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Fiches d’arrêts corrigées

1 fiche de jurisprudence

Tribunal des conflits – n° 00012 Publié au recueil Lebon M. Mercier, rapporteur M. David, commissaire du
gouvernement Lecture du samedi 8 février 1873

REPUBLIQUE FRANCAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l’exploit introductif d’instance, du 24 janvier 1872, par lequel Jean Y… a fait assigner, devant le tribunal civil
de Bordeaux, l’État, en la personne du préfet de la Gironde, Adolphe Z…, Henri X…, Pierre Monet et Jean A…,
employés à la manufacture des tabacs, à Bordeaux, pour, attendu que, le 3 novembre 1871, sa fille Agnès Y…,
âgée de cinq ans et demi, passait sur la voie publique devant l’entrepôt des tabacs, lorsqu’un wagon poussé de
l’intérieur par les employés susnommés, la renversa et lui passa sur la cuisse, dont elle a dû subir l’amputation ;
que cet accident est imputable à la faute desdits employés, s’ouïr condamner, solidairement, lesdits employés
comme co-auteurs de l’accident et l’État comme civilement responsable du fait de ses employés, à lui payer la
somme de 40,000 francs à titre d’indemnité ;Vu le déclinatoire proposé par le préfet de la Gironde, le 29 avril
1872 ; Vu le jugement rendu, le 17 juillet 1872, par le tribunal civil de Bordeaux, qui rejette le déclinatoire et
retient la connaissance de la cause, tant à l’encontre de l’État qu’à l’encontre des employés susnommés ; Vu
l’arrêté de conflit pris par le préfet de la Gironde, le 22 du même mois, revendiquant pour l’autorité
administrative la connaissance de l’action en responsabilité intentée par Y… contre l’État, et motivé : 1° sur la
nécessité d’apprécier la part de responsabilité incombant aux agents de l’Etat selon les règles variables dans
chaque branche des services publics ; 2° sur l’interdiction pour les tribunaux ordinaires de connaître des
demandes tendant à constituer l’Etat débiteur, ainsi qu’il résulte des lois des 22 décembre 1789, 18 juillet, 8
août 1790, du décret du 26 septembre 1793 et de l’arrêté du Directoire du 2 germinal an 5 ; Vu le jugement du
tribunal civil de Bordeaux, en date du 24 juillet 1872, qui surseoit à statuer sur la demande ; Vu les lois des 16-
24 août 1790 et du 16 fructidor an 3 ; Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 et la loi du 24 mai 1872 ;Considérant
que l’action intentée par le sieur Y… contre le préfet du département de la Gironde, représentant l’Etat, a pour
objet de faire déclarer l’Etat civilement responsable, par application des articles 1382, 1383 et 1384 du Code
civil, du dommage résultant de la blessure que sa fille aurait éprouvée par le fait d’ouvriers employés par
l’administration des tabacs ;Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat, pour les dommages
causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les
principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ;Que cette
responsabilité n’est ni générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du
service et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ;Que, dès lors, aux termes des lois ci-
dessus visées, l’autorité administrative est seule compétente pour en connaître ;DECIDE : Article 1er : L’arrêté
de conflit en date du 22 juillet 1872 est confirmé. Article 2 : Sont considérés comme non avenus, en ce qui
concerne l’Etat, l’exploit introductif d’instance du 24 janvier 1872 et le jugement du tribunal civil de Bordeaux
du 17 juillet de la même année. Article 3 : Transmission de la décision au garde des sceaux pour l’exécution.

Correction proposée :

Présentation : L’arrêt rendu par le Tribunal des Conflits, dit arrêt Blanco, en date du 8 février 1873 aborde la
question de la compétence du juge administratif quant à la responsabilité extracontractuelle de l’Etat.

Faits : En l’espèce, en 1871, la fille (Agnès Blanco) du requérant a été renversée par un wagon devant une
manufacture de tabacs gérée par l’Etat. Le père de la fillette décide d’invoquer la responsabilité fautive des
employés qui avaient la garde dudit wagon ainsi que la responsabilité de l’Etat.

