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Commentaire Arrêt Blanco

Décision rendue par le conseil d’Etat le 8 février


1873

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COMMENTAIRE ARRET BLANCO

INTRODUCTION :

Le droit administratif constitue un droit ancien, né de l’Ancien régime. Ce


n’est cependant que sous les monarchies des XVIIème et XVIIIème siècles ainsi
que sous Napoléon que le droit administratif va acquérir son autonomie. Ce
principe d’autonomie du droit administratif va faire du model français de ce
droit, un modèle unique en son genre, pratiquement in exportable dans d’autres
pays du monde. C’est alors sur ce principe que porte l’arrêt BLANCO, rendu par
le tribunal des conflits le 8 février 1873. Cet arrêt est alors fondamentalement
important puisqu’il constitue le premier arrêt du droit administratif, ce qui lui a
donc donné sa place de premier arrêt au sein de l’ouvrage de référence du droit
administratif : les Grands arrêt de la jurisprudence administrative. Il est de ce
fait perçu, par une partie de la doctrine classique, comme l’arrêt fondateur du
droit administratif.
En l’espèce, des employés, dans une manufacture de tabac, ont poussé un
wagon, renversant involontairement une enfant qui passait par là.
Malheureusement, le wagon étant passé sur la cuisse de l’enfant, celle-ci a dû
être amputée de la jambe.
Le père de l’enfant, afin d’obtenir des dommages et intérêts a donc
assigné l’Etat représenté en la personne du préfet de la Gironde, devant le
tribunal judiciaire de Bordeaux. Le préfet de gironde prend alors un déclinatoire
de compétence, afin que l’affaire soit jugée non pas par le tribunal judiciaire
mais par le tribunal administratif. Cette demande sera cependant rejetée par le
tribunal judiciaire de Bordeaux qui se déclare compétent pour trancher l’affaire.
C’est alors que le 22 juillet 1872, le préfet décide de prendre un arrêté de conflit
ce qui contraint la juridiction judiciaire à sursoir à statuer jusqu’à ce que le
tribunal des conflits se positionne quant à la compétence de ce litige.
C’est dans ce contexte que le tribunal des conflits a été saisi de cette
affaire concernant un dommage causé par des personnes employés d’un service
public. En effet, les personnes ayant causé le dommage étant des personnes
privés la détermination de la juridiction compétente semble difficile à
déterminer. De ce fait, le juge a été amené à se prononcer sur la question de
savoir si les juridictions judiciaires pouvaient connaitre des dommages
causés par des services publics.

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A cette question, le tribunal des conflits dans cet arrêt du 8 février 1972 à
répondu
Par la négative en retenant que les dommages causés par des personnes
employés dans les services publics de l’Etat sont de la responsabilité de l’Etat
mais que cette responsabilité doit être appréciée selon des règles spéciales : les
règles du droit administratif.
Outre la vision d’un arrêt fondateur, il est nécessaire de voir dans cet arrêt
un grand changement opéré dans le droit administratif, justifiant sa mention au
Lebon. En ce sens, dans quelle mesure les dommages causés par des services
publics ne peuvent être de la compétence des juridictions judiciaires ?
Si cet arrêt affirme la fin de l’irresponsabilité de l’Etat qui pourra être
engagée devant le juge administratif (I) il affirme aussi l’autonomie du droit
administratif (II) ce qui marquera un changement considérable dans le droit
français.
I) Une responsabilité de l’Etat reconnue mais pouvant uniquement être
engagée devant le juge administratif

