
un recours en annulation du règlement attaqué, au seul motif que le droit à une protection
juridictionnelle effective l’exigerait, compte tenu de l’absence alléguée de toute voie de
recours devant la juridiction nationale.

• Sur l’interprétation de l’article 263 alinéa 4 tel que modifié par le Traité de Lisbonne

L’innovation de Lisbonne : désormais un requérant peut agir contre les actes réglementaires
qui les concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.
- Actes réglementaires : actes de protée générale et impersonnelle.
- Mesure d’exécution : la disposition constitue une règlementation complète qui se suffit à
elle-même et qui n’appelle aucune disposition d’application pouvant ainsi concerner
directement les particuliers (Cf. Arrêt Inuit).

CJUE, 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami :


La jurisprudence est venue préciser que l’expression d’acte réglementaire ne vise pas les
actes à portée générale qui ont un caractère législatif.

Le recours en annulation ne peut pas ê intenté de manière de manière inconditionnelle.

La Cour conserve son interprétation stricte de l’article 263, alinéa 4, du TFUE, issue de
l’arrêt Plaumann de 1963, exigeant que le requérant soit individuellement concerné pour que
le recours en annulation soit recevable contre un acte de portée générale adoptée par les
institutions de l’Union. La Cour justifie cette approche par le système juridictionnel complet

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de l’Union, qui repose non seulement sur les voies de droit de l’Union, mais également sur
celles des États membres, garantissant un contrôle effectif de légalité des actes de l’Union.
CJUE, gde ch., 6 nov. 2018, Scuola Elementare Maria Montessori : Ouverture du droit au
recours direct pour les concurrents des bénéficiaires d’une aide

Faits : Le litige concernait une mesure italienne d’exonération de la taxe municipale accordée
à des entités non commerciales sur les biens immobiliers utilisés à des fins spécifiques pour
laquelle la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen.

La Commission, elle allègue que le Tribunal a erronément interprété et appliqué chacune des
trois conditions cumulatives de l’article 263 al.4 TFUE.
La Commission constate que ce régime d’aides était incompatible avec le marché intérieur et
illégalement mis à exécution + a estimé qu’il serait impossible pour la République italienne
de récupérer les aides et n’a donc pas ordonné leur récupération.

Commission : soutient que la qualification de la décision litigieuse d’acte réglementaire est


entachée d’erreurs de droit → Tribunal aurait estimé, à tort, que tout acte non législatif de
portée générale est nécessairement un acte réglementaire.

CJUE : examine pour la première fois pour les concurrents des bénéficiaires d’aides
l’applicabilité des trois conditions cumulatives de l’al.4 de l’article 263 du TFUE leur
permettant d’introduire un recours direct contre une décision de la Commission. En l’espèce,
les conditions étaient réunies dans la mesure où :
- La décision contestée de la Commission constituait bien un acte règlementaire de
portée générale ;
- Cette décision avait pour effet de placer les concurrents dans une situation
concurrentielle désavantageuse ;
- La décision ne comportait pas de mesure d’exécution à leur égard.

→ En application de ces 3 conditions, la CJUE a reconnu la possibilité pour les concurrents


de bénéficiaires d’aides de former un recours devant la CJ.

II. Le recours en responsabilité

Le recours en responsabilité permet d'obtenir des indemnités en raison d'un dommage dont
l'Union est responsable. Il peut être formé par les États membres ou les particuliers.

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Il existe ainsi deux types de recours :
- Les recours mettant en cause la responsabilité contractuelle de l’Union lorsque celle-ci
est partie à un contrat ;
>> Les organes et les agents de l’Union sont en mesure de conclure des contrats
engageant la responsabilité de l’Union. La CJUE n’est cependant pas toujours
compétente pour statuer sur les litiges nés de ces contrats.
>> Le recours en responsabilité ne peut être formé devant la CJUE que si une clause
compromissoire le prévoit. Autrement dit, le contrat auquel l’Union est partie doit
obligatoirement comporter une clause prévoyant la compétence de la CJUE en
cas de litige. À défaut d’une telle clause, les juridictions nationales seront
compétentes pour statuer sur le litige né du contrat.

- Les recours mettant en cause la responsabilité extracontractuelle de l’Union en raison


d’un dommage causé par ses organes ou ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.
>> Les recours peuvent être formés par les particuliers ou les États membres qui ont
été victimes du dommage et qui veulent obtenir réparation. Le délai pour agir est de
cinq ans à compter de la réalisation du dommage.
>> La Cour de justice reconnait la responsabilité de l’Union lorsque trois conditions
sont réunies:
- Le requérant a subi un dommage;
- Les institutions européennes ou leurs agents ont eu un comportement illégal au
regard du droit européen ;
- Il existe un lien de causalité directe entre le dommage subi par le requérant et le
comportement illégal des institutions européennes ou de leurs agents.

⚠ Répartition des compétences entre la Cour de justice et le Tribunal


- T est compétent pour connaître en première instance les recours formés par les
particuliers.
- CJ est quant à elle compétente pour connaître les recours formés par les États membres.
Elle peut également être saisie de pourvois formés contre les arrêts rendus par le
Tribunal en première instance. Dans ce dernier cas, elle ne statue que sur les questions
de droit et ne rejuge pas les faits.

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La CJ et le T peuvent également statuer sur les recours engageant la responsabilité
contractuelle de l’Union. Ces recours sont exercés conformément aux conditions prévues par
les contrats auxquels l’Union est partie.