Procédure : Le requérant a fait assigner devant le tribunal civil de Bordeaux le 24 janvier 1872 l’Etat (en la
personne du préfet) ainsi que les employés de la manufacture de tabacs.

Le préfet a rédigé un déclinatoire de compétence adressé au tribunal civil le 29 avril 1872.

Le tribunal a rejeté le déclinatoire par un jugement du 17 juillet 1872.


Le préfet a donc pris un arrêté de conflit le 22 juillet afin de saisir le Tribunal des conflits.

Le 24 juillet le tribunal civil sursoit à statuer dans l’attente de la décision du Tribunal des conflits.

Moyens : Le préfet considère dans son arrêté de conflit que la juridiction administrative est compétente pour
connaître du litige selon deux moyens. D’une part, il convient d’apprécier la part de responsabilité incombant
aux agents de l’Etat selon les règles variables dans chaque branche des services publics. D’autre part, les
tribunaux ordinaires n’ont pas compétence pour connaître des demandes tendant à constituer l’Etat débiteur
en vertu de la législation postrévolutionnaire.

A l’inverse, Monsieur Blanco considère que l’Etat et les employés sont responsables devant le juge civil au
regard des articles 1382 à 1284 du code civil posant les principes de la responsabilité civile.

Problème de droit : Quel est l’ordre juridictionnel compétent afin de connaître de la responsabilité
extracontractuelle de l’Etat ?

Solution : Le Tribunal des conflits considère que la responsabilité, qui peut incomber à l’Etat, pour les
dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être
régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier. Cette
responsabilité n’est ni générale, ni absolue et a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et
la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés. Dès lors, le TC considère que l’autorité
administrative est seule compétente pour en connaître. Le TC valide l’arrêté de conflit et renvoi au juge
administratif le soin de trancher l’affaire.

Deuxième fiche de jurisprudence

Conseil Constitutionnel – Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 – Loi relative à l’interruption volontaire de la
grossesse

Le Conseil constitutionnel, Saisi le 20 décembre 1974 par les députés à l’Assemblée nationale, dans les
conditions prévues à l’article 61 de la Constitution, du texte de la loi relative à l’interruption volontaire de la
grossesse, telle qu’elle a été adoptée par le Parlement ;

Vu les observations produites à l’appui de cette saisine ; Vu la Constitution, et notamment son préambule ; Vu
l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre
II du titre II de ladite ordonnance ; Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général
d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se
prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ; 2. Considérant, en premier lieu,
qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution : “Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés
ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité,
de son application par l’autre partie.” ; 3. Considérant que, si ces dispositions confèrent aux traités, dans les
conditions qu’elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois, elles ne prescrivent ni n’impliquent que
le respect de ce principe doive être assuré dans le cadre du contrôle de la conformité des lois à la Constitution
prévu à l’article 61 de celle-ci ; 4. Considérant, en effet, que les décisions prises en application de l’article 61 de
la Constitution revêtent un caractère absolu et définitif, ainsi qu’il résulte de l’article 62 qui fait obstacle à la
promulgation et à la mise en application de toute disposition déclarée inconstitutionnelle ; qu’au contraire, la
supériorité des traités sur les lois, dont le principe est posé à l’article 55 précité, présente un caractère à la fois
relatif et contingent, tenant, d’une part, à ce qu’elle est limitée au champ d’application du traité et, d’autre
part, à ce qu’elle est subordonnée à une condition de réciprocité dont la réalisation peut varier selon le
comportement du ou des Etats signataires du traité et le moment où doit s’apprécier le respect de cette
condition ; 5. Considérant qu’une loi contraire à un traité ne serait pas, pour autant, contraire à la Constitution ;
6. Considérant qu’ainsi le contrôle du respect du principe énoncé à l’article 55 de la Constitution ne saurait
s’exercer dans le cadre de l’examen prévu à l’article 61, en raison de la différence de nature de ces deux
contrôles ; 7. Considérant que, dans ces conditions, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu’il est
saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un
traité ou d’un accord international ; 8. Considérant, en second lieu, que la loi relative à l’interruption volontaire
de la grossesse respecte la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de
grossesse, qu’il s’agisse d’une situation de détresse ou d’un motif thérapeutique ; que, dès lors, elle ne porte
pas atteinte au principe de liberté posé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; 9.
Considérant que la loi déférée au Conseil constitutionnel n’admet qu’il soit porté atteinte au principe du
respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé dans son article 1er, qu’en cas de
nécessité et selon les conditions et limitations qu’elles définit ; 10. Considérant qu’aucune des dérogations
prévues par cette loi n’est, en l’état, contraire à l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République ni ne méconnaît le principe énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon
lequel la nation garantit à l’enfant la protection de la santé, non plus qu’aucune des autres dispositions ayant
valeur constitutionnelle édictées par le même texte ; 11. Considérant, en conséquence, que la loi relative à
l’interruption volontaire de la grossesse ne contredit pas les textes auxquels la Constitution du 4 octobre 1958
fait référence dans son préambule non plus qu’aucun des articles de la Constitution ;

