Vous êtes sur la page 1sur 6

Bilan sur le préambule et les articles : comparaison entre les

deux Déclarations (Seuls le articles comportant des


modifications importantes sont retenus)
 Le préambule
Obj. : comprendre la portée argumentative et subversive de l’œuvre de
Gouges.

La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges


est une réécriture critique de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen. La structure de l’œuvre et la construction syntaxique des phrases du
préambule indiquent clairement la volonté de prendre la DDHC comme modèle
(comme texte fondateur) Mais Olympe de Gouges donne à son préambule une
revendication féministe.

Les changements opérés concernent les termes « hommes » et « citoyens »,


remplacés par les mots « femme », « citoyenne », par le groupe ternaire « les
mères, les filles, les sœurs » ou encore par la périphrase « sexe supérieur en
beauté comme en courage dans les souffrances maternelles ».→ Cette
substitution systématique dénonce d’emblée l’exclusion injuste dont les
femmes ont été victimes dans l’écriture de la DDHC. Une modification détourne
même le sens initial du premier préambule : le début de phrase « Considérant
que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules
causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements » cible
l’oppression des hommes sur les femmes.

→ Ces modifications donnent donc au préambule d’Olympe de Gouges une


portée subversive : elle ne se contente pas d’ajouter les femmes aux côtés
des hommes, elle propose au contraire un texte centré sur la condition
féminine. (Subversif : Qui renverse ou menace l'ordre établi, les valeurs
reçues.)

Dans l’énumération ternaire « les mères, les filles, les sœurs », les F sont
rassemblées dans une même filiation familiale. Elles forment la communauté
des femmes de laquelle les hommes sont exclus : le terme « épouses » n’est
pas employé. + ton solennel adopté dès cette première phrase,
(volontairement en rupture avec les attaques polémiques de l’adresse « à
l’homme » (Les Droits des femmes) ) l’énumération ternaire « les mères, les
filles, les soeurs » donne une gravité à ce début de préambule. Il s’agit
d’officialiser les droits des femmes.

Les périphrases expriment une inégalité, une hiérarchie entre les genres : le
sexe fort désigne en effet la gent masculine en la caractérisant par sa puissance
et son autorité tandis que l’expression sexe faible véhicule une image
dépréciative des femmes en induisant la notion de subordination, de fragilité.
Ces expressions antithétiques semblent légitimer les inégalités de genre : par
nature l’homme dominerait la femme, et la femme devrait être protégée par
l’homme. Quant à la périphrase beau sexe qui désigne les femmes, elle
constitue également un préjugé sexiste en cantonnant les femmes à une
appréciation d’ordre physique.
Pour dénoncer cette hiérarchie, Olympe de Gouges parodie ces expressions en
employant la périphrase « le sexe supérieur, en beauté comme en courage,
dans les souffrances maternelles ». En mettant en lumière le travail de
l’accouchement, propre aux femmes, Olympe de Gouges renverse la hiérarchie
traditionnelle entre le sexe fort et le sexe faible : les femmes sont non
seulement le beau sexe, « supérieur en beauté », elles sont également
supérieures en « courage ».

→Là encore, la réécriture critique du préambule de la DDHC par ODG n’ajoute


pas les femmes de manière égale aux hommes mais au contraire les présente
comme supérieures et les place au centre du texte : sa stratégie
argumentative s’appuie ainsi sur une inversion provocante des rôles.
 Les articles
Obj : analyser leur portée argumentative et comprendre la démarche de
l’autrice.

Dans presque tous les articles, l’autrice a ajouté la mention des femmes à la
version originale de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en
utilisant deux moyens : l’ajout ou la substitution. L’article VI, par exemple,
ajoute « toutes les citoyennes » à « tous les citoyens ». Dans l’article XV, elle
remplace « la société » par la mention explicite des femmes, aux côtés des
hommes : « la masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des
hommes. Enfin, d’autres articles se caractérisent par la disparition de la
mention des hommes : ainsi, l’article XII, qui commençait par « la garantie des
droits de l’homme et du citoyen », devient dans la réécriture de Gouges « la
garantie des droits de la femme et de la citoyenne ».

Dans l’article I, Olympe de Gouges remplace tout d’abord « les hommes » par
« la femme ». Le genre féminin devient ainsi le sujet de la phrase, montrant
que cette déclaration concerne avant tout les femmes. (L’autrice ne désigne
pas les femmes au pluriel, rompant avec la Déclaration originale qui utilisait le
pluriel pour désigner les hommes.) La femme est au singulier, considéré
comme genre.

Dans l’article IV ,selon l’autrice, les lois de la nature et de la raison doivent


permettre de mettre fin à « la tyrannie perpétuelle que l’homme oppose [à la
femme] ».
Les droits naturels de la femme (et de l’homme) sont « la liberté, la propriété,
la sureté, et surtout la résistance à l’oppression » (article II).
Gouges fait référence aux « lois de la nature et de la raison ». Influencée par
Rousseau, pour qui l’état de nature est un idéal d’harmonie l’autrice s’appuie
sur la coopération des deux sexes dans la nature pour dénoncer la tyrannie
masculine sur les femmes, dans « Les Droits de la femme », qui précède le
préambule. Sa critique du comportement des hommes s’appuie également sur
la mise en valeur de la raison par les Lumières, au XVIII e siècle : puisque les
femmes ont des capacités intellectuelles égales aux hommes, elles doivent
bénéficier des mêmes droits politiques. (Voir LL 1) Ainsi, l’égalité entre les
sexes est justifiée à la fois par les lois de la nature, c’est-à-dire le
fonctionnement de celle-ci, et par les lois de la raison, c’est-à-dire l’égalité
des facultés intellectuelles des hommes et des femmes.