Clause compromissoire : clause contractuelle que les parties à un contrat conviennent


d'insérer dans le but d'exclure la compétence des tribunaux de l'État quant à un litige pouvant
survenir dans le cadre de l'exécution des obligations de ce contrat.

Article 340 TFUE (ex-article 288 TCE) : fait référence à la responsabilité de l’UE pour les
délits (ou fautes) publics, sous la forme d’un recours en indemnité contre l’UE.

Indique que, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres,
l’UE doit réparer les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice
de leurs fonctions.

CJCE, 2 décembre 1971, Aktien-Zuckerfabrik Schoeppenstedt c/Conseil : Le recours en


indemnité constitue une voir de recours autonome par rapport au recours en
annulation.
→ L'action en indemnité des articles 178 et 215, alinéa 2, du traité est une voie
autonome, qui se différencie notamment du recours en annulation en ce qu'elle tend
non pas à la suppression d'une mesure déterminée, mais à la réparation du
préjudice cause par une institution.

Recours en indemnité : une action directe introduite devant le TUE par toute personne
physique ou morale (y compris un État membre de l'UE) visant à obtenir la réparation des
dommages causés par les institutions ou organes de l'UE ou par leurs agents dans l'exercice
de leurs fonctions, qui résultent de leur activité administrative ou législative.
Le recours en indemnité doit être introduit dans un délai de cinq ans à compter de la
survenance du fait dommageable.
Sur la recevabilité du recours : elle est conditionnée par le fait, d’une part, que le dommage
est imputable à une institution et, d’autre part, qu’il a été causé par une institution ou un de
ses agents dans l’exercice de ses fonctions.
→ Art 268 TFUE : la compétence de la CJUE est exclusive pour connaître des litiges relatifs
à la réparation des dommages causés à l’UE. En d’autres termes, il n’est pas possible de
poursuivre l’UE devant les tribunaux nationaux ou internationaux des États membres.

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CJUE [GC], 28 juin 2022, Commission c/ Espagne : arrêt en constatation de manquement
d’un ÉM,
Problématique : Est-il possible de mettre en cause la responsabilité d’un ÉM dans son ordre
juridique interne pour des manquements à ses o° tirées du droit de l’Union ?
Faits : Plaintes particuliers c/Commission sur une loi espagnole portant sur l’indemnisation
de contribuables ayant été taxés sur la base d’actes réglementaires ou législatifs qui auraient
été jugés ≠ au DUE.
Un art de la loi : vise spécifiquement la question de la mise en cause de la responsabilité de
l’État législateur → créée un mécanisme de responsabilité spécifique en cas d’annulation de
déclaration de non-conformité d’une norme de droit espagnol avec le DUE, imposant
notamment au demandeur en réparation du dommage d’avoir invoqué spécialement la
violation du droit de l’Union lors de l’introduction du recours fiscal initial.
CJ : rappelle les principes essentiels de la mise en cause de la responsabilité des ÉM pour la
violation par ces derniers du DUE → insiste qu’il importe peu quelle branche du pouvoir des
ÉM revient l’imputabilité de cette violation, puisque tant le pouvoir exécutif, que législatif ou
judiciaire peut engager la responsabilité de l’État.

⚠ 3 conditions doivent être réunies :


- La règle du DUE violée par l’ÉM doit avoir pour objet de conférer des droits aux
particuliers ;
- La violation de cette règle est suffisamment caractérisée ;
- Il existe un lien de causalité direct entre la violation de la règle et le dommage subi
par le particulier.

CJ rappelle que, suivant les principes communs à l’E des ÉM = une partie victime d’un
dommage doit se comporter de façon à limiter ce dommage, dans la mesure du possible.
Ainsi, il ne saurait en principe être fait reproche à une partie de ne pas avoir
systématiquement usé de l’ensemble des voies de recours qui s’offraient à elle

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Trib. UE, ord., 7 décembre 2022, WhatsApp Ireland contre Comité
européen de protection des données, aff. T-709/21.

Faits : WhatsApp a introduit un recours en annulation de la décision du Comité européen de


la protection des données (CEPD) du 28 juillet 2021, suite à des plaintes concernant le
traitement des données à caractère personnel par WhatsApp.
L'autorité de contrôle irlandaise a mené une enquête et a présenté un projet de décision aux
autres autorités de contrôle des États membres, suscitant des objections. Le CEPD a adopté la
décision attaquée, entraînant une décision finale imposant des mesures correctives et des
amendes à WhatsApp.
Problème : admettre la recevabilité du recours de WhatsApp contre la décision attaquée
conduirait à ce que deux procédures juridictionnelles parallèles se poursuivent, ayant des
recoupements importants, l’une devant le Tribunal mettant en cause la décision attaquée.
Le recours formé par WhatsApp est-elle recevable compte tenu de la possibilité de deux
procédures juridictionnelles parallèles concernant la légalité de la décision finale ?
Le recours de WhatsApp est rejeté comme irrecevable, afin d'éviter des procédures parallèles
et de permettre à la juridiction irlandaise de contrôler la légalité de la décision finale (= Le
recours de WhatsApp est rejeté comme irrecevable, car deux procédures juridictionnelles
parallèles pourraient conduire à des recoupements importants et à des risques pour une bonne
administration de la justice).
→ La décision met en lumière l'importance de la coordination des procédures
juridictionnelles pour assurer une bonne administration de la justice.
Elle souligne que les considérants d'un règlement ne peuvent constituer une règle de droit
contraignante en soi, et que la juridiction compétente doit trancher sur la validité des
décisions en fonction des règles de droit primaire applicables.

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