Décide : Article premier : Les dispositions de la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse, déférée au
Conseil constitutionnel, ne sont pas contraires à la Constitution. Article 2 : La présente décision sera publiée au
Journal officiel de la République française.

Présentation : le présent document est une décision du Conseil Constitutionnel du 15 janvier 1975 explicitant
les différents contrôles entre le droit national et le droit supranational.

Faits : en 1974 est pris un texte au Parlement sur l’IVG.

Procédure : 60 députés ont saisi le Conseil Constitutionnel dans le cadre de l’article 61 de la Constitution.

Argumentation : Selon les saisissants, le Conseil Constitutionnel devrait contrôler le texte sur l’IVG par rapport
aux textes internationaux. L’IVG porte atteinte au principe de liberté posé à l’article 2 de la DDHC. L’IVG serait
contraire à un PRFRL et est contraire au principe 11 du préambule de 1946 qu’est la protection de la santé
garantit à l’enfant par la nation.

Problème de droit : Le Conseil Constitutionnel est-il compétent pour contrôler une loi par rapport à un texte
international ? L’IVG est-elle contraire à la DDHC ou à un PFRLR ?

Solution : Le Conseil Constitutionnel considère qu’il ne lui appartient pas, dans le cadre de l’article 61 de la
Constitution, de contrôler une loi par rapport à un texte international. (et avec article 61 CC ne contrôle pas un
traité par rapport à la Constitution, cela dans le cadre de l’article 54). Afin d’arriver à cette solution, le Conseil
Constitutionnel considère que le contrôle de constitutionnalité des lois revêt un caractère absolu et définitif,
tandis que le contrôle de conventionalité qui fait que l’article 55 traité > lois présente un caractère relatif et
contingent car est limité au champ d’application du traité et est subordonné à la condition de réciprocité. Par
ailleurs, le CC indique qu’une loi contraire à un traité peut être conforme à la C (dit pareil dans CC 12 mai 2010
jeux d’argent). Sur ces motifs le CC considère qu’il n’a pas à contrôler la conventionalité d’une loi. Son rôle est
seulement le contrôle de constitutionnalité d’une loi. Ainsi le contrôle de conventionalité incombe aux autres
juges. Enfin, l’IVG n’est contraire à aucun principe de la DDHC ou aucun PFRLR. La loi sur l’IVG n’est pas
contraire à la Constitution.

3 fiche de jurisprudence

CE, 21 décembre 1990, confédération nationale des associations familiales catholiques

Vu 1°) sous le n° 105 743, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du
Contentieux du Conseil d’Etat les 10 mars 1989 et 6 juillet 1989, présentés pour la Confédération nationale des
associations familiales catholiques (C.N.A.F.C.), dont le siège est … (9ème) et représentée par son président en
exercice ; la confédération demande au Conseil d’Etat :d’annuler l’arrêté du ministre de la solidarité, de la
santé et de la protection sociale en date du 28 décembre 1988, relatif à la détention, la distribution, la
dispensation et l’administration de la spécialité Mifégyne 200 mg ;

