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Les articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

 Dans presque tous les articles, l’autrice a ajouté la mention des femmes à la version
originale de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en utilisant deux modalités
: l’ajout ou la substitution. L’article VI, par exemple, ajoute « toutes les citoyennes » à « tous
les citoyens ». Dans l’article XV, elle remplace « la société » par la mention explicite des
femmes, aux côtés des hommes : « la masse des femmes, coalisée pour la contribution à
celle des hommes ». On voit ici que les femmes sont le sujet du texte, même si elles
s’ajoutent à la masse des hommes. Enfin, d’autres articles se caractérisent par la disparition
de la mention des hommes : ainsi, l’article XII, qui commençait par « la garantie des droits de
l’homme et du citoyen », devient dans la réécriture de Gouges « la garantie des droits de la
femme et de la citoyenne ».

 L’article I

Dans l’article I, Olympe de Gouges remplace tout d’abord « les hommes » par « la femme ». Le
genre féminin devient ainsi le sujet de la phrase, montrant que cette déclaration concerne
avant tout les femmes. La femme est au singulier, considéré comme genre et non seulement
comme une addition d’individus. Par ailleurs, les hommes ne disparaissent pas de cet article I
puisque la femme est « égale à l’homme en droits ». Cette formulation met en évidence
l’antériorité de l’acquisition des droits par les hommes : cette déclaration permet de compléter
la première, mais pas nécessairement de la remplacer. Cette déclaration ne revient pas sur le
fait que les femmes naissent égales entre elles, ce qui est considéré comme acquis par la
première déclaration.

 Articles IV et V

Selon l’autrice, les lois de la nature et de la raison doivent permettre de mettre fin à « la tyrannie
perpétuelle que l’homme oppose [à la femme] ». L’article IV s’appuie sur la dénonciation des abus
des hommes pour défendre les droits des femmes.

Les droits naturels de la femme (et de l’homme) sont « la liberté, la propriété, la sureté, et surtout
la résistance à l’oppression » (article II). (Les droits naturels sont les droits fondamentaux dont
l’être humain ne peut être privé, ce sont des droits inaliénables, sacrés, imprescriptibles,
inviolables.)

Gouges fait référence aux « lois de la nature et de la raison ». L’autrice s’appuie sur la coopération
des deux sexes dans la nature pour dénoncer la tyrannie masculine sur les femmes, dans Les Droits
de la femme, qui précède le préambule. Sa critique du comportement des hommes s’appuie
également sur la mise en valeur de la raison par les Lumières, au XVIII e siècle : puisque les femmes
ont des capacités intellectuelles égales aux hommes, elles doivent bénéficier des mêmes droits
politiques. Ainsi, l’égalité entre les sexes est justifiée à la fois par les lois de la nature, c’est-à-dire
le fonctionnement de celle-ci, et par les lois de la raison, c’est-à-dire l’égalité des facultés
intellectuelles des hommes et des femmes.
 L’article IX

L’article IX initial protège la présomption d’innocence : après avoir rappelé que tout homme est
présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, l’article rappelle que l’arrestation ou
toute autre mesure de prévention doivent être réduites au strict nécessaire. Or, Gouges supprime
toute mention de la présomption d’innocence.

Elle propose une réécriture tout à fait opposée : au lieu d’insister sur les risques que comportent les
mesures de rétorsion pour une personne qui n’a pas encore été condamnée, elle rappelle au
contraire l’importance de la rigueur de la loi pour les femmes déclarées coupables. Cet article revient
sur l’obligation des femmes d’obéir aux mêmes lois que les hommes et d’être soumises aux mêmes
peines en cas de non-respect ».

Cette modification peut sembler surprenante car la présomption d’innocence est l’un des droits
fondamentaux des êtres humains. On aurait pu penser que l’autrice insisterait davantage sur l’égalité
des droits des hommes et des femmes du point de vue du processus de justice, et qu’elle
revendiquerait une égale protection des femmes face aux accusations, avant un procès équitable.

Dans l’article X, Olympe de Gouges s’appuie sur l’égalité des femmes et des hommes face à la loi
pour revendiquer l’égalité des sexes en termes de liberté d’expression. Ainsi, il était nécessaire
qu’elle insiste dans l’article IX sur la rigueur des peines qui peuvent s’appliquer aux femmes, afin de
montrer que les femmes et les hommes sont égaux devant la loi. Avec l’article IX, elle coupe court à
toute accusation d’indulgence de la justice envers les femmes.

