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Cours de droit coutumier, 2017-2018 Professeur Nathalie Nakabanda

UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU

FACULTE DE DROIT
DEUXIEME GRADUAT

DROIT COUTUMIER CONGOLAIS

Nathalie VUMILIA NAKABANDA


Professeur de droit
Maîtrise en droits de l’homme
Spécialiste des droits de la femme et de l’enfant
et des Violences sexuelles et basées sur le genre
Avocate au Barreau de Bukavu

ANNEE ACADEMIQUE 2017-2018

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Cours de droit coutumier, 2017-2018 Professeur Nathalie Nakabanda

INTRODUCTION

I. Notions sur la coutume et le droit coutumier

Le droit en Afrique n’est pas seulement l’ensemble des règles de droit, mais aussi l’ensemble
des coutumes, souvent non écrites, qui régissent la vie des hommes en société et dont les
sanctions peuvent être juridiques ou surnaturelles. Le droit coutumier repose sur trois piliers à
savoir, la force vitale, la hiérarchie entre les individus et la primauté de la communauté par
rapport à l’individu. Le droit coutumier, est une branche de droit qui est en principe oral et se
penche sur l’étude des us et coutumes qui s’appliquent dans un milieu donné afin de
réglementer la vie des hommes en société. La présence de nations occidentales dans
l’immense région pouvant être qualifiée « Afrique centrale » a mis en présence, durant
plusieurs décennies, le droit écrit, implanté par ces nations, et ce qu’on appelle le droit
coutumier ou droit non écrit. Dans la plupart des sociétés africaines précoloniales, (...) on était
en présence d’un ensemble de règles qui constituaient un ordre coordonné et hiérarchisé, qui
étaient susceptibles d’exécution forcée, sanctionnées selon des procédés propres au monde
juridique, c’est-à-dire des procédés qui pouvaient atteindre l’individu dans ses biens, dans sa
liberté ou dans sa vie1.

Que le mot « Droit » puisse être légitimement utilisé lorsqu’il s’agit des coutumes africaines,
cela ne paraît guère présenter d’objection majeure dès l’instant où on ne lie pas la notion de
droit et celle d’Etat souverain, (...) l’Etat (n’étant) qu’une forme de société politique, la forme
la mieux intégrée sans doute, mais néanmoins une société politique fondamentale semblable
aux autres ; bref une espèce dans le genre2. Certes, serait-il plus adéquat de faire état de «
droits coutumiers » étant donné qu’il n’existe pas un droit coutumier (ou une coutume) mais
de nombreux droits coutumiers (ou de nombreuses coutumes).

Encore que les coutumes soient, à les comparer les unes aux autres, différentes. Ce qui permet
de parler de « droits coutumiers », on ne peut toutefois pas perdre de vue l’existence de
caractéristiques communes qui, ainsi que s’exprime le professeur Gonidec, « donnent à
l’ensemble des droits africains une unité profonde », caractéristiques pouvant se schématiser
comme suit : ces droits africains sont des droits paysans (c’est-à-dire des droits de sociétés
essentiellement agraires). Ils ont un caractère collectiviste (ou communautaire), revêtent un

1
Gonidec, P.F., Les droits africains, évolution et sources, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1968, p. 9.
2
Gonidec, P.F., op. cit. p. 8.

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caractère inégalitaire dû à l’évolution économique, encore que les sociétés africaines aient
conservé des traits de l’égalitarisme primitif, sont imprégnés de religion et sont oraux.

Quels que soient les modes de formation des coutumes, celles-ci sont les droits oraux appelés
habituellement « coutumes » ou « droits coutumiers » ou « droits non écrits ». L’expression «
droit coutumier » renferme l’ensemble des droits coutumiers ou des coutumes. A. Sohier, en
parlant de l’époque précédant la création, par le Roi Léopold II, de l’Etat indépendant du
Congo (encore que son opinion puisse s’appliquer aussi bien à la période de l’existence dudit
Etat qu’à celle de la Colonie du Congo belge): « (...) chaque groupement nègre occupant le
territoire qui est devenu le Congo belge obéissait à des règles juridiques provenant, soit de
véritables lois édictées par les autorités indigènes, soit de la jurisprudence des tribunaux, soit
d’usages3 »

Le droit coutumier africain se transmet de bouche à oreille, à travers le gardien de la tradition


qui, avec une facilité expérimentale, arrive à déterminer les normes traditionnelles qui
s’appliquent à un cas précis. Les recherches récentes ont mis en exergue l’existence dans les
communautés africaines des personnes dont la profession est d’exposer, devant les tribunaux
traditionnels, la règle coutumière sur un sujet donné. Un groupe humain ne peut vivre sans des
règles s’imposant à ses membres pour harmoniser la vie commune. Les coutumes en Afrique
comme en République Démocratique du Congo (RDC) sont diverses, multiples et non écrites,
d’où la difficulté d’avoir un droit coutumier uniforme en Afrique et en RDC en particulier.

Alors que le Congo était colonie belge, le législateur avait, dans l’article 4, alinéa 2, de la loi
du 18 octobre 1908 sur le gouvernement du Congo belge dénommée habituellement « Charte
coloniale », reconnu l’existence du droit coutumier et son caractère légal. Cet article 4, al. 2,
disposait comme suit : Les indigènes non immatriculés4 du Congo belge jouissent des droits
civils qui leur sont reconnus par la législation de la Colonie et par leurs coutumes en tant que
celles-ci ne sont contraires ni à la législation ni à l’ordre public. Les indigènes non
immatriculés des contrées voisines leur sont assimilés. Cette disposition, encore que se
référant expressément à la matière des droits civils, a été interprétée comme exprimant le

3
A. Sohier, Le mariage en droit coutumier congolais, Institut royal colonial belge, Section des sciences morales et politiques, Mémoires, T.
XI, fasc. 3, 1943, p. 39, n° 61. — Gonidec, op. cit., p. 15-17. (5) A. Sohier, Le droit coutumier au Congo belge, in Journal des Tribunaux
d’Outre-Mer, 1955, p. 97, col. 1.
4
On oppose aux indigènes «non immatriculés» les indigènes «immatriculés » qui, eux, sont régis, au point de vue civil, par la législation
écrite (art. 6, 2°, et art. 34 et suivants du Livre sur les personnes du Droit civil, tels que dérivant, à titre principal, du décret du 17 mai 1952,
Bulletin officiel du Congo belge, 1952, p. 1208).

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principe suivant lequel le droit coutumier continue à régir la vie des indigènes non
immatriculés.

De son côté, la législation sur les juridictions indigènes édictait, parmi les règles de fond
applicables par lesdites juridictions : Les tribunaux indigènes appliquent les coutumes pour
autant qu’elles ne soient pas contraires à l’ordre public universel. Dans les cas où les
coutumes sont contraires à l’ordre public universel, comme en cas d’absence de coutumes, les
tribunaux jugent en équité. Toutefois, lorsque les dispositions légales ou réglementaires ont
eu pour but de substituer d’autres règles à la coutume indigène les tribunaux indigènes
appliquent ces dispositions (art. 18 tel que résultant du décret du 17 mars 1938). Cependant,
si le droit coutumier existait légalement et était, dès lors, applicable, il était tenu en échec,
lorsqu’il était contraire soit à la législation écrite soit à l’ordre public.

En cas de contrariété du droit coutumier eu égard à la législation, l’on devait écarter toute
coutume qui aurait été en opposition avec la législation écrite lorsque celle-ci avait été
promulguée à l’intention même de la population indigène soumise au droit coutumier5.

A titre d’exemple, on peut citer la législation sur les juridictions indigènes (décret du 15 avril
1926 tel que modifié y compris le décret du 16 septembre 1959) ; la législation sur le mariage
monogamique des indigènes (décret du 5 juillet 1948) ; la législation sur le contrat de travail
des indigènes, immatriculés ou non (arrêté royal de coordination du 19 juillet 1954 jusque et y
compris le décret du 10 juin 1958). Il en était de même lorsque la législation écrite était
applicable à la fois aux non-indigènes et aux indigènes, ou lorsqu’une législation écrite,
applicable aux non-indigènes, était susceptible d’être étendue aux indigènes. Il en fut ainsi
notamment en ce qui concerne la législation sur le contrat d’emploi (décret de base du 25 juin
1949) qui prévoyait, en son article 2, alinéa 2, que le gouverneur général, par décision
individuelle ou collective, pouvait accorder le bénéfice de ladite législation à tout indigène du
Congo belge, du Ruanda-Urundi ou de tout autre territoire d’Afrique. Il importe d’observer
que des cas pouvaient survenir où une personne non immatriculée était capable de se voir
octroyer certains droits par une législation particulière, sans que, de ce fait, elle ait été
soustraite, en ce domaine spécial, au droit coutumier, sans qu’il y ait donc eu opposition entre
le droit écrit et le droit coutumier. C’est notamment ce qui se réalisait dans le cas de

5
Halewyck de Heusch, M., Les institutions politiques et administratives des pays africains soumis à l’autorité de la Belgique, Office de
publicité, Bruxelles, 1938, p. 15, n° 29. — Verstraete , M., Aperçu de droit civil du Congo belge, Editions Zaïre, Anvers, 1947, p. 45.

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l’indigène non immatriculé qui, en vertu du décret du 13 février 1953, pouvait accéder à la
propriété immobilière individuelle.

L’ordre public, considéré dans sa portée et dans son contenu, peut être varié. Tantôt il
s’imposera uniquement aux individus relevant de la loi nationale ; tantôt, se faisant
intransigeant et plus pressant, ce sont même les lois étrangères qui lui seraient contraires qu’il
fera plier devant lui ; tantôt, il se fera compréhensif et plus souple lorsqu’au sein d’une même
collectivité deux civilisations s’opposeront, l’une avec son droit écrit, l’autre avec son droit
coutumier. Dans le premier cas, on se trouve en présence de l’ordre public interne ; dans le
deuxième cas, en présence de l’ordre public international ; dans le troisième cas, en présence
d’un ordre public sui generis qualifié d’ordre public colonial.

Cet ordre public colonial paraît donc avoir un caractère et une portée différents de ce qu’on
appelle le droit public interne où l’ordre public est mentionné comme devant faire échec à la
coutume qui lui serait contraire. A. Sohier a tenté de donner une définition de l’ordre public
colonial. Il écrit, en effet: L’ordre public colonial comprend les principes si essentiels pour le
respect de la personnalité humaine et le maintien de notre civilisation que nous cesserions
d’être nous-mêmes civilisés et nous mettrions notre organisation nationale en péril si nous
incorporions à notre législation, même en ce qui concerne nos nationaux à civilisation
attardée, des coutumes qui y manqueraient (...) c’est un ordre public plus tolérant tenant
compte de la formation spéciale de la société indigène6.

A titre indicatif, on peut citer comme étant en opposition avec l’ordre public colonial la
coutume qui imposerait pour la tenure de terres indigènes des prestations excessives au point
de manquer de respect dû à la personnalité humaine, ou celle permettant des intérêts
usuraires7. Violeraient aussi ledit ordre public les obligations immorales, les contrats léonins.
Encore à titre indicatif, on peut noter que le décret du 4 avril 1950 a proscrit, à partir du 1er
janvier 1951, tout nouveau mariage coutumier avant la dissolution ou l’annulation du ou des
mariages antérieurs, étant nulles de plein droit toute union contractée en contravention à cette
défense ainsi que toute convention matrimoniale conclue en vue d’un tel mariage. L’ordre
public colonial intervient, ici, en sa plénitude.

6
A. Sohier, A propos de la notion de l’ordre public en droit privé colonial belge, Bulletin des séances de l’Institut royal colonial belge, T.
XXIV, 1953, 2, p. 546.
7
Verstraete M, Droit civil du Congo belge, T. I, op. cit., p. 56, avec, en note, les références jurisprudentielles.

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Les us et coutumes distinguent le droit de la morale et de la religion. Pour sa part, le


professeur H. De Page analyse comme suit ladite notion : La notion des bonnes mœurs est
essentiellement réaliste et de bon sens. Certains auteurs assimilent les bonnes mœurs à la
morale. C’est aller fort loin, car toutes les morales ne sont point toujours d’accord, et la
consécration de certaines morales confessionnelles serait contraire à la liberté d’opinion. Mais
il y a moyen d’asseoir la notion des bonnes mœurs sur un terrain beaucoup plus solide. Toute
civilisation comporte un ensemble de règles d’ordre moral, faites d’habitudes et de traditions,
formant corps avec la mentalité d’un peuple, et suffisamment générales pour être
indépendantes de toute confession déterminée. Il existe une morale coutumière sur laquelle
tous les honnêtes gens s’entendent parfaitement. C’est la notion légale des bonnes mœurs.
Elle a un sens très clair, et les tribunaux l’ont parfaitement compris. C’est elle qui consacre
l’antériorité de la coutume comme source créatrice du droit est évidente dans la mesure où
elle constitue un fait générateur du droit antérieur aux institutions juridiques8.

Le droit coutumier comprend les coutumes autochtones des communautés traditionnelles3.


Chaque groupe ethnique d’Afrique a développé son propre système juridique coutumier,
ensemble autonome de règles qui ont force obligatoire pour ses membres. À la différence des
habitudes et rites sociaux ordinaires, ces règles s’accompagnent de sanctions locales en cas de
non-respect. Pour la plupart, ces règles ont un caractère tacite, mais des efforts sont déployés
à l’heure actuelle pour les compiler par écrit. Les droits coutumiers ne sont pas uniformes
dans tous les groupes ethniques. Les différences peuvent être liées à divers facteurs tels que la
langue, la proximité, l’origine, l’histoire, la structure sociale et l’économie9.

Ce qui caractérise le droit coutumier est précisément le fait qu’il se compose d’un ensemble
de coutumes qui sont reconnues et partagées collectivement par une communauté, un peuple,
une tribu, un groupe ethnique ou religieux, contrairement au droit écrit émanant d’une autorité
politique constituée, dont l’application est entre les mains de cette autorité, généralement
l’État.

La coutume peut se définir comme étant l’ensemble des usages et pratiques régulièrement et
universellement suivis dans un milieu social donné et qui sont tenus juridiquement pour

8
De Page, H., Traité de droit civil belge, T. I, E. Bruylant, Bruxelles, 1962, n° 91. Voir Cass. 9 Décembre 1948, Pas. 1948, I, 699 et, dans le
même sens, Cass. 22 décembre 1949, Pas. 1950, I, 266 et Cass. 15 mars 1968, Pas. 1968, I, 884. Sic: Dekkers, R., Précis de droit civil belge,
T. I, E. Bruylant, Bruxelles, 1954, n° 23, a.
9
Le droit coutumier africain et la protection du folklore, par Paul Kuruk

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obligatoires. Dans son élaboration, aucune autorité étatique ou publique n’intervient, seule la
volonté des membres de la communauté et sa pratique répétée avec la volonté d’en faire une
loi qui interviennent.

Deux éléments peuvent être dégagés de la définition de la coutume :

1. L’élément matériel

Le premier élément de la coutume est l’usage, la pratique effective de certaines conduites


dans un milieu social déterminé. Pour accéder au rang de coutume, il faut :
 la répétition dans le temps
 l’acceptation libre par les membres de la communauté
 la constance
 la pratique doit être générale.

2. L’élément intellectuel ou intentionnel

Pour être une coutume, la pratique ou l’usage doit être acceptée par les membres de la
communauté qui doivent la considérer comme étant la règle qui régit leurs relations en
communauté.

Le droit coutumier est donc un ensemble des règles qui régissent la vie des hommes en
société. Il se distingue de l’usage qui est une pratique momentanée non constante, précaire et
qui n’oblige pas les membres de la communauté à l’observer comme une loi.

II. Sources du droit coutumier

La loi (terme employé au sens général n’impliquant pas le caractère de droit écrit, il en est
aussi de diverses lois non écrites dont à titre d’exemples les édits des certains seigneurs
africains avant la colonisation).

La coutume : en tant qu’un usage prolongé et répété par les membres de la communauté.

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Les règlements : Ce sont des simples mesures de police administrative qui organisent les
activités de la vie courante de la communauté et qui émanent du chef de la communauté pour
le bien commun.

La jurisprudence : Il existe dans la société traditionnelle, les tribunaux coutumiers qui rendent
de décision en recourant à la coutume et constituent ainsi une source précieuse du droit
coutumier. Ces jurisprudences sont constituées donc par les décisions rendues par le conseil
de sages là où les tribunaux coutumiers n’existent pas.

III.Caractères du droit coutumier

Le droit coutumier présente les caractères suivants :

1. Droit paysan

C’est un droit dont les règles reposent en grande partie sur l’activité agricole et la réparation
des dommages se fait dans la plupart des cas en nature et évaluée en valeurs courantes telles
que les poules, moutons, chèvres, mais, haricots, etc.… Les règles de droit sont marquées par
les nécessités du travail de l’homme. Elles évoluent en fonction du travail que l’homme
exerce pour sa survie (agriculture, élevage, pêche,

2. Droit communautaire ou de groupe

La communauté est l’élément caractéristique du droit coutumier. L’individu a des droits et


des devoirs bien définis à l’intérieur du groupe. En Afrique le système de la famille étendue
est le plus fréquent, dans les conditions de l’habitat traditionnel, tout au moins, et le repli de la
famille élémentaire n’est pas encouragé par les usages anciens. La famille assure à l’individu
une sécurité totale- trop totale peut-être- puisqu’il est ainsi à l’abri de toutes sortes de risques
qui pourraient affermir son caractère, exercer son énergie, enrichir son intelligence. Le
développement de la personnalité n’est pas favorisé par un cadre trop protecteur. Refuge
permanent et éternel, la famille est toujours présente. Loin de chez eux, les migrants se
regroupent autour d’un aîné qui joue le rôle d’arbitre, d’organisateur qui appartient au père.
Ils recréent en somme une famille librement choisie. L’homme africain est soudé et intégré au
groupe ; individu et groupe sont complémentaires l’un de l’autre. Le groupe n’est pas isolé ni

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une entité abstraite et l’individu n’est pas autonome. La notion d’autonomie de la volonté est
une notion quasi inexistante en droit coutumier africain.

Par-delà la mort, le groupe familial se retrouve toujours vivant, un nouveau père remplace le
patriarche défunt. On devine l’importance psychologique de telles confusions de personnes.
L’individu est toujours en tutelle : le seul personnage disposant en principe de la personnalité
juridique totale est le chef de famille. Les autres, même les chefs de ménage, sont en général
subordonnés : la capacité leur est simplement déléguée. Mais les droits coutumiers ne vont
pas jusqu’au bout de leur logique et n’organisent pas une tutelle sur les mineurs ". Femmes et
enfants peuvent parfaitement acheter, vendre, exercer des commerces, posséder en propre des
sommes d’argent. Le mari, le père n’exerce guère de contrôle, le patriarche encore moins. En
fait il ne s’agit pas de minorité ou de tutelle, mais de dépendance. Comme la qualité de vassal
en droit féodal, la dépendance à l’égard d’un patriarche ne s’efface pas. Au sein de la famille,
la différenciation des individus est peu encouragée : dans certains villages, tous les hommes
mangent ensemble. Parfois la cuisine est commune, par roulement. L’individu ne peut guère
profiter d’une intimité quelconque. L’enfant même est socialisé : chaque foyer de la famille le
recevra volontiers, le nourrira, s’occupera de son éducation. Aussi les termes de parenté
classificatoire sont-ils naturellement employés. Chacun appelle père tous les hommes de la
génération de son père, et frères tous ceux de sa propre génération. Dans ces conditions,
l’opposition aux parents, le complexe d’Œdipe ne peuvent se développer selon les hypothèses
de la psychanalyse classique. Les enfants trouvent refuge auprès de n’importe quel foyer, si
celui de leur mère ne les accueille pas. Cependant, les attachements instinctifs demeurent, leur
insatisfaction engendre des malaises.

Nombreux sont les enfants orphelins qui fuient leur famille et migrent vers la ville parce
qu’ils n’ont pas trouvé auprès d’un oncle ou d’une tante la chaleur affective du foyer.
Contrairement à la logique du droit clanique, des personnes ne sont pas pleinement satisfaites
par leur absorption dans l’ensemble de la famille étendue et préfèrent vivre aujourd’hui dans
les grandes cités l’aventure de l’individualisme. Non valorisé en effet, l’individu doit
subordonner son intérêt personnel à celui du groupe. Aussi les patriarches qui choisissaient
pour leurs dépendants mariages ou professions, étaient-ils dans le droit sens des coutumes. La
revendication de liberté, le droit pour les garçons ou les filles de construire sa vie et de choisir
un époux, le droit au bonheur personnel, toutes ces idées s’articulent mal avec la puissance de
la famille patriarcale. Elles se diffusent à partir des villes, à travers les milieux scolarisés.

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La terre appartient non pas à l’individu mais à toute la communauté, la responsabilité civile
est collective.

3. Droit oral

L’oralité caractérise le droit coutumier, celle-ci se justifie par l’ignorance de l’écriture par nos
ancêtres. Le droit coutumier se transmet de bouche à oreille. Il est un droit non écrit qui n’est
pas statique, figé ou immuable. C’est pourquoi, en droit coutumier, la méthode de recherche
par excellence est l’interview car il n’est recueilli que par voie de témoignage dans la majorité
des cas.

4. Droit évolutif

Le droit coutumier n’est pas figé, statique, il est dynamique et progressiste et s’adapte aux
multiples mutations sociales, ce qui entraîne l’abandon des anciennes pratiques jadis
acceptées comme loi.

5. Droit magico religieux

La société traditionnelle se compose des vivants et des morts. Il importe pour les ancêtres tout
comme pour les vivants que la loi soit respectée. Outre les faits d’une sanction religieuse, qui
est le facteur le plus puissant de tous, la crainte des anciens éloignés mais toujours présents
oblige à une obéissance révérencieuse de la loi.

La coutume impose par exemple qu’aucun dédommagement d’un délit ne peut être complet
sans un rituel d’expiation ; tant que ces 2 choses ne sont pas accomplies, le délinquant et la
collectivité à laquelle il appartient s’exposent à un châtiment spirituel. C’est ce lien religieux
qui donne au droit coutumier assez d’autorité pour qu’il puisse se passer d’un mécanisme
d’application.

De même, manquer aux rites funéraires revient à s’exposer à une grave sanction légale car les
vivants doivent apprendre à se conformer au code établi pour s’assurer ce passage nécessaire
dans l’au-delà.

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Le droit coutumier organise donc d’une manière précise et suivant des rites complexes le culte
dû aux ancêtres premiers responsables de la force vitale et influence tous les développements
de la vie de ceux qui viendront par la suite et régit les rapports de vivants entre eux et les
morts et les obligent ainsi à assurer leur continuité. Le recours à la sorcellerie, aux fétiches et
tout autre rituel caractérise ce caractère magique du droit coutumier.

La croyance à l’intervention des morts explique certaines réparations rituelles et le recours à


la divination comme moyen de preuve. Le caractère magico-religieux consacre la sacralité du
droit coutumier. Ainsi, « mukulu gue nyene kisi, kalamoka bana bage » : la présence d’un
vieux à la tête du pays assure la longévité de sa progéniture ; « mukungu ntansembwe mu
mwino, nti ukeida mulezi » : une société sans vieillard est privée d’éducateur ; « mutondo
atuka ku numba nti binanaka ti byabalangana » : quand le faîte saute d’une maison, les
chevrons se dispersent, c’est-à-dire, que la mort du vieillard du village occasionne la
désagrégation de la communauté10. Ces aphorismes visent à montrer la vacuité d’une
communauté sans vieillard, …, l’objectif de cette éducation est d’amener l’homme à
améliorer toujours davantage les vertus morales, civiques et intellectuelles qui le conduiront
progressivement à l’état de perfection : le busoga11 : tremplin qui mène à la félicité.

L’africain est un homme de la nature, il cherche à interpréter le langage des choses et à entrer
en communion avec elles. Pour lui, le monde est un tout, un système formé des forces
distinctes, mais solidaires, une sorte de toile d’araignée dont on ne peut toucher un fil sans
faire vibrer l’ensemble. Le noir se sait et se sent une force vitale en rapport intime, actuel et
permanent, avec d’autres forces agissant au-dessus et au-dessous de lui dans la hiérarchie des
forces.

10
Barnabé MULYUMBA wa Mamaba Itongwa, Les croyances religieuses des Lega traditionnels, in Revue d’Etudes Lega, Op. cit, p. 27.

11
C’est-à-dire toutes les nuances de qualité, de beauté, de bonté, d’équité, de sagesse et d’intelligence, … (p.30). « La citoyenneté Lega en
droit coutumier Lega », in Mutanga (Revue d’Études Lega), vol. II, no 1, 2004, p. 56-74. « La succession en droit coutumier Lega », in
Mutanga (Revue d'Études Lega), vol. II, no 1, 2004, p. 101-118.

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6. Droit conciliateur

Le droit coutumier dans sa mise en œuvre vise à sauvegarder l’harmonie sociale, à consolider
les liens brisés, vise à concilier les droits et obligations de sujets de droit. Le droit traditionnel
est fait d’équilibrer et partant de conciliation dans le rapport des droits entre les vivants, le
sens de conciliation trouve encore son origine dans le culte des ancêtres à travers le rite de
conciliation.

La traduction complète de ce caractère conciliateur se manifeste dans le cadre du droit des


vivants à travers l’exercice de la justice qui privilégie l’arbitrage et la conciliation aux
décisions coercitives.

IV. Plan du cours


Pour bien appréhender le droit coutumier, cet enseignement sera subdivisé en 6 chapitres :
Chapitre 1 : Droit coutumier de la famille.
Chapitre 2 : Droit coutumier des biens et des obligations.
Chapitre 3 : Droit judiciaire coutumier.
Chapitre 4 : Genre, Société et développement.
Chapitre 5 : Droit coutumier et les droits de l’homme.
Chapitre 6 : Méthode de recherche en droit coutumier.
La question des tribunaux coutumiers est renvoyée au cours d’OCJ et fera l’objet d’un travail
pratique.

V. Objectifs du cours

L’enseignement du cours de droit coutumier devra permettre à l’étudiant de G2 Droit de se


familiariser, d’approfondir les règles coutumières propres à chaque culture et applicables à la
vie civile de l’individu. Il lui permettra en outre d’être outillé des notions de droit coutumier
lui permettant de faire une nette distinction entre le droit écrit et le droit oral.

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CHAPITRE I. LE DROIT COUTUMIER DE LA FAMILLE

La structure familiale est communautaire. L’individu, dans les sociétés traditionnelles n’a pas
de vie indépendante ou autonome. Il jouit de droits et devoirs qui lui sont définis à l’intérieur
du groupe dans lequel il vit. C’est la société qui le défend, qui lui dicte ses règles de conduite
sociale ou morale.

Depuis sa naissance l’individu fait partie du groupe, à travers lequel il s’incorpore à d’autres
groupes de parenté supérieur dont le lien commun est celui de l’identité de sang.
L’interdépendance des membres de la communauté est fonction de l’intensité des relations
sociales, lesquelles ne sont pas le même dans les différentes sociétés ni dans les diverses
formes d’organisation de la famille, du clan ou de la tribu.

La famille a plusieurs formes en droit traditionnel :


Du point de vue général : la famille se définit comme l’ensemble de descendants d’un ancêtre
commun sans limitation d’espace ou de temps. C’est le cas de la parentèle.
Du point de vue strict : la famille désigne le groupement social élémentaire qui comprend le
père, la mère et les enfants vivant ensemble.

Section 1. Définition de la famille traditionnelle

§1. La Parentèle

La famille traditionnelle ne se définit pas comme l’union formée par les époux et leurs
enfants. Elle est plutôt une communauté d’individus qui se réclament d’un ancêtre commun
unis les uns et les autres par des liens de parenté, pratiquant le même culte en observant les
mêmes interdits et sont soumis à l’autorité d’un chef qui est à la fois représentant du
groupement et administrateur du patrimoine commun. La famille entendue de la sorte peut
être patrilinéaire ou matrilinéaire. Quelques coutumes admettent un système de parentèle
bilinéaire suivant lequel les enfants appartiennent et à la lignée matrilinéaire et à la famille du
père.

Les obligations existent entre les membres de la parentèle. C’est ainsi que, de manière
théorique, tout ce qui appartient à chaque membre du groupe est à la disposition de l’ancien,
car il est censé le devoir à la bienveillance de celui-ci, et en tout cas, il a envers lui un devoir

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d’assistance illimité. Chaque membre doit payer un tribut qui signifiait notamment la
reconnaissance de l’autorité du chef de la parentèle, une marque d’affection comme les
enfants qui doivent au père assistance et entretien. C’est aussi une participation aux frais
communs et enfin c’est une prime d’assurance en échange du sacrifice consenti en temps de
prospérité, on profitera du secours de la grande mutualité qu’est le groupe. De même, chaque
habitant devrait participer aux travaux d’intérêt communautaire, général, collectif ou de
solidarité.

§2. Le clan

Le concept clan mérite également d’être discuté. C’est un groupe formé d’un ou plusieurs
lignages. Il peut être localisé ou non, exogame ou non, mais pour être considéré comme tel il
doit être animé d’un esprit de corps bien marqué et il doit être le cadre d’une solidarité active
entre ses membres […] Les membres du clan sont généralement incapables d’établir leur lien
généalogique avec l’ancêtre éponyme. Cette notion « était appliquée à tout groupe exogame
dont les membres se réclament d’un ancêtre commun, en vertu d’un mode de filiation exclusif
(en ligne paternelle ou en ligne maternelle).

Le clan une forme étendue de la famille qui est composée de tous les descendants par filiation
maternelle ou paternelle d’un ancêtre commun qui porte le nom de la collectivité. En d’autres
termes, le clan est un ensemble de familles élargies descendant d’un ancêtre commun
patrilinéaire ou matrilinéaire. L’ensemble des descendants en ligne paternelle ou maternelle
d’ancêtres communs auxquels ils estiment être rattachés par une chaîne généalogique sans
lacune, [en Afrique subsaharienne] le lignage est présent aussi bien dans les royaumes que
dans les sociétés dites segmentaires ou sans Etat. Le lignage est le noyau de la structure
traditionnelle, par lequel le clan tire sa vitalité et sa visibilité à l’intérieur du territoire lignager
qu’est le village.

C’est un groupement familial consistant dirigé par le chef du clan et constitue l’échelon idéal
pour la création et l’organisation des domaines fonciers en Afrique contrairement à la tribu
qui regroupe d’une manière plus lâche les clans issus d’un ancêtre lointain, mythique et est
gouverné par un chef de tribu choisi parmi les chefs de clans. En d’autres, la tribu est un
ensemble des clans. L’unité qui permet de subdiviser le clan est le lignage. C’est un groupe de

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parents qui se rattachent à une généalogie ininterrompue d’ancêtres historiquement situables


et anthropomorphes.

§3. L’ethnie

L’ethnie est un groupement des familles au sens large qui possède une structure familiale,
économique et sociale et dont l’unité repose sur une langue, une culture et une conscience de
groupe, communes. Les rapports ethniques sont encore plus relâchés que les rapports tribaux ;
il n’y a pas d’organisation sociopolitique formelle. De cette organisation sociale de la société
traditionnelle, on peut dégager 2 conséquences qui découlent de la conception traditionnelle
de la famille :

Le chef de groupement n’a pas de droit divin de dispenser la loi de la tribu ou de la suspendre
selon son bon vouloir. Des prérogatives bien définies s’attachent au pouvoir du chef et sont
indispensables à l’exercice de l’autorité dans une contrée bien déterminée. Le conseil des
anciens et des notables veuille à ce que le chef n’aille pas à l’encontre des normes sociales
reconnues et acceptées comme telles par la majorité des membres de la communauté. Dans
l’hypothèse où il n’observe pas la loi, il peut être limogé.

L’absence d’autonomie individuelle obligeant ainsi les différents membres du groupe de vivre
en groupe ensemble et se venir mutuellement en aide.
L’appartenance de l’individu à la communauté n’implique pas un rang social mais des
obligations et des avantages réciproques qui appartiennent à tout membre de la collectivité en
tant que tel. Tout son comportement, toutes ses activités sont conditionnées par son statut
juridique qui n’est pas immuable mais qui varie avec l’âge et l’expérience et qui peut être
influencé par la mort des parents dont il hérite des responsabilités nouvelles.

L’individu en droit traditionnel a la capacité juridique de jouissance et d’exercice mais n’a pas
la capacité d’aliéner qui n’appartient qu’au « Pater familias » père de famille. L’individu ne
peut que s’occuper des affaires mineures, domestiques consistant à entretenir et à gérer sa
famille, ses enfants et son foyer. Ainsi, l’ethnie comme référent linguistique et/ou régionale
et/ou, dans une moindre mesure, construit autour d’un ensemble de clans se réclamant
parents.

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Section 2. La structure sociale

En droit traditionnel, plusieurs classes sociales composées des nobles, des hommes libres, des
esclaves, des étrangers, des femmes et des enfants ont constitué et constituent encore la
structure sociale de la société traditionnelle. Les esclaves n’étaient pas considérés comme des
personnes et on peut en distinguer ceux qui étaient capturés dans les guerres intertribales et
ceux pour cause de dettes non payées étaient devenus esclaves de leur créanciers, ces derniers
gardent les prérogatives habituelles de membres de la communauté sauf en ce qui pourrait être
préjudiciable aux droits du créancier.

Dans certaines sociétés traditionnelles africaines, les services personnels de l’esclave envers
son créancier rentrent en ligne de compte pour la liquidation éventuelle de la dette. Cependant
le créancier a toujours l’obligation de traiter l’esclave comme s’il était un membre de sa
famille et les cas sont innombrables ou la dette s’est trouvée éteinte du fait d’un mariage entre
le créancier et l’esclave, si le mariage n’intervenait pas le service rendu tenait lieu de
paiement de dettes ou bien la libération était obtenue par le rachat de la dette par un parent ou
un ami.

En ce qui concerne les prisonniers de guerre, certaines communautés ne voulaient pas en faire
des esclaves, elles les libéraient immédiatement. Par contre, dans d’autres contrées africaines,
les prisonniers de guerre étaient transformés en esclave et les rapports entre les maîtres et
ceux-ci n’étaient pas caractérisés par une dégradation mais par le maintien des rapports assez
distants jusqu’au décès des esclaves ou s’ils étaient assimilés dans le foyer du maître ou
vendus s’ils étaient encore jeunes vigoureux. Au moment de leur achat, l’on remettait des
portions des terres familiales pour l’exploitation personnelle et l’esclave servait le maître en
l’aidant à la culture de ses fermes pendant un certain nombre des jours par semaine. Le
pouvoir du maître était limité au droit de faire subir raisonnablement à l’esclave jeune des
travaux pour lesquels ils en tiraient profit ou encore de les vendre mais pas celui de le tuer s’il
est innocent. L’esclave pouvait être adopté dans la famille du maître et grâce à son travail, et
au soin honnête du bien-être du maître et de sa famille, l’esclave devenait chef de famille au
bout d’un certain temps. Aujourd’hui l’esclavage a disparu, les sociétés traditionnelles ne
connaissent plus ces deux formes d’esclavages.

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Les femmes apparaissent en droit traditionnel comme des égales des hommes cependant, elles
ne participent pas à la vie publique de la cité, leur place est au foyer ou elles s’occupent de
leur mari et leurs enfants. Si la sphère sociale est un peu limitée parce que l’époux a payé la
dot considérée comme « le prix de la mariée », il est évident que la position de la femme ne
peut découler que de l’agencement social, économique et même militaire propre à chaque
société africaine.

C’est ainsi que par exemple, les amazones du Mali redoutables guerrières abandonnaient les
soins du ménage à leurs époux pendant qu’elles menaient des formidables guerres de
conquête contre les ennemis de la tribu. Même lorsqu’elles n’occupent pas une place
prépondérante, les femmes ont toujours eu un sort raisonnablement enviable ; la femme mène
une existence différente de celle de l’homme, elle a son propre domaine, elle n’est pas
rabaissée au rang d’esclave ; en tant que mère, elle représente une force morale du fait qu’elle
est la gardienne des traditions, la gardienne de la vie qu’elle porte et qu’elle protège et a une
influence considérable sur le dessein de la population.

Sur le plan politique la femme pouvait exercer certaines fonctions normalement réservées aux
hommes, elle pouvait accéder au trône en cas d’absence de son titulaire ou si ce dernier est
mineur. Dans certains foyers en Afrique, la femme est souvent le chef de la famille. Le roi qui
est considéré comme l’incarnation de la divinité suprême s’efface devant sa mère qui le
privilège de lui adresser la parole à tout moment et en tout lieu sans aucune condition
préalable.

La condition juridique de la femme mariée se diffère d’une communauté à une autre. Elle peut
posséder une terre familiale dans ces cités agricoles ou la femme effectue des travaux des
champs, dans les cités urbaines, elle peut avoir sa propre parcelle, une partie de la maison
familiale qui lui est allouée pour qu’elle y réside et y ait le même droit que ses frères.

Dans les communautés commerciales la femme est en général responsable de ses dettes
personnelles et des dommages qu’elle cause à autrui peuvent intenter elle-même des
poursuites pour ce délit. Quant au ménage, le mari est dans l’ensemble responsable du foyer et
de toutes les dettes contractées pour la survie des membres de celui-ci excepté les dettes
contractées par la femme pour acheter des effets personnels.

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Tout qui n’est pas parent à l’homme ou à la femme est soupçonné d’altère lorsqu’il fait
cadeau ou lorsqu’il procure des biens personnels à la femme à l’insu et sans consentement du
mari.
Quant aux enfants, la société traditionnelle a un regard particulier à cette catégorie sociale.
L’enfance est un concept juridique reconnu dans toutes les sociétés africaines bien que l’age
laquelle elle se termine varie d’une collectivité à une autre.

