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CHAPITRE 3 LA RESPONSABILITE ADMINISTRATIVE

* Le mot de responsabilité a, en droit, des sens divers. On parle de resp. politique, de resp.
pénale, de resp. disciplinaire. Le terme de responsabilité renvoie au fait d’être garant de quelque
chose ou de répondre de ses actions.

* La responsabilité de l'Adm°, appelée parfois responsabilité de la puissance publique, peut


s'analyser comme une responsabilité civile. En effet, la responsabilité civile consiste dans
l'obligation imposée dans certaines conditions à l'auteur d'un préjudice de réparer celui-ci soit
en nature, soit par équivalent. C'est une responsabilité patrimoniale.
Or, la responsabilité de l'adm° est également une resp. patrimoniale. Elle est une sujétion qui
s'impose à la puissance publique.
Tout comme pour le principe de légalité, il est exact d'observer que le principe de cette sujétion
n'est pas spécial au régime administratif, puisque les particuliers sont, eux aussi, soumis à un
régime de responsabilité (art. 1240 (ex 1382) et s. du Code civil).

* Mais, précisément, les règles de la respité admtive sont autonomes et couvrent des hypothèses
qui n'ont pas leur équivalent en droit civil.

Section 1. L'évolution historique du droit de la responsabilité administrative

Pendant longtemps, la puissance publique a vécu sur un principe d'irresponsabilité. Ce


n'est que dans le dernier quart du XIXe s. que ce principe a été abandonné.
Toutefois, cette reconnaissance de la resp. admtive s'est heurtée à certaines difficultés.
Le caractère exceptionnel de cette évolution historique est marqué par le passage en un
peu moins d'un siècle d'une irresponsabilité totale à une responsabilité pleine et entière.

1. Les fondements traditionnels du principe d'irresponsabilité de l'Etat

L'irresponsabilité de l'Etat s'explique essentiellement par 2 raisons, l'une théorique,


l'autre pratique.
- Sur le plan théorique, l'irresponsabilité de la puissance publique était justifiée par le
fait que, selon E. Laferrière (vice-président du C.E.), "le propre de la souveraineté est de
s'imposer à tous, sans qu'on puisse réclamer d'elle aucune compensation". Cette idée n’a pas
totalement disparu :
CE, 23 juill. 2010, n° 328757, Sté Touax, classé A : les opérations militaires ne sont, par
nature, pas susceptibles d’engager la responsabilité de l’Etat, même pour rupture d’égalité
devant les charges publiques. L’Etat est irresponsable dans ce cas sauf disposition législative
expresse. En l’espèce, une sté dont les navires de commerce ont été immobilisés sur le Danube
lors des bombardements effectués en 1999 par les forces françaises et de l’OTAN sur le
territoire de la République fédérale de Yougoslavie ne peut revendiquer un droit à réparation.

- Sur le plan pratique, pendant longtemps, le rôle de l'Etat a été limité dans la vie sociale.
C'était l'époque de "l'Etat gendarme". L'Etat se devait de maintenir l'ordre public, la justice,
d'entretenir la voirie, de réaliser certains travaux publics. Ce faible rôle social de l'Etat limitait
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ses rapports avec les particuliers. Pour ces raisons, on considérait qu'il ne pouvait exister de
responsabilité de l'Etat. On s'appuyait en cela sur l'adage en vigueur sous l'Ancien régime "Le
Roi ne peut mal faire".

2. L'apparition limitée de la responsabilité de l'Etat : la décision "Blanco"

* Le principe d'irresponsabilité va progressivement disparaître parce que l'activité de l'Etat se


transforme et s'accroît. Les risques de dommages s'accroissent avec l'interventionnisme
grandissant des personnes publiques.

La décision du T.C., 8 février 1873, Blanco, GAJA marque un tournant.


Les faits : La petite Agnès Blanco avait été renversée et blessée par un wagonnet d'une
manufacture de tabacs, exploitée en régie par l'Etat. Son père avait agi en réparation devant les
trib. judiciaires. Un conflit de compétences survint car la question se posa de savoir quelles
étaient les juridictions compétentes et le Tribunal des conflits fut saisi.

Dans cette décision Blanco, le Tribunal des conflits énonce 2 principes :


- une règle de compétence : la mission de service public entraîne la compétence du juge
administratif (cette affirmation est aujourd'hui inexacte : distinction SPIC (juge judiciaire) et
SPA)
- une règle relative à la responsabilité administrative : les règles de la resp.
administrative sont spécifiques ; le régime juridique applicable sera un régime exorbitant du
droit commun.

* Le Tribunal des conflits affirme donc le principe de l'autonomie des règles de la


responsabilité administrative par rapport à celles établies par le Code civil.

* Cependant, la décision Blanco contient 2 limites :


- d'une part, le principe d'une respité ne vaut que pour l'Etat et non pour les autres
personnes publiques. Le contentieux des communes et départements relevait alors de l'autorité
judiciaire.
Il faut attendre la décision T.C., 29 février 1908, Feutry, (qui n’est plus au GAJA) pour
solution de assister à une unification du contx de la respité admtive.
B l a n c o
étendue aux Faits : Un fou s'était échappé de l'asile départemental où il était interné et avait mis le
CollTerr
feu à 2 meules de paille. Le propriétaire avait intenté une action devant le tribunal civil. Le TC.
a estimé que ce recours en responsabilité ne relevait plus du juge judiciaire mais du juge admtif.

- d'autre part, la décision Blanco précise bien que cette respité n'est "ni générale, ni
absolue". Cela signifie que ttes les activités de l'Etat n'engageront pas sa respité.

3. La généralisation de la responsabilité de l'Etat

La respité de l'Etat va être généralisée grâce à l'arrêt du C.E., 10 février 1905, Tomaso
Grecco, GAJA.

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Faits : Un taureau devenu fou furieux avait semé la panique dans un petit village de Tunisie (à
l'époque où la Tunisie était sous juridiction française). La foule s'était lancée à sa poursuite.
M. Tomaso-Grecco qui prenait le frais à l'intérieur de sa maison est surpris par les bruits des
poursuivants. Il est alors blessé par un coup de feu provenant du cortège tauromachique.
Estimant que ce coup de feu avait été causé par un gendarme, il intente une action en respité
contre l'Etat.
Solution : Bien que le recours soit rejeté sur le fond, le C.E. admet pour la 1ère fois, et
contrairement à sa jurisprudence antérieure, l'idée d'une respité de l'Etat du fait de ses activités
de police.
A partir de cette époque, la respité des pers. publiques va devenir très générale.

Section 2. La responsabilité des agents publics

1. La distinction entre la faute personnelle et la faute de service

Cette distinction émane de la décision du T.C., 30 juillet 1873, Pelletier, GAJA.


L'expression théorique de la faute personnelle apparaît relativement simple. Mais ses
applications concrètes sont en revanche plus délicates.

A. Les notions théoriques de faute personnelle et de faute de service

* La jurispr. admtive va être amenée à définir et à préciser progressivement les diverses hypoth.
où se rencontre la faute personnelle et à la distinguer de la faute de service.

ctxt : crise pol * Cette déf° est issue des concl. du commissaire du Gouvernement E. Laferrière sur l'affaire :
T.C., 5 mai 1877, Laumonnier-Carriol, Leb. 437 : "Si l'acte dommageable est impersonnel, s'il
révèle un administrateur, un mandataire de l'Etat plus ou moins sujet à erreur, et non l'homme
avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences, l'acte reste administratif et ne peut être
déféré aux tribunaux (judiciaires) ".
La faute personnelle est donc celle qui est imputable à la pers. même de l'agent et non à
sa fonction. Mais la notion de faute personnelle est indépendante de la notion de faute pénale,
un délit commis par un agent public n’est pas nécessairement une faute personnelle (TC, 14
janv. 1935, Thépaz, GAJA).
il y a une frontiere entre le droit penal et le droit admin , il n’y a pas de corresponce automatique

* La faute de service est celle du fonctionnaire en tant que maillon de la chaîne admtive, en tant
que simple exécutant du service. La faute de service résulte d’un mauvais fonctionnement de
l’adm°, d’une mauvaise organisation du service.

* La distinction entre la faute personnelle (celle de l'homme avec ses faiblesses...) et la faute de
service (la faute de l'administrateur) s'opère à partir de l'intention de l'auteur de l'acte.

* Mais ces définitions très théoriques se sont révélées plus difficiles à mettre en oeuvre que ce
pouvait laisser augurer leur seule lecture.

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B. Les difficultés concrètes de distinction

Ces difficultés sont au nombre de trois.

* Il existe des hypoth. dans lesquelles il est très difficile non seulement de distinguer
concrètement la faute de service et la faute personnelle, mais également de savoir quelle est la
faute à l'origine du dommage. Il peut y avoir juxtaposition et imbrication des fautes.

* Il est difficile même en cas de faute personnelle de faire complètement abstraction du service.
C'est lui qui met en rapport l'auteur du dommage et la victime : il fournit l'occasion du
dommage.

* L'intérêt de la victime réside dans la possibilité d'être dédommagée. Or, l'avantage de la resp.
admtive tient à ce que c'est le patrimoine de la personne publique qui est engagé et non celui de
l'agent. Et, naturellement, la personne publique est toujours solvable alors que l'agent public
peut ne pas l'être.

Ttes ces difficultés ont favorisé la réflexion sur le rattachement de la faute de service à
la faute personnelle afin de permettre la reconnaissance de la responsabilité admtive.

C. La faute personnelle détachable du service

L'analyse de la jurispr. permet de recenser 3 grandes catégories de fautes personnelles qui se


détachent du service :

a) Le cas de la faute personnelle de l'agent commise dans l'exercice des fonctions le + frequent

Est une faute personnelle la faute qui se détache des fcts exercées par l'agent en raison
de sa particulière gravité et qui révèle donc le comportement personnalisé d'un homme.

Ce type de faute personnelle vise essentiellement 3 hypoth. :


- hypoth. où un agent public a été animé, pendant son service, par des préoccupations
d'ordre privé (malveillance délibérée, volonté de nuire).
ex. : commet une faute personnelle un préfet qui fait délivrer une carte d'invalidité à un
particulier, qui n'y a pas droit, et impose en même temps sa surveillance pour le sanctionner dès
qu'il en fera usage (TC, 14 décembre 1925, Navarro, Leb. 1007).
ex. : commet une faute personnelle le gardien de prison qui, pour des corvées extérieures
à l'établissement pénitentiaire, choisissait des détenus spécialisés dans les cambriolages et
accomplissait des vols avec eux (CE, 11 novembre 1953, Oumar Samba, Leb. 218).
ex. : commet une faute personnelle le chef de service hospitalier qui cache l’existence
d’une faute médicale commise par son service (CE, 28 déc. 2001, Valette, Leb. 680).
ex. : commet une faute personnelle le fonctionnaire qui entre 1942 et 1944 a prêté son
concours à l’arrestation et à l’internement de personnes juives (CE, ass., 12 avr. 2002, Papon,
GAJA).