Chapeau

A) Une affirmation de la part de responsabilité de l’Etat : un changement


nécessaire

Dans ce litige se pose la question de la responsabilité de l’Etat concernant les


blessures provoquées à la petite fille, ses blessures ayant été causés par le wagon
d’une manufacture gérée par l’Etat. Le juge administratif a donc dû déterminer
si l’Etat était responsable de cet acte ou non. En ce qui concerne ce point, le juge
administratif considère que l’Etat est responsable « pour les dommages causés
aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public ».
Le juge a donc répondu à l’affirmative à cette question, consacrant ainsi la fin de
l’irresponsabilité de l’Etat ce qui constitue alors un grand changement. En effet,
avant cet arrêt, la loi du 28 pluviôse an VIII donnait une responsabilité à l’Etat
uniquement en cas de responsabilité contractuelle ou d’intervention législative
pour les dommages de travaux publics, ce à quoi vient mettre fin l’arrêt Blanco.
Cependant, la fin de l’irresponsabilité de l’Etat se doit d’être contrastée. Il est
alors légitime de se demander, suite à la décision de l’arrêt Blanco, si l’Etat

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devient entièrement responsable de tous ses actes. La réponse est alors négative,
la responsabilité de l’Etat n’étant pas absolue. Ce n’est donc pas parce que cet
arrêt consacre la fin de l’irresponsabilité de l’Etat que celui-ci devient
responsable de ses actes dans tous les domaines. En effet, cet arrêt consacre la
responsabilité de l’Etat uniquement en ce qui concernant les dommages causés
par les personnes qu’il emploie dans les services publics. Mais, il existe toujours
des domaines dans lesquels l’Etat reste irresponsable. C’est en effet le cas
aujourd’hui dans le domaine des opérations militaires puisque que selon une
décision plus récente, le conseil d’Etat dans l’arrêt Société Touax du 23 juillet
2010 considère que « les opérations militaires ne sont, par nature, pas
susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat ».

B) Une responsabilité répondant à des règles spécifiques : une appréciation


justifiée

Concernant « La responsabilité qui peut incomber à l’Etat, pour les dommages


causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service
public », le juge administratif a dû se positionner pour déterminer la juridiction
compétente pour ce type de litige. L’arrêt Blanco affirme sur ce point que la
responsabilité de l’Etat « ne peut être régie par les principes qui sont établis
dans le Code civil, pour des rapports de particulier à particulier ». Le juge a
donc considéré que la responsabilité de l’Etat engagée dans cette affaire répond
à des règles particulières, non pas des règles de droit privé. Et donc, de ce fait, il
semble logique que les juridictions judiciaires ne puissent connaitre de ce type
de litige. Le juge affirme alors explicitement que « l’autorité administrative est
seule compétente pour en connaître ».
Cependant il faut souligner que Monsieur Blanco, qui avait donc saisi les
juridictions judiciaires, souhaitait que l’Etat soit considéré comme « civilement
responsable du fait de ses employés » et demande alors une réparation sur le
fondement des articles du Code civil. Cependant, les juridictions judiciaires
n’ayant pas la compétence, selon le juge administratif, de connaitre un litige
opposant les droits de l’Etat et les droits des personnes privées, cela ne semble
alors pas possible. Ce n’est en effet pas une responsabilité civile qui a été
consacré par le juge, les juridictions administratives étant seules compétentes
pour connaître de cette affaire. Il est alors possible de se demander si, le fait que
l’administration soit jugée devant des juridictions différentes des personnes
privées, ne constitue pas une justice inégalitaire. Cependant, cela paraît tout de
même justifié, l’administration ne pouvant pas être jugées de la même manière

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que les personnes privées puisque celle-ci ne poursuit pas les mêmes buts que
les personnes privées son objectif étant de sauvegarder l’intérêt général. Cela
semble alors légitime que l’Etat soit jugé avec des règles plus souples que les
règles de droit commun voir même inégalitaires.
Mais, cela sera faux de dire que le juge administratif n’utilise jamais de règles de
droit privés. Il arrive en effet parfois que celui-ci, s’inspire ou même applique
des règles de droit privé par exemple en ce qui concerne le domaine des
obligations.