Suivant leur âge les individus peuvent participer à des activités sociales déterminées et ont des
capacités ou des incapacités légales particulières, l’âge de la puberté est déterminant pour être
membre de la communauté.

Tant que l’enfant n’a pas accompli certains rites, il n’a pas le droit de se marier, il ne peut pas
aller à la chasse, à la pêche, etc. Aujourd’hui, la puberté de la jeune fille commence entre 14
et 16 ans et pour le garçon entre 16 et 18 ans. L’initiation dans certaines communautés étaient
un prélude à des cérémonies qui seules déterminent le statut juridique et social de l’enfant
devenu adolescent. Dans la pratique tant qu’un jeune homme ou une jeune fille n’est pas
marié, il reste au foyer des parents et sont considérés comme enfants peu importe leur âge.
Les parents répondent de leur conduite et sont responsables de leurs actes envers les tiers. S’il
est marié, il devient pleinement capable en vertu de son statut matrimonial.

En ce qui concerne les étrangers ils séjournent dans un groupement mais n’y exercent aucun
droit. Les étrangers sont assimilés aux membres du groupe en raison des règles de
l’hospitalité, de la protection dues aux amis, des mariages exogames, des associations
intertribales. Bref, ils sont acceptés dans la société et ont traitement égal à celui des
autochtones.

Cependant pour que l’étranger soit accepté dans la communauté il doit être présenté au
préalable au chef ou au conseil des anciens, doit avoir habité chez son hôte assez longtemps
pour que les anciens jugent s’il est digne d’entrer dans le groupe ou pas. S’il est accepté, il
devient membre effectif du groupe et il est assujettit aux lois et coutumes, jouit des privilèges
accordés aux membres de la communauté et assume les mêmes responsabilités que tous.

Les étrangers de passage bénéficient une protection au nom de la règle d’hospitalité qui est
observée par tous les membres du groupe pendant toute la durée de leur séjour.

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Section 3. L’identification de la personne

En droit coutumier comme en droit écrit, le nom et la résidence permettent d’identifier


l’individu et de l’associer à une communauté bien déterminée.

§1. Le nom

Le nom est l’appellation, le vocable servant à désigner une personne dans la vie sociale e
juridique. En droit traditionnel, l’individu est sujet d’une multiplicité des noms qui lui sont
attribués au moment de la naissance, de l’initiation ou du mariage. L’individu n’a pas un seul
nom, il est le centre de plusieurs noms dont l’ensemble concourt à une série des fonctions bien
déterminées.

Le nom joue une fonction multiple, complexe et variable, difficile à cerner par quelques
mots. Le nom consiste à désigner l’individu en faisant ressortir son attachement à sa famille, à
son clan, à son lignage, etc. Cette catégorie de nom est généalogique en ce sens qu’il rattache
l’individu à toute sa généalogie. Le nom consiste alors à :
 donner une information sur les conditions dans lesquelles la personne est née ;
 renseigner sur le rôle qu’elle joue dans sa famille ou sur les réactions particulières
suscitées par sa famille ;
 faire connaître les caractères de l’individu, sa qualité, les espoirs fondés en lui par sa
famille.
 bref, l’histoire de l’individu est présentée à travers le nom.

1. Origine du nom

Les origines de nom sont très diverses en droit traditionnel, les noms peuvent être
d’inspiration profane ou religieuse (Andema andera, byamungu, Caritade, Emmanuelle,
Mugisho, Olinamungu, Asifiwe, Mungu Iko,…), des croyances, de superstition, les
naissances difficiles (mateso, , les guerres (kyambaza-rega, bita-bembe, nabita-fuliru,
matumwabirhi,), les famines (bwela, ngyala, namwena, …), la mort (kasigwa, wachikala,
musigwa), le patriotisme (lumumba, …), l’amitié (buguma, luondo, kilemba, …), la
réconnaissance (akonkwa, kongwa, beho, …), la croyance vitale , le sexe (akakiangano-
garçons, mutuza-garçons, …) etc.

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Il arrive que les sentiments patriotiques se révèlent par le choix de nom jadis porté par un
personnage célèbre de la Bible ou du Coran ou de tout autre livre saint, du pays, du continent.

Le choix du nom est souvent motivé par les circonstances qu’ont accompagnées ou
précédées la naissance. C’est le cas par exemple, des noms faisant allusion aux rapports
difficiles entre le père et la mère ou entre l’un des époux et les parents alliés, les décès
successifs des frères et sœurs, etc.

Il existe des noms qui traduisent la joie des parents : exemple : Ashuza, Nsimire, Ansima

D’autres noms sont totémiques. Chaque clan possède son totem ou un animal considéré
comme l’ancêtre dont on descend ou dans lequel on se réincarne après la mort et qui doit être
honoré à ce titre. Le « totem » est un animal, un végétal, voire même un objet fabriqué qui est
considéré non seulement comme le parrain du groupe ou de l'individu mais comme son père,
son patron ou son frère: un clan se dit parent de l'ours, de l'araignée ou de l'aigle. On ne peut
pas manger cet animal, on ne peut pas lui faire du mal sous peine de connaître de mauvais sort
ou de contracter une maladie incurable. C’est le totem qui donne la clef de la répartition des
terres, et qui aide à situer dans le temps. Par ailleurs on ne mange pas son animal ou sa plante
totem, parfois on ne doit pas consommer la nourriture de son «patron». On ne doit pas mettre
à mort son animal totem - considéré comme un père ou un frère - Si par malheur on le tue ou
bien si on rencontre son cadavre on lui fait des funérailles solennelles et on se purifie très
soigneusement comme lors des obsèques de l'un des siens. On ne doit pas non plus manger sa
plante totem ou utiliser son instrument totem (hache ou couteau...). Le totem comme l'ancêtre
voit et assiste ses descendants. Certains ont d'ailleurs assimilé le totémisme africain au culte
des ancêtres : la ferveur et le respect que l'on doit à l'un ressemblant à celui qui est dû aux
autres12.

Il existe également des noms imposés que les parents ne choisissent pas. C’est le cas des
jumeaux et de tout celui qui vient avant ou après les jumeaux.

12
Anne STAMM, Totémisme, Résurrection, Réincarnation mort et métamorphose en Afrique noire, pp. 125-
126.

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Il en est également ainsi chez les bantous qui croient en la métempsycose en cela que les
ancêtres décédés peuvent être conçus dans le sein d’une femme et venir de nouveau participer
à la vie sociale à travers le nouveau-né. On attribue cette conception à l’influence de la force
vitale d’un défunt sur la progéniture ou alors par l’influence de son caractère ou de son
comportement au sein de la société. Il reprend vie par l’influence de songe, de pleurs, de
cicatrices, etc. Le nom de cet ancêtre doit être obligatoirement attribué à cet enfant. Chez le
mwami c’est une culture de prendre le nom du décédé.

Il y a également l’homonymie qui est une marque de reconnaissance ou de sympathie envers


les personnes qu’on aime.

Il y a enfin des noms dynastiques que possèdent les membres de la famille royale et qui se
transmettent à toutes les générations entre les personnes devant monter sur le trône.

2. Caractère du nom

 Caractère magico religieux

Toute la vie de l’africain est imprégnée du droit sacré. Il prête à la nature matérielle et au
monde invisible une volonté constante des sanctions de la méconduite des hommes.
La conviction magico religieuse du nom se manifeste lors du cérémonial qui entoure
l’attribution du nom et qui est couronné par un sacrifice ou une offrande aux mannes des
ancêtres fait par les divins pour desceller le pouvoir et l’efficacité d’un homme.
Ce caractère magico religieux rend le nom instable.

 Le nom est instable

Dans le droit traditionnel le nom n’est pas immuable : il peut être changé ou modifié autant
de fois que la personne le désire. Plusieurs raisons militent pour ce changement pour cette
modification du nom dont en voici quelques-unes :
 L’initiation et l’arrivée à l’âge adulte
 Le mariage d’une femme
 Un père ou une mère qui porte le nom de son enfant : Tecknonymie
 La naissance des jumeaux, etc.
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Cependant le nom dynastique, symbolique, ancestraux ne sont pas muables au risque de


provoquer la vengeance des anciens.

 Le nom est inaliénable

Le professeur MULUMBA Kachy affirme que le nom reste pour chaque individu un signe
permanent de son image, la copie la plus fidèle de sa personnalité. Il est donc interdit
d’aliéner son nom sauf pour le cas d’homonymie.

 Le nom est intransmissible

La transmission de nom de père au fils ne se fait pas automatiquement, chaque individu


membre de la communauté doit porter son nom. Cependant il n’est pas interdit qu’un enfant
porte le même nom que son père ou sa mère à la seule condition d’y adjoindre un élément
distinctif.

3. Attribution du nom

En principe c’est le père qui attribue le nom, la mère intervenant dans le choix soit
individuellement ou soit en collaboration avec le père de l’enfant. Il arrive de fois où d’autres
personnes que les père et mère attribuent le nom à l’enfant. C’est le cas de grands parents, des
oncles et tantes, des amis, etc. Les noms en droit traditionnel sont de nature variable et
multiple permettant ainsi à l’individu de se choisir plusieurs noms à la fois qui peuvent qui
peuvent être regroupées en 3 catégories suivantes :

 Les noms claniques ou ancestraux sont ceux-là qui déterminent l’appartenance à un


groupe bien défini. C’est souvent des noms portés par les chefs de clan, les chefs de village et
qui sont attribués aux enfants souvent avant leur naissance.
 Les noms rituels : dans certaines circonstances qui se rapportent à la naissance ou
certains événements concomitants avec la naissance donne lieu au choix d’un nom déterminé
imposé par la coutume ou laissé à la discrétion de celui à qui incombe le droit d’imposer le
nom.

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 Les noms individuels : ce sont des noms circonstanciels qui traduisent la joie, la
souffrance, le malheur, etc. connus par la famille de l’enfant. Exemple : Mateso, Furaha,

§2. La résidence

La résidence se définit comme étant le lieu où une personne a sa demeure habituelle. La


fixation de la résidence est dictée par la solidarité clanique à tel point que l’individu est obligé
d’établir celle-ci au sein du clan à l’intérieur du village. La résidence du couple peut être :
 Patrilocale : vivent au même lieu que la famille paternelle de l’époux.
 Matrilocale : vivent dans la famille maternelle de l’épouse.
 Avunculocale : lorsqu’ils vivent au même lieu que l’oncle maternelle du mari.
 Virilocale : quand les époux habitent à la résidence du mari.
 Uxorilocale : si le conjoint habite au lieu de résidence de l’épouse.
La résidence peut être bilocale c’est lorsque les époux habitent soit dans la famille de l’époux
soit celle de l’épouse.

Section 4. Le mariage en droit coutumier

Le mariage est la base des groupements humains et il est un contrat de société : c’est l’union
légale de deux personnes de sexes différents. Son importance sociale nécessité la légitimité et
la permanence car la société attache une grande importance à la continuité des groupements
familiaux en ce que les unions créent des véritables associations définitives entre époux et
fondés sur l’amour, le désir de progéniture, d’une postérité, les convenances, etc. le mariage
est si important en ce qu’il ne crée pas seulement des liens entre époux, mais aussi entre
chacun des époux et la famille de son conjoint, et entre les deux familles.

§1. Les fiançailles

Dans la société traditionnelle les parents éprouvent à l’égard de leurs enfants une vive
affection qui leur amène à s’intéresser à leur bonheur futur et en leur destinant ainsi à l’avance
un conjoint de leur choix. Les fiançailles sont donc un échange de promesses entre les futurs
époux. Dans d’autres communautés, les fiançailles peuvent être contractées longtemps au
profit de l’enfant, elles entraînent pour les fiancés de nombreuses obligations dont les unes ne
peuvent être que la conséquence logique de leur engagement : c’est le cas du devoir de

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fidélité, du devoir d’assistance et pour d’autres les fiançailles sont une occasion pour préparer
les futurs époux à la vie commune, une initiation au rôle de chacun dans le foyer à venir.

Les fiançailles peuvent être révocable et ne pas aboutir à la formation du mariage tel que
prévu par les parents. Le choix du fiancé ou de la fiancée peut être l’œuvre du seul candidat
ou de la seule candidate si les parents ne s’y sont pas impliqués en laissant la liberté du choix
à leur enfant dans l’expression de sa volonté à contracter le mariage.

La remise du cadeau initial entre les fiancés peut être démise dans certaines cultures ; là où il
existe les fiancés doit remettre un objet à la jeune fille ou directement à la personne qui exerce
l’autorité parentale sur la jeune fille, son acceptation ouvre la voie aux cérémonies
d’officialisation des fiançailles. Ce cadeau initial peut être un collier, une bague, un couteau,
un gobelet, …

La remise du cadeau et son acceptation sont souvent entourées de forme de publicité ayant
toujours le même but d’en préparer la preuve. Le consentement des parents de la jeune fille et
du garçon est nécessaire même pendant les fiançailles. Dans les cultures matrilinéaires, le
consentement de l’oncle maternel est indispensable. Il n’est pas toujours vrai que le droit
coutumier donne systématiquement à la volonté des parents surtout de la jeune fille, le choix
du futur conjoint.

Le nombre de mariage qui n’a pas abouti faute de consentement de la jeune fille et malgré les
efforts des anciens de la tribu pour maintenir ce dernier est énorme. Le droit coutumier
protège la jeune fille dans l’expression de son consentement à travers la sagesse africaine qui
ressent bien la fragilité de tout mariage qui n’est pas fondé sur un consentement mutuel.

Dans certaines coutumes il existe des fiançailles automatiques en raison de leur rapport de
parenté ou d’alliance. C’est le cas de la veuve qui est fiancée au petit frère ou de l’héritier du
défunt. C’est le cas en plus d’un cousin et d’une cousine. Les fiancés ont les obligations
suivantes :

Le devoir d’affection et de déférence


Le devoir de fidélité
Le devoir d’aide et d’assistance

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Le devoir d’entretien
Le devoir de stage

Dans certaines coutumes la jeune fille, fiancée doit séjourner dans sa belle-famille pour y être
initiée aux différents travaux liés à la vie conjugale.

NB : Les rapports sexuels entre les fiancés sont interdits, ainsi que la cohabitation entre
fiancés.
Les fiançailles peuvent être rompues par l’une des parties qui le désire et le remboursement de
la dot ou de toute autre partie, les cadeaux si l’une des coutumes le prévoit. Cependant ce
remboursement n’est pas possible lorsque la coutume de la femme ne le prévoit pas. Autant
pour le droit coutumier que pour le droit écrit, la prééminence de la coutume de la femme est
mise en exergue en cas de rupture de fiançailles ou en cas de contestation ou de contradiction
entre les différentes coutumes.

§2. Le mariage proprement dit.

A. Notion du mariage dans la société traditionnelle

Le mariage dans la société africaine est la combinaison d’un contrat entre deux personnes de
sexes différents, créant entre elles une société de vie, des droits et devoirs réciproques, et d’un
contrat entre parentèles rendant cette union opposable aux groupes, lui assurant leur appui et
légitimant les enfants. C’est un contrat solennel passé entre 2 familles où les intérêts
individuels des époux ou des parties bien que reconnus formellement ou implicitement sont en
réalité subordonnés aux intérêts dominants de leurs familles respectives.

L’importance rattachée par la société au contrat de mariage tient sans nul doute à ce que le
mariage, tout contrat qu’il soit, diffère sensiblement des autres contrats civils en donnant aux
parties qu’ils lient un autre statut : celui d’époux et d’épouse. C’est cette notion de
changement de statut qui fait que le droit coutumier ne peut se désintéresser à ce type
particulier de contrat qui permet la continuation de la mission de procréation et de survie de
toute la communauté. L’aspect proprement contractuel du mariage nonobstant l’influence
croissante des familles, a un caractère individuel.

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Son caractère collectif est marqué toujours par la participation la plus large des parents à la
cérémonie qui scelle le lien entre les époux. Dès qu’il y a eu versement de la dot et son
acceptation par la famille de la jeune fille, le mariage est conclu. Dans les négociations, dans
la conclusion du mariage, les futurs époux n’ont pas un rôle à jouer. Seuls entrent en ligne des
comptes les différents membres de 2 familles qui l’entendent sur la consistance de la dot et la
célébration du mariage en famille. Cependant la véritable union contractée est une union entre
mari et femme pris en tant qu’individu afin d’aboutir à la formation d’une nouvelle famille à
l’intérieur de celle du mari et à celle de la femme dans un système matriarcal. Le mariage
scelle, noue, consolide les liens entre les 2 familles préexistantes en modifiant leur structure
interne par adjonction d’un côté et soustraction de l’autre.

B. Différentes sortes de mariage

Dans la société traditionnelle congolaise on enregistre plusieurs formes de mariage :

 Le mariage monogamique d’un homme et d’une femme : durant la période


coloniale, le mariage monogamique était protégé par la répression de l’adultère et de
la bigamie. Il consacre l’indissolubilité du mariage.

 Le mariage polygamique : la polygamie est une vieille pratique. Un


homme peut avoir plusieurs femmes. Les causes de la polygamie sont diverses : signe
de richesse, de prestige, de considération et d’ascension sociale. Permet d’avoir une
progéniture nombreuse permettant de faire face aux attaques de voisin et à réaliser de
grands travaux. Les menstrues de la femme : pendant la période des règles, il ne peut
pas avoir les rapports sexuels avec sa femme. Pendant l’allaitement la coutume interdit
au mari d’avoir des relations sexuelles avec sa femme. Il en est de même lorsque la
femme est enceinte et que la grossesse est âgée de 6 mois. Permet à l’homme de bien
accueillir, recevoir loger, nourrir et entretenir confortablement ses visiteurs. Il est
également une main d’œuvre pour l’homme, toutes ses femmes devant contribuer aux
travaux de champs.

Le terme de polygamie est souvent employé comme synonyme de polygynie. La polygynie


est une forme de mariage où l'homme a plus d'une épouse à la fois, l’autre forme de
polygamie, la polyandrie (c’est-à-dire une femme ayant plusieurs maris) étant beaucoup plus
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rare. Pratiquée à différentes époques dans de nombreuses sociétés, la polygynie n'a jamais
constitué la seule forme de mariage dans une société. En règle générale, seuls les hommes
riches et puissants étaient ou sont en mesure d'entretenir des familles polygyniques, alors que
la majorité de la population connaissait des relations monogames. Ce n’est pas le cas dans
plusieurs pays africains où une part importante de la population vit sous un régime
matrimonial polygamique. Alors que la majorité des femmes mariées peuvent l’être en union
polygame, en revanche, quelle que soit la société, la polygamie ne concerne toujours qu’une
minorité d’hommes.

Rappelons cependant que même dans une société polygame, une certaine proportion
d’hommes et de femmes ne vivront jamais dans une union polygamique au cours de leur vie,
mais tous (et les femmes plus particulièrement) sont exposés au risque de connaître ce type
d’union. En réponse à cette menace, bien des femmes ne partagent pas leurs revenus avec le
mari, voire le poussent même à dépenser pour faire obstacle à un nouveau mariage. Dans une
union polygame, à la défiance envers l’époux s’ajoute la méfiance vis-à-vis des co-épouses :
la dépendance et la soumission des co-épouses sont renforcées par la compétition et les
inégalités instituées entre elles (Hertrich et Locoh, 1999 ; Yana, 1997)13.

Les causes de la polygamie sont avant tout d'ordre sexuel et reproductif, plutôt qu'économique
et productif. La polygamie permet à l’homme de maximiser sa descendance. L’union
polygame est aussi le moyen de concilier la sexualité masculine avec certains interdits comme
le respect de l'abstinence post-partum. La polygamie c’est aussi le moyen de concilier les
préférences du groupe en matière matrimoniale et les préférences individuelles. Il y a
plusieurs facteurs favorables à la polygamie : elle permet de s'allier à plusieurs groupes et
confère un avantage socio-politique. Elle représente un apport économique, car la femme par
son travail ou ses cultures dans ses champs personnels contribue à l'entretien du ménage. Ce
partage des tâches est parfois recherché par certaines femmes surtout en milieu rural, allant
même jusqu’à proposer une seconde épouse à leur mari. La production d'enfants permet
d'avoir une main-d’œuvre plus nombreuse et d'espérer une prise en charge par les enfants

13
HERTRICH Véronique et PILON Marc., 1997. – Transitions de la nuptialité en Afrique. – Paris, CEPED, 27 p. (Rapport de recherche,
n°15). Dans bien des ménages monogames le mari n’hésite pas à utiliser la menace de la polygamie pour « assagir » son épouse (Fainzang et
Journet, 1988 ; Hertrich et Locoh, 1999)

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durant la vieillesse. La polygamie est aussi un élément d'ostentation et de prestige pour


certaines catégories privilégiées14.

Parlant des grandes villes zaïroises, Séraphin Ngondo A Pitshandenge (1992) fait remarquer
que la polygamie, jusque-là caractéristique du milieu rural, a atteint plusieurs grandes villes
du Zaïre : « l'intrusion de la polygamie dans le milieu urbain peut être considérée comme un
fait révolutionnaire » car elle intervient malgré l'hostilité structurelle de l'environnement
urbain (difficulté de logement, discrimination sur le plan légal, respectabilité attachée à la
monogamie, interdiction de ce mode d'union par des religions judéo-chrétiennes, etc.).
L’auteur se demande si, dans le cas du Zaïre, on n'assiste pas à une ruralisation des
comportements en milieu urbain. Il avance également l'hypothèse que (tout au moins en
Afrique Centrale) la polygamie touche davantage les jeunes générations moins affectées par le
modèle colonial15.

 La polyandrie : pratique rarissime à travers lequel est permis à une femme d’avoir
plusieurs hommes et qui pouvaient l’abandonner pour se marier à un autre homme.

 Le lévirat : le mariage fait entrer définitivement la femme dans la famille de son mari.
Au décès du conjoint, le frère peut être obligé d’épouser la veuve du de cujus et dans ce cas-là
il n’y aura plus restitution de la dot et ce second mariage doit se faire dans l’intérêt des
enfants.

 Le sororat : institution permettant à l’homme d’épouser la petite sœur ou la cousine


de l’épouse décédée. C’est ce qu’on appelle l’institution de remplacement et présente
d’heureuses incidences sociales. Il maintient le lien d’alliance et de parenté né du 1er
mariage et empêche la restitution de la dot ou encore empêche l’abandon des orphelins
NB : Autant pour le lévirat que le sororat, le consentement mutuel de 2 conjoints et de leurs
familles est obligatoire.

14
DIOP Abdoulaye Bara, 1985. – La famille wolof : tradition et changement. – Paris, Karthala, 262 p. LOCOH Thérèse, 1988. – Structures
familiales et changements sociaux, in : Dominique TABUTIN (dir.), Population et Sociétés en Afrique au Sud du Sahara, p. 441-478. – Paris,
L'Harmattan.
LOCOH Thérèse et THIRIAT Marie-Paule, 1995. – Divorce et remariage des femmes en Afrique de l’Ouest. Le cas du Togo, Population,
vol. 50, n° 1, p. 61-94.
15
NGONDO A PITSHANDENGE Séraphin, 1996. – La polyandrie chez les Bashilele du Kasaï Occidental (Zaïre). Fonctionnement et rôles.
– Paris, CEPED, 22 p. (Les Dossiers du CEPED, n°42)

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C. Les conditions de formation du mariage

1. Les conditions de fond

Parmi les conditions de fond on peut citer :

 L’endogamie

Le conjoint est obligé de trouver une conjointe à l’intérieur de son groupe ou de sa


communauté. Le mariage avec un étranger à son groupe n’est pas valide. La société
traditionnelle se compose de l’ethnie : « la plus grande unité traditionnelle de conscience
d’espèce » ; la tribu, « l’ensemble des sujets qui procèdent bilatéralement d’un ancêtre
légendaire » ; le clan, « rassemblant tous les individus issus unilinéairement d’un ancêtre
mythique et se réclamant d’un même animal totémique ; le lignage, « ensemble d’individus
descendant effectivement d’un ancêtre historique, dont on conserve le souvenir réel ainsi que
de ses successeurs ». A ces divisions, il faut ajouter la caste, groupe formé d’individus, à
l’intérieur d’une ethnie, et liés par les mêmes fonctions traditionnelle.

 L’exogamie

La règle absolument générale est que à quelques degrés que ce soit, on ne peut s’épouser
qu’entre les gens de mêmes clans entendez par là le groupe soit de la lignée de la femme, soit
de la ligne consanguine. Les lois exogamiques ont essentiellement pour base la parenté du
clan, du sous clan ou du lignage. L’inceste est en général très largement interprété et il n’est
pas rare que des interdits matrimoniaux touchent da parents très éloignés. Toutes les coutumes
au Congo prohibent le mariage en ligne directe. Il en est de même pour la parenté collatérale
(liens de parenté existant entre un individu et une ou plusieurs autres personnes descendant
d’un auteur commun mais ne descendant pas les uns des autres). On ne peut pas épouser en
même temps une mère et sa fille. De même la parenté résultant de l’adoption interdit le
mariage entre l’adopté et l’adoptant. Le droit coutumier se montrait très sévère pour ceux qui
transgressaient ses interdictions ; leur mariage était annulé d’office. Ils étaient mis à mort,
expulsés du clan au cas où on ne les tuait pas ou alors si on allégeait leurs peines, des
cérémonies de purification étaient faites à leur intention. L’homme doit toujours prendre
femme en dehors de sa parentèle, et même de son clan, à n’importe quel degré de parenté.
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Dans certaines coutumes, la femme entre dans la parentèle de son époux. Mais dans la
plupart, elle reste membre de sa parentèle.

 L’âge

Toutes les coutumes exigent pour la validité de l’union conjugale un certain âge fixé en tenant
compte de certains facteurs : le développement physique qui assure dans de bonnes conditions
la perpétuation de l’espèce et une maturité d’esprit des époux. Plusieurs coutumes estiment
que la fille ou le garçon est capable de se marier à l’âge de la puberté. Cependant pour
l’homme en plus de la puberté, il doit être à même de travailler pour faire vivre son ménage.

 Le consentement des futurs époux et des parents

Le consentement des futurs époux est très déterminant contrairement à certaines coutumes qui
semblent ignorer le consentement de la femme. Le consentement des parents se manifeste par
le versement et l’acceptation de la dot ainsi que leur participation aux cérémonies du mariage.
Ce consentement est important car il renforce la responsabilité solidaire car chaque membre
de la parentèle alliée sera impliqué dans la sauvegarde de mariage et des liens d’alliance.
C’est ainsi que les formalités d’accord des familles ont une importance considérable car les
versements de la dot, instrument de ce consentement des familles, scellent cette alliance et cet
engagement de veiller au maintien de l’union matrimoniale entre les époux.

 La dot

Ensemble des valeurs dotales remises par la famille du jeune garçon à celle de la jeune fille en
vue de la conclusion du mariage pour sa validité. C’est une des conditions indispensables à la
conclusion du mariage. Pas de mariage valable sans dot en droit coutumier tout comme en
droit écrit. C’est ici que se place la remise du bétail ou d’autres biens en gage du mariage,
têtes de bétail, en objets de fabrication artisanale, en produits de la culture, et même en
prestations. Cet élément indispensable à la conclusion postérieure du contrat de mariage est
régi par des règles très précises. L’opération de sa remise doit être faite selon des règles
coutumières de la jeune fille. Ces mêmes coutumes peuvent prévoir ou non le remboursement
de la dot en cas de rupture du mariage par la faute de la femme. La remise et l’acceptation de

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la dot scelle l’ensemble des opérations du mariage et est la preuve du consentement exprimé
par les parents de 2 conjoints à la conclusion du mariage.

Néanmoins, la dot est aujourd’hui une des institutions traditionnelles les plus attaquées. Des
auteurs ont pu être abusés par certains faits et ont hâtivement conclu que le mariage africain
était une vente et que la dot en était le prix. I1 y a là une erreur qu'il ne faut pas commettre. Le
mariage n'a pas les caractères d'un contrat de vente. C'est ce que M. Nwabueze exprime ainsi :
« C'est un manque de compréhension de son motif de base dans la conception africaine du
mariage qui a amené les Européens à la considérer comme un achat de la femme, dans le
sens que celle-ci perd son individualité et devient la propriété de son époux, de la même façon
que ses autres biens meubles et immeubles. ».

L’ancienne coutume s’est entièrement transformée. L‘influence de la monétarisation et de


l’économie de marché ont eu pour conséquence de dénaturer la dot qui, dans certains pays, est
devenue pour les pères de famille cupides, le moyen d’une honteuse spéculation sur leurs
filles. La dot s’est artificiellement gonflée et a atteint aujourd’hui une quotité hors de
proportion avec la situation économique de ceux qui sont appelés à la payer. Le résultat est
que les jeunes se détournent du mariage qui devient une affaire de riches et de vieux, seuls
capables de payer les fortes sommes d‘argent qu’exigent les noces. I1 faut une réglementation
qui lui restitue sa valeur de symbolique.

Notons toutefois que la dot joue plusieurs fonctions d’ordre économique, social, religieux ou
sentimental. Ces fonctions sont diverses dans la société africaine traditionnelle et même
moderne :

 Compensation

Le mariage crée un déséquilibre et un affaiblissement de la famille de la jeune fille au profit


de celle du garçon. La dot compense le vide qui est créé dans la famille de la jeune fille par le
mariage. En effet, la dot est la compensation de la perte de force de travail que subit la famille
de la jeune fille du fait du mariage

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 Transférer l’autorité du chef de la famille de la jeune à celle de la famille du


jeune homme.

Par le mariage l’autorité exercée par le chef de famille de la jeune fille cesse au profit de la
famille du garçon et pour laquelle la femme n’obéira plus qu’aux ordres et aux
commandements en provenance de ce dernier.

 Hommage rendu aux parents de la jeune fille pour son éducation

D’où l’importance de l’interdiction des rapports sexuels avant le mariage et de l’importance


de la virginité, signe d’honneur et de respect envers la fille elle-même et envers toute sa
famille ; Elle est une offrande au dieu du clan, auquel est enlevée une génitrice. Elle est aussi
un moyen d‘évaluer le sacrifice que la famille du futur époux est capable de consentir pour la
belle-fille.

 Assurer la stabilité du mariage

Les parents de la jeune fille veillent au maintien et à la consolidation du mariage, de peur de


rembourser la dot une fois qu’il y aurait rupture des liens conjugaux. Elle est un élément de
stabilité du mariage, car en raison de son importance, son remboursement peut être difficile,
sinon impossible.
Preuve de l’accord de 2 familles, expression de leur consentement à l’union conjugale entre
les 2 conjoints.

 Garantie d’un bon traitement

La femme quitte sa famille pour s’installer désormais dans la famille du jeune homme. La dot
exprime la garantie du bon traitement que la famille de l’homme observera à l’égard de cette
dernière. De ce fait, la dot doit être versée en entièreté.

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 Condition de validité de mariage et consécration de la filiation

La dot est d’une importance capitale dans la formation et la conclusion du mariage. C’est une
preuve à la conclusion d'un mariage valable et enregistre le fait de la célébration de ce manage
dans l'esprit de tous ceux qui sont témoins du paiement. Le paiement de la dot est effectué en
principe par le jeune homme qui peut être aidé par ses parents ou tout autre membre de
famille en vertu du principe de la solidarité qui existe au sein de la communauté
traditionnelle. Il existe des coutumes qui font obligation aux parents dans le système
patrilinéaire ou à l’oncle maternel dans le système matrilinéaire à fournir au jeune homme les
valeurs dotales qui lui permettent de pouvoir prendre femme.

Le versement de la dot à la famille de la jeune fille incombe toujours à la famille du jeune


homme. Ce versement est entouré toujours par des cérémonies coutumières qui rendent
publiques les prétentions du garçon et de la fille ainsi que l’acceptation de 2 familles.

La dot est payée au père dans le groupement patrilinéaire et une partie est versée à la mère par
le père. Elle est versée soit au père, soit à l’oncle maternel ou soit moitié, moitié entre les 2
dans le système matrilinéaire. La dot doit être versée en entièreté avant le mariage. Cependant
la coutume prévoit de dérogations en autorisant le versement partiel de la dot avant le
mariage. En cas de dissolution du mariage par le décès, la dot en principe n’est pas
remboursable. Cependant elle peut être remboursée si la femme n’a pas eu d’enfants ; si la
mort de l’homme est le fait de la femme.

D. Les conditions de forme

En droit coutumier le mariage est célébré en famille après que la pratique des rites
prénuptiaux ait lieu et que le stage de la future épouse, s’il est prévu ait déjà était accompli.
Les rites prénuptiaux consistent à l’initiation sur le succès de la réussite et la prospérité de la
vie conjugale des futurs mariés. Ils sont initiés à la vie sexuelle, à la vie d’épouse, à la vie
ménagère et à la maternité. Pendant cette phase, la grande préoccupation est de faire en sorte
que la fille soit en mesure de supporter l’acte sexuel, la consommation du mariage. Pour cela
il faut faire développer ses parties génitales.

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E. Les obligations découlant du mariage

Comme pour les fiançailles, les obligations suivantes sont assignées aux 2 époux :

1. La cohabitation

Les époux doivent cohabiter pour consommer leur mariage car la procréation en constitue un
but primordial. Les époux se doivent des rapports sexuels normaux. La femme doit suivre le
mari, lequel est obligé de la recevoir.

2. L’autorité maritale

Partout l’autorité dans le ménage est exercée par le mari. Cette autorité comprend : le pouvoir
de diriger les travaux, le pouvoir de gérer le bien commun, le pouvoir de maintenir l’ordre
avec comme corollaire le droit de correction. Néanmoins, la femme joue un rôle essentiel en
tant qu’épouse et mère, conseille son mari et veuille sur la bonne marche de son foyer. En tant
que chef du ménage et époux, il doit protection à sa femme et cette dernière lui doit
obéissance.

3. La fidélité

Selon la coutume africaine, les époux sont astreints aux obligations de cohabitation, de fidélité
et d'assistance mutuelle. Le devoir de cohabitation pèse, à titre principal, sur la femme dans
un régime polygamique. En effet, le mari a le devoir d'observer le tour de nuit à l'égard de ses
femmes. Quand celles-ci ont des résidences différentes, il doit passer de l'une à l'autre.
Cependant, il faut rappeler que, dans certaines conditions, la femme peut quitter le domicile
conjugal pour se réfugier chez ses parents.

La fidélité est sacrée en droit traditionnel et est réciproque entre le mari et sa femme. Ce
devoir de fidélité, qui est considéré comme sacré et dont la conséquence est une présomption
de paternité irréfragable. Cette présomption est si forte qu'elle joue dans des conditions où
manifestement l'enfant ne peut pas être né des œuvres de son prétendu père.

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L’infidélité de l’homme est atténuée, tolérée dans les mariages polygamiques. En outre, cette
infidélité n’était sanctionnée que lorsqu’elle était entourée des circonstances aggravantes à
savoir : l’inceste et la souillure du lit conjugal.

Par contre, la femme adultère et son complice étaient sévèrement sanctionnés de manière
cruelle et barbare dont les sanctions pouvaient être : l’écartèlement des jambes, l’exposition
au soleil, le fuselage de parties génitales, le paiement des indemnités par le complice, etc.

4. Le devoir d’affection et d’égard

Entre les époux, il existe un devoir d’affection et d’égard. Tout ce qui prouverait un manque
sérieux d’affection peut être une cause de divorce.

Par ailleurs, il existe un devoir d’affection entre beaux parents et gendres ou brunes Ils ont
l’obligation de les aider, les respecter, organiser leurs funéraires, etc.

5. Le devoir d’entretien

Chacun des époux doit contribuer à l’entretien et à la subsistance de l’autre et des enfants. Le
mari fournira le vêtement, la viande, … La femme doit préparer la nourriture, chercher le bois
de chauffe, l’eau à la famille, etc. L’inaccomplissement de ces devoirs par l’un des époux peut
entraîner le divorce.

6. Le devoir d’aide et d’assistance

L’homme et la femme doivent s’entraider dans leurs épreuves. L’inobservation de cette


obligation peut entraîner le divorce. Cette obligation s’étend jusqu’aux alliés.

F. Le divorce en droit traditionnel

Les causes du divorce en droit coutumier sont multiples et variées :


 le défaut d’entretien de la femme par le mari;
 les mauvais traitements infligés à la femme;
 l’adultère de la femme;
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 l’absence prolongée du mari;


 le manque d’égard vis-à-vis des beaux-parents;
 la stérilité de la femme;
 l’impuissance du mari;
 la folie ou une maladie grave.
 l’incompatibilité d’humeurs
 la sorcellerie
 le non-paiement de la dot
 le décès successif d’enfants,
 la frigidité de la femme,
 etc.
En droit traditionnel, tout manquement d’un époux à une obligation découlant du mariage
peut être une cause de divorce au profit de son conjoint à la seule condition que ce
manquement soit réellement grave. Mais, la coutume décourage le divorce et s’attelle à
promouvoir la stabilité de l’union conjugale à travers le mécanisme de la conciliation par le
biais du Conseil de famille et d’autres membres influents au couple en conflit.

La procédure de divorce est déclenchée par la fuite de la femme qui quitte son mari pour se
réfugier chez ses parents. Si l’homme voulait encore reprendre sa femme, il devait verser aux
parents de la jeune fille un présent en signe d’effacement de ce tort. Les parents de la jeune
fille, face à l’entêtement de l’homme de vouloir reprendre librement sa femme, ils faisaient
pression sur cette dernière afin qu’elle regagne le toit conjugal.

Le système de divorce au profit du mari était généralement la répudiation. Il renvoyait la


femme en accomplissant quelques gestes symboliques : kuyikiriza, kulubula, remise d’une
flèche à apporter à ses parents. Si les parents étaient d’accord, ils remboursaient la dot et tout
était fini. A la demande de l’une des parties, le débat était porté devant le conseil des anciens
ou devant le tribunal qui essayé de concilier les 2 époux. Le divorce met fin au mariage mais
conserve le lien de filiation.