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ex. est une faute personnelle l’ordre donné par un préfet d’incendier une paillote
installée sans autorisation sur le domaine public maritime (Cass, Crim, 13 oct. 2004, Bonnet,
Mazères et autres).

- hypoth. où un agent public s'est livré à certains excès de comportement (excès de


boisson, de vitesse, de langage, violence physique).
ex. : commet une faute personnelle l'agent des postes qui se livre à des brutalités sur un
usager lors de la remise d'un paquet (TC, 21 décembre 1987, Kessler, Leb. 456 : comportement
incompatible avec « les pratiques administratives normales »).
ex. : commet une faute personnelle le policier en patrouille qui porte des coups de poing
à un individu après que celui-ci a heurté avec son automobile le véhicule de police et a tenté de
prendre la fuite (Crim, 10 févr. 2009, Bruno C., n° 08-84.339, AJDA 2009, p. 1844).

- hypoth. où il n'y a eu de la part de l'agent, ni préoccupations d'ordre privé, ni


excès de comportement mais où la faute commise est d'une indéniable gravité (imprudences
et négligences graves).
ex. : commet une faute "manifeste et d'une exceptionnelle gravité" un commissaire de
police, faisant reconduire chez elle par 2 agents non armés, une pers. réfugiée au commissariat,
dont il savait la vie menacée, et qui est abattue en cours de route (T.C., 9 juillet 1953, Veuve
Bernadas, Leb. 593, JCP, 1953.II.7797, note J. Rivero).
ex. : commet une faute personnelle le médecin qui, à la suite d'un incendie, s'enfuit de
la salle d'accouchement en y abandonnant sa patiente attachée (C. Cass., Ch. Crim., 2 octobre
1958, JCP, 1958.II.10834).

b) Le cas de la faute de l'agent commise en dehors de l'exercice des fonctions mais "non
dépourvues de tout lien avec elles"

Est une faute personnelle la faute commise en dehors de l'exercice des fonctions de l'agent mais
qui n'est pas entièrement détachable de ces fonctions.

Ce type de faute personnelle recouvre essentiellement 2 hypothèses :

- hypoth. de la faute commise à l'occasion de l'accomplissement du service mais sans


rapport direct avec le service
ex. : commet une faute personnelle un agent public qui détourne de sa destination
normale le véhicule que l'adm° lui a confié pour accomplir une mission et qui l'utilise à des fins
personnelles (pour faire des courses, se promener avec sa fiancée) (CE, 8 août 2008, n° 297044,
Thierry A., Dr. adm. 2008, n° 140 : commet une faute personnelle le militaire qui se détourne
du trajet de sa mission pour permettre à un autre militaire de prendre de l’argent à un
distributeur automatique).

- hypoth. de la faute commise en dehors du service, mais grâce à des moyens que le
service a mis à la disposition de l'agent.
La reconnaissance du lien avec le service est subordonnée à 3 conditions :
- le comportement dommageable doit avoir le caractère d'une simple négligence,
imprudence ou maladresse.
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- le moyen mis par le service à la disposition de l'agent public doit être
régulièrement détenu par lui.
- ce moyen doit exposer les tiers à des risques particuliers de dommages.
ex. : commet une faute personnelle un gardien de la paix manipulant
malencontreusement son arme de service à son domicile en compagnie d'un collègue qu'il tue
accidentellement (C.E., Ass., 26 octobre 1973, Sadoudi, Leb. 603, RDP, 1974, p. 554, note M.
Waline ; C.E., 23 décembre 1987, Epx Bachelier, Leb. 431).

c) Le cas de la faute personnelle commise en dehors du service et dépourvue de tout lien avec
le service

C'est le cas de la faute purement personnelle. Elle est dépourvue de tout lien avec le
service à la fois matériellement et juridiquement. Elle se détache complètement de l'exercice
des fonctions.
ex. : commet une faute personnelle le gendarme qui fait usage de son arme pour se
venger (C.E., 12 mars 1975, Pothier, Leb. 190).
ex. : commet une faute personnelle le pompier qui, en dehors de son service, allume
volontairement un incendie (C.E., 13 mai 1991, Sté d'assur. Les Mutuelles unies, D.A., 1991,
n° 351).
ex. : commet une faute personnelle l’officier militaire qui tire à balles réelles sur un
appelé du contingent en dehors de tout exercice organisé par l’autorité supérieure (CE, 17 déc.
1999, Moine, Leb. 425).

2. La théorie des cumuls

Cette théorie des cumuls vise précisément à élargir le champ d'application de la resp.
admtive. L'élaboration de cette théorie va se dérouler en 2 temps.
La jurispr. va d'abord inaugurer la théorie du cumul des fautes, puis développer ensuite
la théorie du cumul des respités. La théorie des cumuls est basée sur une même démarche :
l'imbrication du fait personnel et du fait imputable au service.

A. La théorie du cumul des fautes

Elle a été inaugurée par l'arrêt : C.E., 3 février 1911, Anguet, GAJA.
Faits : Un usager se rend à la Poste. Pendant qu'il effectue ses opérations postales, le
bureau ferme avant l'heure réglementaire. Un agent l'invite à sortir par la porte de service, mais
l'usager s'égare dans les locaux. Deux autres agents, qui se trouvaient dans les locaux de tri, le
voient, le prennent pour un malfaiteur et l'expulsent manu militari si bien qu'il se casse une
jambe.
Solution : Le C.E. analyse minutieusement la situation. Il y a 2 fautes distinctes dans
cette affaire. Le fait de fermer le bureau de poste avant l'heure réglementaire constitue une faute
imputable au service. Le fait pour les deux agents d'expulser avec brutalité M. Anguet constitue
une faute personnelle. La victime aura donc le choix : elle pourra saisir les trib. judiciaires pour

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faute personnelle commise par les agents ; elle pourra également (comme c'est le cas en
l'espèce) saisir le J.A. pour faute de service, cette dernière ayant été génératrice du dommage.

La théorie du cumul des fautes constitue un revirement de la jurispr. du TC, 30 juillet


1873, Pelletier. Elle admet que les 2 fautes ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Cette
théorie repose sur l'idée que, dans une même affaire, il peut y avoir 2 faits générateurs de 2
fautes : l'une de service, l'autre personnelle.

Par conséquent, en cas de cumul de fautes (faute personnelle+faute de service), la


victime peut agir pour le tout contre la personne publique en invoquant la faute de service.

B. La théorie du cumul des responsabilités

Elle constitue l'évolution de la jurisprudence Anguet. Elle a été annoncée par un arrêt
du C.E., 23 juin 1916, Thevenet, Leb. 244, mais elle est véritablement consacrée par l'arrêt du :

C.E., 26 juillet 1918, Lemonnier, GAJA


Faits : Lors de la fête annuelle d'un village, l'une des attractions consiste à tirer à la carabine sur
des cibles flottantes situées dans le lit de la rivière. Or, sur l'autre berge avait été aménagée une
promenade. M. et Mme Lemonnier prenaient le frais, lorsque Mme Lemonnier fut atteinte au
cou par un projectile. Déjà, dans l'après-midi, des promeneurs s'étaient plaints de la dangerosité
des tirs. Le maire s'était borné à faire déplacer les cibles. La victime avait intenté 2 actions : une
devant le juge judiciaire, une devant le juge admtif.
Solution : Comme le souligne le commissaire du Gouvernement Léon Blum dans ses
conclusions sur cet arrêt : "La faute se détache peut-être du service, mais le service ne se
détache pas de la faute".
L'idée centrale de l'arrêt Lemonnier repose sur ce qu'un même fait est constitutif d'une
faute qui sera à la fois une faute personnelle et une faute de service. Dans l'arrêt Anguet, il y
avait 2 faits constitutifs de 2 fautes. Ici, il n'y en a plus qu'un. L'avantage pour la victime réside
dans le fait qu'elle va pouvoir obtenir réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi en
invoquant l'aspect le plus avantageux pour elle : la resp. admtive.

L'arrêt Lemonnier a créé un nouveau type de faute : la faute unique au double


visage, constituant à la fois une faute personnelle et une faute de service.

Mais la jurispr. Lemonnier ne visait que les fautes personnelles des agents publics
commises dans l'exercice de leurs fonctions (1ère catégorie de fautes personnelles, cf. supra).
Mais l'évolution jurisprudentielle va se poursuivre et étendre les principes de l'arrêt
Lemonnier aux fautes personnelles commises en dehors de l'exercice des fcts mais non dénuées
de tout lien avec le service (CE, ass., 18 novembre 1949, Dlle Mimeur, Leb. 492, anc au GAJA).
l’arret de principe

C. La faute personnelle va-t-elle disparaître ?

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le contentieux est unifié - soit elle réclame a l’un devant le JA soit a l’autre devant le JJ -

Une question se pose alors : pourquoi a-t-on assisté à une telle extension de la resp. admtive qui
conduit à reconnaître l'existence d'une faute de service presque à chaque fois où apparaît une
faute personnelle ?

* Le juge admtif a de mieux en mieux protégé les victimes d'agissements admtifs condamnables
en leur trouvant un débiteur solvable : la personne publique. La jurispr. s'est donc livrée à un
amenuisement de la faute personnelle, à un point tel que certains auteurs annoncent sa prochaine
disparition.

* Ils n'ont peut-être pas tort à la lecture de :


CE, 18 novembre 1988, Raszewski, Leb. 416, JCP, 1989.II.21211, note B. Pacteau.
Faits : Un gendarme meurtrier d'une jeune fille avec son arme personnelle, avait commis
plusieurs vols de voiture et trois attaques à main armée ainsi que d'autres méfaits dans la
circonscription où il exerçait ses fonctions. Sa participation aux recherches, la connaissance du
résultat des enquêtes lui permettaient d'échapper aux recherches et de poursuivre ses crimes.
Solution : Le lien avec le service devient ici purement intellectuel. La faute n'est pas
dénuée de tout lien avec le service.