Vu 2°) sous le n° 105 810, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 mars 1989 et
12 juillet 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le Comité pour sauver l’enfant à
naître, dont le siège social est … B.P.5 à Fontenay (94121) ; le comité demande l’annulation de l’arrêté du
ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, en date du 28 décembre 1988, relatif à la
détention, la distribution, la dispensation et l’administration de la spécialité Mifégyne 200 mg et en outre qu’il
soit sursis à l’exécution de cet arrêté ;

Vu 3°) sous le n° 105 811, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du
Contentieux du Conseil d’Etat les 13 mars 1989 et 12 juillet 1989, présentés pour l’Union féminine pour le
respect et l’aide à la maternité, dont le siège social est à Chalon cedex (78401), BP. 32 ; l’Union demande
l’annulation de l’arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale, en date du 28
décembre 1988 relatif à la détention, la distribution, la dispensation et l’administration de la spécialité
Mifégyne 200 mg et en outre qu’il soit sursis à l’exécution de cet arrêté ;

Vu 4°) sous le n° 105 812, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du
Contentieux du Conseil d’Etat les 13 mars 1989 et 12 juillet 1989, présentés pour le professeur X…, demeurant
… ; M. X… demande l’annulation de l’arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale,
en date du 28 décembre 1988, relatif à la détention, la distribution, la dispensation et l’administration de la
spécialité Mifégyne 200 mg et en outre qu’il soit sursis à l’exécution de cet arrêté ;

Vu les autres pièces des dossiers ; Vu la déclaration universelle des droits de l’homme publiée le 9 février
1949 ;Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;Vu le pacte international des droits civils et politiques auquel la
France a adhéré par la loi du 25 juin 1980 et publié par décret du 29 janvier 1981 ;Vu la convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi 73-1227 du 31
décembre 173 et publiée par décret du 3 mai 1974 ;Vu le code de la santé publique ;Vu la loi 75-17 du 17
janvier 1975 ;Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;Vu l’ordonnance n°
45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987
;Après avoir entendu :- le rapport de Mme Maugüé, Auditeur,- les observations de la S.C.P. Nicolay, de
Lanouvelle, avocat de la Confédération nationale des associations familiales catholiques (C.N.A.F.C.), de la SCP
Célice, Blancpain, avocat de la S.N.C. Laboratoires Roussel et de la S.C.P. Delaporte, Briard, avocat du comité
pour sauver l’enfant à naître et autres,- les conclusions de M. Stirn, Commissaire du
gouvernement ;Considérant que les requêtes présentées pour la Confédération nationale des associations
familiales catholiques, le Comité pour sauver l’enfant à naître, l’Union féminine pour le respect et l’aide à la
maternité, et pour M. X… présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer
par une seule décision ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des requêtes :

Sur les moyens tirés du défaut de base légale de la décision attaquée et de l’incompétence du ministre de la
santé :Considérant que le ministre de la santé tenait des dispositions de l’article L. 601 du code de la santé
publique, le pouvoir de soumettre la distribution, la dispensation et l’administration de la Mifégyne dénommée
RU 486 à des conditions adéquates ; que, sur le fondement de ces dispositions législatives, le ministre de la
santé a pu édicter, en cette matière, des mesures analogues à celles qu’édictent les articles L. 626, R. 5149, R.
5176 et R. 5189 du code de la santé publique, relatifs aux substances vénéneuses ayant la propriété d’être des
stupéfiants ou d’être fabriquées à partir de stupéfiants, sans que cette référence au régime juridique d’une
autre catégorie de produits pharmaceutiques entache sa décision d’incompétence ou d’erreur de droit ;

Sur le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise à la suite d’une procédure irrégulière :