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G. Le régime matrimonial en droit traditionnel

En droit traditionnel, la propriété mobilière est indispensable et n’appartient pas au groupe ou


à la communauté. L’homme en Afrique possède des biens personnels qui constituent un
prolongement de sa personne et qui explique l’extrême sévérité avec laquelle le vol est puni
dans toute communauté.

Chacun, d’après ses ressources, doit de redevances au chef du groupement consistant à un


pourcentage lui remis sur l’activité lucrative accomplie par le sujet. La propriété immobilière
est quasi inexistante en droit coutumier car elle appartient à toute la communauté. Le régime
matrimonial est alors en droit coutumier un ensemble des règles relatives aux rapports
pécuniaires des époux entre eux et avec les tiers. Le régime de la séparation des biens
s’applique à tous les biens acquis avant le mariage.

La femme n’a aucun droit sur les produits de l’activité personnelle du mari. Cependant celui-
ci doit contribuer à l’entretien du ménage. Certaines coutumes estiment que la femme est
propriétaire et gestionnaire de ses biens issus d’une activité personnelle. D’autres par contre
pensent que la femme doit tout remettre à l’homme et resterait, dans ce cas-là, dans une
position d’infériorité. Quant aux produits de l’activité commune, il est difficile de déterminer
leur appartenance exacte pendant la vie conjugale car les époux doivent conjointement
participer à la subsistance du ménage. A la dissolution de l’union conjugale, l’avoir commun
est divisé par moitié.

H. La filiation en droit coutumier

La famille traditionnelle est une construction culturelle et non une simple expression des
données biologiques. Le rapport social l’emporte sur le lien biologique.

La filiation matrilinéaire se caractérise par : l’enfant s’intègre d’abord au sein de la famille de


sa mère, dans laquelle se définie son statut personnel. Ces rapports avec son père ne sont pas
d’ordre juridique mais spirituel. Les rapports juridiques qui auraient dû exister entre le père et
l’enfant sont remplacés par ceux de l’oncle maternel et du neveu.

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Dans le système patriarcal, l’enfant s’intègre dans la famille de son père et y acquiert son
statut personnel. Le principe selon lequel la dot engendre les enfants entraîne que les enfants
ont pour père celui qui a versé la dot pour leur mère. Le mari peut toujours les désavouer.

S’agissant du statut juridique des enfants nés hors mariage, il faut faire remarquer que la
situation des enfants nés hors mariage est liée à la conception congolaise de l’enfant considéré
comme le centre et le devenir de la société de demain. Il est l’objet d’une attention
particulière, son intérêt est primordial. Le droit coutumier ne fait de distinction entre les
enfants nés dans le mariage et ceux nés hors mariage. Selon le mode de filiation, c’est la
famille étendue du père ou de la mère qui définit le cadre de vie juridique de l’enfant. La
notion d’enfant adultérin était méconnue dans la société traditionnelle puisque le père ne
pouvait obtenir le droit de paternité s’il consentait à verser une indemnité de reconnaissance
fixée librement par la famille maternelle de l’enfant. Sans cette indemnité et sa
reconnaissance aucune affiliation n’est possible.
L’affiliation en droit coutumier peut être :
 Conventionnelle : lorsqu’il existe un accord de volonté entre le père et la mère de
l’enfant dans le but d’établir le lien de paternité moyennant paiement d’une indemnité
de reconnaissance et son acceptation ;
 Onéreuse : la reconnaissance coutumière est toujours précédée par le versement de
certaines valeurs qui constituent une indemnité d’attribution de paternité ;
 Volontaire : la reconnaissance d’un enfant né hors mariage n’est pas contraignante.
Une liberté est reconnue au père de l’enfant d’accepter ou non, en toute indépendance
et sans aucune influence, la paternité d’un enfant.

I. L’Autorité paternelle

Elle est exercée par le père à l’absence de celui-ci par la mère. Les parents gardent leur
autorité sur leurs enfants pendant toute leur vie. Par la création, les parents visent plus leur
propre intérêt que celui de leurs enfants. En mettant au monde, ils voient leur vieillesse
garantie. Les enfants doivent assistance et aide aux parents ; obéissance et respect même
lorsque la capacité mentale du parent est altérée.

A la suite de l’introduction de l’économie moderne le tout premier salaire de l’enfant revient


aux parents. Dans certaines traditions, comme fuliru par exemple, le premier gibier doit être

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remis aux parents pour recevoir une bénédiction afin d’avoir une fructueuse carrière. Les
parents à leur tour ont l’obligation d’entretenir, d’éduquer et d’élever leurs enfants. Tous les
membres de la famille restreinte comme élargie participent chacun selon son pouvoir à la
mission d’éduquer et d’entretenir l’enfant. L’autorité paternelle subsiste durant toute la durée
de la vie de l’enfant. Cependant, elle se trouve limitée par le mariage de la fille à travers
lequel il y a transfert d’autorité de son père à celui du père de son mari. La déchéance
paternelle est possible en droit coutumier lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige.

J. La tutelle

En théorie la tutelle n’a pas des raisons d’être en droit coutumier. En principe à la mort du
géniteur, celui qui le suit dans la hiérarchie familiale lui succède tout naturellement dans ses
droits et dans ses devoirs. La tutelle peut être envisagée lorsque celui qui le succède est un
mineur ou alors trop jeune pour remplir cette charge. Le tuteur possède à titre temporaire les
pouvoirs et les droits, devoirs du père. Il n’a pas de compte à l’expiration de son contrat.
Cependant il doit restituer tous les droits et biens qu’il détient encore au nom de l’enfant. La
tutelle, lorsqu’elle existe, peut être légale quand elle va à la mère ou à la femme premier en
rang dans la polygamie ; testamentaire quand on observe la volonté exprimée par le père ;
dative quand elle est attribuée par le conseil de famille. Les pouvoirs du tuteur peuvent être
limités par le conseil de famille à tout moment.

K. L’émancipation

En droit écrit l’émancipation est un acte juridique par lequel un mineur acquiert la pleine
capacité d’exercice et se trouve de ce fait assimilé à un majeur sauf pour se marier, se donner
en adoption ou exercer le commerce. L’émancipation ne peut pas être concevable en droit
coutumier. Renoncer aux devoirs du fils ou de la fille, ce serait renoncé à ses propres droits.
Obtenir d’être délivré des charges de la parentèle, c’est renoncer à ses avantages, s’exclure et
s’isoler de la communauté.

L. La succession

Le terme succéder signifie remplacer une personne à la tête de ses biens. C’est la transmission
des biens d’une personne décédée. La dévolution successorale doit tenir compte de système

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de parenté. La coutume fixe l’ordre de succéder, lequel se diffère d’une coutume à une autre
et d’un système à un autre. La famille désigne les successeurs parmi les descendants de
l’homme ou de la femme.

Dans un lien polygamique, les successeurs du de cujus est le fils aîné de la première femme
ou tout simplement le fils le plus âgé quel que soit le rang de sa mère. Le droit coutumier ne
méconnaît pas la forme orale du testament qui consiste pour le de cujus à avoir manifester
publiquement son devoir de voir telle ou telle autre personne venir à la succession ou tel ou tel
autre bien être donné à des personnes désignées par lui- même.

La veuve en droit coutumier si elle n’est pas remariée par un frère du défunt, elle rentre chez
ses parents avec ses effets personnels et ustensiles de cuisine ; Dans d’autres coutumes, les
produits de champs cultivés en commun étaient partagés entre la femme et les héritiers de
l’homme.

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CHAPITRE Il. LE DROIT COUTUMIER DES BIENS ET DES OBLIGATIONS

Section 1. Le droit coutumier des biens

Le droit coutumier fait une distinction claire entre la propriété et la possession qu’il s’agisse
de la terre ou d’autres biens. La terre fait l’objet d’une propriété corporative et est en principe
inaliénable. Certains biens par contre peuvent être possédés à titre individuel et alloués entre
fils, soit à cause de mort. La terre peut être concédée temporairement ou de façon permanente
sous réserve que le nouvel acquéreur puisse vivre en harmonie avec la tribu et qu’il y fonde
peu à peu sa famille. Le groupe social propriétaire de la terre peut se réserver ou non le droit
d’user, de jouir et d’abuser de la terre aussi longtemps que les autres membres du groupe leur
connaissent cette prérogative. La prescription n’est pas de mise en droit coutumier, elle est
inconnue, raison pour laquelle une personne peut abandonner sa terre pendant longtemps et ne
pas en perdre la propriété pour motif de non mise en valeur.

La propriété de la terre appartient au groupe et l’individu n’a qu’un droit de jouissance sur
celle-ci. Ce droit de jouissance est davantage un simple droit d’utilisation qui, à la longue peut
permettre au possesseur de revendiquer sous réserve du respect des règles coutumières, la
possession exclusive la part des terres qui lui a été remise. Avant l’indépendance du Congo, il
existait sur le même territoire un grand nombre d’empire, des clans les uns à côté des autres.
Chacun était régi par ses propres règles de droit, son régime des biens fonciers et immobiliers
et le chef du groupe traitait avec qui il voulait.

La nature du doit des communautés locales se dégage de la collectivisation des terres, seule la
communauté locale est titulaire du droit de propriété collective sur le domaine foncier. Les
terres appartenant à la communauté sont inaliénables et sacrées, les membres de la
communauté ont un droit de jouissance sur le domaine foncier qu’ils peuvent exercer
individuellement ou collectivement. Le membre du groupe ne peut aliéner sa part de terre bien
qu’il puisse la constituer en gage pour garantir une dette personnelle. Il fait de sa terre, tel
usage que bon lui semble pour la faire fructifier y compris en transformant son utilisation
primitive et à condition qu’il ne porte pas atteinte aux droits des autres membres de la famille.
Il peut dans certaines circonstances louer sa part de terre ou l’aliéner à titre gratuit sous
réserve de l’acceptation des autres membres de la communauté.

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Cours de droit coutumier, 2017-2018 Professeur Nathalie Nakabanda

De même à sa mort, son droit sur la terre ne s’éteint pas, il se transmet à ses héritiers ; une
autre particularité du droit foncier coutumier est qu’une personne peut être propriétaire d’une
plantation, d’une maison établie sur une terre alors que la propriété de celle-ci demeure celle
du groupe. La sagesse africaine considère les biens personnels et les meubles d’une toute
autre manière que la terre. Ce sont des objets dont les hommes ont besoin dans leur existence
sociale sur lesquels ils doivent exercer des droits sans partage. Le droit coutumier donne à
celui qui se rend maître par lui-même d’une chose un droit de propriété absolu sur elle, ce qui
est le cas lorsque quelqu’un défriche un coin de forêt vierge et le fait fructifié, est considéré
durant toute sa vie comme son seul propriétaire. A sa mort ses enfants ne recueillent son
héritage que selon les modalités coutumières. Les règles sont les mêmes en ce qui concerne
les bétails, les instruments de culture, les récoltes et les vêtements.

Dans le RC 188, le tribunal de paix de Kabare, statuant en matière coutumière au premier


degré, en application de la coutume Shi dans la cause opposant la Paroisse Saint Paul apôtre
de Mbobero et de la CEV de Canya I à monsieur Kazimoto Luziba pour trouble de jouissance
sur le terrain où la maison de la CEV est érigée et au paiement des dommages-intérêts
équivalent à 400$. En effet, en 1974, le père biologique du défendeur avait donné la parcelle
querellée soit 17m sur 8m à la CEV. La partie défenderesse soutient qu’elle a hérité ladite
parcelle de son feu grand père alors qu’il était enfant et que son père n’en était que le gérant.
Le tribunal se refère à la jurisprudence SHI selon laquelle « étant de nature collective, le
droit coutumier de propriété foncière doit nécessairement être défendue, en cas de
contestation, par un délégué du groupe qui se prétend titulaire du domaine » (CSJ, 24 juillet
1975, RJZ, 1978, p.8). Ceci pour balayer l’exception liée à la qualité de la partie
demanderesse qui n’avait produit au tribunal aucun document attestant sa qualité. S’agissant
de la donation, dans la coutume Shi « la donation gratuite est en principe perpétuelle de
l’existence sur une terre qu’accorde un suzerain à son vassal et à ses descendants. C’est un
acte de reconnaissance pour acquérir une propriété foncière, elle est irrévocable ». La
reconnaissance insinue en Shi « KUCHIMANYISA », c’est-à-dire pour acquérir une propriété
foncière, elle est toujours irrévocable ; et cette reconnaissance à ses suzerains est toujours
évaluée par des chèvres. Le Tripaix, en date du 23 octobre 2015, a condamné, sur base de la
coutume et du droit écrit dont la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013, de l’article 766
alinéa 2 et le Code de procédure civile, le défendeur à la cessation de troubles de jouissance
et au paiement des dommages et intérêts de 200$, les frais d’instance à sa charge. La partie

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demanderesse est condamnée aussi au paiement des redevances coutumières qui s’élèvent à
trois chèvres aux héritiers du donateur.

Dans le RC 85/I, le Tripaix de Kabare, dans l’affaire qui oppose la chefferie de Kabare
contre sieur Mugisho Masonga Ndatabaye poursuivi pour trouble de jouissance sur le
terrain-marrais Nyamuziba et au paiement des dommages et intérêts, s’est fondé sur le défaut
tiré de la coutume Shi selon laquelle « ORHA HALI NEHYAGE HIRAHALI » c’est-à-dire que
le défaut profite à la partie présente et par ailleurs, c’est le manque des moyens de défense.
Celui qui n’est pas là, ses préoccupations non plus ne sont pas là. Et donc ici, l’absence
d’une partie au procès entraîne que soit considéré comme vrai tout ce que dira l’autre partie
au procès. Sur cette base, le tribunal reconnaît le demandeur propriétaire des terrains
marais-Nyamuigwa, forêts et brousses repris dans l’exploit introductif d’instance, condamne
le défendeur à y cesser tout trouble de jouissance dans ce patrimoine et le remettre à son
pristin état. Le condamne aussi à payer la somme de vingt mille dollars américains à titre des
dommages-intérêts et met les frais d’instance à sa charge.

Section 2. Le droit coutumier des obligations

Une obligation est un lien de droit entre deux ou plusieurs personnes en vertu duquel l’une
des parties, le créancier, peut contraindre l’autre, le débiteur à exécuter une prestation : donner
(transfert de propriétés) faire ou ne pas faire. L’obligation trouve sa source dans la loi, le
contrat, le quasi-contrat, le délit ou le quasi-délit. Le contrat se définit comme étant une
convention faisant naître une ou plusieurs obligations ou bien créant ou transférant un droit
réel. Le délit par contre est tout fait illicite de l’homme engageant sa responsabilité civile. Le
délit s’oppose à l’infraction. Le quasi-délit résulte d’un fait de l’homme non intentionnel mais
qui cause un dommage à autrui et l’oblige ainsi à le réparer.

Tout contrat, pour être valablement conclu doit respecter les conditions fondamentales
prévues à l’article 8 du Décret du 30 juillet 1888 portant des contrats et des obligations
conventionnelles en droit congolais qui prévoit quatre conditions essentielles pour la validité
d’une convention : le consentement de la partie qui s’oblige ; sa capacité de contracter ; un
objet certain qui forme la matière de l’engagement ; une cause licite dans l’obligation

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Le quasi-contrat enfin est un fait licite et volontaire d’où découle des obligations soumises à
un régime s’apparentant à celui des contrats à la charge de son auteur et d’un tiers non liés
entre eux par une convention (exemple : l’enrichissement sans cause, la gestion d’affaires,
…).

§1. Obligations contractuelles

Le droit coutumier connaît les contrats en tant que tels c’est-à-dire qu’il fait découler des
obligations de conventions intervenues entre les parties. Les contrats en droit coutumier sont
en général oraux et consistent en un accord de volonté en vue de produire les effets juridiques.
L’exécution des obligations contractuelles doit être faite de bonne foi sous peine de diverses
sanctions. La capacité dans la conclusion en droit. Toute faute, toute violation du lien
contractuel risque d’irriter les dieux et provoquer leur vengeance.

La coutume se préoccupe moins de la faute, de son ampleur que du dommage et de sa


réparation, la seule existence du dommage constitue l’unique condition nécessaire et
suffisante pour engager la responsabilité de son auteur. En vertu du principe de la solidarité
clanique la responsabilité des biens est collective et engage tout le clan à réparer le dommage.
La réparation peut être volontaire ou forcée, en nature, ou par équivalent.

§2. Obligation délictuelle

Le droit africain vise à préserver l’équilibre de la communauté, à porter une compensation en


faveur de la personne lésée à travers une réparation collective. La fonction du droit coutumier
est donc de réglementer les relations sociales et de rétablir l’ordre public afin de continuer de
préserver l’harmonie sociale. La croyance à l’influence des défunts exclut quelque fois toute
notion de responsabilité délictuelle dans la commission de certains délits en faisant considérer
que leurs auteurs n’étaient pas maîtres d’eux-mêmes lors de la commission et que d’autre part
l’attribution de certains événements à l’action d’éléments surnaturels comme ceux qui
découlent d’un parent décédé, aboutit plus souvent à une tentative d’apaisement des esprits
offensés qu’à une vengeance exercée contre l’offenseur réel.

§3. Les causes de responsabilité délictuelle en droit coutumier.

Le seul fait de causer à autrui un dommage constitue la condition nécessaire et suffisante pour
engager la responsabilité civile de son auteur. Le droit coutumier ne considère pas beaucoup
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l’intention coupable que les conséquences de celle-ci sur la collectivité toute entière. Il n’est
guère nécessaire de montrer que cette curieuse distinction entre motifs individuels et motifs
collectifs est sans objet. Le droit coutumier fait une distinction entre un délit intentionnel d’un
quasi-délit. Cependant, nonobstant cette distinction la responsabilité civile de l’auteur de
l’acte est engagée. Le dommage en droit traditionnel présente un caractère général en cela
qu’il prend en compte non seulement les dommages certains, personnels, directs et consistant
en une lésion d’un intérêt légitime juridiquement protégé.

En droit coutumier aucun critère absolu ne limite le caractère du dommage réparable. Le


préjudice peut être actuel ou futur, général ou incertain. Peu importe, la nature du dommage
causé. Le seul fait de l’existence du dommage suffit pour engager la responsabilité de l’auteur
et de toute la communauté. Qu’il soit matériel, corporel ou moral, la responsabilité est
engagée et sa réparation est obligatoire.

§4. Les faits dommageables en droit coutumier.

Aucune limitation des faits générateurs du dommage n’est prévue en droit coutumier. Il peut
s’agir d’un fait d’un homme ou d’un fait d’un animal.

§5. La désignation des responsables du dommage.

Dans la détermination des responsables du dommage, on tient compte non seulement de


l’auteur du dommage mais aussi de sa communauté, l’individu n’ayant pas une existence
isolée de celle de la communauté.

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CHAPITRE III. DROIT JUDICIAIRE COUTUMIER

Section 1. Notions

En RDC : Arrêté royal du 13 mai 1938 : Juridictions coutumières ou décret coordonné qui
comprend : les décrets des 15 avril 1926, 22 février 1932, 14 décembre 1933 et 17 mars 1938
sur les juridictions indigènes sont coordonnées.

La question de la justice coutumière fait aussi partie des débats qui traversent la réforme de la
justice. Face au retard de l’implantation des tribunaux de paix et la distance séparant les
tribunaux des justiciables en milieu rural, les juridictions coutumières sont les seuls tribunaux
de proximité appelés à trancher les litiges entre personnes physiques, souvent au mépris des
règles de compétence du droit congolais. Selon la loi congolaise, les tribunaux coutumiers ne
doivent en théorie trancher que les litiges civils, mais dans la pratique, ils jugent aussi les
affaires pénales.

La place de la justice coutumière (ou plutôt faudrait-il parler des justices coutumières) reste à
définir. Les autorités congolaises sont en faveur de l’extension de la justice moderne et de
l’extinction de la justice coutumière. En zone rurale, cette dernière reste une réalité
incontournable, malheureusement souvent contraire aux droits de l’homme, ne serait-ce que
parce qu’elle consacre l’infériorité du statut de la femme par rapport à l’homme. Sur ce sujet
pour longtemps en débat, la
différenced’approchedesautoritésnationalesetdesacteursinternationauxest révélatrice : les
premiers voient la justice traditionnelle comme un archaïsme persistant grâce aux carences
matérielles de l’appareil judiciaire moderne, les seconds y voient un mode de résolution des
problèmes locaux effectif, alternatif et légitime aux yeux des populations, mais souvent
contraire aux valeurs universelles des droits de l’homme. Ces deux appréhensions
diamétralement opposées négligent la dimension réelle de la question de la justice
traditionnelle en RDC et dans le reste de l’Afrique concernant la distribution du pouvoir local
entre des autorités traditionnelles résilientes et des autorités modernes encore en phase
d’affirmation. Finalement, dans leurs projets, les promoteurs de la réforme judiciaire
cherchent à concilier la prise en compte d’une réalité sociologique africaine avec leurs propres
exigences normatives, et ce, dans le cadre de l’appui à une réforme institutionnelle moderne16.

16
Thierry Vircoulon, Réforme de la justice : réalisations, limites et questionnements,

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Le mode de règlement de litige judiciaire est lié dans une large mesure à la nature du groupe
social considéré : clan, tribu, famille, etc. La réforme de la justice en RDC apparaît comme
une nécessité à la recherche d’une stratégie : non une stratégie conceptuelle, mais une
stratégie de mise en œuvre. Cette réforme ne vise pas seulement l’amélioration du
fonctionnement d’un segment important de l’appareil d’État, elle vise aussi et surtout à rendre
réels la démocratisation (séparation effective du pouvoir judiciaire et des deux autres
pouvoirs) terme l’instauration d’un État de droit. La réforme de la justice met en évidence
plusieurs traits structuraux de la RDC post conflit et invite à repenser les réformes de
gouvernance. Parmi ces traits structuraux valables pour l’ensemble de l’Administration
congolaise figurent : l’installation des acteurs judiciaires dans une gouvernance informelle
qu’ils dénoncent tout en en tirant profit ; l’état d’esprit pré démocratique régnant tant du côté
des politiques que des magistrats dans leur ensemble peu soucieux d’une indépendance
véritable ; un opportunisme généralisé et personnel vis-à-vis de toute forme d’aide.

Au sein d’une même société de différences d’application de procédure par le tribunal suprême
qui est celui du roi et par les juridictions de village se trouve accentuée. Dans tous les cas, la
procédure diffère encore selon que le procès est de nature criminelle ou de nature civile.
L’introduction de l’action en justice varie selon qu’il s’agit d’une infraction ou d’un fait
délictuel ou contractuel et aussi selon que le groupe est socialement structuré ou pas. Dans les
sociétés traditionnelles, l’autorité pour rendre justice est parfois le souverain. Son tribunal est
tout simplement le chef du groupement familial qui est entouré de juges, des assesseurs et des
notables.

Les tribunaux coutumiers connaissent les contestations et litiges de toute nature et de toute
espèce (pénales, sociales, fiscales, administratives, économiques, etc.). (Droit coutumier
africain, pages 231 à 286, T. OLAWALE Elias). En République Démocratique du Congo, les
juridictions coutumières sont toujours instituées et organisées par le Décret du 15 avril 19262,
tel que modifié et complété à ce jour. En effet, aux termes de l’article 1 de ce Décret, les
juridictions coutumières régulières sont au nombre de six : le tribunal de chefferie, le
tribunal de collectivité, le tribunal de cité, le tribunal de zone urbaine, le tribunal de zone
rurale et le tribunal de ville. Ces juridictions coutumières sont maintenues jusqu’à
l’installation effective des tribunaux de paix conformément au droit écrit (loi de 2013 sur la
COCJ). Le tribunal de chefferie existe selon la coutume et est reconnu selon le cas par le

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gouverneur de province ou par le Directeur de province. Cette décision précise son caractère
secondaire ou principal. Ce tribunal est compétent sur toute l’étendue de la chefferie ou du
groupement ethnique concerné. Le tribunal de collectivité est créé par le Directeur de
province ou par le maire de la ville. S’il existe des juridictions coutumières au sein des
groupements constitutifs d’une collectivité, ces autorités peuvent les reconnaître sous la
dénomination des tribunaux secondaires de collectivité. Le tribunal de cité est également créé
par ces mêmes autorités, d’après le même décret du 15 avril 1926. Le tribunal de commune
est créé par le maire. Le tribunal du territoire est créé par l’ordonnance du président de la
République ; il en est de même pour le tribunal de ville.

Section 2. La composition des juridictions coutumières

La composition et le ressort des tribunaux de chefferie sont déterminés par la coutume locale.
Quelle que soit la coutume, le chef d’une chefferie est d’office président du tribunal de sa
chefferie, et fait partie des sièges composant les différentes chambres de ces différents
tribunaux.

Les juges des tribunaux de collectivité sont nommés par le Directeur de province. Le chef de
collectivité, qui est une autorité coutumière choisie selon les traditions locales (généralement
par succession héréditaire), est de droit président de ces tribunaux, qui ne peuvent
valablement siéger qu’avec un collège de cinq juges. Cependant, un siège composé de la
moitié de ce nombre est aussi admis comme compétent, valable et régulier, c’est-à-dire d’au
moins trois juges.

Les tribunaux des communes et de cités peuvent valablement siéger par un ou trois juges ou
un président et plusieurs vice-présidents. En cas d’absence du bourgmestre ou son assistant
est d’office président. Quant au tribunal de territoire, il est composé par un président et deux
ou plusieurs assesseurs. Ceux-ci sont assumés parmi les juges coutumiers des tribunaux du
ressort. L’administrateur du territoire est de droit président de ce tribunal. Aucun des
membres faisant partie des tribunaux coutumiers, à tous les niveaux, n’est tenu de prêter au
préalable un serment.

En principe, aucun tribunal coutumier ne peut siéger valablement sans l’assistance du greffier
nommé par le chef de collectivité, par le bourgmestre ou l’administrateur du territoire, par le
maire, ou par l’autorité provinciale administrative pour les tribunaux de cité. Toutefois,

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l’absence du greffier ne sera pas une cause de nullité si le président, les juges ou un des juges
a rédigé le procès-verbal d’audience.

L’article 9 du décret du 15 avril 1926 prévoit qu’en cas d’absence ou d’empêchement du


greffier, le tribunal siège avec le concours d’une personne majeure sachant lire et écrire,
assumée par les juges ou par le président du tribunal. Le ministère public, suivant l’article 11
du décret précité, surveille la composition et les actions de la justice. Il peut introduire, en cas
de décision judiciaire coutumière rendue en violation de la loi, une requête en annulation
devant le tribunal de droit écrit compétent.

Section 3. La compétence des juridictions coutumières

Les tribunaux coutumiers appliquent les coutumes pour autant qu’elles ne soient pas
contraires au droit écrit, à l’ordre public universel et aux bonnes mœurs, aux principes de
l’humanité et de l’équité. Les juridictions coutumières sont donc compétentes pour juger des
contestations entre congolais, à condition que les contestations ne doivent pas être tranchées
par l’application des règles du droit écrit.
Le défendeur se trouve dans le ressort du tribunal conformément à l’article 11 du décret de
1926.

Selon l’article 12 du décret précité, les tribunaux coutumiers sont également compétents (…)
pour les faits qui, tout en ne donnant pas matière à contestation entre personnes privées, sont
réprimés par la coutume ou une loi écrite attribuant expressément la compétence aux
juridictions coutumières. Mais, il faut que le fait ait été commis dans le ressort du tribunal et
que le prévenu s’y soit trouvé.

Les peines maxima varient en fonction du tribunal qui connaît du litige. Ainsi, elles sont d’un
mois pour les tribunaux de chefferie et de collectivité ; deux mois pour les tribunaux de zone
rurale et de cité ; quatre mois pour les tribunaux de ville et de zone urbaine. Les peines
d’amende varient également de mille, deux mille et quatre mille suivant l’ordre de
présentation, la servitude pénale subsidiaire à l’amende allant de quinze à trente jours.

Ces juridictions appliquent indistinctement la confiscation des objets qui ont permis la
commission de l’infraction ou produits par l’infraction s’ils forment la propriété du
condamné. L’art. 24 du décret de 1926 précise que celui qui refuse l’exécution de la

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condamnation ou n’obtempère pas à l’injonction ou à la défense du tribunal peut faire l’objet


d’une « contrainte par corps »13 égale ou inférieure à un mois. Les tribunaux coutumiers ne
rendent pas de jugement par défaut. Tout refus de comparaître peut faire l’objet d’un mandat
d’amener. Le juge coutumier a pouvoir de détenir la personne ayant fait l’objet de mandat
d’amener pour trois jours prorogeables de cinq jours au maximum (Art, 27 du décret de
1926).

Les jugements des tribunaux coutumiers sont susceptibles d’exécution dès leur prononcé. Il
existe cependant des voies de recours : la révision, l’annulation et l’appel.

Le jugement coutumier est attaquable en révision endéans trois mois dès son prononcé.

Il est aussi susceptible d’annulation par le tribunal de grande instance siégeant en matière
d’annulation suite à la requête en annulation du ministère public. La requête peut être
introduite si, aux termes de l’art. 35 du décret de 1926, si :
 le tribunal était irrégulièrement composé ;
 le tribunal était incompétent en la matière ;
 il y a eu violation des formes substantielles ;
 le tribunal a prononcé autre sanction que celle prévue par la coutume ;
 la coutume appliquée est contraire à la loi et à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

La requête en annulation doit être introduite dans les quatre mois du jugement à moins qu’il
n’ait porté sur un fait érigé en infraction par la loi écrite ; dans ce cas l’annulation peut être
prononcée tant que l’action publique n’est pas éteinte par la mort du prévenu ou par la
prescription ; que le jugement n’ait infligé de sanction autres que celles autorisées par le
décret (dans ce cas l’annulation peut être prononcée tant qu’elles n’ont pas été complètement
subies) ; enfin que la coutume dont il a été fait application ne pouvait être appliquée (dans ce
cas l’annulation peut être prononcée tant qu’il y aura utilité de le faire). L’annulation est
prononcée dans les trois mois de la requête.

Le tribunal de grande instance connaît en degré d’appel des jugements rendus en premier
ressort par le tribunal de territoire et le tribunal de ville sur saisine des parties ou du ministère
public dans les trois mois du prononcé du jugement, sous peine de déchéance, par une

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déclaration faite au greffier du tribunal qui a rendu le jugement ou au greffier du tribunal de


grande instance qui doit connaître de l’appel, qui en dresse un acte ad hoc. La faculté
d’interjeter appel appartient, dans les affaires où une sanction pénale a été prononcée, aux
parties prévenues ; à la personne civilement ou coutumièrement responsable ; à la partie lésée
quant à ses intérêts civils seulement ; et dans les autres affaires, aux parties ou, à leur défaut, à
leurs ayants droits.

Ces tribunaux se préoccupent plus de la réparation que de la répression du coupable. Plusieurs


sanctions peuvent être prononcées par ces institutions judicaires, l’on peut citer la mort, les
mutilations, l’esclavage, les travaux forcés, l’écartèlement des jambes. L’arbitrage et la
conciliation sont les modes privilégiés de juridictions coutumières. La justice était liée à la
mentalité des sociétés. D’une part, elle se différenciait difficilement des conceptions
religieuses, notamment de la pensée islamique en Afrique de l’Ouest. D’autre part, cette
justice du chef était plus une justice de conciliation que l’application impersonnelle d’une loi ;
la mentalité traditionnelle africaine ne s’accommode pas du jugement au sens occidental du
terme ; plutôt que de trancher un litige, on préfère utiliser le temps (la palabre) et finalement
trouver une solution équilibrée acceptable par tous, parties intéressées et autres membres du
groupe. En monopolisant l’appareil judiciaire, le pouvoir colonial ne faisait que consacrer la
contradiction totale entre deux univers aux logiques diamétralement opposées.

L’univers traditionnel est un univers où l’avenir est créé par la société elle-même. L’univers
colonial, moderne, est un univers où c’est l’État qui crée par la loi et les codes. La
préoccupation de l’institution judiciaire dans l’univers traditionnel, c’est d’éviter les
déchirures sociales, tandis que celle de la justice inspirée de la France, c’est d’écraser ceux
qui vont contre l’intérêt général, même si ça provoque des déchirures puisque c’est l’État qui
assure l’avenir. Dans l’univers traditionnel, quand survient un problème, il est d’abord débattu
au sein des instances parentales (village, lignage, clan et éventuellement tribu) et, finalement,
on prend la solution qu’on estime la meilleure pour la cohésion et l’avenir du groupe, c’est
la coutume.

Dans le système moderne, l’Etat a déjà pris des décisions, ce sont les codes, et c’est en
fonction de la décision passée qu’on va régler les problèmes du présent. Dans le contexte
colonial, on est dans un système tout à fait abstrait qui rattache le présent au passé, tandis que
dans le cadre traditionnel, le présent engendre l’avenir. Que se passe-t-il alors quand on essaie

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d’introduire la coutume dans les codes ? Elle devient loi et cela supprime la responsabilité du
groupe face aux problèmes de société qu’il réglait en son sein. On devra demander à un
technicien (le juriste spécialisé) quelle loi s’applique. En établissant son emprise sur l’appareil
judiciaire, l’Etat colonial a déresponsabilisé le groupe et c’est d’ailleurs là que se situe
l’opposition fondamentale entre la coutume et la loi. Lorsque les européens sont arrivés, ils
n’ont pas vu tout cela et ils ont cru que la coutume n’était que des lois un peu avortées. Ils se
sont dit qu’ils allaient rédiger par écrit les coutumes pour leur donner plus de force et
consigner par écrit l’institution judiciaire chargée de rendre la justice. Ils n’avaient pas
compris que la force est plutôt dans les individus ; que les déresponsabiliser en mettant par
écrit ce qu’ils ont à faire, donnerait moins d’efficacité à l’action judiciaire, ce qui est une
évidence. Et le processus de la colonisation de la justice africaine par le législateur colonial en
est la parfaite illustration. Les adaptations successives observées dans ce processus n’étaient
en réalité que le reflet, en partie, de l’embarras de l’autorité coloniale face à la résistance
permanente des populations autochtones qui n’adhéraient pas toujours à cette œuvre de «
sabotage » des coutumes locales, coutumes qui, par la magie du verbe judiciaire de l’époque,
étaient transformées en droit coutumier (les universitaires coloniaux et postcoloniaux
parleront plus tard de droit traditionnel).

Le droit coutumier, dans ce cadre colonial policé, était exclusivement réservé à une catégorie
de justiciables clairement identifiée, les indigènes, qui avaient vu leur justice aménagée et
clairement structurée : la justice indigène avec ses tribunaux et son personnel judiciaire, les
juges coutumiers. Ce droit coutumier, applicable dans ces tribunaux indigènes, se caractérise
par son oralité, donc son instabilité structurelle. C’est un droit inférieur que le législateur
colonial, par les autorités judiciaires interposées, devait progressivement élever au rang
supérieur de droit commun (comme un), copié sur celui de la métropole et donc seul
susceptible de civiliser les indigènes. Mais cette justice coloniale est de même nature que le
droit colonial qu’elle est appelée à promouvoir ; elle est d’origine étrangère, extérieure à la
société indigène et d’ailleurs reçue comme telle par les « justiciables » indigènes eux-mêmes
qui, pour la plupart, fuyaient ces juridictions dont les procédures et les sanctions comportaient
des concepts non seulement différents, mais surtout bien éloignés de leur mentalité juridique.

La justice coloniale est autoritaire, centralisée, inégalitaire et hiérarchisée. Elle est enfin
imposée d’en haut par le pouvoir colonial et ce ne sont pas les quelques assesseurs indigènes
associés progressivement à son fonctionnement qui devaient changer cette vision. La

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reconnaissance officielle du pluralisme judiciaire en écho au pluralisme juridique se faisait sur


une base inégalitaire quand on sait que les tribunaux indigènes ne constituaient qu’une justice
d’exception par rapport à la justice de droit commun exercée par les tribunaux français
statuant selon les codes et la législation coloniale français. Ce que l’on observe surtout ici,
c’est non seulement la survivance du lien entre pouvoir politique et justice, mais encore la
subordination de celle-ci au pouvoir colonial.

En effet, « malgré l’étendue de leurs ressorts et le nombre de leurs justiciables potentiels, ces
juridictions indigènes étaient étroitement subordonnées au système judiciaire français, et plus
encore à l’administration coloniale. Les tribunaux étaient non seulement présidés par des
administrateurs coloniaux, mais les assesseurs étaient choisis sur des listes de notables
établies par les gouverneurs des différents territoires ». Ces assesseurs ne pouvaient être
choisis que sur proposition des chefs traditionnels qui, eux-mêmes, étaient déjà inféodés au
pouvoir colonial. Et lorsqu’on connaît la politique générale menée à l’égard des chefferies
traditionnelles, on ne peut que douter de la réelle indépendance de ces assesseurs vis-à-vis de
ce pouvoir. Le moins que l’on puisse affirmer, c’est que ces juridictions indigènes avaient été
instituées pour être au service des intérêts coloniaux.

C’est de cette conception que découlent d’ailleurs les choix irrationnels d’une colonisation
judiciaire dont l’inventaire n’est pas totalement achevé. Et exercer le droit d’inventaire, c’est
aussi et surtout, pour l’historien du droit, mettre en relief les quelques tendances lourdes de
cet héritage qui influencent encore considérablement la vision institutionnelle des Africains.
Mais pour bien saisir la dimension de l’héritage de la justice coloniale en Afrique, il faut
partir de la logique qui justifie structurellement l’institution en Europe. C’est peut-être là que
l’on peut comprendre les véritables enjeux de cette institution indispensable à la construction
de l’État de droit tant proclamé par les uns et sans cesse souhaité par les autres17.