3. Les partages de responsabilité

Deux pbs se posent : il faut d'une part empêcher la victime ou ses ayant-droit de
bénéficier d'une indemnisation supérieure au dommage réellement subi ; il faut d'autre part
empêcher que l'adm° ou l'agent supporte intégralement le poids de l'indemnisation versée à la
victime parce que la faute comporte un aspect personnel et un aspect lié au service.

A. L'action subrogatoire

L'action subrogatoire est un mécanisme empêchant la victime d'obtenir une indemnité


supérieure à celle correspondant au dommage.

La subrogation peut se définir comme la "translation de droits sur la base d'un


paiement".

Ex. : X est victime d'un dommage causé par une pers. Y. L’assureur de X le rembourse.
Il devient subrogé dans ses droits, c-à-d qu'il peut se prévaloir de cette qualité pour demander
réparation du dommage à la personne responsable. La subrogation ne change rien au problème
de la resp., elle ne fait que transférer les droits de la victime à une autre personne (cas des
actions des caisses de Sécurité sociale).

Ce système de subrogation joue un rôle un peu particulier dans le cadre de la resp.


admtive.
Il arrive en effet que la victime, pour être indemnisée et ne perdre aucune chance, intente
2 actions : une devant le juge administratif pour faute de service, l'autre devant le juge judiciaire
pour faute personnelle. Ce système présente un inconvénient : il permet à la victime de toucher
une double indemnité, une du juge admtif, une du juge judiciaire.
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Pour éviter cela, lorsque le juge admtif octroie l'indemnité à la victime, il subroge la
pers. publique déclarée resp. dans les droits de la victime de façon à ce que si le juge judiciaire
accorde une autre indemnité sur le fondement de la faute personnelle en condamnant l'agent
public, la victime ne bénéficie pas d'une nvelle indemnité.
Le mécanisme de la subrogation est destiné à empêcher que le mécanisme de la
responsabilité admtive ne se transforme en une source de profit.

B. L'action récursoire

* Du point de vue de l'équité et de la justice, on peut estimer que s'il est souhaitable que
la victime soit indemnisée par l'adm°, en revanche, il n'apparaît pas juste de laisser à la charge
de la seule adm° le montant du préjudice dès lors que la faute commise comporte une part de
faute personnelle.

* Pourtant, de manière traditionnelle, la possibilité pour l'adm° de se retourner contre


son agent, c-à-d l'action récursoire, était niée.
Ex. : C.E., 28 mars 1924, Poursines, Leb. 357.
Faits : Un officier militaire avait fait fusiller un suspect pendant la 1ère G.M. Les ayants-
droit de la victime avaient obtenu un dédommagement de l'Etat. Mais l'Etat a, par la suite, voulu
se retourner contre l'officier fautif pour lui demander le remboursement des dommages-intérêts.
Solution : Le C.E. refuse cette possibilité à l'Etat car il estime qu'il n'y a pas d'action
récursoire possible contre les fonctionnaires.

Cette situation conduisait à une irresponsabilité des fonctionnaires. Elle va se prolonger


jusqu'en 1951.

* L'action récursoire va véritablement naître avec 2 arrêts de 1951 :


- C.E., Ass., 28 juillet 1951, Laruelle, GAJA
Faits : Un militaire trompe la surveillance des gardiens et "emprunte" à des fins
personnelles un véhicule de l'armée avec lequel il provoque un accident. La victime se retourne
devant le juge administratif qui l'indemnise totalement. Le Ministre des armées se retourne alors
contre son agent en estimant que la faute commise était une faute exclusivement personnelle.
Solution : Le C.E. va admettre l'action récursoire de l'Etat contre son agent et le
condamner à rembourser la somme versée par l'Etat à la victime.

- C.E., Ass., 28 juillet 1951, Delville, GAJA


Faits : Le chauffeur d'un véhicule admtif est condamné par le juge judiciaire parce qu'il avait
provoqué un accident alors qu'il se trouvait en état d'ébriété. Mais les freins du véhicule étaient
aussi en mauvais état, ce qui avait contribué à provoquer l'accident. M. Delville se retourne
contre l'adm° devant le J.A., estimant qu'une part de la faute ne lui est pas imputable.
Solution : Le C.E. admet l'action récursoire de l'agent public contre l'Etat pour la part du
dommage imputable au service.

Les conséquences de ces deux arrêts sont les suivantes :

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- En premier lieu, ces deux arrêts abandonnent l'ancienne théorie de l'irresponsabilité
des fonctionnaires. L'admission de l'action récursoire constitue un revirement par rapport à la
jurispr. Poursines.
- En second lieu, l'admission de l'action récursoire va permettre à l'Etat ou à l'agent de
réclamer la somme correspondant à la part de la faute qui ne lui est pas imputable. L'action
récursoire joue donc aussi bien au profit de l'Etat que de l'agent.
En effet, pour l'Etat, ce sera la réclamation à l'agent de l'indemnité versée à la victime à
raison de la part prise par la faute personnelle ; pour l'agent, ce sera la réclamation à l'Etat de
l'indemnité versée à la victime à raison de la part imputable à la faute de service.
Mais l'Etat ne peut jamais réclamer à l'agent une indemnité pour la faute de service qu'il
a commise.

- En troisième lieu, la compétence juridictionnelle pour statuer sur les actions récursoires
ressort exclusivement de la compétence du juge admtif car il s'agit d'un litige entre l'adm° et
son agent (T.C., 26 mai 1954, Moritz, Leb. 708).

Enfin, l'action récursoire se distingue de l'action subrogatoire en ce qu'elle vise, de la


part du demandeur, à réparer un préjudice qu'il a subi. L'action récursoire comporte aussi une
idée de sanction (sanction pécuniaire), c'est une mesure qui s'apparente à une mesure
disciplinaire.

Ainsi, l'action récursoire ne représente pas uniquement le recouvrement d'une créance,


elle constitue aussi une forme de sanction. Cette solution comporte certains risques :
- le 1er risque est celui de discrimination entre les agents. En effet, la mise en oeuvre de
l'action récursoire dépend du pouvoir discrétionnaire de l'autorité admtive, c-à-d de son bon ou
de son mauvais vouloir. Aussi, les supérieurs hiérarchiques risquent d'être moins inquiétés que
les subordonnés.
- le 2nd risque est celui d'injustice : l'action récursoire peut devenir un véritable moyen
de pression à l'égard des fonctionnaires subalternes. L'adm° pourra avoir tendance à ne l'exercer
que dans des cas mineurs. Comme l'observe le commissaire du Gouvernement Jean Kahn dans
ses conclusions sur l'arrêt « Jeannier » ne risque-t-on pas de voir affluer dans le prétoire un
grand nombre de subalternes "dont la faute, en somme, aura été de faire un jour malheureux ce
que d'autres, qui sont placés à la tête du service font chaque jour avec un bonheur qui ne se
dément jamais".

Section 3 La responsabilité administrative pour faute

Toute illégalité commise par l'adm° constitue une faute. L'adm° sera alors soumise à
une double sanction par le juge. Le J.A. prononcera l'annulation de l'acte admtif illégal et la
resp. de l'adm° sera engagée si l'illégalité a causé un préjudice.
C'est dans cette notion de préjudice que se trouve la limite de l'automaticité des relations
entre illégalité et responsabilité. La décision illégale n'entraîne pas de mise en jeu de resp. si
elle n'a pas causé de préjudice direct et certain (C.E., 25 mars 1966, Sté des Films Marceau,
AJDA, 1966.II254, concl. J. Rigaud).

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La resp. admtive peut être engagée consécutivement à une faute. Il faut cependant que
cette faute soit une faute de service. Parfois même, cette faute de service doit posséder en plus
un certain degré de gravité.

1. La faute de l’administration

Il y a faute de service, c-à-d une faute non imputable à un ou plusieurs agents


individualisés, dans principalement 4 hypothèses.

A. Les agissements matériels

C'est le cas le plus fréquent de mise en jeu de la resp. admtive. Ils peuvent consister en
imprudence, négligence, règlements inobservés, erreur inexcusable ou grave. Bref, il s'agit d'un
mauvais fonctionnement du service, c-à-d que le service a fonctionné mais dans des conditions
qui ne sont pas celles auxquelles l'usager pouvait s'attendre.

Ex. : C.E., 14 juin 1963, Hebert, Leb. 364.


Faits : Un enfant se noie dans une piscine municipale. Compte tenu de l'impureté de l'eau (eaux
troubles) et du défaut de surveillance des maîtres-nageurs, le corps de l'enfant n'est retrouvé que
tardivement, alors qu'il était décédé.
Solution : Ces 2 raisons sont révélatrices d'un mauvais fonctionnement du service. Il y a faute
de service.

Ex. : C.E., 29 avril 1983, M. Narcy, RDP, 1984, p. 833.


Est une faute de service la maladresse d'un vétérinaire chargé de la vaccination d'un troupeau
contre la brucellose qui au lieu de piquer le veau pique son propriétaire.

B. L'inertie et le retard abusif

- L'inertie
L'adm° engage sa resp. :
* en ne prenant pas les mesures d'exécution ordonnées par un texte législatif ;
* en ne parvenant pas à faire respecter sa propre réglementation (CE, sect., 14 déc. 1962,
Doublet, Leb. 680) ;
* en n'adoptant pas les mesures adéquates pour éviter des accidents (CE, 19 nov. 2013,
n° 352955, X., classé B : l'utilisation d’une plate-forme flottante installée par la commune
d'Etables-sur-Mer sur une plage publique présentait un danger particulier dès lors qu'elle
permettait à des adolescents et à des enfants d'effectuer des plongeons, quelle que soit la
profondeur de l'eau ; il incombait au maire de prendre les mesures appropriées à l'usage de
cette plate-forme flottante ; le maire d'Etables-sur-Mer n'a ni averti les usagers du danger que
pouvait présenter l'utilisation de cette installation comme plongeoir, ni pris une réglementation
concernant l'accès et l'usage de la plate-forme flottante ni encore mis en place une surveillance
particulière de cette installation et a ainsi commis une faute de nature à engager la
responsabilité de sa collectivité).

11
- Le retard abusif
Un retard abusif est de nature à engager la resp. de l'adm°, mais tout est affaire de circ.

Ex. : Ainsi, un retard de 3 jours pour entreprendre la lutte contre un incendie de forêt est
fautif (C.E., 17 juillet 1953, Narce, Leb. 384). Mais un délai d'un an et demi entre la
comparution devant une commission de réforme et l'attribution d'une carte de gratuité des
transports n'est pas fautif (C.E., 21 mai 1953, Gauthier, Leb. 240).