Considérant qu’ainsi qu’il vient d’être dit, l’arrêté attaqué a pour base légale non l’article L. 626 du code de la
santé publique mais l’article L. 601 de ce même code ; que ni ce dernier article ni les articles réglementaires du
code pris pour son application n’imposent de soumettre les textes relatifs à la distribution, la dispensation et
l’administration d’une spécialité pharmaceutique à l’avis des conseils nationaux de l’ordre des médecins et de
l’ordre des pharmaciens ; que si l’article R. 5207 du code de la santé publique soumet à l’avis de l’ordre
intéressé la décision du directeur départemental de la santé fixant la provision de certains produits que
peuvent détenir les médecins pour les soins urgents et prévoit que le pharmacien choisi par le médecin pour lui
délivrer ces produits doit être signalé par lui au conseil départemental de l’ordre dont il dépend, cet article ne
concerne que les provisions de médicaments contenant des stupéfiants ; que la Mifégyne n’étant pas un
médicament contenant un stupéfiant, le moyen tiré de la violation des règles de procédure fixées par l’article R.
5207 du code de la santé publique, est inopérant ;

Sur le moyen tiré de ce que le ministre n’aurait pu légalement réglementer la distribution d’une spécialité
pharmaceutique qui n’avait pas encore fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché régulièrement prise
et préalablement publiée :Considérant que l’existence d’un acte administratif n’est pas subordonnée à sa
publication ou à sa notification ; que si l’autorisation de mise sur le marché d’une spécialité pharmaceutique ne
peut recevoir application qu’à compter de sa notification au fabricant auteur de la demande d’autorisation,
cette autorisation n’en est pas moins accordée à la date à laquelle le ministre prend sa décision ; que, par suite,
la circonstance que l’autorisation de mise sur le marché accordée le 28 décembre 1988 à la Mifégyne n’ait été
notifiée qu’ultérieurement au laboratoire Roussel-Uclaf n’empêchait pas le ministre chargé de la santé de
prendre, le même jour, un arrêté réglementant la distribution et la dispensation de ce médicament, qui ne
pouvait lui-même prendre effet qu’à compter de la date d’entrée en vigueur de l’autorisation de mise sur le
marché ;

Sur le moyen tiré de l’illégalité de la décision d’autorisation de mise sur le marché :

Considérant que par une décision rendue le même jour sous le n° 111 417, le Conseil d’Etat statuant au
contentieux a rejeté le pourvoi tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 28 décembre 1988
autorisant la mise sur le marché de la Mifégyne ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué devrait
être annulé par voie de conséquence de l’annulation dudit arrêté d’autorisation de mise sur le marché ne
saurait être accueilli ;

Sur les moyens tirés de la violation de la loi du 17 janvier 1975, du préambule de la Constitution du 27 octobre
1946 et de traités internationaux :Considérant que la Mifégyne est un produit ayant la propriété d’interrompre
la grossesse ; que son emploi est, dès lors soumis, de plein droit, aux règles posées en la matière par les articles
L. 162-1 à L. 162-14 du code de la santé publique issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979
relatives à l’interruption volontaire de grossesse ; que l’arrêté attaqué n’édicte aucune disposition violant ces
textes mais, au contraire, rappelle les conditions posées, en ce domaine, par le législateur pour qu’il puisse être
procédé à une interruption de grossesse ; que la circonstance que cette référence à ces conditions figure non
dans le corps de l’autorisation de mise sur le marché mais dans une annexe à cette décision, est sans incidence
sur la légalité de l’arrêté attaqué ;

Considérant qu’en invoquant la violation de principes ou textes de valeurs constitutionnelle ou internationale,


les requérants mettent, en réalité, en cause non la légalité de l’arrêté attaqué, mais la compatibilité des articles
ci-dessus rappelés du code de la santé publique issus des lois des 17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 avec les
principes et actes dont ils invoquent la violation ;