Dans l’esprit du magistrat colonial européen, la coutume par exemple n’est que l’envers de la
loi, il ne s’agit que de pratiques non écrites, incertaines, dépourvues de toute rationalité et qui
ne peuvent donc pas s’adapter aux innovations souhaitées. Voilà pourquoi les coutumes

17
J. John-Nambo, Quelques héritages de la Justice coloniale en Afrique noire. 2. Jean CHABAS, « La justice indigène en Afrique
occidentale française », Annales africaines, 1954, p. 101. 3. Jacques POUMARÈDE, « Exploitation coloniale et droits traditionnels », in
Pouvoirs publics et développement en Afrique, Toulouse, éd. de l’Université des sciences sociales, 1992, p. 141-147 (p. 114). 4. Robert
CORNEVIN, « L’évolution des chefferies dans l’Afrique noire d’expression française », Recueil Penant, 1961, p. 385.

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africaines n’étaient pas considérées comme des droits originaux, mais comme de simple pré
droit qui devaient, par une sorte d’évolution naturelle ou suggérée, devenir de véritables droits
comme ceux de l’Occident. Et en cela les coutumiers juridiques, rédigés par des auteurs
coloniaux, n’ont pas beaucoup aidé à la compréhension de ces coutumes dans un milieu où le
culte des codes et de la loi de l’État tout puissant n’accorde que peu de place aux droits
traditionnels africains, originaux ou islamisés.

La jurisprudence des tribunaux indigènes n’est pas en reste. Les décisions des tribunaux
coutumiers n’étaient pas seulement, comme l’affirme Dominique Sarr, « une sorte de
compromis entre les coutumes ancestrales, certains principes français et les préceptes
coraniques », elles ne constituaient que de simples aménagements, au mieux des concessions
faites par le législateur colonial aux coutumes. Bref, le juge colonial qui n’était que le produit
de son époque ne pouvait que travailler avec les outils de son temps en se situant dans la
logique du contexte dans lequel il évoluait.

Quant à sa légitimité, elle renvoie à la double question de sa reconnaissance et de son


acceptation, sinon par tous les habitants de la colonie, du moins par la majorité des
justiciables constitués par les indigènes. Le juge colonial était-il légitime aux yeux de ces
derniers ? Rien ne permet en tout cas de répondre positivement à cette question. Ce que l’on
sait, c’est que les justiciables indigènes se détournaient souvent de ces juridictions dont les
règles procédurales et les sanctions comportaient des concepts différents bien éloignés de leur
conception du monde et de la vie.

Les archives rapportent les propos d’un administrateur colonial qui constatait avec prudence :
« À mesure que l’œuvre de colonisation se développait, les coloniaux s’apercevaient sur place
que ces différences étaient plus profondes et plus résistantes qu’ils ne le pensaient ; que les
institutions et les coutumes des groupements indigènes n’étaient nullement informelles, qu’ils
y tenaient comme au plus précieux de leurs biens et qu’on risquait, en y apportant des
changements trop brusques, de les désorganiser, de les démoraliser, en un mot d’aller à
l’encontre du but qu’on visait». Ceci explique d’ailleurs en partie le changement de stratégie
de l’administration coloniale vis-à-vis des coutumes indigènes, qui va désormais passer de
l’abolition absolue à la tolérance relative. Il s’agissait de créer une justice indigène sous
contrôle colonial. Mais la création par le législateur colonial des tribunaux coutumiers lui a

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surtout permis de consolider la scission entre des communautés relevant pourtant du même
univers traditionnel.

A côté des catégories sociales préexistantes (citoyens et indigènes), on a créé des justiciables
« évolués » soumis aux principes du droit commun belge et des justiciables indigènes qui,
eux, relèvent du droit coutumier en évolution. Cette nouvelle orientation conceptuelle va
dominer toute l’organisation de la justice indigène ainsi mise en place, mais ne changera pas
fondamentalement l’esprit de l’époque.

Dans une circulaire sur la justice traditionnelle datée de 1913, le gouverneur général Ponty, de
Dakar, constate : « La coutume, produit naturel et immédiat de rapports sociaux, est
l’expression unanime de la volonté des populations, de leur volonté vraie et profonde, celle
qui se manifeste par des actes répétés. Elle est le suffrage universel des actes sociaux ; grâce à
elle, les intéressés se font eux-mêmes leur droit. »

Par ailleurs, le processus colonial appliqué à la justice était surtout matérialisé par
l’introduction progressive de principes qui allaient à l’encontre de ceux de la justice
traditionnelle : la séparation des pouvoirs et l’idéal du juge serviteur exclusif de la règle,
idéal en vertu duquel la justice consiste moins à concilier qu’à appliquer à une situation
particulière une règle générale préétablie par la loi qui prime la jurisprudence. Ces
touches institutionnelles cachaient mal, en réalité, un enjeu fondamental. À travers la création
d’une justice dite indigène, l’autorité coloniale transfusait consciemment ou inconsciemment
une certaine représentation juridico-judiciaire qui se moule dans la trame judéo-chrétienne et
qui est dominée par la neutralité et l’impartialité, les deux piliers de la « bonne justice » dans
l’idéologie occidentale. Pour bien comprendre ce qui se jouait alors dans cet espace-temps
colonial, il faut par conséquent creuser davantage ces deux concepts fondamentaux qui
déterminent en réalité la fonctionnalité de la conception de la justice qu’on tentait de
transposer en Afrique et qui restent encore en vigueur aujourd’hui. Que signifie en effet cette
(requête permanente de la) neutralité du juge ?

En transposant la neutralité dans la structure judiciaire indigène, on transposait ipso facto la


conception européenne du droit, un droit qui, lui aussi, doit autant que possible être neutre.
D’où le juge et le droit tirent-ils cette double neutralité ? Celle-ci est fondée sur une certaine

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conception religieuse du monde à travers la représentation de Dieu dans le volume de la


Sainte Loi (la Bible).

Gérard Timsit en explore parfaitement les implications quand il écrit : « Quand les hommes
ont remplacé Dieu par l’État, ils n’ont cependant pas, renonçant à Dieu, renoncé à la
conception d’une loi qui fût la Parole de Dieu, d’un dieu laïcisé certes, mais qui restât dans la
position suprême […], et omnipotent et omniscient et souverain. […] Il n’y a que Dieu – et
l’État substitué à Dieu dans ses attributs… – qui puisse modérer, de sa propre volonté,
l’exercice de sa propre puissance… De telles prémisses résultent nécessairement du
monologisme du système normatif, l’existence d’une logique unique, unitaire, verticale et
hiérarchique à l’œuvre au sein des systèmes normatifs. » Donc, quand les Occidentaux ont
substitué l’Etat à Dieu (dans ses attributs du moins) après l’avoir renvoyé au ciel d’où il
entend tout et voit tout, ils n’ont pas changé pour autant la structure de la pensée qui est restée
intacte.

Dans leur univers mental, la figure occidentale du juge s’inscrit dans la représentation d’un
Dieu créant à partir du néant et par la force de sa parole un monde qu’il nomme, donc qu’il
s’approprie. Et le droit, comme la justice, est conçu à l’image du Dieu unique et extérieur à
sa créature, voilà pourquoi, comme le juge, il a toujours besoin de cette neutralité qui fait sa
force et légitime en quelque sorte son autorité. C’est justement parce que le juge est
ontologiquement neutre et impartial, donc extérieur ou étranger aux justiciables, qu’il garantit
mieux l’égalité des parties devant la loi. Nous trouvons ici l’origine de ce principe tant
proclamé (en réalité réclamé) de nos jours dans tous les États de droit réels ou supposés :
l’indépendance de la justice. Mais le juge neutre n’est pas seulement étranger ou extérieur, il
est également supérieur aux parties qui s’affrontent devant lui. La supériorité du juge n’est pas
que dans les esprits, elle est en permanence mise en évidence à travers le décorum de
l’institution judiciaire elle-même et le costume judiciaire participe de la même symbolique. Et
cette supériorité, dans le registre de la justice, doit constamment être rappelée par le rituel de
l’institution.

Enfin, le Dieu est « omniscient et omnipotent », et le juge qui l’incarne ici, en mettant en
œuvre les principes de qualification des faits au regard de la loi, s’approprie le monde, tout au
moins le champ du conflit et son règlement. Il est donc bien le gardien de la paix, cette paix si
indispensable à l’autorité coloniale. C’est l’ensemble de ces représentations qui constitue la

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logique du système judiciaire occidental que le pouvoir colonial a institué en Afrique. Ces
représentations sont profondément ancrées dans la conception occidentale de la justice et le
juriste africain les a tellement intériorisées que bien stupide serait celui qui prétendrait s’en
émanciper. Seulement est-on sûr que cette logique a aussi été transposée en même temps que
l’institution judiciaire ?

L’organisation et le fonctionnement actuel de la justice en Afrique, tels que légués par la


colonisation, ne permettent pas de répondre par l’affirmative. Depuis la colonisation
jusqu’aux indépendances africaines, la justice a toujours été une institution au service de
l’État quand elle n’a pas purement et simplement été le reflet de l’État lui-même.

Partant de la perspective de Romano18, le droit est plus qu’un ensemble de normes, ses
références étant les notions d’organisation et de structure. Il est donc institution, c’est-à-dire
ordre juridique. Et puisqu’il « habite » tout corps social, l’ordre juridique étatique n’est
qu’une entité parmi d’autres.
Dans le cas des sociétés de l’Afrique noire, même si on doit y noter des nuances et des
différences locales propres à la diversité historique du continent, les ordres extra étatiques se
présentent de telle façon qu’il n’est pas possible de les ignorer. Évidemment, il est plus facile
et simple d’avoir un modèle théorique, sorte de « prêt-à-porter », que l’on pose comme étant
seul et vrai, quitte précisément à effacer la multiplicité des ordres juridiques et les reléguer à
un rôle secondaire, ou à imposer un ordre juridique étatique comme hégémonique alors que
ses assises sociales sont faibles. Cela serait dû particulièrement aux problèmes que soulève la
formation d’un État « moderne » africain depuis les indépendances, au poids de l’héritage
colonial et au manque d’articulation entre les différents ordres juridiques.

Section 4. La place du droit coutumier dans la formation des états africains selon Daniel
dos Santos

Lorsqu’une démarche qui ignore ce que Romano nomme la relevance, à savoir si un ordre
tient ou non compte de l’existence d’un autre, aboutit aux applications politiques, elle
engendre une fausse idée d’homogénéisation et d’uniformisation comme conditions de la
stabilité et de l’harmonie autant des États que des sociétés19. Or la pluralité culturelle, la
diversité ethnique, c’est-à-dire de nations, ainsi que le pluralisme des ordres juridiques des

18
Santi Romano, supra note1
19
Santi Romano, pp.65-66, 106 et s.

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sociétés africaines actuelles ne sont pas disparues, ni avec les modèles coloniaux de
domination ni avec ceux de la formation d’un État « moderne », soit-il celui d’un État nation
africain ou d’un État « comprador ». Tous ces trois modèles ont en commun le fait qu’ils se
réfèrent à la constitution d’un ordre dominant et hégémonique – l’État – et à la soumission,
l’assujettissement ou la disparition des ordres extra étatiques.

La réception du droit et des systèmes judiciaires européens, héritage historique incontestable


de la période coloniale et impliquant son acceptation ou son refus ; l’intégration ou la
marginalisation des droits coutumiers, des droits populaires ou traditionnels africains ; la
création et le maintien de systèmes juridiques et judiciaires parallèles ; la tentative
d’institutionnalisation de l’hégémonie d’un droit étatique ou encore la subordination des
autres à celui-ci. En voilà quelques-unes des questions qui doivent interpeller la façon dont les
formations sociales africaines ont été envisagées dans le passé, et nous encourager à jeter un
regard nouveau sur les sociétés et sur l’État africain.

La contribution des chercheurs occidentaux, en particulier Européens (ne serait-ce que par le
fait colonial), à la connaissance et à la compréhension des droits africains ou des ordres
juridiques africains, n’est pas négligeable. Bien sûr, ces recherches ont souvent été entachées
par une perspective ethnocentrique. D’autres fois elles obéissaient à des besoins pratiques ou
à des exigences politiques et administratives coloniales. Cependant, ces travaux ont aussi été
pendant longtemps les seuls qui nous permettaient de débattre sur l’existence d’ordres
juridiques autres que celui étatique, sur le pluralisme juridique et social, et surtout de remettre
en cause une tendance impériale à l’homogénéisation et à l’uniformisation du monde sous
prétexte de rationalisation et d’universalité.

Le débat qui fait rage aujourd’hui entre universalistes et relativistes n’est pas nouveau.
Toutefois, on n’y gagne pas grande chose si l’on se fige sur des positions extrêmes,
l’égalitarisme absolu par rapport au nihilisme outrageant. Plus on s’enfonce dans la logique
du mouvement de la mondialisation/globalisation, plus ces positions se radicalisent.

D’une part on cherche à tout prix à imposer un « modèle » comme unique et vrai, fondé sur
l’État (démocratie représentative), le marché libre (suppression des contrôles) et les droits de
la personne (normatifs et formels). D’autre part, les sociétés civiles réagissent localement, non
pas uniquement par un repli vers le « traditionnel » mais aussi par la quête de valeurs de

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partage, de solidarité et identitaires, leur permettant de bâtir des institutions qui correspondent
mieux à leurs besoins.

En ce qui concerne l’Afrique noire, nous prétendons que cette dernière réaction vers le local
sera d’autant plus forte que « l’État africain » se révèle en fait extérieur à la fragmentation et à
la diversité qui caractérise les sociétés africaines. Il s’agit là d’une réalité qui précède l’État
africain « indépendant », qui remonte aux temps pré-coloniaux et non pas une fiction post-
moderne. Tant et aussi longtemps que les « élites dirigeantes » africaines auront le dos tourné
à leurs sociétés civiles, la synthèse de l’articulation des ordres hérités des périodes pré-
coloniale et coloniale, si nécessaire à la concrétisation de formations sociales plus ou moins
achevées, n’aura pas lieu. Elle est encore plus nécessaire lorsqu’on se penche sur le niveau de
développement de l’Afrique – pas la croissance économique mais la production de la richesse
sociale et sa répartition – à une époque où l’on constate « l’expansion globale du pouvoir
judiciaire » de l’État et son intervention accrue dans le domaine du politique.20

De nos jours, les sciences sociales font face, en Afrique noire, à un défi de taille, celui de
réussir à construire une approche conceptuelle, épistémologique et théorique, méthodologique
et appliquée, capable de réaliser cette synthèse historique. En vue de cette tâche, il nous
semble important d’aborder la formation des États africains non pas comme s’ils étaient ou
devraient être la reproduction des États nations occidentaux, mais plutôt comme des corps
sociaux concrets, des institutions historiquement et socialement constituées, fondées sur des
ordres juridiques propres à leurs sociétés. Cela est aussi, croyons-nous, la condition de
dépassement d’un État africain tronqué ou extérieur, au moment même où l’on doute
sérieusement qu’il existe, tant ses fondements sociaux locaux sont fragiles.

Le droit africain ne peut plus être « traditionnel » ni « moderne ». Il est droit africain tout
simplement. Et puisque tout corps social « est porteur de droit », il ne se réduit pas à un ordre
juridique, mais se réfère à un ensemble de rapports entre les ordres juridiques, la relevance
selon Santi Romano, comprenant des principes, des directives, des normes et des sanctions. Il
faut néanmoins remarquer, même si on y trouve généralement ces deux dernières catégories,
que l’existence de normes et de sanctions ne constitue pas un mode exclusif de
reconnaissance d’un ordre juridique. Certaines directives ou normes ne sont pas

20
Voir C. Neal Tate et Torbjörn Vallinder (eds.), The Global Expansion of Judicial Power, New York, New York University Press, 1995

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accompagnées de sanctions. Face à l’absence de normes, les décisions des cours, en tant que
pouvoir et entité, assument ce rôle de création.

Dans le passé, la plupart des chercheurs, qui ont étudié le droit et les structures juridiques en
Afrique noire, ont mené leurs recherches dans une perspective ethnocentrique, en utilisant un
vocabulaire et une terminologie propres à leurs cultures et à leurs expériences de vie. Cette
attitude a souvent limité la portée de ces travaux et de leurs résultats aussi bien que la
compréhension des objets étudiés. Ainsi va-t-il de certaines pratiques et de rapports sociaux
africains, différents, qualifiés de « primitifs » ou de « sauvages ». Les politiques coloniales
découlant de ces recherches étaient généralement construites selon la perception européenne
de la vie des indigènes et les exigences économiques et politiques de la métropole, partant
donc de valeurs et de références culturelles extérieures aux sociétés africaines, et de la
croyance de la supériorité, à tous les égards, de la civilisation européenne : Le colonialisme
porte en lui la terreur. Il est vrai. Mais il porte aussi en lui, plus néfaste encore peut-être que
la chicotte des exploiteurs, le mépris de l’homme, la haine de l’homme, bref le racisme. Que
l’on s’y prenne comme on le voudra, on arrive toujours à la même conclusion. Il n’y a pas de
colonialisme sans racisme.21

D’où la dualité assignée à l’espace public juridique colonial et à la suprématie de l’ordre


juridique étatique. Cette double qualité du régime juridique colonial assurait le rôle attribué à
la justice et au droit coutumiers pendant cette période, et cela en dépit des variantes du
modèle, selon la puissance colonisatrice : renforcer la notion de tribu et le pouvoir des
chefs ethniques (coutumiers) et la résolution des conflits exclusivement indigènes. Plus tard,
au XXe siècle22, on commencera à utiliser les termes traditionnel et culturel pour désigner ces
pratiques différentes et en trouver des explications, même si on a toujours une certaine
difficulté à admettre qu’elles ont des caractéristiques propres des systèmes culturels et des
formes d’organisation sociales spécifiques, qui ne se comparent pas, certainement pas en
termes de gradation hiérarchique, aux cultures et aux sociétés d’ailleurs.

21
Aimé Césaire cité par Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, De l’indigène à l’immigré, Paris, La Découverte/Gallimard, 1998, contre
couverture.
22
Max Gluckman, African Traditional Law in Historical Perspective, London, London University Press, 1947; E. T. Olawale, The Nature of
African Customary Law, Manchester. Manchester University Press, 1956; M. Alliot, « Les résistances traditionnelles au droit moderne dans
les États d’Afrique francophone et malgache », Jean Poirier, Études de droit africain et de droit malgache, Paris, Éditions Cujas, 1965,
pp.235-256; A. N. Allot, New Essaysin African Law, London, Butterworth, 1970 and Integration of Customary and Modern Legal Systems in
Africa, New York/Ife-Ife, Africana Pub. Corp./University of Ife Press, 1971; S. Diamond, « The Rule of Law versus The Rule of Custom »,
D. Black and M. Mileski (eds.) The Social Organization of Law, London, Seminar Press, 1973, pp.318-344; Francis G. Snyder, « Quelques
réflexions sur le pluralisme juridique en Afrique, en Afrique du Nord et en Asie de l’Ouest », Développement et société, Montréal, École de
criminologie/Université de Montréal, 1975, pp. 186-208; A. N. Allot and G. R. Woodman (eds.), People’s Law and State Law : The Bellagio
Papers, Dordrecht, Foris Pub., 1985; I. Sinitsina, « African Legal Tradition », Journal of African Law, v. 31, n.1-2, 1988,pp.43-48.

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Notons que c’est déjà une amélioration remarquable par rapport au XIXe siècle, car cela
représente une forme de reconnaissance, que toute société a des valeurs et des traditions qui
lui sont propres, même si on n’est pas encore rendu à l’acceptation du pluralisme juridique.
Cependant, le problème de savoir quelle importance leur accorder et comment les cataloguer
et les situer, autant par rapport aux structures et aux institutions spécifiques à ces sociétés
(point de vue interne) que par rapport aux autres sociétés (point de vue externe), demeure un
débat ouvert.

À travers une nouvelle lecture de l’histoire de l’Afrique noire, on peut se rendre compte de
l’existence d’institutions locales qui traversent des périodes successives, généralement
transmises au moyen des traditions orales et des coutumes, avec des caractéristiques et des
dimensions particulières qui en font des ensembles de dispositions sociales cohérentes,
servant de guide aux rapports sociaux. Ajoutons que ces dispositions –principes, règles,
directives, assemblées - ne sont pas forcément édictées par une autorité politique. Et ceci est
aussi valable lorsqu’elles revêtent un caractère juridique. Malgré le fait que cette réalité soit
arrivée à notre époque, et que personne n’ose nier qu’elle est concrète, les chercheurs et les
politiciens autant à l’extérieur qu’en Afrique même semblent obstinés à l’ignorer ou du moins
à l’attribuer une place très secondaire. Rarement ces réalités dépassent la curiosité
muséologique ou folklorique pour être intégrées à l’étude et à l’analyse prospective sur la
condition actuelle des « États » africains et sur l’avenir de ces sociétés.

Selon la tradition paradigmatique positiviste légaliste, le droit (lawyers law) se limite aux
normes, aux procédures et aux institutions qui interagissent à l’intérieur d’un espace
sociopolitique déterminé et légitimé par l’État, ses appareils et ses représentants. Le droit
n’existe que lorsque légitimé par des normes juridiques étatiques. C’est cette perspective, et le
modèle qui en dérive, que les États d’Afrique noire issus de la décolonisation se sont
empressés d’adopter. À première vue, il s’agissait d’une étape importante de leur émergence,
mais surtout de leur reconnaissance par la communauté des États, ce qui n’est pas sans poser
des problèmes fondamentaux quant à sa légitimité, celle-ci se situant alors à l’extérieur des
sociétés africaines.

Dans le contexte de la conjoncture mondiale, un tel choix signifie que les groupes dirigeants
africains ont opté pour la continuité de la dualité juridique coloniale et pour le maintien de ses

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bras armés, comme moyen d’assurer leur pouvoir sur l’ensemble de leurs sociétés. Il faut
toutefois ajouter que le pouvoir politique n’est pas fort parce qu’un État existe - sous-entendu
comme force - mais plutôt parce que la source de sa légitimité se trouve dans la constitution
d’assises sociales internes. Comme contrepartie à la reconnaissance officielle d’ordres
juridiques extra étatiques, par exemple la justice et le droit coutumiers, le système dualiste
servait un propos et un dessein colonial qui exigeaient que ces ordres juridiques se soumettent
à l’hégémonie de l’ordre de l’État.

Travail pratique

Identifiez les juridictions coutumières dans votre milieu et analysez certaines décisions
rendues par ces juridictions (minimum 10 jugements).

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CHAPITRE IV. GENRE, SOCIETE ET DEVELOPPEMENT

Section 1. La théorie du genre

§1. La notion du genre est différente de celle du sexe

Le « sexe » est l’ensemble des caractéristiques biologiques, héréditaires et génétiques qui


organisent les individus en deux catégories : mâle et femelle. La différence des sexes, si elle
procède d’une « nécessité biologique », est aussi un principe universel d’organisation sociale.
Dans la majorité des sociétés, l’appartenance sociale de genre (le genre) d’un individu est
définie par son appartenance biologique de sexe (le sexe). Il existe cependant une différence
entre genre et sexe : le sexe fait référence aux différences anatomiques et biologiques entre
hommes et femmes, mâles et femelles, alors que le genre renvoie à la classification sociale et
culturelle entre masculin et féminin23. Ainsi, lorsqu’on parle du sexe, il s’agit du sexe
biologique. Ce qui différencie au niveau biologique le mâle de la femelle (chromosomes,
anatomie). Lorsqu’on parle de genre, on parle du sexe social, construit socialement par la
socialisation, et qui induit certains comportements ou certaines attitudes.

L’usage du mot « sexe » suggère implicitement une explication plutôt naturaliste des
différences entre les sexes (et des rapports entre les sexes), il vise à imputer des différences
sociales historiquement instituées à une nature biologique fonctionnant comme une essence
d’où se déduisent implacablement tous les actes de l’existence. Mais le terme de genre se
réfère aux différences sociales et aux relations sociales entre les hommes et les femmes.
Celles-ci sont apprises et varient considérablement d’une société, d’une culture et d’une
époque à l’autre. Il ne saurait remplacer celui de sexe, qui se rapporte exclusivement aux
différences biologiques entre hommes et femmes. Les données statistiques, par exemple, sont
ventilées par sexe, tandis que l’analyse des rôles, des responsabilités, des contraintes, des
chances et des besoins des hommes et des femmes dans tous les domaines, et dans un contexte
social donné, fait appel au genre.

Le concept genre sous-entend que le rapport entre femmes et hommes est construit par
l’ensemble du processus de socialisation. Pour reprendre Simone de Beauvoir on ne naît pas
femme, on le devient, de même on ne naît pas homme, mais on le devient par l’ensemble du
processus de socialisation familial, scolaire, professionnel… Le genre permet d’analyser les
23
Ann Oakley, Sex, gender and society, 1972

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choses en mettant en évidence que les rapports entre femmes et hommes sont des rapports
sociaux, ils sont le fruit d’une construction sociale, ils ne sont pas « naturels ». Ainsi, les
différences systématiques entre femmes et hommes ne sont-elles pas le produit d’un
déterminisme biologique, mais bien d’une construction sociale.24 Il renvoie donc à un
fondement de l’organisation sociale qui fait référence aux spécificités sociales des individus
(hommes et femmes, filles et garçons) dans leur communauté et dans leur culture en fonction
de leur sexe. Les relations entre hommes et femmes et leur position sociale font l’objet d’un
ensemble de règles et de pratiques qui instituent les relations de genre. On trouve en effet,
dans chaque société, des règles, implicites et explicites, qui régissent le rôle et le statut de
chacun de ses membres selon son sexe. Ces règles déterminent ce qui est acceptable,
convenable et approprié pour chacun, selon qu’il est de sexe féminin ou masculin. On apprend
en communauté à être un homme ou une femme, avec les droits et devoirs propres à son sexe.

Ainsi, l’approche à travers un seul mot « genre » suppose de considérer ensemble deux termes
(hommes et femmes, masculin et féminin) qui font système mais qui ne sont ni égaux ni
symétriques, car ils relèvent d’un rapport de hiérarchie et de domination. L’intérêt de cette
démarche est de saisir simultanément les différents niveaux où se joue la différence (sexualité,
famille, droit, langage, etc.) dans leurs interactions. Cette approche débouche concrètement
sur la mise en œuvre au niveau international, sous-régional, national, local (collectivités
territoriales) des politiques et des actions transversales (ou intégrées) visant l’égalité des
femmes et des hommes. Elle considère que parallèlement au sexe biologique, anatomique, qui
est inné, il existe un sexe socialement construit, fondé sur des rôles sociaux différenciés, des
stéréotypes…

Les rôles liés au genre sont des comportements appris au sein d’une société, d’une
communauté ou d’un groupe social. Ils conditionnent les activités, les tâches et les
responsabilités de chaque sexe, et sont perçus comme masculins ou féminins. Ils sont
subordonnés à l’âge, à la catégorie sociale, à la race, à l’appartenance ethnique et religieuse,
ainsi qu’à l’environnement géographique, économique et politique25. Ces rôles sont cependant
en constante évolution, car ce qui était attribué il y a un demi-siècle à un sexe, n’est plus
forcément valable aujourd’hui.

24
Véronique Ducre et Nadia Lamamra, Pour intégrer le genre dans la formation professionnelle, Un guide à l’usage des formateurs et
formatrices, ISPFP, Lausanne, novembre 2005
25
http://unesdoc.unesco.org

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Globalement, la distribution selon le genre des activités économiques et sociales met en


évidence une asymétrie fondamentale. Les femmes assument l’essentiel des activités, peu ou
pas rémunérées et faiblement reconnues socialement, de reproduction sociale, de production
de biens et de services à petite échelle ou pour de faibles revenus, et à l’échelle collective, les
« activités communautaires de base », liées à leur rôle stratégique dans la gestion de la « vie
quotidienne ». Le cumul de ces trois rôles représente une contribution considérable des
femmes à la vie sociale, et paradoxalement, souvent un frein à leur liberté et à leur
indépendance.

§2. Le triple rôle des femmes

a. Le rôle de reproduction et de reproduction sociale

Le travail reproductif comprend les activités liées à la reproduction biologique : faire des
enfants, s’occuper de la famille et prendre en charge toutes les tâches d’éducation,
d’alimentation et de santé.
La notion de « reproduction sociale » est à distinguer de la notion de reproduction biologique.
Elle désigne notamment les services liés à l’« entretien » de la force de travail : soins aux
enfants et aux personnes âgées, cuisine et ménage destinés à la famille. Contrairement à
l’entretien du capital considéré comme économique, l’entretien de la force de travail est
majoritairement féminin et exclu du calcul économique, ainsi que du système de comptabilité
nationale standard des nations unies. Comme il regroupe des services qui bénéficient à la
collectivité, on dit qu’il produit des externalités positives.

Le travail reproductif, qui est pourtant à la base du travail productif, n’est jamais pris en
compte dans le calcul des coûts de production. Les femmes ne reçoivent aucun salaire pour le
réaliser alors qu’il est essentiel. Pour percevoir un salaire et être reconnues et valorisées
comme travailleuses, les femmes doivent réaliser un travail productif hors du foyer. Celui-ci
s’ajoute aux tâches reproductives et communautaires, créant ainsi un volume de travail
énorme.

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b. Le rôle de production.

Le travail productif comprend les activités générant des revenus financiers, des biens ou des
services. Ces bénéfices sont utilisés pour la consommation propre, familiale ou réinjectés dans
un commerce.
Dans la majorité des sociétés, la construction du genre identifie les activités à charge des
femmes comme « complémentaires » car elles ne représentent pas la principale source de
revenus
Le fait que les tâches domestiques soient systématiquement non rémunérées implique une
dépendance monétaire au moins partielle des femmes vis-à-vis de la famille, ou de la
communauté.

c. Le rôle de production communautaire

Le travail communautaire regroupe toutes les activités qui se réalisent dans la communauté. Il
permet d’assurer la défense et l’amélioration des conditions de vie, ainsi que l’organisation
communautaire. La femme y joue un rôle prépondérant qui l’oblige notamment à donner sa
contribution à la bonne réalisation de cette structure communautaire. Ainsi, dans des activités
communautaires, les femmes doivent être largement impliqués et doivent ainsi produire un
certain nombre de service que la société leur assigne.

§3. Considérations préliminaires sur le genre

a. Définition du genre

Le genre (issu de l’anglais gender) est un concept sociologique, utilisé dans une acception
différente de la grammaire. Il se traduit en français par : « rapports sociaux des sexes » ou
encore rapports socialement et culturellement construits entre femmes et hommes. Le genre
est une notion qui fait référence à une construction politique et sociale de la différence des
sexes. Il est interactif et transversal, il opère dans toutes les sphères de la société.

Pour la sociologue Patricia Roux, « le genre montre la division du monde en deux catégories
(hommes et femmes) et souligne le rapport hiérarchique qui existe entre ces deux catégories ».
Le genre est un concept, un outil d’analyse, mis sur pied et utilisé surtout en sciences

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humaines. C’est un concept transversal qui peut être utilisé en sociologie pour réfléchir aux
rapports sociaux entre femmes et hommes, entre femmes, mais aussi entre hommes, et
également dans des domaines considérés comme plus « neutres », l’économie ou la recherche
médicale.

Le genre est un système de bi-catégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et


entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin). De ce fait nous
pouvons retenir que le concept genre définit un ensemble de croyances, d’attitudes, de
sentiments, de valeurs, de comportements permettant de différencier les hommes des femmes,
à travers un processus historique de construction sociale qui se joue à différents niveaux :
l’Etat, le marché du travail, les écoles, les médias, la loi, la famille, et à travers les relations
interpersonnelles.

Ce processus suppose la hiérarchisation de ces croyances, de telle manière qu’on attribue


généralement une valeur majeure à celles qui se définissent comme du sexe masculin26. Il
implique la production d’une frontière entre deux catégories de sexe, entre féminin et
masculin et cette dualisation est en elle-même oppressive et permet d’énoncer clairement, et
donc de mieux concevoir, une réalité ancrée dans la dimension symbolique de la vie sociale.

A travers les représentations sociales du féminin et du masculin, se jouent une hiérarchisation


et des rapports de pouvoir. Ainsi les relations de genre « structurent » les sociétés à travers le
monde. Les relations de genre sont dynamiques et non pas fixes, elles sont variables et
peuvent se transformer, évoluer, s’inscrire dans le changement social. Toutefois, les
catégories « hommes » ou « femmes » ne sont pas homogènes, elles sont traversées par de
nombreuses différences notamment celles de classe sociale, d’« ethnie », d’âge. Ce qui
débouche sur l’intersectionalité des facteurs. De ce fait la notion de genre permet de rendre
compte de quatre dimensions : construction sociale, approche relationnelle, rapport de pouvoir
et intersectionalité.

26
Lourdes Beneria, 1987 :46, citée par Maria Teresa Caramés Garcia, 2004: 47 « Processus de socialisation
en sciences de la santé ».

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b. Evolution du concept genre

Le mot genre est entré dans le vocabulaire de la sociologie Francophone pour désigner ce qui
relève de la différenciation sociale entre les deux sexes. Il a l’avantage, sur le mot sexe, de
souligner la nécessité de séparer les différences sociales des différences biologiques. Les rôles
sexuels étaient traditionnellement conçus comme résultat d’une division naturelle du travail
qui assignait aux femmes les responsabilités domestiques et d’élevage des enfants. Pour les
sociologues d’orientation féministe, la division sexuelle des tâches, loin d’être la conséquence
naturelle de différences biologiques, elle a été construite et maintenue par la société.

La théorie féministe met au centre de ses préoccupations la distribution du pouvoir et des


ressources entre hommes et femmes et les images et symboles associés aux deux sexes et à
leurs relations. Elle met en question la séparation entre famille et travail ou entre domaine
privé et domaine public qui fonda l’approche structuro-fonctionnaliste des rôles sexuels. Elle
considère le genre comme une dimension fondamentale de toute organisation, au même titre
que la classe, et comme une catégorie construite socialement aussi bien sur le lieu de travail,
dans la famille, à l’école que dans les sphères économiques, politiques et culturelles27.

Le “genre” se réfère aux rôles et responsabilités des femmes et des hommes que construit la
société au sein d’une culture ou dans un espace donné. Ces rôles subissent l’influence des
perceptions et attentes découlant de facteurs culturels, politiques, écologiques, économiques,
sociaux et religieux, ainsi que des coutumes, des lois, de la classe sociale, de l’ethnie et de
préjugés individuels ou institutionnels. Les attitudes et les comportements des genres sont
appris et peuvent être modifiés.

c. Quelques des situations où apparaissent des différences de genre ?

 Situations sociales

Perceptions différentes des rôles sociaux des femmes et des hommes : l’homme est considéré
comme le chef de famille et le principal gagne-pain ; la femme est considérée comme la
nourricière qui s’occupe de sa famille.

27
R. Boudhon et al, Dictionnaire de sociologie, Paris, éd Larousse VUEF, 2003, p.107.

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 Situations politiques

Différences dans la façon dont les femmes et les hommes prennent et partagent le pouvoir et
l’autorité : les hommes participent davantage à la haute politique nationale ; les femmes
s’impliquent davantage au niveau local dans des activités liées à leurs rôles domestiques. La
femme doit se préparer à occuper les postes politiques au lieu de rester entrain de revendiquer
et doivent s’engager à son émancipation.

 Situations d’éducation

Différences de possibilités et d’attentes dans l’éducation des filles et des garçons ; les
ressources de la famille sont consacrées à l’éducation du garçon plutôt qu’à celle de la fille ;
les filles sont placées dans des filières d’enseignement moins difficiles.

 Situations économiques

Différences d’accès des femmes et des hommes à des carrières lucratives et au contrôle des
moyens financiers et autres moyens de production : crédit et emprunts ; propriété foncière.

Quelques dates illustrent ces étapes

Les mouvements sociaux contemporains qui s’affirment « féministes » sont nés dans les
années 60 aux USA et en Europe, autour du droit à disposer de son corps, de la liberté
sexuelle, des luttes pour l’avortement ou pour un « travail égal » et un « salaire égal » pour les
femmes et les hommes, ainsi qu’autour de la reconnaissance et critique à la fois du travail
gratuit domestique des femmes. Ce sont les thèmes principaux, mais dès cette époque sont
formulées des critiques très diverses sur la subordination des femmes dans tous les domaines.

Ces mouvements ont gagné, par leur travail et leur mobilisation, une influence sur les
conférences des Nations Unies depuis 1975. Des évènements parallèles ou préparatoires ont
été régulièrement organisés dans tous les continents pour inclure les questions concernant les
femmes et le genre, non seulement dans les conférences consacrées aux droits des femmes
mais aussi dans les autres agendas thématiques. Ces rencontres ont permis un débat

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international et la consolidation de mouvements qui luttaient pour un changement social,


économique, politique tant au Nord qu’au Sud.

Durant plus de trente ans, ce travail s’est déployé tout au long des grandes conférences des
Nations Unies, qu’elles soient spécifiques aux droits des femmes ou qu’elles traitent de
questions générales du développement dans lesquels il s’agissait d’introduire une perspective
de genre.

1975 : conférence de Mexico, début de la décennie des femmes.


1979 : adoption de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes CEDAW (en français CEDEF)
1985 : conférence de Nairobi, fin de la décennie des femmes.
1992 : conférence de Rio (Développement durable).
1993 : conférence de Vienne (Droits humains).
1994 : conférence du Caire (population).
1994 : conférence de Copenhague (développement social).
1995 : conférence de Beijing, 3e conférence sur les femmes, plan d’action.
1996 : conférence d’Istanbul (habitat).
2000 : adoption des objectifs du Millénaire.

