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« Le service public suppose la direction des gouvernants, la satisfaction d’un besoin d’intérêt

général et la carence ou l’insuffisance de l’initiative privée ». Par ces mots, Louis Rolland
énonce que le concept de service public occupe une place centrale dans le domaine du droit
administratif. Il incarne l’un des piliers fondamentaux de l’Etat, servant de garant de l’intérêt
général. Ce terme a évolué au fil du temps et ils nous aient impossible de donner une
définition stricte avec les nombreuses transformations politiques et sociales. Ainsi, on laisse
la jurisprudence énoncer ce qui peut être et ce qui ne doit pas être un service public. Le
service public est essentiel pour la vie des citoyens puisque cela s’étend sur un domaine
large comme l’éducation, la santé, l’eau… Ce service public représente l’engagement de
l’Etat à répondre à l’intérêt général des citoyens et de garantir l’égalité au sein de la société.
L’Etat dispose donc d’un monopole sur les services publics mais cette prérogative est
soumise à des limitations. Néanmoins, l'absence d'une définition unique et rigide du service
public constitue un enjeu complexe. Comment définir précisément ce qu’est un service
public lorsque le contexte juridique évolue sans cesse ? Cette absence de définition claire et
stable rend cette question indépassable.
Au regard de ce qui précède, dans quelle mesure l’absence de définition unique du service
public est indépassable ?
Après avoir compris que les jurisprudences tranchent certains débats sur les différentes
conceptions de service public, nous analyserons le quasi-monopole de l’Etat sur ces services
publics.

I- Des complexifications tranchées par les jurisprudences au fil du temps

A- Les jurisprudences intervenant dans le processus de définition

La définition de service public procède à une qualification prétorienne supplétive. En effet,


une activité est qualifiée de service public par la jurisprudence seulement si personne
d'autre n'a déjà qualifié cette activité comme relevant du service public. A partir des années
1960, on s'appuie sur une qualification prétorienne reposant sur trois critères. C’est le
Conseil d’Etat qui va mener à cette définition par l’arrêt Magnier, le 13 janvier 1961 qui
établit qu'une personne privée peut être à la tête d'un service public mais aussi par l’arrêt
Narcy, du 28 juin 1963 qui vient préciser l’arrêt Magnier et décrire les trois critères définitifs
du service public. On retrouve ainsi le critère finaliste, exposant que le service public est une
activité d'intérêt général ; le critère organique, énonçant que le service public est une
activité assumée par une personne publique ; et le critère matériel disposant que le service
public peut être réalisé au moyen de partenariats public-privé (PPP). Par cette jurisprudence,
le Conseil d’Etat, donne une définition prétorienne de ce qu’est le service public. Mais, la
définition n’est pas précise, les juridictions devront analyser au cas par cas ce qui est un
service public ou ce qui n’en est pas un de par ces trois critères. Par exemple, le CE, 7 avril
1916, Astruc, le juge a affirmé que l'activité d'un théâtre municipal n'était pas d'intérêt
général car elle "exalte l'imagination". Par conséquent, ce n’est pas un service public. Mais
dans un autre arrêt, il fera un revirement de jurisprudence et disposera qu’en réalité, le
théâtre est un service public, notamment par le CE, 12 juin 1959, syndicat des exploitants de
cinématographie de l’Oranie. Même si on n’arrive pas à imposer une définition pure, il faut
au moins des bases pour établir la différence entre un service public ou non.

B- Des complications de définition à l’intérieur même de la notion


Le Conseil d’Etat a établi une définition prétorienne du service public en le caractérisant par
trois critères. Mais, au travers d’une définition que l’on n’arrive pas à préciser plus que cela,
la notion de service public se complique par rapport à sa division en catégorie. En effet, on
distingue deux catégories de services public et cela de par l’arrêt Bac d’Eloka, du TC, 22
janvier 1921. Cette décision qui admettait implicitement qu’une personne publique puisse
assurer des activités équivalentes aux personnes privées, et lorsqu’elles le font assurent une
gestion privée et sont soumises au droit privé. Ainsi, cet arrêt distingue le service public
administratif (SPA) du service public industriel et commercial (SPIC). Dans ce cas-ci, la
jurisprudence a également joué un rôle significatif dans la distinction entre les SPA et les
SPIC, notamment par l’arrêt du Conseil d'État du 16 novembre 1956, Union syndicale des
industries aéronautiques (USIA), qui a établi un faisceau d'indices basés sur trois critères
pour déterminer s'il s'agit d'un SPA ou d'un SPIC. On retrouve ainsi le critère d’objet des
services, exposant la nature même de l’activité ; le critère de l’origine des ressources
financières du service ; et le critère disposant sur la modalité de gestion du service. Par
exemple, si les ressources financières proviennent de contributions publiques, le service est
considéré comme un SPA, tandis que s’il tire ses ressources de sources commerciales, il est
classé en tant que SPIC. De plus, si le service est géré avec une forte intervention de la
collectivité publique, c’est un SPA et le contraire, c’est un SPIC. Certaines doctrines voulaient
voir en œuvre un service public à objet spécial et donc revoir, la définition qu’ils ont tant
bien que mal réussit à établir. Mais, le 4 juillet 1983, l’arrêt Gambini énonce que ces services
publics à objet spécial n’existent finalement pas. Depuis cela, c’est surtout la jurisprudence
qui énonce si une activité est un service public ou non.