Ex. : L’Etat engage sa respité du fait de son retard à prendre les mesures nécessaires
pour protéger les travailleurs contre les risques liés à l’exposition aux poussières d’amiante
(CE, ass., 3 mars 2004, Min emploi et solidarité c. Xueref, Dr adm 2004, n° 87).

En conclusion, l'adm° doit agir dans un délai raisonnable, ce délai devant être analysé
en fonction des circonstances et des difficultés incombant à l'accomplissement de la mission de
l'adm°.

C. Les renseignements et promesses

* Lorsque l'adm° donne des renseignements erronés, elle commet une faute. Il en va de
même lorsqu'elle refuse ou oublie de délivrer des renseignements (C.E., 12 octobre 1984, Sté
"La centrale de charcuterie alsacienne", Leb. 327 : maire d’une commune s’étant abstenu
d’informer une sté de ce que le conseil municipal était revenu sur une décision de principe
d’exonération fiscale).

* Lorsque l'adm° fait des promesses ou prend des engagements qui ne sont pas suivis
d'effets, elle commet une faute. Il faut néanmoins que la promesse ne soit pas contraire aux lois
et règlements et qu’elle soit dépourvue d’ambiguité.
ex. : promesses non tenues de nomination ou d'affectation (C.E., 18 octobre 1957,
Bouveret, Leb. 542).

* Néanmoins, il faut remarquer que le juge administratif tiendra compte de la légèreté


dont la victime a fait preuve et de l'autorité apparente des renseignement et engagements
administratifs, en raison de leur forme et de leur objet.

D. Le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public

* La resp. résultant de dommages de travaux publics ou d'ouvrages publics est fondée


en ce qui concerne les usagers sur la théorie du "défaut d'entretien normal".
Il s'agit d'un régime de resp. fondée sur la faute mais dans lequel la faute de l'adm° est
présumée. L'usager n'a pas à prouver le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, il doit
seulement faire la preuve entre du lien entre le dommage et l'ouvrage. C'est à l'adm° qu'il revient
de faire la preuve que l'ouvrage était normalement entretenu.
Le défaut d'entretien normal est celui qui excède les risques auxquels l'usager peut
raisonnablement s'attendre en utilisant l'ouvrage public.

12
Ex. : constitue un défaut d'entretien normal :
- l'absence de dispositif empêchant des portes à ouverture automatique de se refermer
brusquement (C.E., 16 décembre 1987, Mme Tallon, Leb. 997).
- la possibilité d'ouvrir la porte d'accès à un ascenseur, alors que la cabine n'est pas à
l'étage (C.E., 24 janvier 1990, Université des Sc. et techniques de Lille I, D.A., 1990, n° 164).

* Parmi les ouvrages publics, les dommages subis par les usagers sur les voies publiques
ont donné lieu à une abondante jurisp.
Il y a ainsi défaut d'entretien normal lorsque les endroits dangereux ne sont pas signalés
ou insuffisamment signalés. Il en va de même en cas d'absence de dispositif propre à interdire
l'accès de gros animaux sauvages à des autoroutes dans une zone où leur passage est fréquent
(C.E., 4 novembre 1987, Sté des autoroutes du sud de la France, Leb. 996 : collision entre un
sanglier et un véhicule) ou de la présence sur la chaussée d'une route d'une couche de mazout
non signalée (C.E., 14 mars 1980, Commauté urbaine de Bordeaux, Leb. 152 ; même
raisonnement pour une couche de verglas ou de gravillons).

2. La gradation des fautes

* La terminologie employée par les arrêts a varié au fil des années, mais elle désigne tjs
une même réalité.
L'engagement de la resp. admtive sera fct de la gravité de la faute commise. Cette gravité
sera appréciée en fonction de la difficulté de réalisation du service.
Jusqu'au début des années 60, la jurispr. distinguait 3 degrés de fautes : la faute simple,
la faute lourde et la faute d'une exceptionnelle gravité.
Depuis, elle a ramené la gradation des fautes à 2 aspects : la faute simple, qui suffit
normalement pour engager la resp. admtive ; la faute lourde, dont l'exigence sera requise lorsque
la jurispr. ou le législateur voudront soumettre à un régime plus strict de resp. certaines activités
qu'ils estiment difficiles à réaliser.

* Cette gradation des fautes susceptibles d'engager la resp. de l'adm° conduit à faire 4
remarques :
- Lorsqu'aucune précision complémentaire ne figure dans la jurispr. ou dans les textes,
la responsabilité de principe est la responsabilité pour faute simple. La responsabilité pour
faute lourde constitue un régime dérogatoire.
- Lorsqu'un domaine est concerné par l'application de la faute lourde, ce n'est pas
l'intégralité de ce domaine qui connaît de l'application de la faute lourde, mais seulement
certaines activités au sein de ce domaine. Le juge admtif devra donc dans chaque cas apprécier
la difficulté de l'activité.
- La qualification de la faute est une opération intellectuelle. Le juge peut soit
reconnaître facilement la faute lourde, soit restreindre son champ d'application afin de favoriser
le recours à la faute simple.
- La soumission d'une activité au régime de la faute lourde n'est pas immuable. Le juge
peut faire évoluer son contrôle en matière de responsabilité et passer de l'exigence d'une faute
lourde à l'exigence d'une faute simple.

13
A. La responsabilité des services de police

L'exigence d'une faute lourde en matière de resp. des services de police n'est pas
uniforme : elle dépend de l'activité mise en cause.
Le principe de la resp. de l'Etat du fait des services de police ne sera reconnu qu'en 1905
C.E., 10 février 1905, Tomaso Grecco, GAJA.

a) Distinction faute simple/faute lourde

Les activités des services de police peuvent se diviser en 2 tendances.


- D'une part, il y a les "activités intellectuelles" des services de police. Ce sont les
"activités bureaucratiques" ou encore les "activités juridiques" (édiction d'actes) qui ne
présentent pas, en principe, de difficulté particulière. Le juge les soumet normalement au régime
de la faute simple.
Une décision admtive illégale ou bien l’abstention d’un maire d’user de ses pouvoirs de
police constituent des fautes simples.

Toutefois, il faut se garder d'une trop grande simplicité. Il arrive que la jurisprudence
considère que certaines activités réglementaires de police soient d'une difficulté particulière et
elle exigera alors la commission d'une faute lourde.
Par exemple, la réglementation de la circulation peut s'avérer difficile et la responsabilité
de la commune sera donc subordonnée à une faute lourde (C.E., Ass., 20 décembre 1972,
Marabout, Leb. 664).

- D'autre part, il y a les "activités matérielles" des services de police. Ce sont les
opérations sur le terrain qui se déroulent dans le feu de l'action. Parce qu'elles supposent des
difficultés réelles d'accomplissement, le juge les soumet au régime de la faute lourde.
2 exemples :
Ex. : C.E., 8 avril 1987, Virmaux, Leb. 140.
Faits : Une propriétaire d'un immeuble de la rue St-Denis (et souhaitant le vendre) a demandé
à la préfecture de police de réglementer le stationnement sur le trottoir et sur la chaussée en
raison de la prostitution intensive qui s'y déroule.
Solution : Les autorités de police n'ont pas commis de faute lourde en raison des difficultés liées
à faire respecter cette réglementation, la prostitution dans ce quartier étant "traditionnelle" et
tolérée.
Mais évolution jurisprudentielle :
CE, 9 novembre 2018, n° 411626, Préfet de Police et Ville de Paris, classé B :
Ne commet pas une erreur de droit une cour administrative d'appel qui ne subordonne pas la
responsabilité d'une commune en matière de respect de la sécurité et de la salubrité
publiques à l'existence d'une faute lourde de sa part.
Après avoir relevé que, depuis plusieurs années, la chaussée et les trottoirs d'une rue dans le
18ème arrondissement de Paris étaient en permanence encombrés par des étalages installés sans
autorisation et qu'il en résultait des nuisances et des troubles importants, la cour a analysé les
mesures destinées à prévenir les troubles à l'ordre public prises par le préfet de police et les
mesures prises par le maire pour améliorer la salubrité publique. Au terme d'une appréciation
souveraine exempte de dénaturation, elle a estimé que ces mesures ne pouvaient être regardées
comme appropriées eu égard à l'ampleur et à la persistance des problèmes. En en déduisant une
14
carence fautive de nature à engager la responsabilité de la commune, la cour a exactement
qualifié les faits qui lui étaient soumis. En se bornant à rappeler que les difficultés de l'activité
de police administrative n'exonéraient pas les services compétents de leur obligation de prendre
des mesures appropriées, réglementaires ou matérielles, pour que les usagers de la voie publique
bénéficient d'un niveau raisonnable de sécurité et de salubrité, elle n'a pas fait peser sur les
autorités de police une obligation de résultat. Elle n'a par ailleurs pas commis d'erreur de droit
en ne subordonnant pas la responsabilité de la commune en matière de respect de la sécurité et
de la salubrité publiques à l'existence d'une faute lourde de sa part.

Ex. : C.E., 5 avril 1991, Sté européenne de location et de services, JCP, 1992.II.21810,
note B. Pacteau.
Sujet : Une automobile Ferrari est mise en fourrière après son vol et subit des dégradations
pendant 11 mois en étant entreposée sur un terrain herbeux et sans protection.
Solution : Les services de police n'ont pas commis de faute lourde dans la recherche de
l'identification du propriétaire du véhicule compte tenu des circ. de l'espèce. En revanche, les
conditions ds lesquelles a été organisé son stationnement révèlent un défaut d'organisation du
service et constituent une faute simple (10.000 F de D-I).

Mais une fois encore, il faut se garder d'une trop grande simplicité. Certaines activités
matérielles de police relativement faciles à assumer sont soumises au régime de la faute simple :
Ex. : CE, sect., 28 avril 1967, Lafont, Leb. 182 : est soumise au régime de la faute simple
la reconnaissance de la neige sur une piste de ski afin d'apprécier si elle peut être ouverte au
public
Ex. : CE, 28 nov. 2003, Cne de Moissy-Cramayel, Leb. 464 : faute d’une commune
constituée par l’inaction d’un maire à faire cesser les bruits provoqués par l’utilisation d’un
terrain de basket implanté sur l’aire de jeu communal à proximité immédiate de la maison des
requérants.

b) Le cas particulier des opérations de sauvetage et de secours

Pendant longtemps, la faute lourde a été requise pour les activités des services de police
relatives à l'organisation des secours et aux opérations de sauvetage. Il en était ainsi notamment
de la lutte contre les incendies.
* C.E., 18 novembre 1994, Epx Sauvi, Leb. 503.
Faits : en vue de prévenir l'extension d'un feu de garrigue survenu au début du mois
d'août 1984 à St-Victoret, les canadairs de la sécurité civile ont procédé à l'épandage d'un
produit destiné à retarder la combustion. Mais le produit se répand également sur la maison des
Epx Sauvi et la revêt d'une somptueuse livrée rose et indélébile ! Ces derniers, au lieu
d'apprécier cette touche d'esthétisme offerte gracieusement par l'adm° font un recours.
Solution : Le C.E. relève que compte tenu de la gravité des menaces que le sinistre faisait
peser sur la sécurité des pers. et des biens, et la nature des moyens disponibles pour y faite face,
les conditions d'intervention des services de lutte contre l'incendie n'ont révélé aucune faute
lourde.