II) L’affirmation de l’autonomie du droit administratif : un renouveau


pour le droit administratif

A) Le service public : un critère définissant la compétence des


juridictions administrative limité

Un autre point sur lequel le juge a dû se prononcer est celui de savoir quel
critère va déterminer si un litige va être de la compétence du juge administratif
ou du juge judiciaire. L’arrêt Blanco affirme que le service public définit la
compétence des juridictions administratives. C’est en effet parce que les
employés ayant causé le dommage travaillaient dans une « manufacture de tabac
» et donc dans un « service public » géré par l’Etat comme énoncé dans l’arrêt,
que le juge a déterminé la compétence des juridictions administratives. Le
service public apparaît donc bien comme un critère définissant la compétence du
juge administratif.
Cette décision a par suite été mythifié par l’école du service public ou encore
école de Bordeau dirigée par Léon Duguit pour faire du service public le critère
absolu du droit administratif.
Cependant, cela est faux de dire que le service public est un critère absolu du
droit administratif.
Ce critère peut alors être discuté, le service public n’étant pas le seul critère
déterminant la répartition des compétences entre juridiction administrative et
juridiction judiciaire. En effet l’arrêt Société commerciale de l’Ouest africain du
22 janvier 1921 rendu par le Tribunal des conflits va venir nuancer cette
position. Il va donner naissance à une nouvelle catégorie de services publics : les
Services publics industriels et commerciaux qui vont être quant à eux de la

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compétence du juge judiciaire et non de la compétence du juge administratif. Le


service public n’implique donc pas toujours la compétence du juge administratif.
De plus, en général, lorsqu’un service public est géré par une personne privée,
par principe, même s’il existe quelques exceptions le juge compétent sera le juge
judiciaire.
De plus il est possible de se poser la question, au vu de l’évolution permanente
du droit de quelle juridiction aurait été compétence si exceptions le l’affaire
avait été jugée aujourd’hui. Etonnamment la juridiction compétente n’aurait
surement pas été la juridiction administrative. Il est en effet possible que ce
soient les juridictions judiciaires qui auraient été déclarées compétentes. En
effet, la loi du 31 décembre 1957 attribue aux tribunaux judiciaires la
compétence pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés
par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public. En l’espèce, le
wagonnet est bien un véhicule, quel que soit sa nature et la responsabilité
engagée par Monsieur Blanco était engagée contre l’Etat qui constitue bien une
personne de droit public.

B) Le droit administratif, un droit complexe justifiant sa source


essentiellement jurisprudentielle

Enfin, le dernier point sur lequel le juge a pu se questionner est celui de savoir
comment le juge administratif va devoir se positionner pour trancher un litige
opposant l’Etat à une personne privée. Autrement dit, si celui-ci ne se base pas
sur les règles du droit civil, sur quelles règles va-t-il pouvoir fonder son
jugement. De ce fait, selon le juge, la responsabilité mise en cause dans cet arrêt
« n’est ni générale, ni absolue » et doit être appréciée selon des « règles
spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessiter de concilier
les droits de l’Etat avec les droits privés ».
Cela signifie donc que le droit administratif doit, s’adapter aux situations pour
rendre ces décisions et doit donc que le juge doit apprécier in concreto les cas
dans lesquels la responsabilité de l’administration, et donc dans ce litige de
l’Etat, peut être engagée. En effet, le droit administratif, ne possédant à l’époque
aucune codification, ces « règles spéciales » mentionnées dans la décision du
tribunal des conflits n’existent pas. Cela signifie que ce sera au juge lui-même
de dégager des règles pour permette de trancher le litige. C’est donc au travers
de la jurisprudence que va se construire le droit administratif justifié par la
complexité de ce droit, dont les règles « varient suivant les besoins du service »

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comme le mentionne le juge. C’est pourquoi le droit administratif doit conserver


un aspect mouvant contrairement au droit civil qui est surtout un droit écrit et
codifié.
Cependant, même s’il est tout à fait vrai que le droit administratif est un droit
essentiellement prétorien, il n’est aujourd’hui, aujourd’hui, pas uniquement
jurisprudentiel, celui-ci possédant en effet maintenant sa propre codification au
travers du code administratif.

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