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Analyse de la DDFC

Introduction :

La Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne a été rédigée en septembre 1791 par
Olympe de Gouges. Construite sur le modèle de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, elle
en constitue un pastiche en énumérant les droits qui ne s'appliquaient alors qu'aux hommes. L'objectif de
cette déclaration est d'exiger l’assimilation légale, politique et sociale des femmes auprès de l'Assemblée
nationale et de dénoncer le fait que la Révolution oubliait les femmes dans son projet de liberté et
d'égalité. On se demande ainsi comment Olympe de Gouges détourne la déclaration des droits de
l’homme et du citoyen à l’avantage des femmes. Pour répondre à ceci, nous allons dans un premier temps
aborder le préambule de la déclaration qui redéfinit le corps social en donnant une visibilité aux femmes.
Dans un second temps, nous analyserons le modèle égalitaire que propose l’auteure dans son œuvre.

I. Le préambule permet de mettre en avant le féminin et donc de redéfinir le corps social

- “Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation:”


- Représentantes de la nation française remplace les représentants du peuple car la nation est définie à
l’art.3 comme la réunion des hommes et femmes “qui n'est que la réunion de la femme et de l'Homme” :
- Enumération sur un rythme ternaire, féminin décliné sous toutes ses formes
- Insistance sur liens familiaux, les députés ont des mères, des soeurs : Égalité présentée comme naturelle
- Absence des “épouses” : pas lien biologique et répugnance d’Olympe de Gouges face au mariage
“Demandent d'être constituées en Assemblée nationale” : requête qui exprime la volonté des femmes et
souligne indirectement que les femmes sont exclus de l’assemblée nationale / demande à ne plus être
cantonnées à un rôle de spectatrice et à ne plus être des tricoteuses + présent d’énonciation + s’arroge le
pouvoir législatif refusée au femmes = caractère performatif
“Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des
malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration
solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment
présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que
les actes du pouvoir [légilsatif] des femmes, et ceux du pouvoir[exécutif] des hommes, pouvant être à
chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les
réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent
toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.” :
- Remplace systématiquement le mot “homme” par “femme” = dimension critique par rapport à la
gouvernance masculine = le nom “homme” va être systématiquement remplacé par le nom “femme” +
cherche une certaine visibilité parce que le mot homme est ambigu = être humain mais aussi indique le
sexe masculin ( femmes invisibilisées ) dimension ironique? Pastiche de la DDHC deviendrait ici une
parodie? On peut se poser la question car systématise le remplacement du mot homme par femme.
- “Sont les seules causes” = femmes au centre + dimension hyperbolique avec l’emploi de l’adjectif
“seule” + seules causes des malheurs publics = on retrouve l’argument de la pièce d’Aristophane
"l'assemblée des femmes” : la corruption de la cité est attribuée à la gouvernance masculine.
afin que les actes du pouvoir [législatif] des femmes, et ceux du pouvoir[exécutif] des hommes,
- “Afin que” = conjonction de subordination de but + tourner vers un but = projet politique / ambition
- Olympe de Gouges remplace “legislatif” par “femme” et “executif” par “homme” = Olympe de Gouges
veut mettre en place l’équilibre des sexes comme l’équilibre des pouvoirs législatif et exécutif avait été
recommandé par Montesquieu (dans De l’esprit des lois) = Elle établit un parallélisme entre les 2 =
complémentarité hommes-femmes + le mot “femme” est remplacé par le mot “citoyenne”, féminin de
citoyen = induit l’égalité des droits
“le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles” :
- Périphrase qui glorifie le sexe féminin par rapport au masculin ( audacieux et incongru dans un texte
juridique) : par opposition au “Sexe prétendu faible” ou “le beau sexe” qui cantonne la femme à son
aspect physique + dimension ironique? Pastiche de la DDHC deviendrait ici une parodie?
- On retrouve les deux visages convenues (stéréotypées) de le femme : la séductrice et la mère
+ insistance du courage des femmes par rapport à l’accouchement (forte mortalité féminine)
- Courage = prérogative masculine reprise ici pour les femmes :

II. Proposer les bases d’un modèle égalitaire

Article premier : le pluriel est abandonné : les “hommes” deviennent “la femme” insiste sur l’égalité
avec le parallélisme femme/homme. “demeure” : on peut lire une référence au mariage: le mariage était à
l’époque une soumission à l’homme. Olympe de Gouges redéfinira un contrat social entre homme femme.
Article 2 : ajout de la femme, là c’est un ajout et ne remplace plus comme dans le préambule : permet de
redéfinir le corps social et de rendre visible les femmes
- de la femme et de l'Homme : coordination de le femme et de l’homme (mais de la femme est antéposé)
- “et surtout” → adverbe pour renchérir. “oppression” domination, étouffées ; elles sont soumises à la
pression, terme fort qui annonce la “tyrannie” cf article 4. Emancipation des femmes. = implicitement
n’est-il pas aussi question de l’émancipation des hommes noirs ?
Article 3 : proposition subordonnée relative à valeur explicative, + négation restrictive (exceptive) qui
n'est que la réunion de la femme et de l'Homme - ajout pour expliciter le mot nation du préambule.
- “nation” souligne l’importance de la femme au sein de la société française. Pas de nation si
marginalisation ou invisibilité des femmes - interdépendance des hommes et femmes.
Article 4 : “justice...autrui” elle associe liberté et justice par “et”, “bornes...tyrannie” négation restrictive
= la problème des femmes c’est la tyrannie imposée par les hommes. Tyrannie est un terme hyperbolique
qui sonne comme le mal absolu dans cette période révolutionnaire
- “loi de la nature et de la raison” allusion aux Lumières. On retrouve une référence au texte liminaire,
l’apostrophe aux hommes, “Homme es tu capable d’être juste” où l’on retrouve les arguments en
référence aux lois de la nature et aux valeurs des Lumières. L’idéologie des Lumières a prévalu pour la
rédaction de la DDHC et elle cherche à ce que les députés soient en cohérence avec leurs principes.

Conclusion :

En conclusion, la Déclaration reprend celle de son modèle, tout en détournant habilement son
sens. La revendication féministe est argumentée par deux procédés : soit par ajout afin de pointer du
doigt une exclusion estimée comme injustifiée, soit les références à l'oppression politique sont
détournées afin de dénoncer l'oppression masculine sur les femmes. Bien que pastiche, la Déclaration
des droits de la femme et de la citoyenne pose la question de la légitimité du droit lorsque la moitié du
genre humain en est exclue. Dans le cadre de la Déclaration, la démarche redondante d’Olympe de
Gouges, qui distingue les femmes et les hommes là où le terme d’homme pourrait désigner le genre
humain dans son ensemble, met en lumière l’injustice de la démarche qui consiste à exclure les
individus de sexe féminin.

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