En 1997, le Conseil d'Etat a opéré un revirement de jurisprudence. Désormais, la faute


lourde n'est plus exigée pour les opérations de police destinées au secours ou au sauvetage.
15
* C.E., Sect., 20 juin 1997, Theux, RFDA, 1998, p. 82, concl. Stahl :
Faits : M. Theux est victime d'un grave traumatisme cervical alors qu'il participait à un
entraînement de rugby (effondrement de mêlée et tétraplégie). M. Theux met en cause les
conditions de son transport sanitaire, notamment le fait qu'il ait été transporté par ambulance et
non pas par hélicoptère.
Solution : le J.A. estime que le CHR n'a commis aucune faute en raison des
circonstances météorologiques le jour de l'accident.

Le Conseil d'Etat confirme sa jurispr à propos du sauvetage en mer : C.E., Sect., 13 mars
1998, Améon, AJDA, 1998, p. 418+chron. : à propos du naufrage d'un cargo et de la disparition
de 23 personnes au large de l'Espagne : "compte tenu de l'imprécision des messages en
provenance du cargo, de l'éloignement des côtes françaises du lieu du sinistre, proche des côtes
de l'Espagne dont les autorités semblaient avoir mis en oeuvre des moyens de secours
appropriés, de l'importance des moyens de sauvetage mis en oeuvre, les conditions dans
lesquelles les autorités frçses ont réagi aux messages reçus et organisé des secours ne révèlent,
en tt état de cause, aucune faute de nature à engager la resp de l'Etat".

Enfin, la faute lourde a été abandonnée en matière de lutte contre l'incendie : C.E., 29
avril 1998, Commune de Hannappes, RFDA, 1998, p. 658. (fin de la jurispr Sauvi).

c) La responsabilité de l’Etat envers les victimes d’actes de terrorisme à raison des


carences des services de renseignement

CE, 18 juillet 2018, n° 411156, X. c. Etat, classé B : l’affaire Merah


Faits : Mohammed Merah a réalisé en mars 2012 trois attaques terroristes au cours desquelles
il a tué 7 personnes, dont des enfants et en a blessé 6 autres avant d’être neutralisé par la police.
Le caporal-chef X. a été assassiné le 15 mars 2012 à Montauban alors qu’il était dans la rue en
tenue militaire devant le guichet automatique d’une banque. La famille du caporal-chef a
souhaité engager la responsabilité de l’Etat à raison des carences commises par les services de
renseignement dans l’exercice de leur mission de prévention des actions terroristes et de
surveillance des individus radicaux. La famille reprochait notamment à l’Etat que M. Merah
n’avait pas été placé sous surveillance depuis son retour du Pakistan en 2011.

Pbmatique : cette responsabilité est-elle soumise à la faute lourde ?

Portée : Seule une faute lourde est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard des
victimes d'actes de terrorisme à raison des carences des services de renseignement dans la
surveillance d'un individu ou d'un groupe d'individus. En l’espèce, le CE a estimé que la méprise
des services de l’Etat sur la dangerosité de l’intéressé ni l’absence de reprise des mesures de
surveillance ne caractérisaient, eu égard aux moyens matériels dont disposaient les services de
renseignement et aux difficultés particulières inhérentes à la prévention de ce type d’attentat
terroriste l’existence d’une faute lourde.

B. La responsabilité des services fiscaux

16
* La resp. des services fiscaux pour faute lourde peut apparaître comme un cas
particulier et une anomalie. En effet, il semble surprenant de considérer l'activité des services
fiscaux comme une activité présentant une difficulté particulière d'exécution !
L'adm° fiscale n'apparaît pas comme étant dans une situation différente de nombreux
autres services admtifs.
L'exigence d'une faute lourde apparaît surtout comme une survivance de l'ancienne
irresponsabilité de l'Etat.

* Pendant longtemps, le principe était simple : qu'il s'agisse de l'assiette (la base de
calcul) de l'impôt ou de son recouvrement, il fallait traditionnellement une faute lourde de
l'adm° pour que la resp. des services fiscaux soit engagée.
Ex. : C.E., 11 juillet 1984, Sté industrielle de St-Ouen, Leb. 272.
Faits : Une entreprise, suite à un redressement fiscal injustifié, est obligée de déposer son bilan,
de licencier son personnel et de cesser ses activités.
Solution : Compte tenu du caractère injustifié de ce redressement fiscal, il s'agit d'une faute
lourde engageant la resp. de l'Etat.

* Ttefois, le C.E. a nuancé sa jurisprudence en reconnaissant que la faute simple suffit


à engager la resp. de l'Etat lorsque "l'activité ne comportait pas de difficultés particulières
tenant à l'appréciation de la situation des contribuables"
Ex. : C.E., Sect., 27 juillet 1990, Bourgeois, RFDA, 1990, p. 213).
Faits : Un contribuable déclare au fisc le montant de ses revenus pour une somme totale de
35.663 F. L'adm° fiscale se trompe et saisit, sur ses ordinateurs, la somme de 315.663 F. M.
Bourgeois reçoit un avis d'imposition de 86.284 F alors que le montant réel s'élevait à 4.655 F.
Solution : L'adm° fiscale a commis une faute simple qui, compte tenu de l'absence de difficultés
particulières, suffit pour engager sa resp.

* Mais la resp. pour faute lourde des services fiscaux était loin d'avoir disparu :
Ainsi, l'exigence de faute lourde subsistait en matière de recouvrement si l'activité
de l'adm° avait dû s'exercer dans des cditions difficiles et complexes .
Exemple :
- C.E., 24 juill. 2009, n° 308517, Cne de Coupvray, sera mentionné aux tab : les services
de l’Etat n’ont pas commis de faute lourde en raison de la complexité de la détermination du
taux d’abattement à appliquer à la valeur de reconstruction d’un immeuble nécessaire au calcul
de sa valeur locative ; il s’agissait d’hôtels appartenant au parc de loisirs Euro Disney qui ont
été considérés comme indissociables du parc contrairement aux autres hôtels de la région.
La faute lourde subsistait également à l'égard des services d'assiette en ce qui
concerne la durée et les modalités du contrôle, l'évaluation et le déroulement de la procédure
contradictoire (C.E., 26 juillet 1991, Sarl Mosi et Lienhard, RJF, 1991, n° 10, p. 748).

Mais le CE a fini par faire entrer l’adm° fiscale dans le droit commun de la
responsabilité :
CE, sect., 21 mars 2011, n° 306225, Krupa, classé A, JCP A 2011, 2185, note L.
Erstein : toutes les fautes commises par l’administration lors de l’exécution des opérations
d’établissement ou de recouvrement de l’impôt engagent désormais la responsabilité de l’Etat.
Il n’est plus nécessaire de rechercher les éventuelles difficultés de la procédure pour qualifier

17
la faute de nature à mettre en cause cette responsabilité. Cette décision concerne un
contribuable.

C. La responsabilité du fait des activités de contrôle

* En principe, les activités de contrôle n'engagent la respité de la pers. publique qui


exerce le contrôle qu'en cas de faute lourde (le contrôle est par nature une mission difficile à
accomplir). Néanmoins, la faute simple fait ici et là son apparition démontrant s'il était
nécessaire qu'aucun domaine n'est à l'abri des nuances et des évolutions jurisprudentielles
(déclin inéluctable de la faute lourde ?)

* La faute lourde est exigée : en cas de défaillance de l'activité du contrôle de la


navigation aérienne, du contrôle sur certaines personnes de droit privé (caisses de sécu).
L'exercice par le préfet du contrôle de légalité des actes des collectivités locales (déféré
préfectoral) demeure subordonné à la commission d'une faute lourde (même si la question a été
débattue) (CE, 6 oct. 2000, Cne de St-Florent, AJDA 2001, p. 201 : faute lourde tenant à
l'abstention du préfet pendant 3 ans de déférer au TA des délibérations manifestement illégales
et aux conséquences financières graves pour la commune).

* Néanmoins :
- la faute simple suffit à engager la responsabilité de la personne publique en cas de défaillance
du contrôle de l'inspection du travail (CE, 18 déc. 2020, n° 437314, Min du travail c/ M. A.,
classé A : l’absence de contrôle pendant 10 ans par l’inspection du travail d’un chantier naval
où les travailleurs étaient exposés à des poussières d’amiante engage la responsabilité de l’Etat
pour faute simple). Note : s’agissant de l’amiante : la responsabilité de l’Etat est susceptible
d’être retenue en sa qualité d’employeur. Dans cette hypothèse le préjudice fondé sur l’anxiété
due au risque élevé de développer une maladie grave est indemnisable car directement lié à
l’exposition aux poussières d’amiante dont l’employeur est responsable (CE, 3 mars 2017, n°
401395, Min. défense, classé A).

- la faute simple suffit également à engager la responsabilité de l'Etat en matière de contrôle


technique des navires (CE, Sect., 13 mars 1998, Améon, préc.).

- la faute simple suffit en cas de défaillance des services chargés du contrôle aux frontières (CE,
9 décembre 2015, n° 386817, Ali-Mehenni, classé B : sortie du territoire de jeunes filles
radicalisées en partance pour la Turquie – abandon de la jurisprudence qui exigeait jusque-là
une faute lourde.
Pour un cas d’engagement de responsabilité : CE, 26 avril 2017, n° 394651, X

D. La responsabilité des services hospitaliers

La resp. des services hospitaliers a toujours occupé une place un peu particulière en
raison de la complexité des paramètres qui entrent en jeu.
2 éléments sont à prendre en considération : l'activité médicale comporte inévitablement
une part d'aléa ; la faute du médecin n'est pas celle de l'hôpital.
18
* Dans un premier temps, le C.E. a élaboré une jurispr. nuancée faite de mélange de
régimes de faute simple et de faute lourde (C.E., 8 novembre 1935, Loiseau, Leb. 1019). Cette
jurispr. reposait sur la distinction suivante :
- lorsque la faute était imputable à un défaut de fonctionnement ou d'organisation du
service public hospitalier ou à un acte de soins courants (prises de sang, piqûres,
pansements...), une faute simple suffisait à engager la resp.
- en revanche, lorsque la faute était imputable à un acte médical (opération
chirurgicale), l'exigence d'une faute lourde était requise.
Ex. : C.E., 9 janvier 1957, Assistance publique de Marseille, Leb. 22 : l'omission de 5
corps étrangers (compresses, accessoires) dans le corps d'un patient opéré est constitutive d'une
faute lourde.