Considérant qu’il n’appartient pas au Conseil d’Etat statuant au contentieux de se prononcer sur la conformité
de la loi avec des principes posés par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Considérant, s’agissant du moyen tiré de la violation de traités internationaux, que la seule publication faite au
Journal Officiel du 9 février 1949 du texte de la déclaration universelle des droits de l’homme ne permet pas de
ranger cette dernière au nombre des traités ou accords internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés, ont,
aux termes de l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, “une autorité supérieure à celle des lois, sous
réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie” ;Considérant, s’agissant de
l’incompatibilité des dispositions législatives ci-dessus rappelées avec les autres actes invoqués par les
requérants, que l’article 2-4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ratifiée en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974, stipule que
“le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque
intentionnellement” et que, selon l’article 6 du pacte international sur les droits civils et politiques auquel le
législateur français a autorisé l’adhésion par la loi du 25 juin 1980, et dont le texte a été annexé au décret du 29
janvier 1981 publié le 1er février 1981 “le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être
protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie” ; Considérant qu’aux termes de l’article 1er
de la loi du 17 janvier 1975 : “La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il
ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions et limites définies par
la présente loi” ; qu’eu égard aux conditions ainsi posées par le législateur, les dispositions issues des lois des
17 janvier 1975 et 31 décembre 1979 relatives à l’interruption volontaire de grossesse, prises dans leur
ensemble, ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées de la convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et du pacte international sur les droits civils et politiques ;Sur le moyen tiré
de la violation de l’article L.209-4 du code de la santé publique :

Considérant que l’article L.209-4 du code est relatif aux essais, études et expérimentations sur l’être humain ;
que l’administration de la Mifégyne n’a pas le caractère d’une expérimentation sur l’être humain ; qu’ainsi le
moyen susénoncé est inopérant ;

Sur le moyen tiré de ce que le ministre n’aurait pas pris des mesures suffisantes pour prévenir un usage abusif
de la Mifégyne :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les dispositions édictées par le ministre de la santé
concernant la distribution et l’administration de la Mifégyne ne sont pas manifestement insuffisantes pour
prévenir le développement d’un usage abusif de ce médicament ; qu’en outre le moyen tiré non de la définition
des conditions d’emploi de la Mifégyne elle-même, mais du comportement éventuel des usagers futurs du
produit est inopérant à l’encontre de l’arrêté attaqué ;Sur le moyen tiré de ce que le ministre ne pouvait se
référer à la notion de “médecins pratiquant les interruptions volontaires de grossesse” qui ne correspond à
aucune spécialité médicale :

Considérant que, comme il a été dit plus haut, la Mifégyne 200 mg étant une alternative médicamenteuse à
l’avortement chirurgical, son administration s’insère dans le cadre législatif relatif à l’interruption volontaire de
grossesse et ne peut, par suite, être prescrite que par les médecins pratiquant les interruptions volontaires de
grossesse ; que si cette catégorie de praticiens ne constitue pas une catégorie juridique définie par les textes
régissant la profession de médecin, le ministre a pu néanmoins, eu égard aux conditions d’emploi de cette
spécialité pharmaceutique, en réserver l’usage aux médecins ayant les qualifications professionnelles requises
et travaillant dans un établissement ayant reçu l’autorisation préalable du préfet exigée par l’article L.176 du
code de la santé publique ; que ce faisant, et loin de méconnaître la législation relative à l’interruption
volontaire de grossesse, le ministre a pris une mesure permettant d’en assurer l’application effective ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la confédération nationale des associations familiales
catholiques, le comité pour sauver l’enfant à naître, l’union féminine pour le respect et l’aide à la maternité, et
M. X… ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 28 décembre 1988 par lequel le ministre de la
solidarité, de la santé et de la protection sociale a réglementé la détention, la distribution, la dispensation et
l’administration de la Mifégyne 200 mg ;

Article 1er : Les requêtes de la confédération nationale des associations familiales catholiques, du comité pour
sauver l’enfant à naître, de l’union féminine pour le respect et l’aide à la maternité, et de M. X… sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la confédération nationale des associations familiales
catholiques, au comité pour sauver l’enfant à naître, à l’union féminine pour le respect et l’aide à la maternité,
à M. X…, à la Société Roussel-Uclaf, à la Société des laboratoires Roussel et au ministre délégué auprès du
ministre des affaires sociales et de la solidarité, chargé de la santé.

Présentation : L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 21 décembre 1991 traite du contrôle de conventionalité par
le juge administratif.

Faits : un médicament contraceptif est mis sur le marché. La confédération nationale des associations familiales
catholiques s’oppose à ce médicament.
Procédure : L’arrêt ne nous renseigne pas sur la procédure. Le Conseil d’Etat a à connaître du litige.