La première féministe d’utiliser le terme genre c’est Anne Oakley qui a fait la distinction sexe
et genre. Le concept de genre est tout d’abord apparu dans les études femmes
(women’studies) pour discuter des rapports entre les sexes. En effet, la première démarche des
études sur le genre a été de faire éclater les visions essentialistes de la différence des sexes,
qui consiste à attribuer des caractéristiques immuables aux femmes et aux hommes en
fonction le plus souvent de leurs caractéristiques biologiques.

d. Dimensions du concept genre


Dans tous les secteurs de la vie, il est possible d’y trouver des notions de genre telle que
définit dans les lignes précédentes. Ainsi, ce concept revêt plusieurs dimensions : socio-
culturelle, religieuse, juridique, politique, économique, environnementale.

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e. Approches du genre

1. Genre et égalité homme et femme28

L’égalité est un droit fondamental de la personne humaine, quel que soit le sexe biologique ou
social et quelles que soient les différences entre les personnes.
L’égalité des genres, ou l’égalité entre hommes et femmes, recouvre la notion selon laquelle
tous les êtres humains, hommes et femmes, sont libres de développer leurs aptitudes
personnelles et de faire leurs propres choix, sans qu’ils ne soient bridés par les stéréotypes, la
division rigide des rôles et les préjugés.

Ce qui signifie que les comportements, les aspirations et les besoins différents des hommes et
des femmes sont, de manière égale, pris en compte, valorisés et encouragés. Cela ne signifie
pas que les hommes et les femmes doivent devenir identiques, mais que leurs droits, leurs
responsabilités et leurs chances ne dépendront plus du fait d’être né de l’un ou l’autre sexe.
Les Etats se sont engagés à garantir l’égalité en adoptant en 1948 la Déclaration universelle
des droits humains. Celle-ci dispose dans son article premier que tous les êtres humains
naissent libres et égaux en dignité et en droits, et dans l’article 2 Chacun peut se prévaloir de
tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans
distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion
politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance
ou de toute autre situation.

La Constitution de la troisième République de la RDC inscrit l’égalité femmes-hommes


dans…Cela se traduit par le principe de parité qui est repris en son article 14 et qui
stipule : « les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à
l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits. Ils prennent, dans
tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et
culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine
participation de la femme au développement de la nation. Ils prennent des mesures pour lutter
contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée. La
femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales

28
http://www.adequations.org/spip.php?article362, égalité des femmes et des hommes

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et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites


institutions. La loi fixe les modalités d’application de ces droits »
La parité signifie que chaque sexe est représenté à égalité. C’est un instrument au service de
l’égalité.

La parité homme-femme est une égalité fonctionnelle qui consiste en la représentation égale
entre les hommes et les femmes dans l’accès aux instances de prise de décision à tous les
niveaux et dans tous les domaines de la vie nationale, sans discrimination ; outre le principe
du nombre, elle indique aussi les conditions, les positions et les placements. La parité est
souvent une condition nécessaire de l’égalité, mais non suffisante. Ainsi, une assemblée peut
être paritaire, mais si les hommes occupent toutes les fonctions de décision et les femmes
celles d’exécution, elle ne sera pas égalitaire. C’est le cas dans beaucoup de gouvernements
ou de parlement où les femmes restent cantonnées à des délégations ou des commissions
traditionnellement affectées à leur "genre" : famille, enfances, affaires sociales...

Concrètement, parler de l’égalité signifie assurer l’accès des femmes et des hommes aux
mêmes chances, droits, occasions de choisir, conditions matérielles - par exemple, même
accès aux soins médicaux, partage des ressources économiques, même participation à
l’exercice du pouvoir politique… tout en respectant leurs spécificités.

Trouvez d’autres exemples concrets de manifestation d’inégalité dans nos sociétés

 Restrictions des libertés et des droits fondamentaux : La société attribue


généralement plus de libertés aux hommes qu’aux femmes. Dans de nombreux pays,
les femmes doivent demander la permission à leur époux, compagnon ou frères aînés
avant de sortir de la maison, ou d’entreprendre une activité économique.

 Non reconnaissance et sous-évaluation du travail féminin : Le travail de la femme,


parce qu’il se déroule en majorité dans le cadre domestique, n’est pas reconnu à sa
juste valeur dans nos sociétés. On peut schématiquement diviser le travail en trois
fonctions, reproductive, productive et communautaire

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Exemple d’une typologie d’inégalités :

 Inégalité monétaire : différences de revenu ou de consommation (en dépit de l’intitulé,


cette catégorie inclut aussi les revenus non-monétaires qui représentent un volume
considérable dans les pays en développement)
 Inégalité des conditions de vie : différences dans les possibilités d’accéder aux
services collectifs et de satisfaire des besoins considérés comme essentiels
(alimentation, logement, santé, éducation, etc.)
 Inégalité des capacités : différences dans les moyens disponibles dont les équipements
et infrastructures, les actifs financiers, l’état sanitaire et le niveau d’éducation (repris
sous le terme de capital humain), la disponibilité en temps (« capital-temps »),
l’adhésion à des réseaux sociaux (capital social), etc. Ce type d’inégalité traduit une
inégalité des chances.
 Inégalité sociale : différences liées à des aspects sociaux (exemple : marginalisation
des veuves)
 Inégalité culturelle : différences liées à des aspects culturels (exemple : asymétrie des
droits et obligations du mariage) Ces deux types d’inégalité traduisent des formes
d’exclusion, il n’est donc pas facile d’opérer des distinctions. Le même phénomène
peut avoir des origines diverses selon le contexte (plutôt culturel ou plutôt social).
 Inégalité politique : différences dans les possibilités de prendre des décisions de
manière autonome et de participer aux prises de décision collective
 Inégalité d’éthique : différences dans les normes morales qui ne s’appliquent pas de
manière identique aux femmes et aux hommes.

Tous ces types d’inégalités se trouvent aggravés pour des femmes, à des degrés très variables
en fonction de chaque société, voire à l’intérieur de chaque société en fonction de la classe,
l’ethnie, l’âge, etc. des femmes en question. Si l’égalité existe de façon formelle dans le
principe, elle est loin d’être acquise dans les faits. L’égalité de jure (de droits) ne mène pas
automatiquement à une égalité de facto (de fait) - d’où la nécessité de mettre en œuvre des
démarches d’équité (cf. ci-dessous).

L’objectif d’égalité suppose la mise en œuvre de politiques en faveur de "l’égalité des


chances" entre les femmes et les hommes. L’égalité des chances doit permettre aux femmes et
aux hommes de bénéficier des mêmes conditions pour avoir un accès égal aux mêmes

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ressources (vie quotidienne, familiale, marché de l’emploi, responsabilités politiques, etc.).


Plus que de "chance", il faudrait parler d’égalité des "opportunités".

Exemple. L’égalité professionnelle est le fait pour les femmes et les hommes d’avoir les
mêmes droits et avantages en matière d’accès à l’emploi, d’accès à la formation
professionnelle, de qualification, de classification, de promotion et de conditions de travail.
Ainsi l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est obligatoire pour un même
travail ou un travail de valeur égale.

2. Genre et équité

L’équité des genres signifie qu’un traitement impartial doit être accordé aux hommes et aux
femmes, en fonction de leurs besoins respectifs. Ce traitement peut être identique ou différent,
mais il doit être équivalent en termes de droits, d’avantages, d’obligations et de possibilités.
Selon une définition couramment admise, la prise en compte du principe d’équité « vise
l’accès équitable des hommes et des femmes au développement de leurs capacités,
indifféremment de leur sexe, genre, classe sociale, religion et âge ». Les programmes de
développement ciblant l’équité « ne visent pas seulement ou nécessairement à faire participer
le même nombre de femmes et d’hommes (…) aux activités de développement, ni à réserver
un traitement en tout point identique aux femmes et aux hommes (…). Ils ne prétendent pas
rendre les femmes et les hommes égaux, l’égalité comprend le droit à la différence.
Promouvoir cette égalité c’est tendre vers une société ou les femmes et les hommes (…)
peuvent s’épanouir équitablement tout en contribuant à modeler la société à laquelle ils/elles
aspirent. »29

Ce principe d’équité, qui constitue souvent le gage d’un certain bien-être social des individus,
est aussi, dans la plupart des cas, un facteur de stabilité des communautés. A ce titre, la prise
en compte du principe d’équité procède d’une démarche de développement durable qui vise à
concilier les dimensions économique, environnementale, mais aussi sociale du développement
des sociétés30. L’équité entre les sexes a souvent tendance à être assimilée ou confondue avec
les femmes, car ce sont elles qui ont souffert et continuent d’endurer la plupart des inégalités.
Néanmoins, le concept est en réalité plus large que cette seule question et peut s’appliquer aux

29
Rapport Dorothée
30
Julienne N. Anoko, Genre et équité dans les aires protégées en Afrique de l’Ouest, http://www.papaco.org/publication/EQUITE%20FR.pdf

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hommes, aux jeunes filles et garçons, aux vieillards, aux chrétiens, aux musulmans, aux
bouddhistes, aux animistes, etc.

L’approche soucieuse d’équité entre les sexes reconnaît que chaque homme et chaque femme,
a une part de responsabilité dans la réalisation du développement humain durable. Les
enfants, les jeunes, les adultes et les personnes âgées des deux sexes peuvent et doivent
contribuer, par leur expérience, à la promotion et au développement de la communauté.
L’objectif est d’œuvrer pour l’épanouissement concret de chaque femme et de chaque
homme, de permettre à chacun de se perfectionner, d’améliorer sa qualité de vie et, du même
coup, celle de l’ensemble de la communauté en effaçant les inégalités.
L’équité représente l’idée de ‘ce qui est juste’. Sa démarche vise à corriger des inégalités de
départ pour arriver à l’équivalence des chances (ou opportunités) entre femmes et hommes, en
tenant compte de leurs besoins et intérêts spécifiques. Pour des raisons historiques, sociales ou
biologiques, ces besoins et intérêts peuvent s’exprimer de façon différente. Le terme équité
indique donc les aspects essentiels suivants :
 Une finalité sociale
 L’accès de tous les groupes sociaux au développement
 L’accès de tous les groupes sociaux à la conception de la société
Genre et parité homme-femme : le point de vue du constituant congolais.

Section 2. Genre et société

La société en question ici c’est la société humaine, une association d’individus visant à
assurer des avantages mutuels de chacun de ses membres. Une société bien ordonnée qui
présuppose un consensus sur les règles qui constituent le contrat social au regard desquelles
les activités des individus sont compatibles et engendrent le bien recherché, l’efficacité des
actions individuelles qui s’y conforment en vue de la stabilité sociale.

Vue dans son aspect dynamique, on constate l’existence d’une dualité : la société
traditionnelle et la société moderne. Cette dualité provoque des stéréotypes, c’est-à-dire, une
image simpliste, un cliché qu’on rapporte à une catégorie de personnes, à une institution ou à
une culture. La notion de stéréotype est généralement utilisée négativement pour dénoncer
une idée reçue et fausse qui fait obstacle à la connaissance véritable31.

31
Nabila (……)

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Il existe une série d’idées reçues et d’images préconçues autour des hommes et des femmes,
qui conditionnent la vision que la société se fait des uns et des autres. Par rapport à toute
société, le genre apparait désormais comme une question transversale. Ceci amène à s’y
pencher en examinant les situations concrètes à travers différents secteurs de la vie sociale.

§1. Etat des lieux du genre dans les différents secteurs de la société

a. Genre et Droit

Certes, c’est bien beau de parler genre, mais il est central de reconnaître que dans l’action
sociale et politique, bien des choses y compris le genre dépendent de la législation de l’Etat,
donc du droit.
Le droit se fonde sur le respect de la dignité et de la valeur de tous les êtres humains et il
cherche à assurer l’harmonie sociale et la tranquillité publique. En tant qu’ensembles des
prérogatives reconnues à toute personne humaine se trouvant sous la juridiction d’un Etat et
constituant les droits de l’homme, ces derniers visent le respect de la dignité et de la valeur de
tous les êtres humains dans le but de les libérer de l’emprise de la peur et de la misère.

Le genre dépend, pour son émergence et sa promotion du respect des droits de l’homme et
d’une participation effective à cette entreprise. Le respect des droits de l’homme doit
concourir à la promotion effective et efficiente de la femme dans le monde. L’égalité entre les
femmes et les hommes, comme les droits de la personne humaine dont elle fait partie
intégrante, est un principe qui doit sans cesse être défendu, protégé et promu. Son existence,
son maintien ne sont possibles qu’au moyen d’un processus constant de remise en question et
de redéfinition.

La reconnaissance et le respect total des droits des femmes, partie intégrante des droits de la
personne humaine, incluent la protection et la promotion des droits attribués à chacun des
sexes et la mise en place de mesures adéquates, qui permettront aux femmes et aux hommes
de jouir desdits droits. Pour cela il faut combattre ensemble les atteintes à la liberté et à la
dignité des femmes (violence sexuelles et conjugales, tueries, prostitution, etc.) et promouvoir
le droit au libre choix en matière de procréation et des modes de vie. Plusieurs textes
juridiques, tant nationaux (la Constitution de la troisième République de la RDC de 2006, le

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Code de la famille congolais, le Droit du travail et de la sécurité sociale,..) qu’internationaux


ratifiés par la RDC (Déclaration Universelle des Droits de l’homme, le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques et ses deux Protocoles facultatifs, le Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination l’égard des femmes, la Convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, la Convention
sur les droits politiques de la femme, la Déclaration sur la protection des femmes et des
enfants dans les situations d’’urgences et conflits, la Déclaration sur l’élimination de la
violence à l’égard des femmes, la Convention contre la discrimination dans le domaine de
l’emploi et des métiers, la Résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la
sécurité du 31 octobre 2000, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et de
son Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique, …), militent pour la promotion du
genre.

Il ressort de ces textes que sur le plan du droit international, la discrimination liée au sexe droit
être bannie. Cependant des inégalités de droits, de chance et de sexe persistent entre les
hommes et les femmes et font perdre à la République Démocratique du Congo l’utile
contribution des femmes à la réalisation de ses objectifs de développement humain durable.
Cette persistance des disparités entre homme et femme est constatée dans presque tous les
domaines de la vie nationale, particulièrement dans les domaines politique, économique,
social et culturel, disparités qui entraînent inéluctablement des discriminations entravant la
mise en œuvre adéquate de la parité homme-femme.

Conscient de la subsistance des inégalités sexistes, le législateur congolais a dans la


constitution de 2006 de la RDC consacré la parité homme-femme à travers les articles 13, 14
et 15 en soulignant que les pouvoirs ppublics veillent à l’élimination de toute forme de
discrimination à l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits et
cela dans tous les domaines : civil, politique, économique, social et culturel. Ainsi, la femme
congolaise a-t-elle droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales,
provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans
lesdites institutions. La loi fixe les modalités d’application de ces droits. Il a adopté aussi la
loi n° 15/013 du 1eraoût 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et
de la parité qui renforce l’engagement de l’Etat congolais à bâtir une société plus juste où les

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comportements, les aspirations et les différents besoins de l’homme et de la femme sont pris
en compte. Cette loi a pour but la promotion de l’équité de genre et de l’égalité des droits, de
chances et de sexes dans toute la vie nationale, notamment la participation équitable de la
femme et de l’homme dans la gestion des affaires de l’Etat.
Elle comprend 38 articles regroupés en 5 chapitres portant successivement : Des dispositions
générales, Des modalités de mise en œuvre, Des structures de mise en œuvre, Des sanctions,
Des dispositions transitoires, abrogatoires et finales.

b. Genre et éducation

L’éducation est un outil indispensable en matière d’égalité des sexes, puisque c’est grâce à
elle que les sociétés transmettent rôles et normes, savoir et compétences. Il est vital que les
systèmes éducatifs et leurs diverses composantes (enseignants, établissements, programmes,
instituts de recherches, etc.) confèrent et/ou délèguent des responsabilités analogues aux
garçons et filles, et prennent soin de corriger les hiérarchies sexuelles existantes. Les
professionnels des médias sont également concernés, dans la mesure où ils jouent un rôle
considérable dans la diffusion et la consolidation des normes et savoirs établis. 32
Le champ de l’éducation couvre la famille, l’église, l’école, …

 Famille

Dans la vie domestique, c’est-à-dire au niveau de l’instance familiale, les coutumes


intériorisées comme des valeurs ont créé au fil de temps un champ fertile où le père et « son »
garçon se comportent en chef et la mère et « sa » fille en subalterne. Mais signalons que
quand les enfants (filles et garçons se comportent bien, ils « appartiennent » au père, le cas
contraire, ils deviennent tous enfants de la mère. A ces propos, des préjugés et des habitudes
ont développé au sein de la famille ou de la société en général une seconde nature qui a
infériorisé, marginalisé et discriminé le sexe féminin. Ainsi la femme congolaise est
généralement considérée comme un être « faible », un être « moins intelligent » que l’homme
et qu’il faut donc guider et protéger ; comme source de malheur et de la mort ; et comme
source de zizanie.

32
Benjamin HOUNTON, Genre et droits de l’homme, in Actes du séminaire de formation sur le genre, les droits de l’homme et la
démocratie, Séminaire tenu à Kisangani, du 16 au 21 mars 2004, p.22.

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Le modèle de l’éducation fait passer un garçon, quel que soit son rang, comme étant
prioritaire devant une fille, quel que soit son rang. Cette prééminence du sexe masculin sur le
sexe féminin laisse observer une répartition des tâches domestiques entre les enfants qui pèse
sur les filles. Si, par exemple, préparer et apporter de la nourriture à table est reconnu comme
une tâche de la fille, tout comme débarrasser la table, assurer la propreté de la maison
reviennent à la fille…, il reste au garçon le travail de la basse-cour lorsqu’il y en a.

Une autre forme d’inégalité entretenue au sein de la famille par rapport aux schèmes
éducationnels est liée au système successoral. Encore une fois à ce niveau, il ya une nette
discrimination de la fille considérée comme un enfant de seconde importance si pas comme
une étrangère. Ne fût-ce qu’à travers des noms donnés aux enfants et des proverbes selon les
différentes cultures congolaises, on décèle un certain nombre d’imaginaires faisant passer le
garçon comme le soutien, le sauveur, le bâtisseur, tandis que sa sœur n’est qu’une personne
pouvant ou pas aider la famille. Dès le bas âge, l’enfant garçon est conscient de sa supériorité
sur l’enfant fille et cette dernière assume son infériorité devant son frère.

D’une manière générale, font remarquer Iman et al. : « Dans la plupart des sociétés, c’est aux
femmes qu’incombe la tâche de s’occuper des enfants, ce sont les femmes qui sont
« enfermées » par l’éducation des enfants. Il ya certaines étapes de l’éducation des enfants qui
ne peuvent être physiquement assumées que par les femmes- la grossesse, la naissance,
l’allaitement au sein- mais le reste peut être fait par les hommes »33. Ces propos suggèrent
qu’en termes de genre, l’homme doit évoluer, s’impliquant davantage dans l’encadrement des
enfants au foyer. Ces modèles étaient transmis de père au fils et de mère à la fille car
considérés par la société et la famille comme des valeurs ancestrales remplissant des fonctions
de maintien de la stabilité. Cependant, étant entendu que les faits culturels sont dynamiques,
les choses n’en sont pas restées là. Des nouveaux besoins se posent et suggèrent que les
modèles soient revisités aussi bien en famille que dans d’autres instances de socialisation.

 Eglise

En ce qui concerne l’église comme deuxième instance sociétale d’éducation, les femmes en
sont membres à part entière comme les hommes. Certains enseignements doctrinaux et
dogmatiques véhiculés au sein des églises et des mosquées renforcent les modèles familiaux
33
Ayesha Iman et al., Op. cit., p.163.

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qui, on l’a vu, ne favorisent pas l’égalité entre les hommes et les femmes. En prenant
l’exemple du christianisme, on assiste par exemple à diverses interprétations du récit de la
création : est-ce que la femme qui a été tirée de la cote de l’homme a également crée comme
ce dernier ? Le fait que la femme ait été tentée par Satan n’atteste donc pas que la femme est
porteuse de malheur, de zizanie, et de mort ? Sans qu’il soit besoin de dire qu’ils sont vrais
ou faux, ces propos renforcent les jugements que la société a sur les femmes, déjà à partir de
la famille.

Faisons remarques aussi, que de manière pratique, l’on observe au sein des églises que les
hommes et les femmes ne sont pas assis ensemble ; il en est de même de l’organisation de
l’emplacement à la mosquée. Les uns et les autres sont isolés pendant qu’ils suivent les
mêmes enseignements. Les rôles joués par les femmes à l’église témoignent l’inégalité dans
la répartition des fonctions.

Il faut aussi noter à ce stade que la Bible, en tant qu’instrument approprié pour régir le
comportement des chrétiens et le coran pour les musulmans, contiennent des versets qui
rabaissent le statut de la femme en la rendant inférieure à l’homme. En fonction de ces
versets, les hommes et les femmes ne jouent pas les mêmes rôles à l’église ou à la mosquée.
Nous pouvons illustrer ce point de vue par les passages ci-après : 1 corinthien, chap. 11, 1-
16 : « la femme est la gloire de l’homme, car ce n’est pas l’homme qui a été tiré de la femme
mais la femme de l’homme. Et l’homme n’a pas été créé pour la femme mais la femme pour
l’homme, … ».

Dès sa première entrée à l’église, tout enfant est soumis à une observation de la manière dont
les choses se passent à l’église ; il sait voir que plusieurs rôles sont joués par les hommes et
que la propreté de l’église est du ressort des femmes. En conséquence, il intériorisera cela
comme modèle de conduite selon qu’il est fille ou garçon. Les mêmes enseignements au sein
des églises et des mosquées renforcent chez les enfants filles l’idée d’infériorité des femmes
quand on leur apprend qu’il est agréable et bienséant que les femmes se taisent dans les
assemblées. C’est l’idée de soumission aux décisions que prendront les hommes au cours de
ces assemblées. D’autres enseignements doctrinaux interdisent formellement aux femmes de
prêcher, même si elles ont un niveau d’étude suffisant. Ce qui ne donne pas à la dimension
genre toute sa chance d’être observée au sein des églises, du point de vue de l’enseignement
biblique ou coranique.

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Chaque fois que l’on veut introduire des innovations dans le sens de montrer que pour le
besoin du développement de l’église l’homme et la femme devraient se considérer comme des
partenaires, les hommes affichent une certaine résistance à tout propos égalitariste, croyant
qu’on veut les dépouiller de leur autorité sur les femmes, qu’ils jugent « naturelle » par
ailleurs. Cela ne fait que renforcer la subordination des femmes aux hommes, à l’église
comme en famille. On semble justifier cette attitude par des rôles qui sont sensés bien joués
par les femmes en les distinguant de ceux bien joués par les hommes. C’est pourquoi Iman et
al. démontrent bien cette subordination, naturelle, des femmes est liée à leur rôle incontestable
de reproduction dans le foyer et dans la communauté.34

 Ecole

La question du genre peut être perçue et analysée à partir des taux de scolarisation et de
déperdition scolaire ainsi que celui de l’alphabétisation entre hommes et femmes. Avec la
colonie, l’école de l’Etat comme celle des missionnaires a faussé au départ l’équilibre entre la
femme et l’homme. Elle était conçue en faveur de ce dernier dès le recrutement. Ce n’est que
plus tard que les est filles ont eu droit au chapitre, mais toujours d’une manière inégalitaire
comme le témoignent les taux de scolarisation et d’analphabétisme décrits un peu plus haut.
Cette discrimination sociale en défaveur des filles à l’école était fondée au départ sur les
besoins du colonisateur qui cherchait à répondre par l’instruction à des préoccupations
militaires d’abord et son économie extravertie ensuite35.

Aussi bien en milieu rural qu’en ville, les femmes sont plus nombreuses à ne pas avoir une
instruction mais l’écart est encore plus important entre les femmes et les hommes en milieu
rural, soit un homme contre deux femmes est sans instruction. L’orientation scolaire ou
universitaire des filles et des garçons continuent à montrer que la formation est sexuée, les
filles et les garçons ne choisissent pas les mêmes filières, ce qui débouche sur une séparation
entre professions dites masculines et féminines (la ségrégation horizontale). Ce choix n’est
pas naturel, mais est déterminé socialement et dépend de nombreux facteurs : absence de rôles
modèles, anticipation des rôles sociaux de sexe (« inutile de se former trop longtemps, car
j’aurai des enfants et j’arrêterai de travailler »), obstacles à des choix atypiques (pression

34
Ayesha M.Iman, Op.cit. ; p.151.
35
André RUKATA, op.cit., p.14.

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familiale et sociale, difficultés à trouver des places d’apprentissage et de travail, relations avec
les collègues), etc. La pédagogie de la mixité n’est pas encore très développée en RDC.

c. Genre et économie

Une analyse de l’économie (africaine, congolaise…) avec une sensibilité de genre est celle
qui peut servir de fondement à une action publique visant à réduire les biais sexuels, ce qui
serait une contribution importante au développement humain. Avec Iman et al., nous
voudrions proposer le noyau suivant d’une belle analyse : « L’analyse économique est
fondamentalement chargée de biais à l’avantage des hommes, biais qui, dans la société, joue
pour les hommes en tant que genre et contre les femmes, toujours en tant que genre. Cela ne
veut pas nullement dire que tous les hommes ont des points de vue biaisés par rapport aux
femmes ou que toutes les théories produites par les hommes sont biaisées par rapport au sexe.
Des hommes ont contribué de façon très significative, au diagnostic et à la compréhension de
ce qu’est ce biais en faveur des hommes et ont œuvré à sa suppression. A l’inverse, certaines
femmes n’ont pas compris ou très peu ce qu’est le biais en faveur des hommes et l’ont
perpétué… Le biais est un déséquilibre sans fondement et sans justification »36. Bref, il y a
biais en faveur des hommes lorsque les femmes sont privées des droits économiques dont
jouissent les hommes. La séparation nette entre la sphère domestique et la sphère « productive
» s’avère particulièrement inadaptée pour les économies rurales des pays en développement
où les activités de production et de consommation sont intimement liées. Cette hypothèse
suppose le rejet arbitraire de l’étude des activités reproductives, majoritairement féminines.
D’autre part, les hypothèses d’une communauté (et donc d’une allocation équitable) des
ressources et d’une procédure de décision collective se heurtent à une réalité sociale
complexe.

De nombreuses études ont montré que la définition des rôles féminins et masculins se traduit
le plus souvent par une séparation plus ou moins rigide des budgets et donc des ressources
générés et contrôlés par les femmes et les hommes. Une observation empirique assez courante
est par exemple qu’au sein du ménage les femmes consacrent une plus large part de leurs
revenus que les hommes au bien-être de la famille, en particulier pour les dépenses de
nourriture. Les postes budgétaires masculins se caractérisent par une plus grande importance
des dépenses personnelles (alcool, tabac par exemple).
36
Ayesha M. Iman et al. ; op. cit., p.160.

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De sorte que la distribution des revenus au sein d’un ménage n’est pas neutre pour le bien-être
de ses membres, en particulier les enfants. Compte tenu de l’asymétrie des statuts masculin et
féminin, des droits de propriété des facteurs de production, et des contraintes domestiques
pesant sur les femmes (voir infra), on observe le plus souvent une inégalité dans l’allocation
des facteurs de production. Au Burkina Faso, par exemple, les hommes et les femmes d’un
même ménage peuvent pratiquer la même culture, sur des parcelles distinctes, avec des
niveaux de main d’œuvre et d’intrants technologiques très différents (Blackden 1999).

De manière générale, un grand nombre d’études ont révélé l’ampleur du « biais sexuel » dans
l’allocation des tâches et des ressources au sein du ménage en termes de nourriture, de biens
de consommation, d’investissement dans l’éducation et la santé selon l’âge, le sexe et le rang
de naissance des enfants. La division du travail fondée sur le genre détermine la répartition
des tâches attribuées aux enfants selon leur sexe. Les filles sont largement impliquées dans les
travaux domestiques, et elles sont beaucoup moins scolarisées que les garçons, ce qui est un
facteur majeur de la perpétuation de l’inégalité des sexes. Finalement, la procédure de
décision au sein du ménage a fait l’objet de nombreuses spéculations. On s’accorde en général
sur le fait que le statut des femmes, entendu au sens large (voir infra), qui tend à les rendre
institutionnellement, socialement, et économiquement dépendantes limite de facto leur
capacité de négociation.

Traditionnellement, beaucoup de services et des bien produits par les femmes sont ignorés ou
sous évalués dans le système de comptabilité nationale standard proposé par les nations unies.
On dit qu’ils sont « invisibles ». Quatre types d’activités notamment sont peu représentés : le
travail domestique, le travail bénévole, la production de subsistance et le secteur informel.
Hommes et femmes sont impliqués dans ces secteurs mais les deux premiers, majoritairement
féminins, soulèvent les problèmes de comptabilisation les plus difficiles. Même si la
production de subsistance, qui ne passe pas par le marché et demeure souvent non monétaire,
a été de mieux en mieux prise en compte, l’incorporation de travail féminin dans ce secteur
l’est encore difficilement.

Pourtant, la contribution des femmes à l’économie agricole est souvent considérable : en


Afrique sub-saharienne par exemple, les femmes accomplissent une part considérable du
travail associé à l’agriculture de subsistance, en assumant notamment la quasi-totalité de

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l’approvisionnement du ménage en eau et en bois de chauffage, et en participant largement au


stockage et au transport de la nourriture, au travail de labour et de désherbage, au travail de
récolte et de commercialisation des produits (Blackden 1999).

En République démocratique du Congo, la présence des femmes dans l’administration reste


faible. Les femmes actives ne sont que 2,8% dans les activités salariées contre 12% pour les
hommes. Elles ne représentent que 2% dans les mines, 3% dans l’industrie, 3% dans les
services et 8% dans l’entreprenariat. Elles sont principalement concentrées dans l’agriculture
(70% dans l’agriculture traditionnelle) et dans le secteur informel (60%), notamment de
commerce. Ces deux derniers secteurs constituent le cœur de l’économie réelle, qui fait vivre
la majorité de la population congolaise et les femmes en constituent les principales actrices.
(Stratégie Nationale). L’indépendance économique de la femme doit aboutir à
l’institutionnalisation de rémunérations égales, d’un accès égal au crédit, l’établissement
d’une situation d’égalité sur le marché du travail, mais aussi une répartition des atouts et des
connaissances qui prenne en compte les différences inhérentes à chaque sexe sur le plan de la
vie privée. La position respective des femmes et des hommes dans une économie donnée est
de bien des façons révélatrices de l’équilibre ou de l’inégalité des pouvoirs entre les unes et
les autres. Combattre la paupérisation des femmes est donc essentiel à cet égard. La nécessité
de l’indépendance économique se double d’un seconde, à savoir l’harmonisation, ou la
conciliation, pour les femmes comme pour les hommes, de la vie professionnelle et de la vie
familiale.

d. Genre et politique

En sus des droits de la personne humaine, l’axe le plus important est celui du développement
et l’amélioration de la représentativité démocratique. La sous-représentation, voire l’absence
de toute femme dans les processus décisionnels, à tous les niveaux et dans tous les domaines,
est un problème essentiel, malgré les variations significatives que l’on constate d’un pays à
l’autre. Promouvoir la participation égale des femmes et des hommes dans la vie politique, la
vie publique et les autres instances, est bénéfique au développement général de la société. Il
est essentiel pour celle-ci que, et les femmes et les hommes participent à l’ensemble des
décisions en apportant le fruit de leurs expériences personnelles. Lorsque la composante
féminine (ou masculine) d’un corps décisionnaire en vient à constituer 30% de celui-ci (soit la
masse critique), l’ordre du jour en est influencé et le changement devient possible. Il est

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également nécessaire que les femmes acquièrent plus de visibilité sociale, prennent part égale
à des événements jusque-là réservés aux hommes, et que l’histoire de chaque Etat leur
reconnaisse cette part37.

Comme on le tient de Duverger38, le domaine politique, où en réalité, croyances et contraintes


sont intimement mêlées dans le fondement du pouvoir, apparaît sans conteste comme le
régulateur des autres secteurs et activités sociales qu’il marque de son poids. Compte tenu des
préjugés et stéréotypes que la société, qui était majoritairement masculine dans l’arène
politique, l’homme s’est le monopole du pouvoir politique pour garder ainsi une grande
emprise sur la femme et tenter de maintenir sa domination sur elle, l’a écarté du pouvoir
politique en essayant de construire, pour justifier sa domination sociopolitique, et la légitimer
dans la société et même devant la femme, une image très négative et pessimiste de la femme.
Dans cette construction ronéotypée, l’homme présente la femme comme un être politiquement
incapable avec moins de tacts et de reflexes pour le maintien du pouvoir et la gestion de la
société.

C’est avec une telle image que les sociétés, dans leur ensemble, se sont habituées à la
domination masculine en la prenant pour normale, conforme à la perpétuation des exigences
sociales, au maintien de la société. Etant donné que le détenteur du pouvoir politique est en
même temps le régulateur de tous les autres domaines de la vie, dans la visée de garder son
pouvoir sur tout le plan social devant la femme et sur la femme, l’homme a inclus, dans tous
les autres secteurs de la vie, et ce de manière officielle, une ségrégation, ou mieux une
discrimination sexuelle à l’égard de la femme pour qu’elle n’accède pas autant que l’homme
aux postes de commande et de prise de décision dans la société. Un analyste constate à ce
sujet et déclare, lorsqu’il cherche les fondements sociaux de cette exclusion de la femme du
pouvoir, dit-on, est solitaire, elles sont presque en futures mères, mariées, le foyer le
mobilise ; ce n’est que lorsqu’elles ont dépassé l’âge d’enfanter qu’elles peuvent se frayer un
chemin vers le pouvoir39.

Le secteur politique reste encore aujourd’hui partout au monde parmi les secteurs les moins
féminisés. Et pourtant, les enseignements pontificaux insistent sur le fait que « la femme

37
Benjamin HOUNTON, Genre et droits de l’homme, in Actes du séminaire de formation sur le genre, les droits de l’homme et la
démocratie, Séminaire tenu à Kisangani, du 16 au 21 mars 2004, pp.17-18 et 21-22.
38
DUVERGER Maurice, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, PUF, 1960, p. 18.
39
J-Y. Potel (éditeur), L’état de la France et ses habitants, Paris, La Découverte, 1985, p.456.

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catholique doit s’engager dans la voie ouverte aujourd’hui à son activité : sa dignité de
femme. Elle doit concourir avec l’homme au bien de la Civitas au sein de laquelle elle est en
dignité, égale à l’homme. Tous deux ont le droit et le devoir au bien total de la société et de la
patrie. Mais il est clair que si l’homme est, par tempérament, plus porté, plus attiré vers les
occupations extérieures, vers les affaires publiques, la femme possède, généralement parlant,
une plus grande perspicacité, un tact plus affiné pour comprendre et résoudre les délicats
problèmes de la vie domestique et familiale, base de toute la vie sociale : ce qui n’empêche
pas que quelques-unes savent aussi faire preuve d’une grande habileté dans tous les domaines
de l’activité publique »40.

En ce qui concerne la RDC, en particulier, certes « les femmes, dont la condition de


vulnérabilité est sensiblement aggravée par la pauvreté matérielle et par une grave
insuffisance d’instruction, font partie des groupes les moins susceptibles de participer
activement et véritablement à la politique nationale. Dans les secteurs de la vie sociale, la
femme est largement invisible en politique.»41.

La dimension la plus négligée dans les perspectives dominantes du développement est la


dimension symbolique des relations sociales qui passe par la notion de « capacité » et de «
pouvoir ». Ainsi, l’exclusion durable des femmes de l’exercice du pouvoir politique, même
dans les sociétés les moins inégalitaires, reflète probablement plus que l’enchaînement des
obstacles opposés à l’accès des femmes aux ressources stratégiques telles qu’elles sont
exprimées en termes de capital.

La Constitution de la République a institué un seuil de parité dans les Assemblées


représentatives à hauteur de 30% des sièges. Dans son préambule, la Constitution de la
République réaffirme l’adhésion de la RDC aux Droits de la femme, à l’objectif de la parité et
de représentation homme -femme au sein des institutions du pays. Dans ce sens, après avoir
réaffirmé les principes universels d’après lesquels « tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droits » (art. 11) et que « tous les congolais sont égaux devant la loi et
ont droit à une égale protection des lois » (art. 112), la Constitution interdit, en son article 13,

40
MONIES DE SOLESMES, Les enseignements pontificaux. Le problème féminin, Desclée & Cie, 1955, p. 120.
41
NGOMA-BINDA P., J. OTEMIKONGO MANDEFU YAHISULE et Leslie MOSWA MOMBO, République Démocratique du Congo.
Démocratie et participation à la vie politique : une évaluation des premiers pas dans la IIIème République, Johannesburg, Open Society
Intiative for Southern Africa, 2010, p. 49-50.

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toute mesure de discrimination en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques et


en toutes les autres matières.

Plus précis est l’article 14 qui enjoint aux pouvoirs publics de veiller à l’élimination de toute
forme de discrimination à l’égard des femmes dans les domaines politiques, économiques,
social et culturel, de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer le total
épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation, de lutter
contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée,
d’assure à la femme représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales
et locales et de garantir la mise en œuvre de la parité homme - femme dans lesdites
institutions42.

Cependant, les résultats des élections de 2006 ont mis à jour des disparités profondes. Au
niveau de l’Assemblée nationale les femmes n’ont atteint que 8,4% de représentation alors
qu’au Sénat elles n’ont réalisé que 4,6%. Les disparités s’approfondissent selon le mode de
désignation des représentants : le suffrage direct pour les députés et de second degré pour les
sénateurs.
Elles varient aussi entre les provinces : en ce qui concerne l’Assemblée nationale, entre 17,2%
à Kinshasa et 0% au Maniema. Dans les Assemblées provinciales, on retrouve les mêmes
extrêmes : Kinshasa avec 20,5% et la Maniema toujours à 0%. Dans une perspective
historique (Tableau 12) on constate que la représentation féminine à l’Assemblée nationale a
été de 12 % pendant la transition. Ce niveau, le plus élevé jusqu’à présent, de représentation
féminine se retrouve ainsi dans les Assemblées dont les membres étaient plutôt nommés
qu’élus. De plus, les responsables des partis politiques se disent intéressés aux femmes
seulement en tant qu’électorat à conquérir et que pour cela, ils pensent redynamiser les
structures des femmes dans leurs organisations. Les femmes en tant que candidates
potentielles ne semblent pas être une préoccupation pour les partis (voir la part qui est
réservée aux femmes dans les structures dirigeantes des partis les plus représentatifs)43.