* Progressivement, le J.A. a reconnu de plus en plus fréquemment l'existence d'une faute


lourde, là où quelques années auparavant il aurait écarté cette qualification (erreur de
diagnostic, défaut de contrôle ou de surveillance post-opératoire). De cette façon, le juge a
élargi au fur et à mesure le champ d'application de la responsabilité hospitalière.
De plus, la jurispr. a également soumis au jeu de la faute simple, avec application d'un
mécanisme de présomption de faute, les hypothèses où les séquelles dont est affecté le patient
sont sans commune mesure avec l'affection dont il souffrait (C.E., 9 décembre 1988, Cohen,
AJDA, 1989, p. 405 : cas des infections contractées à l'hôpital).

* L'abandon de la distinction faute simple/faute lourde a été offcialisé par l'arrêt du C.E.,
Ass., 10 avril 1992, M. et Mme V..., GAJA. Dans cet arrêt, le C.E. a abandonné la notion de
faute lourde pour opter pour celle de "faute médicale de nature à" engager la resp. de
l'établissement public hospitalier.

* Le législateur a entériné cette évolution jurisprudentielle.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
a unifié le régime de respité à l'égard des secteurs public et privé de santé (Il était en effet
aberrant d'avoir 2 régimes juridiques distincts pour engager la respité du médecin ou de l'hôpital
selon la survenance du dommage). Cette loi ne s’applique que pour les préjudices subis après
le 1er janvier 2003.

- La loi exige une "faute" pour les actes individuels de prévention, de diagnostic ou de
soins (art. L. 1142-1 CSP).
- La loi exige a également institué une obligation d’information du patient par le
médecin sur les risques connus de décès ou d’invalidité résultant d’une intervention médicale
(sauf urgence ou impossibilité de satisfaire à cette obligation d’information, ou refus du patient
d’être informé de ces risques. C’est au médecin de prouver qu’il s’est bien acquitté de cette
obligation (CE, sect., 5 janv. 2000, Ctrs Telle)
- La faute est présumée lorsque le dommage résulte d'une infection nosocomiale ou en
cas de conséquences anormales d’actes de soins ou bénins (CE, 28 juill. 2011, n° 320810, M.
A., classé B : « le fait qu’au cours de son séjour la patiente a contracté une infection par un
staphylocoque doré révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service »).

19
- En matière de diagnostic prénatal, la loi du 4 mars 2002 a exigé une « faute
caractérisée » pour engager la responsabilité d’un hôpital vis-à-vis des parents d’un enfant né
avec un handicap non décelé.
- Par ailleurs, la jurisp. exige une faute pour engager la respité d’un hôpital en cas
de défaut d’organisation et de fonctionnement du service : faute dans la réalisation d’un acte de
soins courants, insuffisance de surveillance des patients et des locaux, relations défectueuses
entre le médecin et le personnel paramédical (CE, 27 juin 2005, n° 250483, M. et Mme X).

Section 4 La responsabilité administrative sans faute

La resp. sans faute apparaît comme l'aspect le plus original de la resp. admtive. Sa
justification repose sur l'idée que par les activités qu'elle exerce, l'adm° fait naître certains
risques ou peser certaines charges pour les particuliers qu'elle va être amenée à indemniser
lorsque certains dommages se produiront.
La resp. sans faute possède un caractère d'ordre public, c-à-d qu'elle peut être soulevée
d'office par le juge.
On distingue 2 types de resp. sans faute :
- la resp. sans faute fondée sur le risque créé par une activité de l'adm°
- la resp. sans faute fondée sur la rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques.

1. La responsabilité fondée sur le risque

La resp. sans faute fondée sur le risque a d'abord été une création jurisprudentielle. Cette
resp. a été inaugurée par l'arrêt du C.E., 21 juin 1895, Cames, GAJA. L’arrêt Cames a ouvert la
voie à la responsabilité sans faute. Sur ce point, son succès n’a pas été démenti depuis. Il a aussi
reconnu aux agents publics, collaborateurs permanents du service public, une couverture pour
les risques professionnels encourus. Puis, après la 2e G.M. les régimes législatifs de protection
sociale se sont succédé et ont rendu inutile cet arrêt.
Mais la responsabilité sans faute d’origine jurisprudentielle continue de s’appliquer aux
collaborateurs occasionnels du service public.

A. La réparation des dommages subis par les collaborateurs occasionnels et


bénévoles du service public

Cette solution a été consacrée par l'arrêt CE, ass., 22 novembre 1946, Commune de St-
Priest La Plaine, GAJA.
Faits : 2 individus acceptent, bénévolement, à la demande du maire, de tirer le feu d'artifice le
soir de la fête locale. Une des fusées explose prématurément. Aucune faute ne peut être relevée
ni à l'égard de la commune, ni à l'égard des bénévoles.
Solution : Le C.E. estime qu'il y a réalisation d'un risque que la collectivité locale a fait courir
aux requérants sans que ces derniers soient obligés de démontrer que la collectivité a commis
une faute à leur égard. Il va admettre l'idée d'une resp. pour risque.

20
L'application de la théorie du collaborateur occasionnel et bénévole nécessite la réunion
de 3 conditions :
- il faut que l'activité à laquelle l'individu prête son concours constitue une mission
de service public. Par ex., le C.E. a considéré qu'un médecin, qui portait assistance à des blessés
qui venaient d'être intoxiqués par le gaz, effectuait une action qui relevait d'un SP (C. Cass., 23
novembre 1956, Trésor public c. Giry, GAJA ; CE, sect., 22 mars 1957, Commune de Grigny,
Leb. 524). Il est indifférent que le SP soit assuré en France ou à l’étranger (CE, sect., 13 janv.
1993, Mme Galtié, Leb. 11).

- il faut que le concours du collaborateur ait été sollicité, voire obligé ou que l'adm°
l'ait accepté ou qu'il y ait eu urgence à intervenir. L'appréciation de cette condition est très
circonstanciée.
Ex. : C.E., Sect., 9 octobre 1970, Gaillard, Leb. 565.
Faits : Une dame âgée fait une chute dans une fosse (à purin !). Elle lance des appels au secours.
Un passant l'entend, il tente de l'en dégager, mais tombe également. La dame âgée s'en sort sans
dommage, mais la pers. qui l'a aidée est blessée.
Solution : Compte tenu de "l'urgente nécessité" qu'il y avait à intervenir, la sollicitation était
implicite.

Ex. : C.E., 25 septembre 1970, Commune de Batz-sur-Mer, Leb. 140.


Faits : Un pêcheur se noie en bordure de mer au mois de décembre alors qu'aucun moyen de
secours n'est présent. Un promeneur l'entend, se porte à son secours mais se noie lui-même.
Solution : Bien qu'il n'y ait pas eu de demande de l'autorité publique, la sollicitation était
implicite. La théorie du collaborateur occasionnel et bénévole s'applique.

Le C.E. a même étendu cette solution à des membres de la même famille qui se portaient
secours entre eux (C.E., 1er juillet 1977, Commune de Coggia, Leb. 301).

Le juge administratif admet même que cette sollicitation ait été faite de façon indirecte.

- CE, sect., 12 oct. 2009, Mme Chevillard et Crts Bancherelle, AJDA 2009, p. 2170 : un
thonier français navigant dans le golfe de Guinée avait lancé un appel en vue de l’évacuation
d’un marin blessé : un centre de sauvetage du Morbihan avait relayé l’appel et sollicité la société
Elf Gabon, laquelle avait fait appel à la sté Héli-Union, qui était ordinairement son prestataire
de services. Un hélicoptère décolla avec comme pilote M. Bancherelle mais au cours de la
manœuvre et après que le marin blessé ait été chargé dans l’hélico, celui-ci se prit les pâles dans
les câbles du navire et l’hélico plongea en mer. Tout le monde fut repêché sauf le pilote qui fut
la seule victime de l’accident.
Fallait-il considérer que la chaîne des intermédiaires s’interposait entre la demande
initiale de l’Etat et l’acceptation du pilote ? La CAA de Paris l’avait pensé mais le CE ne l’a
pas suivi et a poursuivi son travail de générosité jurisprudentielle. Ce qui compte c’est qu’une
personne publique à l’origine ait manifesté son intention de prendre en charge une activité
d’intérêt général telle que le sauvetage en mer.

- il faut que la collaboration soit bénévole, ce qui implique une absence de


rémunération des services rendus, et qu'elle soit occasionnelle, le collaborateur agissant en tant
que « simple particulier » (idée très importante).
21
Ne sont donc pas des collaborateurs occasionnels et bénévoles du SP : les usagers du
SP, les agents publics (CAA Bordeaux, 18 déc. 2003, n° 99BX01461, CPAM du Béarn : un
médecin du SMUR d’un hôpital, victime d’un accident d’hélicoptère, n’est pas un collaborateur
occasionnel du SP), les cocontractants de l’adm°.

B. La réparation des dommages subis par les tiers victimes de dommages de


travaux publics

Le tiers par rapport à l'ouvrage public ou au travail public se définit négativement. Il


s'agit de celui qui n'est ni participant, ni usager. Il s'agit d'une catégorie résiduelle.
Etant totalement étranger à l'ouvrage, le tiers bénéficie d'un régime de resp. avantageux.
Il sera indemnisé sur le fondement de la resp. sans faute.

C. La responsabilité pour "risque spécial de dommage"

Certaines activités administratives font courir à l'admtré un "risque spécial de dommage.