Argumentation : Plusieurs moyens sont invoqués par la confédération requérante.

a. Le ministre de la santé n’avait pas la compétence pour édicter les règles de distribution et d’administration
du médicament, notamment en ce que les textes ne donnaient pas compétence au ministre pour édicter de
telles règles.

b. Les textes relatifs à la distribution et l’administration d’une spécialité pharmaceutique auraient dus être
soumis pour avis aux Conseils nationaux de l’ordre des médecins et de l’ordre des pharmaciens, ainsi qu’à l’avis
du directeur département de la santé.

c. Le ministre de la santé ne pouvait pas réglementer la distribution du médicament dès lors qu’aucune
autorisation de mise sur le marché n’a été régulièrement délivrée.

d. L’autorisation de mise sur le marché est illégale.

e. L’arrêté du ministre édictant les règles relatives au médicament viole la loi du 17 janvier 1975, viole le
préambule de 1946, viole divers traités internationaux.

f. L’arrêté viole l’article L 209-4 du code de la santé publique.

g. Le ministre n’a pas pris les mesures suffisantes visant à prévenir d’un usage abusif du médicament
contraceptif.

Problème de droit :

a. Le ministre était-il compétent pour réglementer la distribution et l’administration d’un médicament


contraceptif ?

b. Les Conseils nationaux de l’ordre des médecins et des pharmaciens ainsi que le directeur départemental de
la santé devaient-ils être consultés sur l’arrêté ?

c. Le ministre pouvait-il prendre un arrêté sans autorisation de mise sur le marché ?

d. L’autorisation de mise sur le marché est-elle illégale ?

e. L’arrêté méconnait-il la loi du 17 janvier 1975, les principes du préambule de 1946, la CESDH ainsi que la
DUDH ? A ce titre le JA contrôle-t-il la constitutionnalité d’une loi ? contrôle-t-il la conventionalité d’une loi ? La
DUDH respecte-t-elle les conditions de l’article 55 de la Constitution ?

f. L’arrêté méconnait-il l’article L 209-4 du code de la santé publique ?

g. Le ministre dans l’arrêté a-t-il pris les mesures nécessaires afin prévenir un usage abusif du médicament
contraceptif ?

Solution :

a. Le ministre de la Santé a bien compétence pour édicter un arrêté relatif à un médicament contraceptif sur le
fondement de l’article L 601 du code de la santé publique.

b. Au regard de l’article L 601 du code de la santé publique, les conseils nationaux de l’ordre des médecins et
de l’ordre des pharmaciens n’avaient pas à être consultés. Le directeur département de la santé n’avait pas à
être consulté non plus car son avis n’est obligatoire que pour des substances contenant des stupéfiants. Tel
n’est pas le cas du médicament contraceptif.

c. Dès lors que la ministre prend un arrêté le même jour que l’autorisation de mise sur le marché, cela est légal.

d. L’autorisation de mise sur le marché n’est pas illégale dès lors que le Conseil d’Etat a rejeté la demande
d’annulation de cette autorisation qui a été considérée comme légale.

e. L’arrêté ne viole pas la loi du 17 janvier 1975 mais au contraire en rappelle les principes. L’arrêté pris sur le
fondement de la loi ne peut pas être contesté au regard des principes posés par le préambule de 1946 car le
juge administratif n’est pas compétent pour contrôler la constitutionnalité d’une loi (=> exemple d’une loi
écran !). L’arrêté ne peut pas être contraire à la DUDH car celle-ci ne respectant pas les conditions de l’article
55 de la Constitution n’a pas été intégrée l’ordre juridique interne. L’arrêté n’est pas non plus incompatible
avec la CESDH après que le JA ait effectué un contrôle de conventionalité de la loi du 17 janvier 1975 avec la
CESDH.

f. L’article L 209-4 du code de la santé publique n’est pas applicable au litige et donc l’arrêté ne peut pas le
méconnaître.

g. Le ministre a pris toutes les mesures nécessaires.

La requête de la confédération requérante est rejetée.

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