42
Rapport national genre 2011
43
Lire le Rapport national genre élaboré en 2011

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e. Genre et environnement

Le débat sur l’environnement a, dans ses débuts, ignoré les rôles de deux sexes…Les
politiques globales et les mesures de préservation de l’environnement ne tiennent pas compte
des femmes ou leur réservent une place réduite. Il existe un consensus tacite : la femme a des
responsabilités très limités dans l’exacerbation des problèmes liés au milieu ; par ailleurs, si sa
contribution à l’inversion des tendances est souhaitée, l’impact n’en peut être que modeste. Le
cliché selon lequel l’environnement ne la concerne pas prioritairement persiste
inconsciemment.
L’environnement est pensé comme un monde d’hommes qui englobe les femmes. Le rôle des
femmes n’est perçu que dans la consommation et la dégradation des ressources. Or, il faut
remettre les femmes dans une perception plus correcte de l’environnement, les repenser dans
leur rôle d’actrice et de gestionnaires de cet environnement.

Dire que les femmes sont, elles aussi, impliquées dans la gestion de l’environnement parait
une tautologie. Même si le taux d’urbanisation croit rapidement et que d’ici l’an 2015, près de
60% de la population africaine vivra en ville, elles ont un contact avec l’environnement dont
elles tirent quotidiennement des ressources pour les besoins de la communauté. Une bonne
part des taches agricoles leur incombe, comme main d’ouvre familiale ou productrice
indépendante. Elles sont dans l’élevage, l’artisanat, l’entretient domestique des ménages, etc.
Et pourtant, la reconnaissance de leur rôle actif dans cette gestion est relativement récente. On
sait que la division sexuelle des taches fait que les femmes, non seulement utilisent mais
gèrent très largement les ressources naturelles : l’eau, la terre, le bois, la forêt et leurs
produits, la faune, etc. Ces tâches vont du puisage de l’eau et du ramassage du bois à la
culture de la terre, à la transformation de ces produits et à la recherche des produits de la forêt
et de la savane, de la mer et de fleuve pour nourrir, soigner, vendre, etc. Cela signifie
travailler, utiliser ses mains, car les femmes disposent de très peu d’outils pour travailler ces
ressources. Cela signifie aussi choisir les ressources en fonction des besoins, les transformer,
les préserver, bref, assurer une gestion sur la base des connaissances importantes44.

Le savoir des femmes en matière de production et de gestion dans l’élevage est également
connu. En dehors des animaux domestiques qui servent à la conservation familiale, les
femmes, notamment dans les zones pastorales, s’occupent des troupeaux dont elles soignent
44
Ayesha M. Iman et al., Op. cit., pp. 258-259

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les maladies, assurent l’alimentation, transforment et commercialisent les produits laitiers.


Dans toutes ces activités évoquées, il ressort que le rapport des femmes à l’environnement est
aussi un rapport économique et, là, l’analyse de genre est indispensable pour comprendre non
seulement leur place et action, mais le rapport d’inégalité et d’exploitation impliqué dans
l’appropriation des ressources naturelles. Les femmes ne possèdent ni ne contrôlent les terres
qu’elles cultivent, les arbres qu’elles exploitent, et n’en gèrent pas plus le droit d’usage. Si
elles avaient autrefois la possibilité de s’approvisionner gratuitement dans leurs villages, elles
doivent aujourd’hui, soit aller plus loin pour trouver les ressources, soit les acheter, pour la
consommation ou la commercialisation45.

La problématique femme, énergie et environnement a plusieurs dimensions dont l’analyse du


genre permet de rendre compte. Les nombreuses études menées par les organisations
internationales, pour ne citer que celles-là, (BIT, FAO, OCDE, UNEP, WHO) sur la situation
énergétique des pays en développement montrent que les qualités de vie, les niveaux de
consommation et de santé des populations rurales et urbaines, sont profondément affectées par
la nature et la quantité d’énergie dont disposent les ménages. Les femmes des sociétés rurales
et des couches les plus défavorisées sont les premières à être confrontées à la crise d’énergie.

f. Genre et emploi

Alors que le sexe d’un individu ne change pas, les rôles des genres sont appris et évoluent.
Ils varient d’une culture à l’autre et, souvent, d’un groupe social à un autre au sein d’une
même culture, en fonction de la classe, de l’ethnicité et de la race. Des facteurs tels que
l’éducation, la technologie et l’économie, et des crises soudaines, comme la guerre et la
famine, modifient les rôles des genres. Le genre est considéré comme un construit social,
parce qu’il est déterminé par des éléments sociaux et repose sur des structures sociales.

Le genre est un principe fondamental de l’organisation des sociétés, notamment sur le plan de
la répartition du travail dans les familles et les communautés, et aussi sur le marché. Bien que
les rôles de genre imposent des limites aussi bien aux femmes qu’aux hommes, leur influence
est plus répressive sur les femmes.

45
Idem. P. 261.

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Souvent, les femmes ont des responsabilités liées à leur rôle de procréation, dont
l’enfantement et les travaux connexes que représentent, par exemple, les soins de la famille et
les travaux ménagers. Femmes et hommes effectuent tous deux un travail productif, sous
forme, par exemple, d’emploi rémunéré et de production de biens. Cependant, leurs fonctions
et leurs responsabilités sont différentes. En règle générale, le travail productif des femmes est
moins visible et moins bien payé que celui des hommes. Dans certains cas, les travaux qui
sont essentiellement confiés aux hommes deviennent moins bien rémunérés et moins
prestigieux quand les femmes commencent à s’en charger, et le “travail de femme” est mieux
payé quand il est fait par des hommes. Au niveau communautaire, les hommes peuvent jouer
plus facilement des rôles de dirigeants dans des milieux officiels et exécuter des travaux de
haute visibilité, tandis que les femmes se chargent souvent de l’organisation et des travaux
ancillaires.

Comme les femmes participent aux trois catégories de travail (procréation, production et vie
communautaire), on dit qu’elles ont un “triple rôle”. La plupart des projets de développement
féminins n’ont pas reconnu ces trois éléments et s’attachent uniquement au rôle que les
femmes jouent dans la procréation, en s’occupant des enfants et de la famille. De tout temps,
le poids de l’emploi non salarié a toujours davantage reposé sur la femme. C’est la raison pour
laquelle l’emploi dont il est question est l’emploi salarié. En ce sens, voici à titre illustratif la
situation des emplois salariés en RDC.

L’inégalité hommes/femmes dans le monde de l’emploi est historique et sociale. Comme le


souligne Iman et al : « D’où le concept de division du travail fondée sur le sexe (différent de
la division sexuelle du travail) qui met l’accent sur le fait que les organisations du travail chez
les hommes et les femmes sont de divisions construites socialement et historiquement et
qu’elles ne sont pas déterminées biologiquement »46. Hier on ne voyait pas une femme
mécanicienne, charpentier, menuiser… aujourd’hui c’est une réalité. Cela signifie que les
barrières socioculturelles sont en train d’être brisées, que l’accès au travail repose de plus en
plus sur la compétence et la qualification et que la femme comprend de plus en plus qu’elle
est partenaire de l’homme. Ce vent de changement qui souffle est tributaire de la
mondialisation (contact des cultures) et de l’accès de plus en plus significatif de la femme à la
scolarisation. D’une manière générale, l’inégalité de la répartition hommes et femmes dans le
monde du travail subsiste en dépit à la fois des efforts multiformes consentis de la part de tous
46
Ayesha M. Iman, Amina Mama et Fatou Sow, Sexe, genre et société, Paris, Karthala, 2004, p.17.

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les acteurs, nationaux et internationaux, publics et privés, étatiques et non étatiques … et de


l’engagement de la femme à améliorer sa situation professionnelle.

Malgré l’inégalité persistante, la situation des emplois des femmes dans le monde du travail
ne cesse de s’améliorer au fil des années, même si les femmes font l’objet d’une
discrimination dans l’accès à des revenus, notamment salariés : à fonction égale, salaire égal
mais avantages inégaux ! Enfin, en matière d’emplois on observe aujourd’hui des secteurs très
peu féminisés (politique, enseignement universitaire, métiers d’ingénieur…) et des secteurs
très féminisés (hôtels et restaurants, commerce de détail, industrie du textile, services
personnels et domestiques)47.

g. Genre et développement

En ce qui concerne les économies africaines, on peut l’emprunter aisément à Iman et al., qui
soutiennent que sans un cadre d’analyse qui tienne compte du genre, certains couts
significatifs de l’inefficience économique et ma mauvaise allocation des ressources vont
persister et ainsi compromettre les chances d’atteindre un développement durable. Cet
environnement favorable au genre est donc celui qui, au niveau national, local et à la base
s’attaque au biais sexuel dans le secteur public et dans la définition des politiques et permet
qu’un grand nombre des femmes ne soient marginalisées.48

Au cours des dix dernières années, le développement s’est placé dans une optique de plus en
plus centrée sur le genre. Désormais, la formation en matière de genre et l’analyse de la
problématique hommes-femmes sont considérés comme des outils indispensables du
développement. L’égalité des sexes a été l’une des bases du Programme d’action de la
Conférence internationale sur la population et le développement, en 1994, et de la Quatrième
Conférence mondiale sur les femmes, en 1995.

Parmi les approches par rapport à la place attribuée au genre dans la Société l’on distingue
deux groupes d’approches : celle de la femme dans le développement ou « Women in
Development » (WID) et celle du Genre et développement ou « Gender and Development »
(GAD). Alors que la dernière approche se focalise sur les relations entre les hommes et les

47
Danie BOURGEOIS, Les droits de la femme. La femme citoyenne, la mère, la femme active…, Paris, Editions de Vecchi, 2003, p. 15.
48
Ayesha M. Iman, Amina Mama et Fatou Sow, Op.cit. ; p.180- 181.

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femmes comme objet, sur les relations inégales comme problème, sur le développement
soutenable et équitable comme objectif et sur le pouvoir des groupes désavantagés (avec un
accent sur les besoins stratégiques du genre) ; la première s’intéresse aux femmes comme
sujet, à l’exclusion des femmes comme problème, au développement effectif et efficient
come objectifs et à l’intégration des femmes dans le processus de développement (avec un
accent sur les besoins pratiques du genre) (Moser, 1993 ; Razavi et Miller, 1995). A ces
approches il convient d’ajouter les approches relatives au bien-être, à l’équité, à la pauvreté
(approche anti-pauvreté), à l’efficience et au pouvoir (Moser, 1993)

Les grands courants de pensée concernant les femmes et le développement : Intégration des
femmes au développement (IFD) et Genre et développement (GED) témoignent qu’on se rend
de plus en plus compte du fait qu’un développement durable doit prévoir, sur une base
d’égalité, la pleine participation des hommes et des femmes.

Le mouvement qui a reçu le nom de IFD découle des travaux d’une économiste, Ester
Boserup, qui, dans un ouvrage de1970, Women’s Role in Economic Development, a expliqué
qu’on méconnaissait les contributions des femmes et que le développement en souffrait. Il
s’agissait de rendre le développement plus efficace et plus réel en faisant participer les
femmes aux processus existants de développement. Les stratégies qui ont été établies
prévoyaient des projets, ou des composantes de projets, concernant les femmes,
l’accroissement de leurs revenus et de leur productivité et l’amélioration des moyens dont
elles disposaient pour s’occuper du ménage. La formule IFD ne s’attaquait pas aux causes
fondamentales de la discrimination qui empêchent les femmes de participer pleinement aux
sociétés dont elles font partie.

Ce qui a donné naissance, vers la fin des années 1970 toujours, à l’élaboration de la formule
Femmes et développement (FED), afin de réparer les omissions du IFD. Selon cette formule,
les femmes participent aux mécanismes de développement, mais sur une base inégale. Les
projets de développement intensifient les demandes dont les femmes sont l’objet, sans pour
autant améliorer leur accès aux ressources ou à la prise de décision ; en fait, ils vont à
l’encontre des intérêts des femmes. Les structures de classe exerceraient un effet d’oppression
plus marqué que le genre et les femmes pauvres et marginalisées ont plus de choses en
commun avec les hommes de leur classe qu’avec les femmes d’une autre classe.

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Durant les années 1980, la formule Genre et développement (G)ED a marqué un revirement
d’attitude à l’égard d’un développement équitable et durable. La raison avancée pour réaliser
des programmes de développement féminin a cessé d’être l’accroissement d’efficacité visant
des buts de développement pour faire place à plus d’équité et à une meilleure habilitation des
femmes. La nouvelle importance accordée au genre tient au fait que des femmes
s’inquiétaient de voir les problèmes féminins perçus sur le plan du sexe : différences
biologiques par rapport aux hommes et non pas sur le plan du genre : rôles sociaux, relations
entre hommes et femmes, et forces qui perpétuent ces relations, tout en les modifiant. Elles
ont fait ressortir que les femmes ont été systématiquement subordonnées et confinées à des
rôles secondaires ou inférieurs à ceux des hommes, et qu’on a répondu à leurs besoins sans
tenir compte du contexte plus général.

Le GED montre qu’on a reconnu que les femmes font partie intégrante de toute stratégie de
développement car :
 Hommes et femmes créent la société et la perpétuent, et conditionnent la répartition
des tâches. Cependant, les bénéfices et les souffrances sont mal partagés. Il faut donc
accorder plus d’importance aux femmes parce qu’elles ont été plus désavantagées que
les hommes.
 Hommes et femmes ont des rapports différents avec la société et, malgré une certaine
interdépendance, fonctionnent souvent dans des secteurs différents de la communauté.
C’est pourquoi leurs priorités et leurs perspectives sont différentes. A cause du rôle
des genres, les hommes peuvent borner ou élargir les options des femmes.
 Le développement se répercute de façon différente sur les hommes et sur les femmes,
et les femmes et les hommes exercent une influence différente sur les projets. Les
deux doivent participer à l’identification des problèmes et des solutions si l’on veut
faire avancer les intérêts de la communauté.

Aussi bien le IFD que le GED peuvent contribuer aux progrès des femmes et améliorer
l’équité entre les genres. Les projets IFD donnent aux femmes la possibilité de satisfaire leurs
besoins pratiques et d’obtenir une expérience pour les projets dont elles font partie. Tandis
que le GED leur permet de donner suite à leurs intérêts stratégiques, et femmes et hommes y
travaillent ensemble pour atteindre des buts mutuels et obtenir une meilleure équité. En tant
que tels, ils méritent de retenir l’attention des auteurs du développement.

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Section 3. Les violences basées sur le genre

§1. Notions sur la violence

La violence faite aux femmes est tout acte de violence basé sur l’appartenance au sexe
féminin, qui a ou peut avoir comme conséquence un dommage ou une souffrance physique,
sexuelle ou psychologique pour la femme, ainsi que les menaces de violence, le harcèlement
ou la privation arbitraire de liberté, qui se produit aussi bien dans la sphère publique que dans
la sphère privée. » (Assemblée générale des Nations unies, 1993).

Elle est « N’importe quel acte de force ou de coercition mettant gravement en danger la vie, le
corps, l’intégrité psychologique ou la liberté des femmes, et com
mis au nom de la perpétuation du pouvoir et du contrôle masculin. » (Heise, 1995 : p. 171)

D’emblée et en fonction notamment de la deuxième définition, la question du genre doit être


abordée. En effet, cette définition situe la violence à l’égard des femmes dans le contexte des
inégalités entre les sexes : les souffrances des femmes sont liées à leur position sociale
subordonnée à celle des hommes.

La violence est une illustration des constructions de relations, où le pouvoir et l’autorité sont
déterminés historiquement de manière inégalitaire entre hommes et femmes dans une société.
La violence n’est donc pas un phénomène isolé, puisqu’elle est étroitement liée aux normes
socioculturelles et va se répercuter dans la famille et le groupe.

§2. Formes de violences

Les formes et manifestations de violence à l’égard des femmes sont très diversifiées et
présentent un large éventail d’agressions : agressions sexuelles, viols, violences conjugales,
harcèlement sexuel, harcèlement moral, inceste, mutilations génitales, contrôle de virginité,
mariages forcés, exploitation sexuelle, prostitution, exploitation pornographique, interdiction
de sortir, de travailler à l’extérieur, privation d’argent et de papiers d’identité etc.

Ces différentes formes de violence sont généralement classées de la manière suivant :

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La violence physique : La violence physique inclut une large gamme de sévices qui peuvent
aller d’une simple bousculade à l’homicide. Cette forme de violence est la plus visible :
coups, blessures, fractures, etc.

La violence psychologique, sous une forme verbale ou non-verbale : On parle de violence


psychologique lorsqu’une personne adopte une série d’attitudes et de propos qui visent à
dénigrer et à nier la façon d’être d’une autre personne. Ces paroles ou ces gestes ont pour but
de déstabiliser ou de blesser l’autre. Elle vise la confiance en soi, l’identité personnelle et la
force de vie. Les pressions psychologiques comprennent les actions de contrôle (exiger de
savoir avec qui et où l’on a été, empêcher de rencontrer ou de parler à des amis ou à un
membre de la famille), d’autorité (imposer des façons de s’habiller, de se coiffer ou de se
comporter en public), les attitudes de dénigrement ou de mépris.

La violence sexuelle : La violence sexuelle comprend un spectre très large, allant du


harcèlement sexuel à l’exploitation sexuelle, en passant par le viol conjugal. Ce sont des
relations sexuelles, complètes ou incomplètes, sans consentement et/ou sous la contrainte.
La violence sociale : juridique, culturelle, spatiale ou autre.

La violence économique : elle touche aux activités économiques et s’exerce par les
comportements suivants : privation de moyens ou de biens essentiels, contrôle ou spoliation,
exploitation professionnelle. La pression économique s’exerce différemment selon les milieux
socio-économiques et le niveau d’éducation, mais dans tous les cas, il s’agit de retirer à la
femme son autonomie, de faire en sorte qu’elle n’ait pas de marge de manœuvre si elle
manifeste des velléités de liberté ou de séparation.

Il existe d’autres approches et classifications de violences. La Déclaration sur l’élimination de


la violence contre les femmes et le Programme d’action de Beijing, par exemple, abordent le
problème de la violence à l’égard des femmes selon le lieu où le contexte où elle se produit.
Les espaces où peuvent se commettre les violences à l’égard des femmes peuvent être : la
famille ; la communauté dans son ensemble ; le lieu de travail, l’école, …
Certaines formes de violence impliquent plusieurs niveaux à la fois. Autres formes de
violences

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La violence perpétrée par l’Etat

- Violence à l’égard des détenues


- Stérilisation forcée
- Violence à l’égard des femmes durant les conflits armés.
- Violence juridique

L’Etat peut perpétrer des violences à l’égard des femmes par la négation de leurs droits et la
promulgation de lois et de mesures qui limitent leurs rôles dans la famille et dans la société.
C’est le cas par exemple, du Code de la famille en RDC qui ne reconnait pas la pleine
citoyenneté des femmes et légalisent le contrôle exercé sur elles par les hommes (incapacité
juridique de la femme mariée).

L’Etat peut également tolérer la violence à l’égard des femmes par la promulgation de lois
inappropriées ou l’application inefficace de la législation, assurant dans la réalité l’impunité
aux auteurs de violences à l’égard des femmes (viols, crime d’honneur etc).

La violence à l’égard des femmes durant les conflits armés.

Durant les conflits armés, les femmes subissent toutes formes de violence physique, sexuelle
et psychologiques de la part des belligérants. Ces violences sont notamment, les enlèvements,
le viol, l’esclavage sexuel, le meurtre, les exécutions illégales, la torture, les détentions
arbitraires, le viol de leurs enfants. En RDC, cela s’est manifesté par l’ampleur des viols que
les femmes ont subis pendant les conflits armés.

Utilisation de l’image de la femme à des fins commerciales : pornographie et publicité.

Cette forme de violence à l’égard des femmes, est extrêmement sournoise, car l’opinion
publique n’est pas unanime quant à l’atteinte qu’elle porte à la dignité de la femme.
L’utilisation de l’image de la femme à des fins commerciales se retrouve sous des formes
diverses telles que, par exemple, les journaux et revues spécialisées, les cassettes vidéo, les
sites Internet, qu’on pourrait qualifier d’objets de consommation individuelle et volontaire,
mais aussi, l’utilisation plus collective du corps de la femme comme objet sexuel pour

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l’affichage publicitaire et la décoration des lieux de travail. Ceci nous amène au problème de
l’impact de la pornographie et de sa relation avec la violence sexuelle.

§3. Auteurs, victimes (victimes réelles, victimes plus exposées)

S’intéresser aux dimensions de normalité et d’anormalité (violences considérées comme


normales et celles considérées comme anormales) est fondamental lorsque l’on veut élaborer
un programme de lutte contre ces violences. Il est question en effet de travailler sur les
perceptions et sur une certaine idée de jugement moral : certains actes peuvent être considérés
comme des violences alors que d’autres sont perçus comme des marques d’autorité normales
(cela est d’autant plus vrai pour les violences psychologiques).

En raison de ces différences de perceptions et d’interprétations définies par le contexte


culturel, certaines femmes seront considérées comme des victimes de violences alors que
d’autres ne « bénéficieront » pas de ce statut. Le fait par exemple que les femmes aient des
liens familiaux avec leurs agresseurs, dont elles dépendent souvent économiquement, a des
répercussions importantes sur la dynamique de la violence et sur les approches choisies face à
elle.

La violence faite aux femmes résulte de l’interaction complexe de facteurs individuels,


relationnels, sociaux, culturels et environnementaux. Vaste contexte et causes structurelles de
la violence à l’égard des femmes. Patriarcat et autres relations de domination et de
subordination. Culture et violence à l’égard des femmes. Inégalités économiques et violence à
l’égard des femmes. Facteurs causaux et à risque de la violence à l’égard des femmes. Usage
de la violence dans le règlement des conflits. Principes du respect de la vie privée. Passivité
de l’État (dispositions juridiques discriminatoires).

Dispositions discriminatoires contenues dans le Code de la famille (RDC) d’avant la


modification de juillet 2016

Le Code de la Famille de 1987 renfermait des inégalités visibles en matière de genre ; ce qui
était favorable aux violences à l’endroit des femmes, surtout dans l’espace conjugale :

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 l’incapacité de la femme mariée consacrée à l’article 448 soumet cette dernière à


l’autorisation maritale pour tous les actes juridiques dans lesquels elle s’engage. Cette
discrimination est transversale dans tous les livres de cette loi.
 sur les questions se rapportant à la condition des personnes, plusieurs dispositions du
Code sont contraires à l’égalité des droits des époux dans le mariage. En matière
d’attribution du nom à l’enfant, la primauté est accordée au père au détriment de la
mère qui n’intervient que comme surnuméraire lorsque le père est absent encore que
celui-ci peut revenir sur la décision de la mère en la matière (art. 59). Le mari est, ipso
jure, le chef du ménage (art. 444 et 445). C’est en outre à lui qu’est confié le livret de
ménage (art. 148 al.1 et 150).
 la femme mariée a son domicile chez son époux et a l’obligation de le suivre partout
où il désire à propos du choix du lieu de résidence (art. 454 et 455), ce qui est
contraire au principe d’après lequel les époux fixent de commun accord leur résidence
et contraire à liberté de la femme de choisir sa résidence. Pour ester en justice en
matière civile (sauf contre son mari), acquérir, aliéner ou s’obliger à quelque chose, la
femme doit obtenir préalablement l’autorisation maritale (art. 450).
 dans l’exercice de l’autorité parentale sur les enfants, les discriminations à l’égard de
la femme sont entretenues par le Code. En effet, les articles 198 et 200 règlent la
question de l’exercice de l’autorité parentale en l’absence du père mais restent muets
sur l’absence de la mère. Cette disposition repose sur les schémas et modèle
socioculturel selon lesquels l’homme exerce de droit l’autorité parentale et que le rôle
de la mère est secondaire.
 l’article 322 adjoint à la femme dont le mari est absent un membre de la famille du
mari dans l’exercice de l’autorité parentale sur les enfants, tout comme l’article 317 al
2 qui accorde la primauté au père en cas de dissentiment entre le père et la mère pour
ce qui concerne leur autorité conjointe sur les enfants sont également contraires à
l’égalité entre les sexes. Le Code de la famille fixe à 14 ans l’âge pubère pour la fille
(art. 420-422), autorise, sous les conditions qu’il énumère, le mariage d’une fille
mineure qui devient émancipée par le mariage (art. 288, 289 et 292).
 les règles relatives aux effets patrimoniaux du mariage posent également de sérieux
problèmes de discrimination à l’égard des femmes congolaises. En effet, le Code de la
famille dispose que quel que soit le régime matrimonial la gestion des patrimoines
propre et commun des époux revient au mari (art. 490 al.2). Le Code confie au mari

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même la gestion et l’administration des biens acquis par la femme dans l’exercice
d’une profession.

Toutefois, la Loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°87-010 du


1er aout 1987 portant Code de la famille a intégré certaines innovations sur la lutte contre
les violences faites à la femme. Ainsi, dans son exposé de motifs, nous pouvons y lire :
« La Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la famille demeure, près de trente ans
après sa promulgation, un monument juridique ayant traité de toutes les questions relatives
aux droits de la personne, dans ses rapports avec la famille. Elle est le produit de
l’unification et de l’adaptation aux valeurs authentiques congolaises des anciennes règles
héritées de la colonisation. La réforme alors opérée avait le mérite de concilier les éléments
du droit moderne et ceux du droit traditionnel pour mieux refléter les aspirations légitimes
d’un peuple en pleine mutation, notamment dans le domaine du droit de la famille, du droit
des successions et du droit des libéralités. Plus de deux décennies après son application, le
Code de la famille révèle cependant plusieurs faiblesses, notamment sur la question
spécifique du statut de la femme mariée et de l’enfant. Sur la capacité juridique de la femme
mariée, le code l’a limitée d’une manière excessive et discriminatoire en soumettant tout acte
juridique posé par elle à l’autorisation maritale. En ce qui concerne la situation juridique de
l’enfant, le Code a fait, de manière non objective, une distinction entre le garçon et la fille
quant à leur âge nubile et autorisé leur émancipation automatique par le mariage sans tenir
compte de leurs intérêts. Il a paru nécessaire d’adapter le Code aux innovations apportées
par la Constitution du 18 février 2006 et à l’évolution de la législation nationale,
particulièrement la Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant et la Loi
n° 15/013 du 1er août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la
parité. La loi sur la protection de l’enfant a notamment soustrait l’enfant de la même
juridiction que les adultes pour les soumettre à la compétence du Tribunal pour enfants. De
même, la loi sur les droits de la femme et la parité a promu la concertation et la protection
mutuelle en lieu et place de l’autorisation maritale. Prise conformément à l’article 40 de la
Constitution, elle s’inspire aussi des traités et accords internationaux ratifiés par la
République Démocratique du Congo en matière des droits fondamentaux. De manière
spécifique, elle vise à conformer le code de 1987 aux obligations souscrites par la République
dans les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l’homme, dans la Charte
africaine des droits de l’homme et des peuples, dans la Convention sur l’élimination de toutes

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les formes discriminations à l’égard de la femme ainsi que dans la Convention relative aux
droits de l’enfant.
Les principales innovations introduites par la présente loi consistent en :
1. la suppression de l’autorisation maritale pour la femme mariée et en l’obligation
faite aux époux de s’accorder pour tous les actes juridiques dans lesquels ils
s’obligent, individuellement ou collectivement ;
2. l’exigence du respect et de la considération mutuels des époux dans leurs rapports,
sans préjudice des autres obligations respectives qui leur incombent dans la gestion
du ménage ;
3. l’affirmation du principe de la participation et de la gestion concertées du ménage par
les époux, particulièrement quant à leurs biens et charges ;
4. la suppression de l’émancipation automatique du mineur par l’effet du mariage, sans
préjudice de l’émancipation judiciaire du mineur, à la demande motivée des parents
ou, à défaut, du tuteur ;
5. la réaffirmation de la compétence exclusive du tribunal pour enfants dans tous les
actes impliquant l’état et la capacité du mineur ;
6. le renforcement des dispositions pour assurer la protection des droits de l’enfant
congolais contre toutes sortes d’abus en matière d’adoption internationale.
La présente loi comprend quatre articles :
 le premier reprend l’ensemble des dispositions modifiées du Code de la famille ;
 le deuxième insère dans ledit Code de nouvelles dispositions nécessitées par les
réformes introduites ;
 le troisième indique les dispositions légales abrogées ;
 le quatrième fixe la date de son entrée en vigueur. »

§4. Conséquences de la violence basée sur le genre

La violence à l’égard des femmes influe sur leur santé et leur bien-être, entraîne un coût
humain et économique élevé, entrave le développement et peut également provoquer des
déplacements de personnes.

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 Conséquences sanitaires
Outre qu’elle constitue une atteinte aux droits fondamentaux des femmes et un obstacle à
l’exercice de leurs libertés, la violence à l’égard des femmes a été considérée par l’OMS49,
comme un véritable problème de santé publique.
La violence à l’égard des femmes a de multiples conséquences sur la santé physique et peut
nuire à la santé de la reproduction : blessures physiques, traumatismes, mort, VIH/SIDA, IST,
grossesses, fistules vésicaux vaginales, …

 Incidences sociales et intergénérationnelles

La violence à l’égard des femmes, qu’elle soit familiale, sociale ou étatique, limite leur
épanouissement et leurs opportunités de participer pleinement à la vie sociale ou économique
de leurs communautés : stigmatisation, troubles affectifs et mentaux, rejet par les proches,
rejet des enfants issus du viol, menace des bourreaux, arrêt de la scolarité, pouvoir
économique des victimes réduit/pauvreté accrue, non acceptation d’un retour en famille,
rupture conjugale…

 Conséquences judiciaires

Ces conséquences résultent de l’impunité, de la banalisation des violences sexuelles par les
acteurs judiciaires, des droits des victimes bafoués, du manque de protection des témoins et
des victimes. En même temps, la violence juridique perpétrée par l’Etat les empêche
d’accéder aux ressources et à la pleine citoyenneté et la violence dans les lieux publics
compromet leur sécurité et leur mobilité, limitant ainsi les possibilités de leur participation à
la vie publique.

 Coûts économiques de la violence à l’égard des femmes

En plus des souffrances humaines qu’elle provoque, la violence fait peser un très lourd
fardeau sur l’économie. Des effets économiques peuvent apparaitre sur les quatre niveaux
suivant : les frais de justice ; les frais liés aux soins de santé ; les pertes de ressources à cause
des arrêts de travail ; les conséquences en matière de déperdition scolaires. Les faits montrent
qu’en règle générale, chez les victimes de violence familiale ou sexuelle, les problèmes de
49
Rapport mondial sur la violence et la santé. Organisation mondiale de la santé. Genève. 2002

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santé sont plus nombreux, les dépenses de santé nettement plus élevées et le recours aux
services d’urgence d’un hôpital plus fréquent tout au long de la vie. Il en va de même pour les
enfants victimes de maltraitance.

§5. Les mécanismes de lutte, prévention, répression des VBG.

a. Au niveau international

La Conférence internationale de la femme tenue à Mexico en 1975 qui avait mis l’accent sur
la famille. Cette conférence avait évoqué la nécessité de mettre en œuvre des programmes
éducatifs et des approches propres à résoudre les conflits familiaux en garantissant dignité,
égalité et sécurité à chacun des membres de la famille. Toutefois, la tribune des ONG, tenue
en parallèle à la conférence et le tribunal international des crimes contre les femmes, tenu à
Bruxelles en 1976 ont mis en évidence de nombreuses autres formes de violence à l’égard des
femmes.

La Deuxième conférence mondiale à mi-parcours de la Décennie des Nations -Unies pour la


femme organisée à Copenhague en 1980 avait adopté une résolution sur la violence dans la
famille et plaidé pour la mise en place de programmes d’élimination de la violence à l’égard
des femmes et des enfants et de protection des femmes contre tout abus physique et mental.
Troisième conférence mondiale sur les femmes organisée à Nairobi en 1985 prenait en la
prévalence de la violence contre les femmes dans les stratégies prospectives d’action de
Nairobi pour la promotion de la femme, en insistant sur la situation des femmes victimes de
mauvais traitement à domicile, de trafics de prostitution forcée ou encore de conflits armés.

Conférence de Vienne tenue en 1993 a elle impulsé considérablement l’adoption de la


Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes qui fut adopté la même année
par l’Assemblée générale des Nations unies.

La Déclaration et le Programme d’action de Beijing, adoptés par 189 pays lors de la


quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing en 1995, consolident ces
avancées en soulignant que la violence à l’égard des femmes est une violation de leurs droits
fondamentaux et un obstacle au plein exercice de tous leurs droits. Le Programme d’action de

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Beijing a identifié 12 domaines de préoccupation critiques, l’un d’entre eux portant sur la
violence à l’égard des femmes.

De plus, la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU «


Femmes de l’an 2000 : Egalité entre les sexes, développement et paix pour le vingt-et unième
siècle » connue également comme Beijing +5, a réitéré que la violence à l’égard des femmes
est un secteur d’inquiétude hautement prioritaire.

L’adoption de la Résolution de la Conseil de sécurité (1325, etc.) sur les femmes, la paix et la
sécurité a marqué une étape dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes dans les
situations de conflits armés. Constatant la nécessité de la pleine mise en œuvre d’une
législation garantissant les droits des femmes et des filles pendant les conflits armés, la
résolution plaide pour des mesures spéciales visant à les protéger et met l’accent sur la
responsabilité de tous les Etats de mettre fin à l’impunité des auteurs de cette violence.

Quelques instruments internationaux de lutte contre la violence à l’égard des femmes :


La Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période d’urgence et de
conflits armés (1974) ;
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes
(CEDAW, 1979) ;
La Convention sur les droits des enfants (1979) ;
La Déclaration et programme d’action de Vienne (1993) ;
La Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (1994) ;
Le Programme d’action du Caire (1994) ;
La Convention inter-américaine sur la prévention, la répression et l’éradication de la violence
à l’égard des femmes (1994) ;
Le Programme d’action de Copenhague (1995) ;
La plate- forme d’action de Beijing (1995) ;
Le Protocole Optionnel de CEDAW (1999) ;
La Déclaration du Millénaire (2000) ;
La résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité (2000) ;
La Déclaration d’engagement de l’UNGASS sur VIH/SIDA (2001) ;
et le Protocole pour prévenir, supprimer et punir le trafic des personnes, en particulier des

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femmes et des enfants, complétant la Convention des Nations-Unies contre le crime organisé
transnational (2003).

D’autres actions ont été prises au niveau international pour lutter contre les violences basées
sur le genre : l’adoption de la Convention pour l’élimination de violences faites aux femmes ;
la signature des Accords régionaux dont Maputo.

b. Au niveau national : Politique nationale genre : stratégie nationale de lutte contre


lesVBG

En novembre 2009, la Stratégie nationale de la lutte contre les violences basées sur le genre
est mise en œuvre et contient la Politique Nationale Genre porte sur quatre piliers majeurs, à
savoir :
 La Lutte contre toutes les formes des discriminations à l’égard de la Femme, de la
Jeune et petite fille,
 Le Renforcement des capacités socioéconomiques de la femme et son autonomisation,
 La Promotion de l’égalité des sexes et des chances ainsi que des droits sexospécifiques
de la Femme et
 La Coordination efficace de tous les intervenants et interventions dans le domaine
transversal de genre en RDC.

Il sied de relever que la RDC, notre Pays, a ratifié et adhéré à plusieurs instruments juridiques
internationaux, régionaux et sous-régionaux dont principalement la Convention contre toutes
les formes des Discriminations à l’égard de la Femme (CEDEF), les Plate-forme de Beijing,
les recommandations de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement,
le Protocole d’accord de Maputo, le Protocole d’accord de la SADC sur le genre et le
développement, le Pacte régional sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement
dans les pays des Grand Lacs, pour ne citer que ceux-là. Notre pays prend aussi
régulièrement une part active aux rencontres internationales, régionales et sous-régionales sur
la promotion de la Femme et la prise en compte du Genre dans les politiques, programmes et
projets de développement des Etats. La RDC a souscrit également à toutes les déclarations
pertinentes et engagements internationaux, régionaux et sous-région aux des parties prenantes

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dans la lutte contre toutes les formes des violences basées sur le genre, notamment les
violences sexuelles.

Deux lois nationales ont été votées par le Parlement et promulguées par le Président de la
République pour renforcer la répression en matière de viol et de violences sexuelles. Il s’agit
de la Loi n° 06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940
portant Code Pénal Congolais et de la Loi 06/019 du 20 Juillet 2006 modifiant et complétant
le décret du 06 Août 1959 portant Code de procédure Pénale. La loi n° 09/001 du 10 janvier
2009 portant protection de l’Enfant a été également adoptée récemment pour renforcer le
cadre légal de protection des mineurs et créer les conditions pour la mise en place d’une
justice juvénile.