Ces activités sont essentiellement au nbre de3.

a) Les usagers et tiers d'ouvrages publics exceptionnellement dangereux

Certains ouvrages publics présentent des risques particuliers. En cas de dommage, il


convient d'engager la resp. de la pers. publique propriétaire de l'ouvrage sur le fondement du
sans faute.
Ces ouvrages publics dangereux sont les pylônes EDF haute tension, les conduites
forcées de distribution de l'eau.
De plus, certains tronçons de routes peuvent présenter par eux-mêmes "le caractère d'un
ouvrage exceptionnellement dangereux" notamment en raison de leur conception (C.E., Ass., 6
juillet 1973, Dalleau, Leb. 482 : route nationale à la Réunion longeant le pied d'une falaise
instable et sujette à des éboulements constants ; suivi de C.E., 3 novembre 1982, Crts Payet,
Leb. 367 : cette route n'est plus exceptionnellement dangereuse du fait des travaux exécutés
pour assurer une plus grande sécurité aux usagers).

b) Les tiers exposées à des situations dangereuses

La resp. sans faute de l'adm° peut être engagée au bénéfice de pers. qui se trouvent
placées, en conséquence de leurs fcts ou de leurs obligations, dans une situation dangereuse.

Ex. : C.E., Sect., 19 octobre 1962, Perruche, Leb. 555.


Lors de la guerre de Corée, la ville de Séoul est occupée par les troupes nord-coréennes, mais
le Gouvernement français exige du consul de France dans cette ville qu'il reste à son poste. Ses
biens sont pillés, il a droit à réparation car le Gouvernement l'a placé "dans une situation qui
comportait des risques exceptionnels pour sa pers. comme pour ses biens".

22
Ex. : C.E., Ass., 6 novembre 1968, Dame Saulze, Leb. 550.
Une institutrice enceinte contracte la rubéole suite à une épidémie dans sa classe et donne
naissance à un enfant anormal.
La resp. de l'adm° est engagée sur le fondement du risque, les obligations professionnelles de
l'institutrice l'exposant à certains dangers.

c) Les tiers victimes du recours à des activités et méthodes dangereuses

3 types de situations essentiellement :

* Les méthodes thérapeutiques


Certains patients hospitalisés qui ont été exposés à un risque spécial de dommages du
fait de certaines méthodes thérapeutiques bénéficient d'un régime de resp. sans faute.
Il s'agit par là d'indemniser les victimes d'un "aléa thérapeutique". (CE, ass., 9 avril
1993, Bianchi, Leb. 127). Mais les condtions d’engagement de cette respité sont très strictes et
les cas d’application très limités :
- il doit s’agir d’un acte médical nécessaire au traitement ou au diagnostic du patient ;
- l’acte médical doit présenter un risque exceptionnel dont l’existence est connue ;
- le patient ne doit pas avoir de prédispositions aux risques réalisés
- le dommage doit être en lien direct avec la réalisation de l’aléa
- la réparation ne doit concerner que les troubles anormaux

* Les risques de voisinage et objets dangereux


- les risques de voisinage
Les voisins de SP subissent parfois des inconvénients du fait de la proximité de ces services qui
mènent des activités dangereuses.
Ex. : C.E., 28 mars 1919, Regnault-Desroziers, GAJA
Faits : L'autorité militaire avait installé au fort de la Double Couronne à Saint-Denis sur Seine
un dépôt de munitions. Celui-ci explosa ! Le bilan fut lourd : 33 morts et 81 blessés.
Solution : Bien que ttes les précautions n'aient pas été prises, le C.E. se place sur le terrain du
risque et estime qu'il existait, pour les habitants alentours, un "risque de voisinage" susceptible
d'engager la resp. de l'adm°.

- les objets dangereux


Cette resp. joue essentiellement dans le domaine de la police.
Ex. : CE, ass., 24 juin 1949, Lecomte, Leb. 307, anciennement au GAJA.
Faits : Des policiers sont chargés d'intercepter une voiture qui leur avait été signalée. Cette
voiture force un barrage de police. Un policier tire une rafale de mitraillette dans le bas de la
voiture. Une balle ricoche et tue M. Lecomte installé sur une terrasse.
Solution : Le C.E. n'utilise pas le critère de la faute lourde mais adopte un autre raisonnement.
Il estime que l'utilisation d'armes dangereuses crée un risque spécial de dommages à l'égard des
personnes non visées par l'opération de police.

Cette resp. sans faute suppose la réunion de 2 cditions :

23
- il faut que la victime soit un tiers par rapport à l'opération de police, c-à-d qu'elle ne
soit pas la personne visée par l'opération de police.
Lorsque la victime est concernée par l'opération de police, une faute simple suffit à
engager la resp. et non une faute lourde comme cela est exigé habituellement pour les activités
matérielles.
La Cour de Cass. applique également les principes de la jurisprudence Lecomte. Elle est
même allée plus loin puisqu'elle a engagé la responsabilité sans faute de l'Etat dans une affaire
où le coup de feu avait été tiré par un malfaiteur et non par la police (C. Cass., 1ère Civ., 10
juin 1986, Crts Pourcel, RFDA, 1987, p. 92, note Buisson).

- la notion d'arme dangereuse s'entend uniquement des armes à feu.

* Les méthodes de réinsertion


Les nouvelles méthodes pénitentiaires et psychiatriques tendent à favoriser la réinsertion
sociale des délinquants et des malades par des mises en liberté expérimentales.
Ces méthodes sont de nature à faire courir des risques aux admtrés.

Ce type de resp. sans faute semble aujourd'hui plus limité dans le temps que dans
l'espace. Ainsi, pour les mesures de semi-liberté et de libération conditionnelle, ainsi que pour
les mesures d'assistance éducative et les sorties à l'essai ou les placements familiaux des
malades mentaux, le C.E. a estimé que le régime de resp. pour risque était limité dans le temps.
Passé un certain délai, le régime redevient celui de la resp. pour faute.
Ex. : C.E., Sect., 29 avril 1987, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice c. Banque
populaire de la région économique de Strasbourg, RFDA, 1987, p. 831.
Faits : 2 détenus bénéficiaires d'une permission de sortir et d'une mise en semi-liberté se sont
soustraits à l'exécution de leur peine (se sont faits la belle !) et ont commis quelques jours après
une série de braquages entre janvier et mars 1978.
Solution : Il existe un lien direct de cause à effet entre le fonctionnement du service pénitentiaire
et le dommage causé à la Banque populaire de Strasbourg.
Idem pour : CE, 30 avr. 2003, Cie préservatrice foncière Assurances, JCP A 2003,
1572 : jeune fille internée qui au cours d’une sortie à l’essai de 48h a provoqué un incendie
dans les locaux d’une sté.

Ces méthodes engagent également la resp. de l'Etat lorsque ce sont des institutions
privées d'éducation surveillée habilitées qui les pratiquent et qui participent ainsi à l'exécution
du SP de l'éducation surveillée (C.E., Sect., 19 décembre 1969, Ets Delannoy, Leb. 595).

D. Un système législatif de responsabilité pour risque : la responsabilité du fait des


attroupements et rassemblements

Cette resp. a longtemps appartenu aux communes. Depuis la loi du 7 janvier 1983 (art.
92), l'Etat est responsable. Le contx afférent à ces litiges a été transféré de la juridiction
judiciaire au juge admtif par la loi du 9 janvier 1986 (art. 27). Le texte qui régit ce chapitre de
la responsabilité admtive est aujourd'hui l'art. L. 2216-3 du CGCT et art L. 211-10 du Code
de la sécurité intérieure.
24
Mais depuis la loi du 16 avril 1914, le fondement n'a pas changé, il s'agit d'une resp.
pour "risque social" à raison des dommages imputables aux attroupements ou rassemblements.

Les conditions de mise en oeuvre de cette resp. légale sont au nombre de 3. Elles sont
cumulatives.
- il faut un dommage causé par un attroupement ou un rassemblement. La loi ne
donnant aucune définition de ces notions, ces rassemblements sur la voie publique peuvent
avoir des motifs divers (fêtes, carnavals, manifestations). Le juge n'examine pas non plus le
bien-fondé de l'attroupement.
L'attroupement exclut la prise en compte d'actes d'individus isolés tels que l'action de
terroristes ou de commandos de viticulteurs mécontents. Mais l’essentiel est surtout que l’action
n’ait pas été préméditée (CE, 3 mars 2003, GIE La Réunion aérienne, Leb. 76 : pas de
responsabilité car découverte d’un sigle indépendantiste près des débris d’un avion détruit à
l’explosif).
La nature du lieu où s'est produit le rassemblement est également indifférente. Il peut
s'agir d'un lieu public ou privé.

- il faut que les manifestants se soient livrés à des violences constitutives de crimes ou
délits. Ce sont là des qualifications pénales importantes auxquelles le juge s'attache. Une simple
bousculade à l'arrivée des forces de police ne constitue pas un crime ou un délit (T.C., 12 juin
1961, Jean, Leb. 867) à l’inverse d’incidents graves à l’issue d’une manifestation sportive (CAA
Marseille, 20 oct. 2003, Min int c Sté Borgo voyages, AJDA 2004, p. 719).

- il faut que les dommages soient en relation directe avec le comportement des
manifestants. Le C.E. accepte de réparer les dommages de toute nature : dommages matériels,
préjudices commerciaux (CE, Avis, 6 avril 1990, SNCF, GAJA). Il ne distingue pas selon que
les victimes sont ou non étrangères au rassemblement. Une commune peut même mettre en jeu
la resp. de l'Etat sur ce terrain lorsque, par exemple, elle a dû procéder à des travaux de
nettoyage, de déblaiement, de remise en état de la signalisation après une manifestation
d'agriculteurs qui avait déversé des centaines de tonnes de pommes de terre (CE, 18 novembre
1998, Commune de Roscoff, D.A., 1999, n° 21).

* Mais les fautes commises par les manifestants peuvent être considérées par le juge
administratif comme des causes exonératoires de responsabilité.

* Il n'est plus nécessaire que le préjudice soit anormal et spécial (CE, avis, 20 février 1998,
ECSA et autres, D.A., 1998, n° 138, RFDA, 1998, p. 584, concl. J. Arrighi de Casanova).

* L'Etat peut également exercer une action récursoire contre les auteurs du fait dommageable
(loi n° 2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors
des manifestations (loi « anti gilets jaunes ») (art L. 211-10 du CSI) : principe du casseur-
payeur.
L’Etat peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-
ci se trouve engagée.

25
2. La responsabilité pour rupture du principe d'égalité des citoyens devant les charges
publiques

La resp. pour rupture de l'égalité devant les charges publiques procède d'une philosophie
différente de celle de la resp. pour risque.
Elle repose sur l'idée qu'il serait contraire au principe d'égalité de laisser supporter par
un seul, une charge qui pèse sur l'ensemble de la collectivité.
Selon le Conseil constitutionnel, le principe d'égalité devant les charges publiques a
valeur constitutionnelle car il est inclus dans le principe général d'égalité devant la loi énoncé
par la DDH de 1789.