 L’article X

L’article X original protégeait la liberté d’opinions, en précisant : « même religieuses ». Dans sa


réécriture par Olympe de Gouges, le terme « religieuses » est remplacé par « fondamentales ».
Ainsi, elle écarte toute mention de la religion pour élargir la portée de la loi à des opinions plus
politiques.

Olympe de Gouges a été guillotinée pour ses opinions politiques. En effet, elle a été arrêtée pour
avoir placardé dans Paris une affiche qui proposait de laisser le choix du régime politique français
au peuple. La revendication de la liberté d’opinions prend donc une toute autre résonance, lorsque
l’on connait le destin de l’autrice. La liberté d’opinion était le cœur de l’article X initial.

Dans sa réécriture de l’article X, Olympe de Gouges établit un lien entre la liberté d’opinion et la
liberté d’expression. Le « droit de monter à la tribune » fait référence à la tribune de l’Assemblée :
l’autrice revendique ici le droit, pour les femmes, de participer à la vie politique de la nation en
exprimant ses idées politiques.

Elle utilise un raisonnement a pari, c’est-à-dire un raisonnement par analogie : elle établit un
rapport d’égalité entre le droit de monter à l’échafaud et celui de monter à la tribune. L’analogie
est soulignée par le parallélisme entre l’expression « monter à l’échafaud » et « monter à la
tribune », qui utilisent toutes deux le verbe « monter ». Pour l’autrice, si les femmes subissent les
mêmes peines que les hommes (A = B), alors elles doivent bénéficier des mêmes droits qu’eux
(ce qui est vrai pour A l’est aussi pour B).

 L’article XI

Dans l’article XI initial, la liberté de la presse était explicitement mentionnée : « tout citoyen
peut donc parler, écrire, imprimer librement ». Or, Olympe de Gouges se focalise davantage sur
la « libre communication des pensées et des opinions » dans sa réécriture de l’article. Pour
Olympe de Gouges, il n’est pas seulement question de la liberté de pensée, Il faut que les enfants
naturels soient reconnus. On peut donc dire que, d’une certaine manière, elle ajoute à la liberté
de penser, la liberté d’aimer, et demande que les conséquences de cet amour soient
reconnues. »

Au XVIII e siècle, une femme ne peut pas dire librement « je suis mère d’un enfant qui vous
appartient » car seul le mariage permet de reconnaitre officiellement la filiation d’un enfant. Par
conséquent, les mères célibataires, qui ont un enfant hors mariage, sont stigmatisées : elles sont
considérées comme « une source de déshonneur » pour leur famille. L’article XI tel qu’il est
réécrit par Olympe de Gouges critique ainsi le « préjugé barbare » qui force les femmes à
dissimuler la vérité de la paternité de leur enfant, si elles ne sont pas mariées avec le père.

Olympe de Gouges est elle-même une enfant illégitime : son père biologique serait en réalité
Jean-Jacques Lefranc, marquis de Pompignan. Sa propre situation personnelle a donc pu
influencer son combat en faveur de la reconnaissance des enfants dits « naturels ».

Les lois du 17 nivôse et du 12 brumaire de l’an II (1793) établissent une égalité entre les enfants
légitimes et illégitimes, concernant les droits de succession, ce qui marque un tournant dans la
législation française. Cependant, dès 1804, cette égalité successorale est supprimée, et la
primauté des enfants légitimes est rétablie jusqu’en 1972.

 Article XIII

Gouges utilise ici un raisonnement a pari, c’est-à-dire un raisonnement qui s’appuie sur l’analogie
: si les femmes subissent les « tâches pénibles » au même titre que les hommes, elles doivent par
conséquent bénéficier des mêmes avantages que les hommes, c’est-à-dire « la distribution des
places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie ».

 Article XVI

Selon Olympe de Gouges, la nation est « la réunion de la femme et de l’homme ». L’autrice


emploie ici un syllogisme implicite, que l’on pourrait résumer ainsi : la nation étant constituée
des femmes et des hommes, et la Constitution étant « nulle, si la majorité des individus qui
composent la nation n’a pas coopéré à sa rédaction », alors la Constitution est nulle si les
femmes ne participent pas à sa rédaction.

C’est la modification de l’article III, incluant les femmes dans la définition même de la nation, qui
implique ensuite que celles-ci participent activement à la rédaction de la Constitution de la
nation.

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