Dans cette même logique s’inscrit l’élaboration de la Stratégie Nationale de lutte contre les
violences sexuelles et basées sur le genre, en vue de la coordination efficace er efficiente de la
prévention, de la protection, des réponses aux victimes et survivantes ainsi que la gestion des
informations et des données en la matière.50 La Stratégie Nationale de lutte contre les
violences sexuelles et basées sur le genre, qui est subséquente à la mise en œuvre du Plan
d’action national de la Politique Nationale Genre, comprend cinq composantes principales, à
savoir :

 La lutte contre toute les formes d’impunité, de corruption et de criminalité concrétisée


par l’opération nationale « Tolérance Zéro »,
 La Prévention et la Protection par l’habilitation des droits humains des femmes et des
enfants,
 L’Appui à la réforme de l’Armée Nationale, de la Police Nationale, des services de la
Justice et de la Sécurité ainsi que de l’Administration publique pour la prise en compte
en leur sein des besoins sexospécifiques des femmes,
 La Réponse multisectorielle à donner aux victimes et aux survivantes des violences
sexuelles et liées au genre selon les aspects médical, psychosocial, de la réinsertion
socioéconomique, éducative et communautaire et
 La gestion régulière et suivie des informations et de la Base des données en la matière.

50
Lire la Stratégie Nationale

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c. Stratégie globale de lutte contre les VBG

Depuis 2005, il existe en RDC une initiative conjointe de lutte contre les violences sexuelles
qui implique le Gouvernement congolais, le Système des Nations unies, les ONG nationales et
internationales ainsi que les bailleurs de fonds. C’est dans ce cadre qu’a été mis en place un
Programme conjoint de lutte contre l’impunité des violences sexuelles à l’Est de la RDC,
« TUPIGE UBAKI » en vue de contribuer à réduire durablement la prévalence des violences
sexuelles en RDC. Il se focalise sur :
 le renforcement de l’application de la Loi et la lutte contre l’impunité.
 la prévention et la protection.
 l’appui aux reformes de l’armée, de la police, de la justice et des forces de sécurité.
 les réponses aux besoins des victimes et des survivantes.
 la gestion des données et des informations en rapport avec la VSBG.

Ces composantes visent non seulement la réalisation de l’objectif principal mais aussi des
celle des Objectives spécifiques, à savoir :
 lutter contre l’impunité et renforcer l’accès à la justice pour les victimes de violences
sexuelles ;
 sensibiliser et mobiliser l’opinion publique en faveur de la prévention des violences
sexuelles et du changement dans les relations hommes-femmes ;
 prendre en charge les victimes de violences sexuelles par un accompagnement médical
et psycho-social ;
 réinsérer socio économiquement les victimes de VBSG et autonomiser les femmes au
sein de leurs communautés.

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CHAPITRE V. DROIT COUTUMIER ET DROITS DE L’HOMME.

Section 1. Traditions et droits de l’homme

Les droits de l’homme sont devenus un élément indispensable dans les relations
internationales contemporaines. Une de leurs plus remarquable consécrations eut lieu au
lendemain de la seconde guerre mondiale avec l’adoption de la Déclaration Universelle des
droits de l’homme en 1948 qui énonçait un certain nombre de droits auxquels les deux pactes
des Nations Unies de 1966 viendront donner un contenu juridique plus précise. L’histoire
récente du continent africain et les problèmes auxquels il est actuellement confronté pousse à
s’interroger sur la place occupé par le concept droits de l’homme dans un environnement si
tourmenté.

L’historien Joseph Ki Zerbo souligne le rôle d’excellence de l’Afrique dans la préhistoire en


disant que l’Afrique a été le théâtre principal de l’émergence de l’homme en tant qu’espèce
royale sur la planète ainsi que de l’émergence d’une société politique.51La connaissance des
droits africains précoloniaux présente de grandes difficultés car ce sont des droits non écrits.
Force est d’admettre l’existence en Afrique précoloniale de véritables systèmes juridiques
dotés de caractères propres. Malgré la très grande diversité des coutumes des sociétés
africaines au sud du Sahara, on considère généralement qu’elles présentent une certaine unité.

Cette unité se manifestera par exemple au niveau de la procédure ou à celui de la sanction de


l’obligation. Concernant ce dernier point, il convient de préciser que toute la cohésion des
différents systèmes juridiques était assurée non pas tant par l’exercice de la contrainte
physique à l’égard de l’individu réfractaire que par la pression sociale.

L’obéissance à la coutume était spontanée, chacun se croyant obligé de vivre comme avaient
vécu les ancêtres ; la crainte des puissances surnaturelles, celle de l’opinion, suffisaient le plus
souvent à imposer le respect des manières traditionnelles de vivre.52

Pourquoi respecte-t-on la loi ? Le roi en sa qualité de chef social et religieux est la cour
d’appel et suprême, mais en règle générale, tous les cas d’infractions à la loi sont soumis à un

51
« De la nature brute à une humanité libérée », in Histoire générale de l’Afrique, vol. I., Paris, Jeune Afrique, Stock, UNESCO, 1980,
p.771.
52
René David, Les grands systèmes de droit contemporain- droit comparé, Paris, Dalloz, 1971, p.571.

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tribunal inférieur qui n’est autre que le tribunal de l’opinion publique qui couvre de ridicule
celui qui ne se conforme pas à la norme du contrat social reconnue par tous, l’abandonne au
châtiment des puissances supranaturelles pour avoir enfreint un tabou religieux imposé pour
la protection de la société.

Comme le déclarait M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, à la Conférence des
chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA à Lusaka en 1997, « les droits de l’homme sont
« africains ». Cela signifie qu’avant leur manifestation actuelle à travers les textes écrits, les
droits de l’homme font partie des traditions africaines qui sont le reflet des conceptions socio-
culturelles, caractérisées par le développement d’un droit communautaire, la pratique d’une
justice conciliatrice et le respect des droits de l’homme et du droit humanitaire.

§1. La place de l’individu dans la société africaine traditionnelle.

Les structures sociales de l’Afrique noire traditionnelle reposent sur le système


communautaire dont la famille est la cellule de base. Il ne s’agit pas ici de la famille nucléaire,
limitée aux seuls époux et enfants, mais de la famille étendue placée sous l’autorité d’un
patriarche. L’idée de parenté recouvre en effet ici une réalité particulière fondée sur le sacré,
la religion domestique qui veut que deux parents aient un ancêtre mythique commun se
confondant ou non avec un totem. C’est sur ce même fondement que reposent également les
structures claniques et tribales.

Dans cet environnement social, l’homme s’intègre dans un réseau de relations très particulier
où l’individu et le groupe sont complémentaires l’un et l’autre. Le groupe n’est pas une entité
abstraite pas plus que l’individu n’est en réalité autonome ; ils sont l’un et l’autre, l’un par
l’autre. L’individu africaine se situe toutefois pas uniquement par rapport à ses semblables
mais également par rapport à l’ordre naturel des choses qui l’entourent, c’est ce que Gonidec
présente comme la « cosmologie africaine » qu’il décrit en disant que pour l’homme africain
écrasé par la nature, le monde est un engrenage des forces et un tout, un système formé de
forces distinctes mais solidaires, une sorte de toile d’araignée dont on ne peut toucher un fil
sans faire vibrer l’ensemble.

L’africain ne se conçoit pas seul. La cellule fondamentale des sociétés négro-africaines n’est
nullement l’individu, mais un groupe. L’individu n’est à l’aise que s’il se saisit lui-même par
rapport à une communauté. Il est une dent de rouage dans un complexe engrenage. Dans ces

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sociétés, la cellule essentielle n’est pas l’individu considéré isolement. Tout homme constitue
un chaînon vivant, actif et passif, rattaché par le haut à l’enchainement de sa lignée
ascendante et soutenant sous lui sa lignée descendante.

L’insertion de l’individu africain dans tout ce réseau de liens assure une certaine forme de
sécurité, la fonction du groupe étant ainsi de garantir le confort de ses membres par la
solidarité qui les lie, tout ce qui peut porter atteinte à sa cohésion est combattu. Pour Colomb,
exister en Afrique, c’est renoncer à l’être individuel, particulier, compétitif, égoïste, agressif
et conquérant pour être avec les autres, dans la paix et l’harmonie avec les vivants et les
morts, avec l’environnement naturel et les esprits qui le peuplent ou l’animent. Cette solidarité
peut s’exprimer par les proverbes suivants :
 « qui mange son miel seul fait souffrir son estomac » (Ghana)
 « un mauvais frère est comme une branche de rônier, on ne peut pas refuser
totalement, car il faut penser aux jours de pluie », (éwé-Togo)
 « celui qui se rassasie pendant que son voisin a faim n’est pas un bon musulman »
(hadith)
 « le muntu n’est fort qu’à côté de son frère »,
 etc.
La société africaine est essentiellement consensuelle et constitue une donnée fondamentale
dans la survie du clan. C’est le ciment qui consolide les rapports entre les éléments de cette
grande famille. Tout ce qui favorise la division doit être écarté, sinon neutralisé.

Faisons remarquer le fait selon lequel la société envahit tout l’espace personnel privé
disponible de sorte que les névroses des sociétés occidentales sont dues à un excès de solitude
tandis que celles des sociétés africaines ou communautaires en général doivent être
recherchées dans un excès de vie communautaire même. La société africaine ignore le primat
de l’individu sur la collectivité mais aussi la dictature absolue du groupe. Il existe une
interaction continue des volontés de l’un sur l’autre.

Une mise en garde contre les excès d’un système social qui donne la préséance au groupe sans
pour autant nier l’individu, car en fait, l’individu n’est pas ignoré, sa personnalité est
reconnue, mais, vis-à-vis de l’extérieur, c’est le groupe qui apparait comme l’unité de base.
Les modes de vie communautaires de l’Afrique traditionnelle excluent donc tout

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individualisme mais intègrent l’individualité de chacun des membres de la communauté ;


l’homme est ainsi l’instrument en même temps que la fin de l’organisation sociale africaine. Il
peut bien y avoir individualité sans individualisme, cela ressort clairement dans ce proverbe
wolof « l’homme est le remède pour l’homme ».

§2. Un droit communautaire

Le caractère communautaire du droit africain traditionnel est illustré en particulier dans deux
domaines essentiels pour la paix et le développement : la propriété foncière et la
responsabilité civile. Dans le premier cas et comme déjà souligné supra, la propriété est
commune au groupe concerné, la terre ne pouvant faire l’objet d’une appropriation privative.
Dans le deuxième cas, le groupe est tenu pour responsable des actes préjudiciables de ses
membres. Cela lui permet d’exercer un contrôle social bénéfique sur ceux-ci. D’où la
corrélation étroite, d’une part, entre les droits de l’individu et ceux de la communauté et,
d’autre part, entre les droits et les devoirs.

A propos Keba Mbaye écrit : « il existe un concept africain du droit et des droits de l’homme
qui établit un lien entre droits et devoirs (...) En Afrique, les droits et les devoirs sont perçus
comme étant deux facettes de la même réalité voire deux réalités inséparables. Il n’est donc
pas surprenant de trouver, pour la première fois dans un traité de ce genre, une liste des
devoirs qu’a l’individu envers la communauté de la Charte africaine des droits de l’homme et
des peuples… la communauté est un sujet privilégié de droit, quelle que soit sa forme (clan,
ethnie, tribu, etc.). Ce concept renforce la solidarité entre les membres de la même
communauté... ».

§3. Un système judiciaire fondé sur un procès équitable

En Afrique traditionnelle, la fonction judiciaire, assurée dans le cadre de l’arbre à palabres, est
moins de régler les conflits en désignant le gagnant et le perdant que de chercher à concilier
les points de vue et à réconcilier les parties à un litige. L’on peut mentionner, le rôle
modérateur et pacificateur joué alors dans plusieurs contrées par les sages de la communauté.
La plupart des droits consacrés aujourd’hui par la Déclaration universelle des droits de
l’homme étaient connus dans l’Afrique traditionnelle, c’est le cas du droit de la défense et du
droit à un procès équitable.

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Antoine Sohier, dans son ouvrage portant sur le droit de procédure du Congo belge paru en
1955, souligne l’existence d’une organisation judiciaire coutumière comportant des tribunaux,
des voies de recours, des juges, des officiers ministériels, des principes de droit, bref, d’une
procédure. Les règles étaient précises, développées et entourées d’un cérémonial fixe. Les
parties au procès choisissaient in tuitu personae leurs défenseurs de justice. Il insiste en faisant
remarquer que les défenseurs traditionnels formaient une association dans laquelle on ne
pouvait pénétrer qu’après une étude prolongée du droit et de la coutume auprès d’un ancien et
après avoir fait preuve d’intelligence et de savoir.

Les sanctions négatives extrêmes, ostracisme, expulsion, très rarement mise à mort, sont plus
que toutes les autres, soumises au consensus du groupe dans la mesure où elles affaiblissent et
compromettent sa cohésion sinon sa survie.

§4. Une société respectueuse des droits de l’homme de l’étranger et des principes
humanitaires

La société traditionnelle était fondée sur le respect des droits de l’homme. Dans certains
royaumes ou chefferies, ces droits étaient codifiés à travers la tradition orale transmise d’âge
en âge, grâce en particulier aux griots, gardiens de la coutume et des traditions.

La société traditionnelle africaine est connue pour son hospitalité séculaire. Les étrangers de
passage dans un village sont perçus comme un don de Dieu, d’où les soins apportés à leur
accueil et l’une des causes de la polygamie comme moyen de bien accueillir ses visiteurs en
constituent également un exemple parlant.

D’où tous les soins apportés à leur accueil. En Afrique précoloniale, l’asile, qui y connait son
âge d’or, est tributaire des traditions socio culturelles et humanitaires. L’existence en Afrique
centrale par exemple, chez les peuples bantous, d’un lieu spécialement aménagé, appelé
« Bandla », réservé au requérant d’asile où le chef de village venait s’enquérir de son identité,
de le loger et de le nourrir, ainsi que l’astreinte à une amende de villageois ayant refoulé des
étrangers en quête d’asile et à qui il était arrivé malheur par la suite.

Ainsi dans le continent africain, l’asile était une tradition qui tantôt relevait de considérations
religieuses ou humanitaires, tantôt était assise sur un faisceau des croyances dérivées ou
superstitions. L’asile devenait donc tantôt un statut sous lequel étaient placés l’étranger, le
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voyageur et même le fugitif, tantôt un refuge. Pris dans ce sens, l’asile conférait l’immunité et
la protection.

§5. Un système de gouvernance démocratique

En règle générale, la protection des droits de l’homme en Afrique précoloniale fut favorisée
par l’existence d’une communion réelle entre les chefs et leurs populations, comme
l’exprime un proverbe luba « mukalenga wa bantu, bantu wa mukalenga », c’est-à-dire le chef
est au peuple ce que le peuple est au chef ». Cela implique que le chef est un instrument de
sécurité pour son peuple et les étrangers se retrouvant sous sa juridiction territoriale.

Quand le pouvoir est centralisé entre les mains d’un souverain, il ne s’ensuit pas que ce
dernier dispose d’un pouvoir absolu ; il est généralement assisté d’un conseil de
gouvernement appelé à délibérer sur toutes les questions importantes. Les chefs pouvaient être
destitués par des conseils des sages pour manquement au respect des droits de leurs
administrés.

Section 2. L’homme africain et ses droits

C’est le réseau social qui fonde les droits et devoirs de l’homme africain. Perçu certes comme
un simple rouage de cet engrenage communautaire dont on a également souligné
l’importance, l’individu ne constitue pas moins une partie essentielle de ce tout. L’être asservi
que semble suggérer la première image était en fait l’objet de nombreuses sollicitudes si ce
n’est le sujet de véritables droits et libertés parmi lesquels on peut mentionner :

 la liberté d’association comme en témoigne l’existence d’associations de travailleurs et


d’associations d’investissements ;

 la liberté d’expression dont l’exercice était toutefois limité par « des obligations de
modération et de bienfaisance » ;

 la liberté d’aller et de venir et le droit d’asile, le réfugié étant purement et simplement


intégré dans la communauté ;

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 la liberté religieuse même si son exercice était en réalité très limité dans le cadre d’une
même famille ou tribu du fait du respect référentiel dû aux personnes âgées ;

 le droit des personnes âgées, des femmes et des enfants à une protection particulière ;

 le droit à l’éducation, celle-ci n’étant pas le fait d’une autorité définie mais dispensée
par le groupe dans son entier dans le but de faire de chaque enfant « un élément adapté
et utile au groupe » ;

 le droit du travail qui plus que tout autre droit doit être remis dans le contexte de
l’époque où le travail n’était pas qu’une simple façon de gagner sa vie mais un mode
de vie établi en commun avec les forces de la nature et comportant l’accomplissement
de rites et également un devoir à charge de chacun selon son âge ou ses capacités ;

 le droit de propriété, cependant limité concernant la terre qui était en effet considérée
comme une divinité ou au moins comme la propriété des dieux prêtées aux ancêtres,
puis à leurs descendants et ne pouvait pas, par conséquent, faire l’objet d’une
appropriation privée ;

 le droit à la vie qui se traduisait non seulement par l’interdiction de tuer mais aussi par
l’obligation alimentaire à l’égard des indigents. La communauté ne se réalise que par
la participation créatrice de ceux qui la constituent, et que l’homme ne s’épanouit que
dans une communauté volontaire ouverte à tous, fraternelle et solidaire ;

 le droit d’ester en justice et de participer aux bénéfices et à la prise des décisions de la


communauté ;…

Cette énumération n’est pas exhaustive, elle a pour but de montrer que les droits de l’homme
ont effectivement existé dans la société traditionnelle africaine.

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CHAPITRE VI. METHODES DE RECHERCHE EN DROIT COUTUMIER

La loi est une injonction étatique établie sous forme de règle et qui reçoit une publication
officielle. Il n’existe pas en principe des recherches préalables pour la connaissance exacte du
droit.

Tant pour ce qu’il contient que pour son empire exact dans le temps, l’espace et les personnes
surtout lorsqu’une publication régulière de textes est assurée et peut être aisément assurée.

Par contre, la connaissance de la coutume impose le recours à des méthodes spécifiques du


fait de son oralité. L’usage ou le recours à des méthodes d’enquête sociale et des méthodes
juridiques doivent être utilisées concurremment.

1ère étape : Fixation des aires coutumières

Elle consiste à définir le groupe social à étudier, à présenter les modes de vie des membres de
ce groupe. C’est une méthode essentiellement descriptive.

2ème étape : Questionnaire socio-juridique

Pour bien apprécier la force ou l’ampleur d’application de la coutume, il importe de connaître


par question et sondage d’opinion du sujet de celle-ci. Les questions peuvent être générales ou
spéciales.
Pour ce faire, en matière de droit coutumier, il faut avoir des enquêteurs formés à l’avance et
connaitre la portée exacte du questionnaire. Suivra enfin le dépouillement du questionnaire et
de son interprétation.

3ème étape : Analyse jurisprudentielle

La référence aux applications jurisprudentielles de la coutume est une méthode essentielle


pour la connaissance du droit coutumier. Elle est d’ailleurs sur le plan du droit la plus directe
car elle précise le droit coutumier applicable à l’occasion des conflits en dégageant la règle de
droit ainsi que la sanction infligée en cas de violation des coutumes.
La jurisprudence publiée peut se trouver dans :

 Les bulletins des juridictions indigènes

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 Le journal des tribunaux d’outre -mer


 La revue juridique d’Afrique Centrale
 La revue juridique du Congo
 Le répertoire établi par Antoine SOHIER sur les matières coutumières depuis l’EIC
jusqu’à 1953.

4ème étape : Etude doctrinale

Plusieurs monographies sur les coutumes congolaises ont été écrites pendant la colonisation et
après l’indépendance de la RDC.

5ème étape : La contre argumentation culturelle

La contre argumentation culturelle (CAC) est une théorie à lier au droit coutumier car c’est
une stratégie culturelle destinée à combattre et à dévaloriser certaines pratiques traditionnelles
jugées néfastes. Les CAC forment un procédé qui consiste à s’appuyer sur la culture pour
dévaloriser certaines pratiques non conformes au respect des droits humains (sous l’angle de
l’équité, la parité et l’égalité). Les contres argumentations culturelles constituent une
invitation à l’introspection et au changement des conduites et comportements sociaux. Il nous
permet d’intégrer dans le système de nos représentations culturelles le gout de l’introspection
et de l’argumentaire rationnel.

La CAC est ouverte à tous les apports ayant pour objectifs de combattre les pratiques
traditionnelles néfastes (à l’égalité, équité et parité). Ainsi certaines contres argumentations
culturelles ont des aspects sanitaires, juridiques, psychologiques, émotionnels. La contre
argumentation culturelle fait appel à l’histoire, elle nous oblige de chercher dans notre
patrimoine culturel des figures légendaires ayant incarné des valeurs positives (non
discriminatoires du point de vue genre). La réhabilitation des figures légendaires permet de
contrebalancer les fausses valeurs véhiculées par la culture pour légitimer certains antivaleurs.

Elle recourt à différentes techniques :


 Observer: la pratique, les protagonistes, le savoir-faire formulés, chansons qui
accompagne la pratique en question. Observer les faits en recueillant surtout les
éléments précieux quand elle porte sur les gestes et les remises ayant pour but de
symboliser et extérioriser les actes juridiques

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 Recueillir: les arguments culturels et différents modes de leur véhicule: dictons,


sentences, mythes, chansons, proverbes…
 Confronter les argumentations culturelles avec la réalité et le vécu quotidien des
populations.
 Partager les expériences personnelles selon le profil, les témoignages, les expériences
des autres cultures.
NB. Deux étapes : l’AC (dévalorisation dans les représentations culturelles) et la CAC (la
valorisation à travers ces mêmes représentations).

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CONCLUSION : LE DROIT COUTUMIER TEL QUE VECU DANS NOS MILIEUX

Jules kyembwa Walumona avait dit : « jeunes gens et jeunes filles Lega, référence au passé
oui, mais évitez de vous y tétaniser ! Soyez donc des héros entrepreneurs qui piétinent tout
passé médiocre pour aller à l’assaut d’un avenir et d’un devenir meilleurs. Un proverbe
camerounais : « Mon père est plus âgé que moi, mais j’ai déjà vu plus de choses que lui » et
j’ajoute, fait plus de choses que lui »53.

II est bien évident, en effet, que l’harmonie n’est pas toujours parfaite. II n’est que d’observer
l’afflux de parents chez un homme (arrivé). Selon la coutume, chacun pense y trouver vivre et
couvert. L’hospitalité est normale en milieu rural : la nourriture est fournie par les produits
des champs, et l’hôte peut aider au travail commun, le cas échéant, rendant ainsi des services.
En ville le tableau est tout différent : tout se paie, même le bois de feu. Les logements ne sont
pas bien vastes, même pour qui jouit d’une villa. Aussi les citadins éprouvent-ils quelques
réticences envers cette tradition d’accueil très large car, ceux qui peuvent faire des économies,
ce ne sont pas les hommes de 20 à 30 ans, parce que les parents viennent leur demander
argent et cadeaux. Ceux qui peuvent faire des économies, ce sont les hommes de 40 à 50 ans
parce que leurs dépendants sont moins nombreux. Par respect pour la tradition, les jeunes
intellectuels refusent de convenir que cette hospitalité est pesante. Mais chacun sait que, pour
fuir cette pression de la parenté, les fonctionnaires cherchent à se faire affecter hors de leur
pays d’origine. Les femmes d’ailleurs, sur qui retombe la charge, expriment parfois leur
lassitude, surtout lorsqu’il s’agit de parents du mari. Certaines, plus conscientes, disent que
toute intimité conjugale est ainsi rendue impossible.

La famille au sens africain, la famille étendue, impose donc à l’individu certaines contraintes.
La solidarité est excellente, car elle permet d’assurer à tous, y compris les malades, les
impotents, les vieillards l’assistance indispensable. En outre et c’est peut-être plus important,
elle garantit à chacun la sécurité présente et future dont il a soif. Mais ces avantages sont
payés par des tutelles et contraintes qui ne favorisent pas l’individu épris de progrès et
d’initiative. Jadis on y était à peine sensible, mais avec les façons modernes, avec l’ouverture
aux coutumes étrangères, avec l’expérience de la vie urbaine, on en éprouve une certaine
gêne.

53
Jules kyembwa Walumona, Préface, Le Bulega à la croisée des chemins, Leçons d’hier et défis d’aujourd’hui, Mutanga,in Revue d’Etudes
Lega, Vol.II, n°3, 2005, Les éditions du Pangolin, 6.

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La famille se différencie nettement du ménage. Dans le monde occidental, elle est


essentiellement constituée du père, de la mère et de leurs enfants non encore mariés. Des
études récentes insistent sur la persistance des liens au-delà de la majorité. Mais les
collatéraux se trouvent écartés après deux ou trois générations. La situation est bien différente
en Afrique noire : la famille se confond avec le lignage, tous les descendants d’une souche
restent liés et essaient d’assurer la permanence du clan. Tentative un peu illusoire parfois.
Passés un ou deux siècles, les descendants deviennent souvent trop nombreux pour que
l’habitat demeure groupé. Des villages nouveaux se fondent qui conserveront des liens, au
moins théoriques, avec le village d’origine. Parfois les dispersions sont tellement marquées
que les relations s’estompent. Souvent, les Africains se présentent en rappelant leur
généalogie clanique, leurs interdits rituels pour éviter en particulier quelque inceste, péché
suprême, même s’il est involontaire. La nostalgie du regroupement des clans reste puissante
dans certaines populations, comme le souvenir d’un âge d’or mythique. Le droit d’héritage
confirme parfois cette tentative pour assurer la permanence. Les Africains n’apprécient guère
les solutions juridiques rigoureusement contraignantes. Ils s’efforcent le plus souvent, de
régler les choses en équité. Rien d’aussi rigide que le droit d’aînesse ou que la loi salique.
Cependant la dévolution successorale est souvent réglée pour maîtriser le temps, pour éviter
qu’à chaque génération, à chaque décès du chef, la famille ne se divise en de multiples lignées
issues des frères. Donner à un neveu autorité sur son oncle apparaît parfois pourtant gênant.
Aussi y a-t-il souvent, en ce cas, desserrement des liens à chaque génération, avec parfois une
répartition des rôles : à côté d’un chef, un aîné jouera un rôle de conseiller, ou de prêtre.
Parmi les populations paléo nigritiques, la succession du chef de famille est donnée au plus
ancien survivant de la génération la plus ancienne.

Cela se comprend bien dans la perspective d’un culte des mânes : la génération la plus
ancienne est la plus proche des morts, de l’au-delà, avec la force que donne cette proximité.
L’héritage des biens n’est pas, en général, le cœur du problème : les biens d’un cultivateur
noir sont modestes et périssables. La terre, elle-même, n’est pas rare dans des pays encore peu
peuplés. On distingue parfois entre la terre commune qui reste à la disposition du te pater-
familias ‘‘ et les champs appropriés par l’un ou par l’autre, surtout s’il s’agit de cultures
pérennes. Plutôt que d’une propriété, c’est de contrôle sur un terroir qu’il s’agit ou d’un droit
au commandement des personnes. En mettant l’accent sur la permanence du lignage et en
s’efforçant de maintenir groupés des effectifs nombreux, qui peuvent atteindre ou dépasser la

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centaine, le droit coutumier est amené à limiter l’appartenance à une seule branche, la
patrilinéaire ou la matrilinéaire. La communauté patrilinéaire se trouve particulièrement bien
adaptée avec la résidence patrilocale. Cependant des communautés matrilinéaires restent
solidement implantées. Dans la plupart des cas, il n’y a pas, à proprement parler, matriarcat,
puisque l’autorité se trouve confiée à un homme, le frère de la mère ; un enfant est placé sous
la dépendance non pas de son père, mais de son oncle maternel. Le système familial africain
coexiste avec la polygamie mieux peut-être qu’avec la monogamie. Celle-ci donne, en effet,
au ménage, une tendance au repli un peu jaloux de la cellule élémentaire sur elle-même. Père,
mère, enfants constituent aisément un groupe qui se suffit à soi-même. Dans la polygamie, le
père reste un peu en dehors des divers foyers constitués par chaque femme avec ses propres
enfants, auxquels vient s’adjoindre parfois quelque élément extérieur, parent, travailleur ou
hôte qui lui est confié. Le mariage, surtout polygamique, a pour but essentiel de donner à la
famille une nombreuse descendance. Les intérêts des ménages se trouvent donc subordonnés à
ceux de la famille étendue. En effet, dans les civilisations marquées par le culte des ancêtres,
avoir une nombreuse progéniture est indispensable pour assurer la survie.

D’ailleurs, les hommes ressentent leur fragilité dans ce pays immense et peu peuplé et d’une
mortalité élevée suspendait au-dessus des groupes un risque constant d’extinction. Les
hommes ne perçoivent qu’avec un certain retard les phénomènes dont l’échelle les dépasse.
Aujourd’hui, alors qu’avec les progrès médicaux (vaccins, antibiotiques) la population
africaine est souvent au seuil de la croissance catastrophique, ils continuent à souhaiter de très
nombreux enfants, comme au temps révolu de la démographie déficitaire. La famille africaine
apporte un apaisement à cette inquiétude démographique, alors que le ménage - surtout le
ménage monogamique - semble un groupe trop limité pour se donner une certitude de survie.
Les ménages polygamiques ne sont probablement pas nombreux. La polygamie est plus
fréquente en milieu rural qu’en milieu urbain, en savane ou en forêt qu’au Sahel. II s’agit le
plus souvent de petite polygamie 2 ou 3 épouses et non de la grande polygamie où des
dizaines de femmes étaient rassemblées par les chefs. Bien entendu, la sex-ratio étant à peu
près équilibré, comme partout, le retard des mariages et une proportion relativement forte de
célibataires masculins (de l’ordre de 20 %) compensent cette polygamie. Si la polygamie pose
des problèmes, l’instabilité du mariage en pose bien davantage : beaucoup de femmes quittent
leur ménage, avec ou sans divorce juridiquement prononcé, refusent de se marier et préfèrent
vivre en concubinage.

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Contrairement à ce que l’on croit souvent, le ménage mono ou polygamique n’est pas la seule
unité économique. Chaque individu dispose de sa propre récolte, vend et commerce à son gré.
Actuellement, les chefs de ménage se trouvent favorisés, car ils disposent des produits de
leurs cultures et particulièrement de celles qui ne sont pas prévues par la coutume : c’est le cas
de la plupart des cultures d’exportation. Quant au patriarche, il possède des champs à part qui
lui permettent d’assurer les semailles, de nourrir les étrangers, de fournir parfois un repas par
semaine et de distribuer de la nourriture pendant la période de soudure où l’on attend la
nouvelle récolte, Cette réglementation traditionnelle valait au patriarche sa prééminence dans
une économie non monétaire. Qui détenait le mil avait un réel pouvoir. Mais les recettes
monétaires bouleversent tout cet équilibre. A interpréter strictement les usages, l’argent reste
à qui l’a gagné. Cet argent assurait l’indépendance des chefs de ménage aux dépens des
patriarches, des jeunes gens et des femmes aux dépens des chefs de ménage.

Englobant les individus et les ménages, les familles ont constitué dans de vastes régions les
seules sociétés globales existantes. Beaucoup de sociétés tribales n’avaient pas d’institutions à
l’échelle de la tribu. Pour certains, les seuls liens entre les familles étaient ceux noués par la
société d’initiation. Souvent le village mono clanique se confond avec une famille. Même
lorsque plusieurs familles étendues y sont représentées, il n’est guère une communauté
organisée : il est la somme des familles, gérée par un conseil de patriarches ou organisée
autour d’une famille fondatrice. Dans d’autres pays des royaumes s’étaient formés, issus des
anciens états médiévaux, nés des conquêtes ou de la croissance d’une population. Dans ce
dernier cas, parmi les Yorubas au Sud-Nigeria, comme parmi les Bamilékés ou les Bamouns
du Cameroun, le chef se présentait comme un personnage sacré, incarnant les ancêtres, une
sorte de patriarche d’un degré supérieur. Quoiqu’il en soit, lorsqu’une société étatique prend
forme, les familles étendues se présentent en intermédiaires obligés entre les ménages et
l’Etat. Les patriarches s’efforcent de filtrer les influences extérieures. Ils tiennent à ce que
chaque membre de leur famille soit recensé avec eux, derrière eux, comme on dit. Ils
s’efforcent de payer pour tous l’impôt, pour matérialiser les liens de dépendance où ils
tiennent la parenté.

Avec la valorisation de l’autonomie personnelle, avec la mobilité de la population, beaucoup


d’hommes et de femmes échappent à l’autorité des patriarches, même s’ils reconstituent dans
leur nouvel habitat un groupe qui ressemble à la famille qu’ils ont quittée. Parmi les peuples
où le culte des ancêtres domine, la famille étendue est la communauté religieuse par

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excellence et chaque famille, par définition, a ses propres ancêtres qui n’ont rien de commun
avec ceux des voisins. Parfois cependant un culte tribal regroupe les familles, parfois des
chefs ont rassemblé autour de leurs dynasties les ancêtres de la population et assuré un culte
national.

Dans les milieux islamisés, des familles construisent bien leur enclos à prière en entourant de
grosses pierres un espace sablé. Mais dans l’Islam-comme dans le christianisme- la grande
famille africaine ne trouve pas le terrain philosophique et liturgique qui lui conviendrait : en
effet, l’Islam met l’accent sur la communauté des Croyants et le Christianisme sur la fraternité
de tous les hommes, alors que la famille resterait volontiers repliée sur elle-même. Face au
monde moderne, la grande famille africaine est un obstacle à la naissance de classes sociales.
En effet, le réseau de parenté est si vaste que tout homme riche est frère ou cousin de pauvres.

II ne pourrait pas, le voulût-il, s’affranchir de ces liens et choisir de ne fréquenter que sa


propre classe sociale. Cependant les premiers craquements se font sentir déjà et un cinéaste
comme Sembene, dans Xala ou le Mandat, dénonce l’égoïsme des classes possédantes. La
famille africaine nous apparaît donc comme une structure sociale originale, bien loin de la
famille-ménage de l’occident moderne, loin même de la famille étendue du passé européen,
dont le substratum économique et foncier était puissant. Les individus et les ménages, aspirant
à une plus grande autonomie, la sapent à sa base, pendant que les institutions étatiques,
particulièrement l’administration régionale ou la justice, revendiquent un pouvoir supérieur au
sien. Tous les observateurs se sont plu à chanter la force et l’harmonie de la grande famille,
son rôle d’encadrement efficace. Mais reste-t-elle assez souple pour s’adapter aux aspirations
nouvelles ? Le lycéen sorti de son école, le migrant qui a vécu en ville, le planteur qui a créé
une caféière posent des problèmes nouveaux.

Les partis, d’ailleurs, veulent mobiliser les énergies et s’adressent pour ce faire aux jeunes
gens, par-dessus la tête des pères. Déjà on signale que des vieillards sont malheureux parce
qu’abandonnés : des groupes d’action catholique ont dû lancer des campagnes pour inciter les
chrétiens à porter assistance aux vieux. Cela eut été inconcevable il y a 20 ans : la
gérontocratie pesait alors lourdement sur tous. Les sociétés africaines se trouvent affrontées à
la nécessité de s’adapter rapidement. Les leaders expriment le désir de négritude,
d’authenticité, ou d’africanité. II leur faut définir d’urgence ce qu’ils veulent mettre sous ces
mots. Car, de minute en minute, l’édifice s’effrite. Bâti sur l’autorité et l’intérêt collectif, il

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supporte mal l’irruption de forces nouvelles, des prises de conscience individuelles. II faudrait
que l’autorité des patriarches reste acceptée, que le respect se teinte d’affection, que
l’obéissance n’empêche pas la libre initiative, que le sens communautaire s’accorde avec le
respect et la mise en valeur de la personnalité54.

La famille en Afrique est une institution complexe et il m’est impossible de la décrire sans
tomber dans les pièges des généralisations et du réductionnisme. Dans tous les cas, en
Afrique, la famille est l’unité sociale de base, fondée sur la parenté, le mariage et l’adoption,
comme aussi sur d’autres aspects relationnels. La famille, ensuite, peut être patriarcale,
matrilinéaire, patrilinéaire, multilocale, multiparentalité, multiethnique et multireligieuse à
cause des migrations, du mariage et de la conversion. Elle est en outre caractérisée par des
tensions entre valeurs culturelles africaines, enseignements chrétiens, sécularisme, religions et
autres idéologies. La famille est comme l’écrivent Betty Bigombe et Gilbert M. Khadiagala,
une unité de production, de consommation, de reproduction et d’accumulation.

Dans sa forme la plus simple elle est composée du mari, de la femme et des enfants, tandis
que dans sa forme complexe et plus commune elle est élargie, jusqu’à inclure enfants, parents,
grands-parents, oncles, tantes, frères et sœurs, qui a leur tour peuvent avoir leurs propres
enfants ou d’autres parents proches. L’appartenance à la famille dans les différentes
communautés africaines s’étend des fils adoptifs, à ceux qui sont confiés, aux serviteurs, aux
esclaves et à leurs enfants, comme c’est le cas chez les Baganda en Ouganda. Dans la société
traditionnelle pré-coloniale était pratiquée la polygamie, et ce type de mariage contribuait à
l’élargissement des relations familiales, regroupant de nombreuses personnes. Jomo Kenyatta,
John S. Mbiti et Aylward Shorter observent qu’une famille élargie comprend aussi ses
membres défunts, avec ceux qui doivent encore naître, parce que les enfants à naître assurent
la survie de la famille.

La famille élargie constituait et constitue encore la base de toute coopération et responsabilité


sociale. Dans la société traditionnelle, la famille élargie était le lieu principal où l’individu
exerçait sa propre liberté. L’individu existait par rapport à un groupe plus important, qui
comprenait sa famille élargie. Il acquérait l’identité du groupe et dépendait du groupe pour sa
survie physique et sociale. A travers différents rites de passage, il devenait petit à petit

54
Jacques BINET, Nature et limites de la famille en Afrique noire, septembre-décembre 1979

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toujours plus pleinement membre de la société et assumait un rôle pour assurer la survie du
groupe à travers le mariage et la procréation.