A. Les dommages permanents de travaux publics

Les dommages permanents de travaux publics sont des dommages non accidentels
résultant inéluctablement de l'exécution de travaux publics ou bien de l'existence ou du
fonctionnement d'ouvrages publics. Ce sont des inconvénients de voisinage.
Ex. : C.E., 20 novembre 1980, Mme Rodal, RDP, 1982, p. 1445.
Diminution de recettes résultant de travaux (construction du métro de Lyon) qui ont pendant
plusieurs mois rendu particulièrement difficile l'accès à un magasin de chemiserie.
Ex. : C.E., 2 octobre 1987, EDF c. Mme Spire, Leb. 302.
Donne droit à réparation le bruit causé par une centrale nucléaire à l'égard des propriétaires
d'une maison proche mais non pas l'éclairage permanent et les panaches de vapeur.

B. La réparation des dommages du fait des décisions administratives régulières

Il arrive que les décisions admtives, même légales et prises dans l’intérêt général, soient
la cause de dommages. Si l'égalité devant les charges publiques a été rompue, la légalité des
décisions admtives ne saurait faire obstacle à la mise en jeu de la resp. de l'adm°, donc à la
réparation du préjudice.

a) Les charges résultant d'un acte administratif réglementaire

* Pour que la resp. de l'adm° soit engagée, il faut que le préjudice soit anormal, grave
et spécial.
Le C.E. a admis cette resp. dans l'arrêt CE, sect., 22 février 1963, Commune de
Gavarnie, Leb. 113.
Faits : Un commerce de souvenirs, installé sur le chemin menant au cirque de Gavarnie, avait
subi un grave préjudice du fait d'un arrêté municipal réservant le chemin aux promeneurs à dos
de mulet et l'interdisant donc aux piétons qui constituaient la clientèle essentielle du commerce.
Solution : La resp. de la commune est engagée pour rupture de l'égalité devant les charges
publiques.

* Toutefois, il est des hypoth. où les victimes de règlements réguliers ne peuvent pas
obtenir réparation sur le terrain de la resp. pour rupture de l'égalité devant les charges publiques.

26
Il en est ainsi lorsque l'acte réglementaire a pour finalité précisément d'instituer un
régime discriminatoire (notamment en matière économique).
Il en est ainsi également lorsque l'acte réglementaire a pour objet de protéger un intérêt
général supérieur et national (économie nationale, ordre public) : CE, 23 décembre 1988,
Martin, Leb. 470 : règlement destiné à restreindre les transferts de capitaux à l'étranger en vue
de la protection de la monnaie.

b) Les charges imposées par une décision administrative individuelle

* Cette resp. trouve son origine dans l'arrêt CE, 30 novembre 1923, Couitéas, GAJA.
Faits: M. Couitéas avait été reconnu propriétaire en Tunisie d'un domaine de 38.000 ha. Sur ce
domaine vivaient des tribus autochtones et nomades. M. Couitéas demande aux forces de police
de faire évacuer ces populations. La force publique refuse estimant que cette opération créerait
trop de difficultés pour le maintien de l'ordre et de la sécurité.
Solution : Le refus d'exécution de la décision de justice laisse à l'intéressé une charge qu'il n'est
pas tenu normalement de supporter. La responsabilité de l'Etat est engagée.

* Le refus du concours de la force publique pour l'exécution des jugements est devenu
un des domaines de prédilection de la resp. du fait des décisions administratives individuelles
légales.
Ex. : CE, ass., 3 juin 1938, Sté Cartonnerie St-Charles, Leb. 521 (plus au GAJA)
Faits : Le juge judiciaire avait, par ordonnance, ordonné l'expulsion de grévistes d'une usine.
L'administration refuse le concours de la force publique pour exécuter la décision du juge
judiciaire.
Solution : Ce refus d'exécution d'une décision de justice pour des motifs tirés de l'intérêt général,
permet au requérant de réclamer une indemnité sur le fondement de la rupture d'égalité devant
les charges publiques.
Ex. : Même solution pour le refus d'expulser des locataires en situation de
surendettement : CE, 17 janv. 2011, n° 325663, SA HLM France Habitation, classé B : lorsque
la commission départementale de surendettement élabore un plan conventionnel de
redressement approuvé par le créancier, celui-ci ne peut être regardé comme ayant renoncé à
sa demande de concours de la force publique. Seule une clause expresse du plan conventionnel
peut entraîner cette renonciation.

Le fondement de cette solution ainsi consacrée par le J.A. était appelé par le Professeur
Hauriou "la légitime défense de l'Etat". Mais une décision du Conseil constitutionnel., 29 juillet
1998, Lutte contre les exclusions, rappelle que l'exécution, même forcée, d'une décision de
justice par le pouvoir exécutif est une application du principe de la séparation des pouvoirs.
Pour se soustraire à cette obligation, l'autorité exécutive devrait pvr invoquer des "circ.
exceptionnelles", notion à l'évidence plus restrictive que ne l'est le droit positif. D'où un débat
possible.

* Par la suite, cette resp. a été étendue à l’abstention de la force publique pour faire
cesser des troubles à l’ordre public :

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Ex. : Refus d'accès à un port motivé par des raisons d'ordre public adressé à un navire
et ayant entraîné la perte de sa cargaison (C.E., sect., 7 décembre 1979, Sté Les Fils de Henri
Ramel, Leb. 456).

* Lorsque le préjudice subi est anormal (dépasse une certaine durée) et grave, la victime
a droit à réparation.

C. La responsabilité du fait des lois et conventions internationales

Trois cas de figure doivent être examinés :

* La resp. de l'Etat a été engagée pour la 1ère fois du fait d'une loi par CE, ass., 14
janvier 1938, Sté des produits laitiers La Fleurette, GAJA.
Faits : Pour soutenir le marché du lait, une loi avait interdit la fabrication des produits de
substitution à la crème naturelle. Une société, seule à fabriquer une crème fraîche artificielle,
avait été contrainte de cesser son activité.
Solution : Le préjudice causé par la loi étant grave et spécial, l'Etat engage sa resp. sans faute.

* La reconnaissance de la resp. de l'Etat du fait des dommages causés par les conventions
internationales est intervenue plus tard avec l'arrêt : CE, ass., 30 mars 1966, Cie générale
d'énergie radio-électrique, GAJA (CE, sect., 29 oct. 1976, Min aff étrangères c Crts Burgat,
Leb 452 ; CE, 29 déc. 2004, Almayrac, JCP A 2005 1109 ; CE, 11 févr. 2011, n° 325253, Mlle
Susilawati, Dr. adm. 2011, n° 42).

Récemment, le CE a jugé que la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée du fait de


l’application d’une coutume internationale (CE, sect., 14 oct. 2011, n° 329788, Om Hashem
Saleh, classé A : 4 employées de maisons se plaignaient de leur licenciement par l’ambassade
du Koweït à Paris. L’Etat du Koweït bénéficie d’une immunité d’exécution historiquement
d’origine coutumière et se prévalait de cette immunité pour ne pas payer les indemnités dues
au licenciement. L’Etat français a été condamné à payer les indemnités sur le fondement de la
rupture de l’égalité devant les charges publiques).

* La responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait d’une loi inconventionnelle (sans
qu’il y ait faute du législateur : CE, ass., 8 févr. 2007, M. Gardedieu, Leb 78).
La responsabilité de l’Etat peut être engagée du fait d’une loi inconstitutionnelle (CE,
ass., 24 déc. 2019, n° 425983, Société hôtelière Paris Eiffel Suffren, n° 425983) :
« 5. La responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le
fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de
préjudices nés de l'adoption d'une loi à la condition que cette loi n'ait pas exclu toute
indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave
et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux
intéressés.
6. Elle peut également être engagée, d'autre part, en raison des exigences inhérentes à la
hiérarchie des normes, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'application
d'une loi méconnaissant la Constitution ou les engagements internationaux de la France.

28
Toutefois, il résulte des dispositions des articles 61, 61-1 et 62 de la Constitution que la
responsabilité de l'Etat n'est susceptible d'être engagée du fait d'une disposition législative
contraire à la Constitution que si le Conseil constitutionnel a déclaré cette disposition
inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1, lors de l'examen d'une question
prioritaire de constitutionnalité, ou bien encore, sur le fondement de l'article 61, à l'occasion
de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son
domaine. En outre, l'engagement de cette responsabilité est subordonné à la condition que la
décision du Conseil constitutionnel, qui détermine les conditions et limites dans lesquelles
les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, ne s'y oppose
pas, soit qu'elle l'exclue expressément, soit qu'elle laisse subsister tout ou partie des effets
pécuniaires produits par la loi qu'une action indemnitaire équivaudrait à remettre en cause.
7. Lorsque ces conditions sont réunies, il appartient à la victime d'établir la réalité de son
préjudice et l'existence d'un lien direct de causalité entre l'inconstitutionnalité de la loi et ce
préjudice. Par ailleurs, la prescription quadriennale commence à courir dès lors que le
préjudice qui résulte de l'application de la loi à sa situation peut être connu dans sa réalité et
son étendue par la victime, sans qu'elle puisse être légitimement regardée comme ignorant
l'existence de sa créance jusqu'à l'intervention de la déclaration d'inconstitutionnalité. »

* La resp. de l'Etat du fait des textes est soumise à 3 conditions :

- les conditions relatives au préjudice


Comme dans toute hypothèse de responsabilité, le préjudice causé par une loi ou une
convention internationale doit être certain et le lien de causalité entre le texte et le dommage
doit être prouvé.
Le préjudice causé doit également être spécial et grave. Mais la loi et les conventions
internationales étant par nature des normes de portée générale, la condition de spécialité est
rarement remplie.

- la condition relative à l'intention de l'auteur de l'acte


Le législateur ou les auteurs de la convention internationale ne doivent pas avoir
manifesté, même implicitement, leur volonté d'exclure la réparation. Mais le silence ne vaut pas
refus d’indemnisation (CE, 2 nov. 2005, Sté coopérative agricole Ax’ion, Leb 468).

- la condition relative à l'objet du texte


Lorsqu'une loi a été adoptée dans un but d'intérêt général supérieur comme celui de la
santé publique, de la sécurité publique, de l'économie, de la protection de la nature... la resp. de
l'Etat ne peut pas être engagée (CE, 15 juillet 1949, Ville d'Elbeuf, Leb. 359 : irresponsabilité
de l'Etat pour le blocage des prix du gaz).
Par ailleurs, lorsqu'une loi a eu pour objet d'instaurer une discrimination, les dommages
résultant de son application ne peuvent donner lieu à réparation.

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