Dans l’article IX, ODG supprime toute mention de la présomption d’innocence


et elle rappelle au contraire l’importance de la rigueur de la loi pour les
femmes déclarées coupables Cette modification peut sembler surprenante car
la présomption d’innocence est l’un des 15 droits fondamentaux des êtres
humains. Dans l’article X, Olympe de Gouges s’appuie sur l’égalité des
femmes et des hommes face à la loi pour revendiquer l’égalité des sexes en
termes de liberté d’expression. Ainsi, il était nécessaire qu’elle insiste dans
l’article IX sur la rigueur des peines qui peuvent s’appliquer aux femmes, afin
de montrer que les femmes et les hommes sont égaux devant la loi. ( = Les F
et les H doivent être égaux en droits et en devoir). Avec l’article IX, elle coupe
court à toute accusation d’indulgence de la justice envers les femmes.

Dans l’article X, Olympe de Gouges remplace le terme « religieuses » par «


fondamentales ». Ainsi, elle élargit la portée de la loi à des opinions plus
politiques.
NB : Olympe de Gouges a été guillotinée pour ses opinions politiques, elle a été
arrêtée pour avoir placardé dans Paris une affiche qui proposait de laisser le
choix du régime politique français au peuple. La revendication de la liberté
d’opinions prend donc une toute autre résonance, lorsque l’on connait le
destin de l’autrice.

De plus, Olympe de Gouges établit un lien entre la liberté d’opinion et la liberté


d’expression. Le « droit de monter à la tribune » fait référence à la tribune de
l’Assemblée : l’autrice revendique ici le droit, pour les femmes, de participer à
la vie politique de la nation en exprimant ses idées politiques. Elle utilise un
raisonnement a pari, c’est-à-dire un raisonnement par analogie : elle établit un
rapport d’égalité entre le droit de monter à l’échafaud et celui de monter à la
tribune. L’analogie est soulignée par le parallélisme entre l’expression « monter
à l’échafaud » et « monter à la tribune », qui utilisent toutes deux le verbe «
monter ». Pour l’autrice, si les femmes subissent les mêmes peines que les
hommes, alors elles doivent bénéficier des mêmes droits qu’eux.

Dans l’article XI initial, la liberté de la presse était explicitement mentionnée : «


tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ». Or, Olympe de
Gouges se focalise davantage sur la « libre communication des pensées et des
opinions » dans sa réécriture de l’article. Il faut que les enfants naturels soient
reconnus. On peut donc dire que, d’une certaine manière, elle ajoute à la
liberté de penser, la liberté d’aimer, et demande que les conséquences de cet
amour soient reconnues.
Au XVIII e siècle, seul le mariage permet de reconnaitre officiellement la
filiation d’un enfant. Par conséquent, les mères célibataires, qui ont un enfant
hors mariage, sont stigmatisées : elles sont considérées comme « une source
de déshonneur » pour leur famille. L’article XI tel qu’il est réécrit par Olympe
de Gouges critique ainsi le « préjugé barbare » qui force les femmes à
dissimuler la vérité de la paternité de leur enfant, si elles ne sont pas mariées
avec le père. (Olympe de Gouges est elle-même une enfant illégitime : son père
biologique serait en réalité Jean-Jacques Lefranc, marquis de Pompignan. Sa
propre situation personnelle a donc pu influencer son combat en faveur de la
reconnaissance des enfants dits « naturels ». Les lois du 17 nivôse et du 12
brumaire de l’an II (1793) établissent une égalité entre les enfants légitimes et
illégitimes, concernant les droits de succession, ce qui marque un tournant
dans la législation française. Cependant, dès 1804, cette égalité successorale
est supprimée, et la primauté des enfants légitimes est rétablie jusqu’en 1972. )

Dans l’article XIII, Olympe de Gouges utilise un raisonnement a pari, c’est-à-


dire un raisonnement qui s’appuie sur l’analogie : si les femmes subissent les «
tâches pénibles » au même titre que les hommes, elles doivent par conséquent
bénéficier des mêmes avantages que les hommes, c’est-à-dire « la distribution
des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie ».

Selon l’article III d’ODG, la nation se définit comme « la réunion de la femme et


de l’homme ». Elle est donc la somme des individus d’un pays, et ne peut
exclure les femmes : la place et le rôle de celles-ci au sein de cette nation
doivent donc être reconnus. En incluant ainsi les femmes parmi les membres
de droit d’une nation, en faisant d’elles des « représentantes » de la nation,
Olympe de Gouges réclame pour elles le droit de participer à la vie politique du
pays et de cesser de les considérer comme des citoyennes passives. Selon
Olympe de Gouges, la nation est « la réunion de la femme et de l’homme ».

Dans l’article XVI l’autrice emploie un syllogisme implicite :

1- La nation est constituée d’hommes et de femmes


2- Or la majorité des individus qui la composent n’a pas participé à la
rédaction de la Constitution
3- Alors la Constitution est nulle.

(Le terme syllogisme désigne un mode de raisonnement rigoureux constitué de


trois propositions : deux énoncées comme vraies (et une conclusion.)

Vous aimerez peut-être aussi