Mbiti affirme que « dans la vie traditionnelle, l’individu n’existe pas et ne peut exister tout
seul, sinon de manière corporative. Il doit sa propre existence à d’autres personnes (…) la
communauté, ainsi, doit faire, créer ou produire l’individu (…) ce n’est qu’en termes d’autres
personnes que l’individu devient conscient de ses devoirs, de ses privilèges et de ses
responsabilités à l’égard des autres et de lui-même ». La famille élargie donnait à l’individu
une identité personnelle et physique. L’on était assigné à une communauté particulière, avec
l’attribution de rôles clairs dans les différentes phases de la vie sur la base de l’âge, du sexe et
du statut social. Les règles culturelles, sociales et morales de la communauté, qui étaient
appliquées dans la famille élargie, aidaient l’individu à devenir un membre productif et
respecté de la communauté. Ces règles lui servaient de projet de vie. La famille élargie était –
et est aussi la première communauté religieuse d’appartenance de l’individu. C’était à travers
les parents, les grands-parents et les autres membres que l’on apprenait à connaître l’héritage
religieux et spirituel. C’était là que probablement l’on venait à la connaissance de Dieu, des
esprits, des ancêtres et de la vie après la mort.

La famille élargie était et est aussi un moyen de soutien réciproque, Le principe qui guide les
relations est celui de l’Ubuntu, à savoir « tu es parce que nous sommes », et ainsi la famille
élargie devient un moyen de soutien social, psychologique, moral, matériel et spirituel dans le
bien et dans le mal. La société africaine a vécu des changements très importants dans tous les
aspects de la vie, y compris la structure de la famille et du mariage. Je voudrais en citer
seulement quelques-uns qui, de mon point de vue, sont en rapport avec notre thème. Les
changements dans la structure de la famille reflètent les tensions continuent entre les valeurs
et les structures traditionnelles chrétiennes ou religieuses et celles modernes. Même si l’on
entend souvent parler de familles qui abandonnent les usages traditionnels fondamentaux en
faveur de ceux modernes, la tendance principale continue à être le mariage et la création
d’une organisation familiale, faisant référence aux normes aussi bien traditionnelles que
modernes. La caractéristique dominante des familles africaines est la capacité de «
transformer les choses vieilles en neuves » et de continuer à puiser de nouvelles solutions
dans les ressources traditionnelles des institutions familiales. Ainsi, la tendance vers la
modernité a joué un rôle dans la transformation successive du mariage et de l’organisation
familiale africaine, qui s’éloigne de la parenté corporative et des familles élargies pour aller

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vers les noyaux familiaux, spécialement dans les zones urbaines et parmi les personnes
instruites. Un tel changement découle en partie de l’écroulement des systèmes collectifs de
production et de reproduction orientés à la parenté. Malgré les différences internes entre les
milieux urbains et ceux ruraux et entre les régions africaines, les faibles taux de croissance
économique et l’absence de correspondance entre résultats éducatifs et opportunités de travail
ont imposé des dimensions plus réduites aux familles. Bigome et Khadiagala observent que «
dans la plus grande partie des zones urbaines, les facteurs comme le travail rétribué,
l’économie monétisée et le coût de la vie ont altéré la valeur des enfants. En outre, tandis que
les réseaux familiaux dans le passé adoucissaient les effets négatifs des grandes familles, les
ressources limitées et le déclin économique ont contribué à la réduction des dimensions des
familles et appauvri les structures institutionnelles de la famille élargie ».

Pourtant, une critique permanente dans les schémas familiaux africains est la persistance de la
polygynie, dont le déclin des familles polygamiques, tant attendu par les sociologues, dans la
plus grande partie de la société africaine est encore bien loin d’être une réalité sociale. Dans
les zones rurales la polygynie survie principalement à cause de l’impératif apporté par la
division du travail selon les sexes qui caractérise le domaine agricole, tandis que dans les
zones urbaines elle assume des formes différentes. Une autre mutation sociale qui est en train
de miner la famille basée sur la parenté est que prévaut la monoparentalité, spécialement
parmi les femmes dans les zones urbaines. Au fur et à mesure qu’un nombre croissant de
femmes s’est uni à la force du travail, les familles constituées de personnes seules ou avec un
chef de famille femme sont devenues un schéma reconnaissable dans le panorama social
africain. De telles tendances reflètent les changements séculaires dans le statut éducatif, dans
le travail et dans la mobilité professionnelle, pour ne pas parler d’autres facteurs comme les
décès dus au Sida/Hiv. Les habitats informels surpeuplés de l’Afrique regorgent de femmes
non mariées, seules et pauvres, qui doivent affronter des défis immenses pour éviter
l’éclatement et la migration, la privation.

Dans certains pays comme le Kenya, le Ghana, l’Afrique du Sud et l’Ethiopie, les femmes
constituent plus d’un tiers des chefs de famille. D’autres familles ont comme chefs les grands-
parents et enfants. En Afrique du Sud, les politiques d’apartheid ont influé de multiples
manières sur la cohésion familiale et renforcé l’impact destructif que le travail des migrants,
l’urbanisation et l’industrialisation ont eu sur la famille. Ainsi, une conséquence de l’héritage
de l’apartheid est le nombre élevé de familles monoparentales, dû en grande partie aux

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grossesses hors mariage et au divorce. Nombre d’enfants grandissent dans des familles qui ont
à leur tête des femmes, bénéficiant de soutiens économiques faibles ou inexistants. Quelqu’un
a affirmé que la famille noire en Afrique du Sud a continué à subir une détérioration plus
importante par rapport aux autres familles du continent. Le fait de confier ses enfants est au
contraire une caractéristique qui continu à demeurer vivante dans la structure familiale
africaine, où la survie de la famille rurale dépend des liens avec les familles urbaines. Un
aspect essentiel de cela est l’envoi d’aides de travailleurs urbains à leurs parents dans les
zones rurales à travers le soutien éducatif et d’autres formes d’aides économique et sociale.
Dans une grande partie de l’Afrique la migration est un facteur important des systèmes de
survie des familles. Pendant des années, la migration des zones rurales vers celles urbaines a
été un mécanisme fondamental en ce qui concerne l’opportunité de travail, la mobilité sociale
et le transfert d’argent. Près de trente-deux pour cent des africains subsahariens en 1996
vivaient dans les zones urbaines, avec une augmentation de onze pour cent par rapport à 1950.

Selon les projections des Nations unies, près de cinquante pour cent de la population africaine
subsaharienne sera urbaine en 2015. De nouvelles structures familiales ont émergé à cause du
phénomène migratoire. La mondialisation a favorisé aussi de nouvelles formes de migrations,
parce que les africains cherchent de meilleures opportunités économiques en Europe, aux
Etats-Unis, au Moyen-Orient, en Australie, au Canada et ainsi de suite. Pour la majorité de ces
personnes, la migration fait partie de la lutte contre la pauvreté qui affaiblit, tout comme
contre les formes implicites et explicites d’oppression politique. De même la longue série de
guerres civiles, conflits et l’instabilité politique en Afrique ont contribué dans une large
mesure à la migration et à la désagrégation de la famille africaine. Comme la migration des
zones rurales vers les zones urbaines, la migration internationale est une lame à double
tranchant pour les familles, fournissant des bénéfices économiques à travers les envois de
fonds, mais brisant dans le même temps les liens sociaux qui soutiennent les familles. Le
trafic d’enfants à travers les frontières avec les pays voisins a également eu une incidence sur
la famille africaine. Les trafiquants maintiennent les victimes dans un état de soumission à
travers la violence physique, l’esclavage pour dettes, la confiscation du passeport et les
menaces de violences à l’égard de leur famille.

Souvent la justice pour les victimes de ces crimes est plutôt élusive. Un autre fléau qui a
conduit à l’affaiblissement de la famille africaine est la violence domestique, argument tabou
qui, malgré des lois bien intentionnées, continu sans trêve à détruire les familles. La violence

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basée sur cet aspect concerne les personnes de toute extraction sociale, credo, race et ethnie.
La famille et la maison qui devraient être l’espace le plus sûr pour les femmes, les hommes et
les enfants sont devenues des lieux d’affrontement, de douleur, d’abus, de désintérêt et de
désintégration. L’enquête la plus récente sur la santé et la démographie au Kenya (2013)
révèle que quarante-cinq pour cent des femmes et dix pour cent des hommes ont dénoncé le
fait d’avoir été victimes de violences de la part d’une personne proche.

La violence en famille est une conséquence des changements qui se sont vérifiés et qui,
comme nous l’avons déjà indiqué, ont conduit à l’instabilité de l’unité familiale. De nombreux
mariages aujourd’hui sont « néolocaux », puisque les couples vivent loin de leurs familles.
Ces familles ont tendance à être individualistes et les couples ne bénéficient plus du conseil
des anciens. En cas de difficulté et de conflit, la séparation et le divorce sont devenus la règle.
De toute façon, malgré tous ces défis, les systèmes de soutien familiaux continuent d’une
certaine manière à être présent en Afrique. La famille est toujours le lieu de transmission des
valeurs et d’acquisition d’identité et offre un cadre d’inclusion au-delà du caractère, de l’âge,
du statut, et ainsi de suite. Un proverbe Gikuyu résume bien ce concept. Il affirme qu’une fois
qu’un enfant est né, il ne peut être abandonné55.

La forte fécondité en Afrique, souci majeur du développement, est largement


entretenue par l’existence de processus de formation familiale qui favorise la maternité
précoce, rapide et prolongé. L’existence de systèmes de formation familiale différents est
fonction de pratiques socio-culturelles et de circonstances économiques. Le mariage est
largement angulaire du processus de formation familiale en Afrique avec l’entrée en
union à un moment ou à un autre de tous les hommes et toutes les femmes.

A l’âge de 50 ans, tous les Africains ont été mariés au moins une fois. Un état de célibat
permanent et de situation sans enfant est étranger à la culture africaine, vu comme anormal et
particulière pour les hommes et hautement indésirables pour les femmes de santé normale.
Ainsi les cultures africaines ont développé des systèmes élaborés dans lesquels même les
handicapés physiques sont assurés d’entrer en union.

55
Philomena N. Mwaura, La-famille en afrique, http://www.osservatoreromano.va

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Malgré les mariages précoces, il existe de très larges variations régionales. Par exemple,7%
seulement des filles de 15 à 19 ans sont mariées au Botswana, mais 75% le sont au Mali. En
général les hommes se marient plus tard que les femmes. L’âge au mariage varie entre
26,27,29 et 35 ans, respectivement en Afrique de l’ouest, du Nord et du Sud.

Les facteurs principaux de l’âge au mariage sont la religion, l’éducation et l’emploi et la


culture des femmes. Il existe une variété d’union ; de nouvelles formes apparaissent, la
polygamie et la monogamie en sont les principales. La prévalence des unions polygames est
plus prononcée en Afrique de l’ouest. Avec la variation selon la religion et l’ethnie la
proportion de femmes en union polygame varie de 60% en Afrique de l’ouest à moins de 5%
dans les pays d’Afrique centrale et virtuellement zéro dans certaines îles.

Le nombre de co-épouses en union polygame tende à augmenter avec l’âge du mari, son
statut économique et social, la pratique du lévirat et son appartenance à des croyances non
chrétiennes. Au sein de la famille africaine, la polygamie a plusieurs fonctions pour les
hommes et les femmes : source de pouvoir et de prestige, démonstration de l’aisance sociale
et le réservoir de main d’œuvre familiale pour les hommes ; assistance sociale, domestique et
économique pour les co-épouses.

La dissolution du mariage est un trait commun du processus de formation familiale en Afrique


à l’âge de 50 ans près de la moitié de femmes ne sont plus dans leur première union ; deux
tiers, pour séparation ou divorce et un tiers pour veuvage. Le remariage est moins fréquent
dans le Nord que dans le reste de l’Afrique.

La sélection du partenaire (soit endogame et exogame) dans le processus de formation de la


famille est ritualisée et demeure largement une affaire du lignage. L’endogamie et l’exogamie
reculent vite à cause de l’éducation, de l’urbanisation et de la migration ; que le choix du
partenaire soit du ressort de l’individu ou du lignage, les hommes en Afrique se marient avec
des femmes beaucoup plus jeunes et de statut économique et social plus bas. Ainsi les femmes
mariées tiennent le statut social de leur mari.

Le concept et l’histoire de la compensation matrimoniale, de la formation de la famille en


Afrique sont long. Selon le type de compensation matrimoniale (vrai ou symbolique)
demandé, cela justifie le maintien de la culture qui signifie le début de la formation familiale,

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elle démontre le courage, le statut économique et social, du prétendant ; elle crée des relations
normales et amicales entre les deux familles et donne à la famille de l’homme des droits sur la
sexualité et la fécondité de la femme et décourage la dissolution de l’union56.

Au cours des années récentes, les schémas de résidence des familles africaines ont changé en
réponse à la diminution des lots de terre en zones rurales où habitent la plupart des familles ; à
l’éducation et à la migration et ont aussi conduit un glissement de patrilocales fréquentes à des
néo localités. Les couples nouvellement mariés sont souvent obligés de s’installer là où les
appellent les occasions d’emploi et d’activités économiques.

L’urbanisation et l’école dispersent les membres de la famille africaine. En effet, les centres
urbains attirent des hommes en quête de travail, mais de plus en plus de femmes des milieux
ruraux en quête d’emploi. Les enfants sont séparés par l’école de leurs parents pour des
périodes prolongées, car ils sont souvent mis chez des parents plus aisés pour étudier là où
existent des écoles poste-primaires assez éloignées pour ne pas permettre les déplacements
quotidiens. La migration exerce de fortes pressions sur les schémas de résidence des familles
africaines. Les migrants sont en général des hommes, à l’âge de point de la formation de la
famille.

L’accroissement des disparités régionales dans les pays a intensifié les migrations rurales-
urbaines et rurales-rurales. Les migrants entretiennent de plus en plus deux foyers : en zone de
départ et d’arrivée. La migration a donc résulté en un schéma de résidence à double ménage
pour plusieurs familles à un coût considérable : affaiblissement du lien conjugal résultant
d’une séparation prolongée, manque de contrôle des enfants menant à la délinquance et un
déclin possible de la fécondité dans la zone d’origine à cause de la séparation prolongée des
époux. Cependant l’épouse du migrant peut avoir plus d’autonomie et participer au processus
de décision.

La migration, la polygamie sans co-résidence et la mortalité élevée des hommes conduisent à


l’accroissement de la proportion des ménages dont le chef est une femme, plus communs à
l’ouest, l’est et le Sud, que dans le Nord, atteignant entre 30% au Ghana et au Kenya,
respectivement. Les deux types, la famille étendue comprenant de larges composantes du
groupe et la famille nucléaires typique où le lien conjugal joue un rôle central, sont rares.
56
L'éducation familiale en Afrique : hier et aujourd'hui

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Des arrangements se font pour l’évolution vers une famille nucléaire élargie, avec un noyau
se rencontrent des autres parents plus éloignés. Le groupe exerce encore beaucoup d’influence
sur la famille. Ainsi les familles nucléaires au sens strict, qui mettent en avant leurs propres
intérêts et négligent les objectifs plus larges de la famille étendue, ne sont ni valorisées ni
encouragées par les sociétés africaines.

En tant qu’institution sociale, la famille procrée, socialise et éduque les enfants. Elle continue
à fonctionner principalement comme un organe économique, aussi bien comme unité de
production que de consommation. Elle fournit en grande partie les facteurs de production : la
main-d’œuvre, la terre et le capital. Du fait de la prédominance de l’économie de subsistance
dans les zones rurales, la main-d’œuvre devient le facteur crucial que la famille recrute
principalement au sien d’elle-même, de telle sorte que l’économie du ménage est
complètement intégrée dans la structure de la famille.
Le placement des enfants, pratique commune dans la famille africaine, contribue aussi à la
prépondérance de la famille étendue. Plusieurs familles donnent et reçoivent des enfants pour
des temps variables. Les mieux nantis accueillent les enfants de parents pauvres et même de
non parents pour l’école, la recherche d’emploi, l’aide à la maison. Les femmes infécondes ou
sous-fécondes cherchent à garder des enfants comme substitut aux leurs, comme la séparation
mère-enfant est sanctionnée culturellement.

Les normes familiales et les idéaux changent à cause de la législation (par le mariage,
l’héritage et l’accès aux services de planification familiale), l’école et les médias. Quel que
soit le type de mariage contracté, des unions additionnelles, des mariages de visite, des unions
polygames sans cohabitation, des lévirats, des unions polygames formalisées se font comme
résultat de migration, de sous-fécondité, d’impératifs culturels comme pour le lévirat, de
démonstration de statut social et économique et de prestige. Les lois de l’héritage destinées à
protéger les femmes, les filles et les enfants des unions d’ordre second ou supérieur d’être
déshérités ont souvent été contournées par l’influence perverse du groupe.
Au sien de la famille africaine, les plus grands changements dans la définition des rôles se
passent chez les femmes. Leurs rôles traditionnels, comme mère et femme sont redéfinis en
tenant compte de l’éducation, le stress économique et contrôle, la migration et les aspirations
individuelles. On peut identifier sept rôles pour les femmes dans le contexte de la famille

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africaine : parentale, d’occupation, conjugale, d’intérieur, de parenté, communautaire et


individuel.

Les rôles de femmes comme mère et épouse, la migration masculine à la recherche de travail
ainsi que la transformation économique ont forcé les femmes à assumer un fardeau plus lourd
pour la survie quotidienne de leurs enfants, soit en produisant de la nourriture, soit par le petit
commerce et l’artisanat.

Les plus éduquées sont engagées dans les emplois à plein temps pour améliorer le bien-être
familial. Pour celles qui sont chef de ménage, leur rôle d’occupation est plus important que la
plupart des autres, à l’exception peut-être des rôles de mères et d’individus. Pour survivre, les
femmes combinent des aspects de leurs rôles communautaires et domestiques. Le conflit des
rôles est alors une condition commune.

Les relations conjugales dans la famille africaine ne semblent pas devenir plus intimes, à
l’exception des couples monogames, urbains et « éduqués » ; les maris et les épouses ont des
activités, des intérêts et des ressources séparés pour certains.

L’effet de la définition d’un nouveau rôle dans la famille est ressenti chez les jeunes, en
particulier les adolescents. Le concept de substitution selon lequel la polygamie sororale, le
lévirat et la garde des enfants entre autres, signifie que les maris, les époux, pères, mères, les
fils et les filles sont aisément substitués par d’autres, créant ainsi une plus grande solidarité.

Les grossesses précoces chez des adolescents et dans les sociétés qui ont prescriptions
universelles fortes contre les naissances pré maritales sont en augmentation. Dans plusieurs
pays en Afrique orientale et centrale, les naissances pré maritales chez les femmes de moins
de 20 ans comptent moins de 20% du total de naissance. La prévalence des avortements chez
les jeunes mères et les viols sont alarmants. Le problème de la délinquance juvénile, comme
le montrent les enfants des rues qui commettent de petits crimes est également visible dans la
plupart des villes et des zones urbaines en Afrique.

Pour faire à ces multiples situations, il faudrait, rechercher et collecter des données. Ainsi, il
faut développer ce qui peuvent aider à voir claire dans la complexité de la structure et la
dynamique de la famille africaine. Les systèmes de supports légaux ont le potentiel pour

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améliorer le sort des femmes et des enfants spécialement. Cependant les campagnes
d’éducation légale sont nécessaires pour informer toutes les parties sur leurs droits et
obligations. Les contradictions dans les différents systèmes légaux doivent être éliminées. La
promotion du développement rural ou urbain devra contribuer à lutter contre les inégalités
entre les zones rurales et urbaines en Afrique donnant lieu à une migration massive. De ce
fait, des mesures audacieuses doivent être prises pour redistribuer des infrastructures de
manière à infléchir la migration.

Le mariage en Afrique est à la fois universel et précoce ; donc l’avenir de la famille africaine
est influencé par le syndrome fille-enfant. La question des grossesses juvéniles est la plus
préoccupante. Cela reflète en apparence l’affaiblissement de la structure familiale
traditionnelle qui influe sur la sexualité précoce et la grossesse. Ceux-ci sont vulnérables,
désavantagés à l’école et incapables d’élever le statut de leur enfant. De même, la famille
africaine a survécu notamment parce que les femmes l’ont entretenue. L’épouse est
responsable à la fois de sa propre famille (parents), de celle de son mari ainsi que de sa
famille immédiate. La famille africaine est dans un état de fluctuation à cause des désordres
politiques, social et économique dans la région ; la séparation et l’éclatement de la famille à
cause des conflits s’est aussi accompagnée d’une rupture des modèles de comportement dans
la société.

Les conflits dans plusieurs parties de la région ont fait déplacer des milliers de personnes et
poussé d’autre réfugiés au-delà des frontières nationales. Dans tous les cas, les femmes, les
vieux et les enfants en sont les principales victimes. Ce sont les femmes qui en prennent soin ;
l’accroissement du nombre de mères célibataires devient problématique pour l’entretien de la
famille : le processus de socialisation est affecté du fait que la génération future n’est pas
éduquée proprement selon les coutumes, les valeurs et les normes sociales ; la polygamie
s’étend largement et n’est plus un phénomène rural. Cela est maintenant évident dans les
classes moyennes chez les élites urbaines et « éduquées ». Comme les femmes « éduquées »
ont de plus en plus de difficultés pour trouver des maris adéquats même si elles sont fortement
opposées à de telles pratiques au début de leur carrière. Cependant, c’est pour la seule
première femme que le mari signifie une double tragédie pour la veuve et les orphelins du fait
qu’ils n’ont pas de titre d’héritage. Les familles urbaines utilisent des servantes venues de la
campagne qui ne sont pas proprement intégrées après avoir été exposées aux valeurs urbaines

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; les jeunes filles exploitées sont ensuite envoyées au village. Incapables d’assurer les deux
environnements la plupart finissent dans des activités antisociales.

L’équilibre de la puissance dans la société a profondément changé, comme résultat des


mutations contemporaines affectant ainsi le rôle de la famille dans le processus de
socialisation. Mais il n’y a pas de nouvelles institutions pour renforcer la famille africaine ; le
besoin de sécurité lors de la vieillesse a été la principale cause de la forte fécondité en
Afrique. Au cours des années récentes cependant, les mandats de migrants aux parents ont
diminué et affaiblit le soutien aux familles restées derrière.

Comme conséquences des effets du programme d’ajustement structurel et la crise financière


et économique les parents ont plus de difficultés à accueillir des enfants confiés. De jeunes
couples dans les villages émigrent en laissant leurs enfants aux grands-parents mais les envois
traditionnels se sont virtuellement arrêté et les enfants sont élevés dans la pauvreté. Dans tous
les cas, les grands-parents avaient à élever d’abord des petits-enfants. L’écart entre
générations accroît le problème de discipline. Ainsi avec la conjoncture économique
caractérisée par une crise sans précédente ou les citadins éprouvent d’énormes difficultés pour
se procurer les 3 repas quotidiens, les familles urbaines traversent une situation difficile. Des
jeunes citadins cherchent un emploi aux côtés de milliers d’autres jeunes sortis des mêmes
écoles, tandis que les jeunes ruraux affluent dans les villes enquête d’un travail.

On a souligné qu’au cours des dernières années il y a visiblement un retournement des gains
modestes dans la mortalité infantile et maternelle comme conséquence de la mise en œuvre
des programmes d’ajustement structurel en particulier à cause de la suppression des
subventions à la santé et aux produits alimentaires de base. Cela a affecté l’état nutritionnel et
le bien-être des membres de la famille dont certains ont été licenciés à la suite de politique
semblable dans le secteur de l’emploi. Le défi du VIH/ SIDA pour la solidarité familiale et
sa survie au cours des années 90 en Afrique; les effets de la sécheresse et de la famine qui ont
menacé la capacité des familles africaines à se nourrir et ont accru le besoin blessant de
compter sur des donateurs; les effets négatifs des médias et de la publicité décrivant de
nouvelles formes de valeurs familiales, étrangères à l’Afrique et qui sont facilement retenues
par les jeunes enfants57.

57
Yahya SIDIBE, Activiste, Défenseur des Droits Humains, Coordonnateur Droits Humains et Théâtre Amnesty International Sénégal,
Président Fondateur SOS TALIBES

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Droit coutumier (« common law »), schéma d’un face à face selon Béatrice
CASTELLANE58.

On a envisagé de fusionner les deux droits qui coexistent à la surface du monde développé, le
droit anglo-saxon et le droit continental de tradition romano germanique. Puis, à une certaine
époque, la Banque mondiale a pris position sur le dossier en soutenant que la common law
était plus efficace que le droit continental sur le plan économique. Aujourd’hui, alors que les
positions de la Banque mondiale sont contestées, une seule certitude demeure : les deux
traditions juridiques reposent sur des supposés tellement différents les uns des autres que la
fusion ou la disparition d’une des deux traditions est inenvisageable.

Pendant plusieurs années, le grand rêve des juristes internationaux était de créer un droit
unique pour les pays occidentaux qui aurait été le résultat d’une fusion du droit anglo-saxon,
droit coutumier dit de common law, avec le droit continental, droit issu du droit romain tel que
codifié au VIe siècle sous l’empereur byzantin Justinien. Comme le droit anglo-saxon a
intégré des éléments issus d’une certaine lanière du droit romain de référence, nous
opposerons dans la suite de cet article le droit coutumier de la « common law » et ce que nous
appellerons le droit continental. Dans la fusion de ces deux droits, chacun était censé apporter
ce qu’il a de meilleur à l’autre.

Nous en sommes aujourd’hui au stade du désenchantement mutuel car les juristes sont allés
au bout de ce qu’ils pouvaient faire. Et force est de constater que la fusion se révèle
impossible. Pourquoi ? Les juristes sont arrivés au point d’inversion, à la rencontre impossible
entre d’un côté un système tourné vers l’individu dont la liberté ne s’arrête que quand elle
provoque une plainte. De l’autre côté, un système radicalement contraire où les
comportements ne peuvent se développer que dans un cadre légal imposé, la liberté dans ce
cas s’exerçant par le biais de l’acceptation des conditions particulières prévues par la loi (ou
dans les champs lacunaires que la loi ignore volontairement ou non). En fait, fusionner aurait
été possible si le droit n’était pas fondamentalement le reflet d’une culture.

58
Béatrice CASTELLANE

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Droit coutumier de la « common law »

Au risque de caricaturer, dans les pays anglo-saxons, la culture veut que chacun soit libre de
faire ce que bon lui semble, … Et ensuite on voit ce qui se passe ! C’est seulement si
quelqu’un se plaint du comportement d’un autre, ou se plaint d’un dommage subi qu’alors les
situations sont examinées par la justice. Et à cette occasion, celle-ci procède en vérifiant :
 quelles sont les obligations convenues entre les parties ;
 si ces obligations ont été respectées ou non ;
 si le comportement de tel ou tel individu est fautif ou non ;
 s’il y a lieu à réparation ou non.

Bien sûr, dans les pays où domine la « common law », il existe des repères écrits, il existe
quelques notions d’ordre public. Bien sûr, tout n’est pas permis, il existe des limites à ne pas
dépasser. Par exemple, dans le cas d’un contrat mal exécuté, nul n’est autorisé à tuer
physiquement son cocontractant s’il est défaillant…ou s’il se plaint. Mais le cadre légal est
peu contraignant. C’est ainsi que dans le droit anglo-saxon, il n’est jamais fait appel à la
notion de « clause léonine ».

Conséquence, les contrats doivent tout prévoir y compris des éléments qui pour l’autre partie
constituent ou devraient constituer une évidence (exemple : payer ce qui est dû). Résultat, en
« common law », il n’est pas rare qu’un simple contrat puisse comporter 300 ou 400 pages,
voire même beaucoup plus. Cela représente des coûts juridiques très importants pour
l’entreprise. Il convient néanmoins de remarquer que dans les pays de « common law », il y a
peu de plaignants. C’est que les procédures sont très coûteuses et de ce fait, peu ont les
moyens d’agir en justice. C’est la loi du plus fort (ou plus précisément du plus riche) qui
s’applique. La position dominante prévaut. Pour contrebalancer ce déséquilibre, le système a
généré des adaptations : c’est ainsi que les actions collectives (class actions) se multiplient,
notamment aux Etats-Unis. En outre, en cas de succès, les compensations sont très
conséquentes par comparaison avec le système d’ « indemnisation » pratiqué dans le droit
civil des pays de tradition romaine.

Le droit continental romano-germanique

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Dans les pays de culture européenne continentale, la vie est codifiée et l’ordre public est
considéré comme primordial. Les contrats sont matériellement très courts puisque les
principes essentiels sont déjà écrits dans les textes légaux en vigueur. On peut presque se
contenter, pour schématiser, de rédiger simplement les conditions particulières des contrats.
En France, il suffit par exemple d’employer le mot « vente » pour que s’appliquent, sans qu’il
soit besoin de les retranscrire, les articles 1582 et suivants du Code civil, qui définissent les
règles concernant les vices cachés ou la protection des consommateurs notamment. Le droit
écrit est bien plus simple et a ce grand avantage d’être moins onéreux que le droit coutumier
de la « common law ». La culture continentale se réfère à deux notions qui pour nous sont
essentielles sociétalement. Ces deux notions limitent pour mieux la protection de la liberté. Ce
sont : le principe de bonne foi et le comportement de bonne mère ou de bon père de famille.
Ces deux notions s’appliquent dès les pourparlers engagés en vue de la conclusion d’un
contrat. Dans la culture anglo-saxonne, à l’opposé, c’est le principe de liberté totale qui prime.
Cette approche correspond à l’acceptation voire à la défense de comportements individualistes
qui poussent leurs intérêts à l’extrême. Le principe de bonne foi existe bien en « common law
», mais seulement dans le cadre de la solution d’un litige judiciaire ou arbitral. Il n’est pas pris
en compte en amont, au moment où le contrat se met en place.

Montée en puissance du droit coutumier de la « common law »

Pour éclairer le débat, insistons bien sur la différence entre les deux approches : au sens latin
des termes, le droit civil romain raisonne « a priori », la « common law » anglo-saxonne
raisonne « a posteriori ». Autrement dit la protection des tiers est prédominante en droit civil ;
alors que le sacro-saint principe de liberté de l’individu prédomine en « common law ».
L’influence et l’expansion récentes du droit anglo-saxon en Europe ont eu pour effet
d’alourdir les contraintes juridiques. Ce qui était un cadre légal pratique, un gain de temps et
d’argent, est devenu un carcan. Ce carcan est d’autant plus pénalisant que personne ne
s’occupe vraiment de sa cohérence.
Aujourd’hui, en Europe, de plus en plus, non seulement il faut respecter les cadres légaux qui
s’imposent en amont (tendance au formalisme préventif conforme à l’esprit et à la logique du
droit civil romain, gage de fiabilité), mais aussi courir le risque d’une sanction très lourde en
aval. En effet, la tendance libertaire de la « common law » progresse, elle débouche certes
encore rarement sur des procès et des sanctions mais, en cas de sanctions, les condamnations
sont lourdes et destructrices.

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S’il ne faut pas mésestimer l’intérêt dans un système purement capitaliste, c’est-à-dire
économiquement libéral, notamment pour un pays qui démarre économiquement, d’un droit
coutumier simple et peu contraignant comme la « common law », il convient néanmoins de
réguler les rapports sociaux par le droit et la justice dès que les sociétés acquièrent un niveau
de prospérité qui permet une redistribution des richesses propice à ce que nous pourrions,
pour faire simple, appeler un développement durable. Et dans cette seconde phase du
développement économique, le droit civil romano-germanique paraît plus judicieux. En effet,
une population civilisée a tout autant besoin d’une justice claire et rigoureusement exprimée
que d’être nourrie et soignée. La Justice est aussi importante que l’éducation car on ne peut
espérer donner une éducation efficiente en l’absence de modèles à montrer, et les modèles en
question doivent bien fonctionner. Il découle de ce raisonnement que le droit civil et une
institution judiciaire développée et organisée, par essence, protègent le plus vulnérable, le plus
faible ou le moins instruit tout en offrant une sécurité d’intérêt général.

L’opposition droit continental / droit coutumier « common law » s’exprime en pratique en


premier lieu dans la conception du droit des affaires, notamment en ce qui concerne le droit
des contrats. La « common law » présente l’inconvénient de son coût et d’une certaine
imprévisibilité, dans les sociétés développées où le monde des affaires est multiple et divers,
elle handicape également la pérennité des petites et moyennes entreprises et leur accès aux
marchés porteurs. A laisser trop flou le cadre juridique, on arrive au résultat inverse de celui
recherché qui est la défense de la liberté du commerce et de l’entreprise. On risque de se
priver de pans entiers d’activités trop rapidement sacrifiées au développement de la chicane.
On ne rend pas service non plus aux entreprises qui mènent le jeu multinational en les
menaçant sans cesse de procès imprécis. Sans la contrainte du droit, on laisse en roue libre le
jeu des multinationales, dans un contexte d’accélération des évolutions. Ce jeu économique
peu encadré correspond à un mécanisme systématique de destruction des
partenaires/concurrents/ennemis dont le résultat est le suivant : 1) les richesses se concentrent
entre des mains de moins en moins nombreuses ; 2) la disparition de partenaires, même
ennemis, engendre un déséquilibre global néfaste pour tout le monde.
Certes, la culture du droit coutumier de la « common law » repose sur le fait que la nature et
les lois du marché savent réguler finalement les phénomènes économiques. Mais que dirait-on
d’un médecin qui, en réponse à une demande de soins, répondrait à ses patients : « Je ne vous
soigne pas, c’est inutile, il faut laisser faire la Nature, la sélection naturelle. Et si cela ne

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s’améliore pas, revenez plus tard, mais sachez qu’alors, cela vous coûtera très cher sans que je
puisse vous apporter la certitude que je vous guérirai » !

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Table de matières
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 2
I. Notions sur la coutume et le droit coutumier .......................................................................... 2
II. Sources du droit coutumier ...................................................................................................... 7
III. Caractères du droit coutumier ............................................................................................. 8
IV. Plan du cours ..................................................................................................................... 12
V. Objectifs du cours .................................................................................................................. 12
CHAPITRE I. LE DROIT COUTUMIER DE LA FAMILLE ............................................................. 13
Section 1. Définition de la famille traditionnelle ................................................................. 13
§1. La Parentèle ............................................................................................................................. 13
§2. Le clan ..................................................................................................................................... 14
§3. L’ethnie ................................................................................................................................... 15
Section 2. La structure sociale ............................................................................................. 16
Section 3. L’identification de la personne ............................................................................ 19
§1. Le nom................................................................................................................................... 19
§2. La résidence ........................................................................................................................... 23
Section 4. Le mariage en droit coutumier ............................................................................ 23
§1. Les fiançailles .......................................................................................................................... 23
§2. Le mariage proprement dit. ..................................................................................................... 25
CHAPITRE Il. LE DROIT COUTUMIER DES BIENS ET DES OBLIGATIONS ........................... 41
Section 1. Le droit coutumier des biens ............................................................................... 41
Section 2. Le droit coutumier des obligations ...................................................................... 43
§1. Obligations contractuelles ....................................................................................................... 44
§2. Obligation délictuelle .............................................................................................................. 44
§3. Les causes de responsabilité délictuelle en droit coutumier. ................................................... 44
§4. Les faits dommageables en droit coutumier. ........................................................................... 45
§5. La désignation des responsables du dommage. ....................................................................... 45
CHAPITRE III. DROIT JUDICIAIRE COUTUMIER ......................................................................... 46
Section 1. Notions ................................................................................................................ 46
Section 2. La composition des juridictions coutumières ...................................................... 48
Section 3. La compétence des juridictions coutumières ...................................................... 49
Section 4. La place du droit coutumier dans la formation des états africains selon Daniel
dos Santos ............................................................................................................................. 57
CHAPITRE IV. GENRE, SOCIETE ET DEVELOPPEMENT........................................................... 63
Section 1. La théorie du genre .............................................................................................. 63
§1. La notion du genre est différente de celle du sexe .................................................................. 63
§2. Le triple rôle des femmes ........................................................................................................ 65
§3. Considérations préliminaires sur le genre ............................................................................... 66
Section 2. Genre et société ................................................................................................... 75

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§1. Etat des lieux du genre dans les différents secteurs de la société ............................................ 76
Section 3. Les violences basées sur le genre ........................................................................ 94
§1. Notions sur la violence ............................................................................................................ 94
§2. Formes de violences ................................................................................................................ 94
§3. Auteurs, victimes (victimes réelles, victimes plus exposées) .................................................. 97
§4. Conséquences de la violence basée sur le genre.................................................................... 100
§5. Les mécanismes de lutte, prévention, répression des VBG. .................................................. 102
CHAPITRE V. DROIT COUTUMIER ET DROITS DE L’HOMME. .............................................. 107
Section 1. Traditions et droits de l’homme ........................................................................ 107
§1. La place de l’individu dans la société africaine traditionnelle. ............................................. 108
§2. Un droit communautaire ........................................................................................................ 110
§3. Un système judiciaire fondé sur un procès équitable ............................................................ 110
§4. Une société respectueuse des droits de l’homme de l’étranger et des principes humanitaires
..................................................................................................................................................... 111
§5. Un système de gouvernance démocratique ........................................................................... 112
Section 2. L’homme africain et ses droits .......................................................................... 112
CHAPITRE VI. METHODES DE RECHERCHE EN DROIT COUTUMIER ................................. 114
1ère étape : Fixation des aires coutumières ......................................................................... 114
2ème étape : Questionnaire socio-juridique ......................................................................... 114
3ème étape : Analyse jurisprudentielle ................................................................................. 114
4ème étape : Etude doctrinale ............................................................................................... 115
5ème étape : La contre argumentation culturelle ................................................................. 115
CONCLUSION : LE DROIT COUTUMIER TEL QUE VECU DANS NOS MILIEUX ................. 117
Table de matières................................................................................................................................. 138

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