II- Des limites elles-mêmes incertaines sur le monopole de l’Etat sur ces
services publics

A- Evolution du rôle de l’Etat

Historiquement, on assimilait les services publics aux fonctions régaliennes de l'État.


Progressivement, avec l'avènement de l'État providence, les missions prises en charge au
titre des services publics se sont élargies (sécurité sociale, Pôle Emploi, etc.). Par la suite, le
processus de décentralisation a conduit à l’élargissement des missions de l’Etat. Le terme
"service public" n'apparaît pas dans la Constitution, ce qui signifie que cette compétence
relève principalement du pouvoir exécutif. La création des services publics nationaux relève
d'une compétence partagée entre le Premier ministre et le Parlement, même si le terme lui-
même n'est pas mentionné à l'article 34. En effet, l’Etat, est obligé de prendre en charge
certains services publics. Le Conseil Constitutionnel, 25-26 juin 1986 énonce que cette
obligation découle de la nécessité des services publics selon la Constitution. Ce sont les
services publics constitutionnels, qui comprennent ceux liés à la souveraineté de l'État (tels
que la police, la justice, la monnaie) ainsi que ceux qui conditionnent l'exercice des droits et
libertés constitutionnels (tels que le droit à la santé et à l'éducation). Le neuvième alinéa du
préambule de la Constitution de 1946 stipule que les biens et entreprises ayant le caractère
d'un service public national doivent être pris en charge par l'État, les considérant comme
ayant une valeur constitutionnelle. Mais l’Etat est bien évidemment limité sur certains
services publics, il n’a pas le monopole sur tous ces services.
B- Un monopole limité mais pas dans son entier

Le monopole de l’Etat se voit limité puisque celui-ci à l’interdiction de prendre en charge


certains services. Cette limitation découle de deux principes énoncés à l’article 72 de la
Constitution du 4 octobre 1958. La première étant le principe de libre administration des
collectivités territoriales, qui empêche l'État de créer un service public national dans un
domaine relevant des compétences d'une autre collectivité. Cela violerait la libre gestion par
cette autre personne morale de droit public de ses propres affaires. La deuxième étant le
principe de subsidiarité, qui stipule que l'État ne devrait être compétent que pour créer des
services publics dont l'activité ne pourrait pas être mieux accomplie à un niveau territorial
inférieur. Cette interdiction a été clarifiée par un arrêt du Conseil d'État en date du 31 mai
2006 concernant l'Ordre des avocats au barreau de Paris. Mais, cette limitation peut se voir
bafoué. Par exemple, pour résoudre des problèmes de financement public, le Parlement
avait mis en place des montages contractuels pour financer la dette publique, et l'État avait
créé un service spécifique pour aider les collectivités territoriales. Il existe trois hypothèses
dans lesquelles l'État n'est pas tenu de respecter les principes de la liberté du commerce et
de l'industrie ainsi que de la libre concurrence. Tout d’abord, l’Etat peut être dispensé de
respecter ces principes si l’activité économique est considérée comme un complément
normal d'un service public existant (CE, 4 juillet 1973, Syndicat national des entreprises de
diffusion), si elle permet à l'État de satisfaire ses propres besoins (CE, 29 avril 1970, Société
Unipain) ou si elle est le prolongement d'une fonction naturellement de service public
exercée au moyen de partenariats public-privé (CE, 31 mai 2006, ordre des avocats au
barreau de Paris). Ainsi, on limite l’Etat au sujet de la création de nouveaux services publics
mais, cette limitation et elle-même rendue caduc puisque l’Etat peut en créer par le biais
d’exception qu’il peut lui-même énoncer.

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