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Olympe de Gouges, DDFC, Préambule, 1791

En 1791, deux ans après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la société
française est largement dominée par les hommes ; les femmes sont finalement les grandes perdantes
de la Révolution, à telle enseigne que la constitution de 1791 les relègue au rang de citoyens passifs.
C’est pourquoi, le jour même où cette constitution est adoptée, Olympe de Gouges publie une
réécriture féminine et féministe de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Le préambule de cette déclaration, ici étudié, est le texte introductif dans lequel elle expose
les buts de sa démarche et introduit les articles des droits auxquels elle aspire.
Ce texte législatif est composé tout d’abord d’une mention initiale des lignes 1 à 2, s’ensuit le
préambule des lignes 3 à 17, dans lequel elle revendique les droits de la femme vis-à-vis des hommes
et fait comprendre qu’elle considère que les valeurs des lumières qu’ils prônent sont en contradiction
avec la politique qu’ils mènent à l’égard des femmes. Notre étude portera également sur les 3
premiers articles revendiquant les droits fondamentaux des lignes 18 à 26.
Aussi nous demandons-nous comment ce texte législatif, reprenant pour une large part la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, constitue une action politique de proposition
féministe qui s’inscrit dans le mouvement des Lumières ?

Mouvement 1 : Mention initiale


- Les deux premières lignes du texte constituent la mention initiale. Tout d’abord l’injonction
“À décréter” marque la nature législative du texte.

- Les termes «assemblée nationale», «séance», «législature» issus d’un langage formel
caractéristique d’un texte politique.

- La nature délibérative de ce texte est soulignée par la temporalité proche de ce texte, par le
biais des compléments circonstanciels de temps : «dans ses dernières séances», «dans celle
de la prochaine législature”

- Enfin, La conjonction de coordination “ou” au caractère contraignant ne laissant le choix


qu’entre dates proches témoigne un tentative en force de passe par Olympe D Gouges. Elle ne
sera pas suivie d’effet et le texte ne sera jamais présenté.

Mouvement 2: Préambule
- Les premiers termes de ce préambule à la ligne 3, sous un rythme ternaire hypocoristique «les
mères , les filles , les sœurs» marquent la totalité, ils confèrent un effet rhétorique et une
complétude au sujet.

- L’apposition « représentante de la nation» permet de glisser le du biologique des mères aux


politique “nation”

- Le verbe “demandent” au présent de l’infinitif, est une requête pour que les femmes aient un
rôle politique, de manière urgente. Elle se place en tant que porte parole des femmes afin
qu’elles soient libérés autant que les hommes de la tyrannie.

- A la ligne 4 la gradation ternaire «l’ignorance , l’oubli ou le mépris des droits de la femme»


où elle juge la société qui maintient les femmes dans un état de dépendance. Elle constate
alors qu’il en résulte “des malheurs publics” et « la corruption des gouvernements», que ces
désordres sociaux proviennent du mépris que subissent les femmes et considère que la
misogynie impacte la société dans sa globalité.
Olympe de Gouges, DDFC, Préambule, 1791

- Aussi, Olympe fait usage d'antonymes des valeurs des lumières “ignorance”, “corruption”,
”malheur” afin de décrire la manière dont les femmes sont traités, c'est un moyen de
dénoncer le traitement subi par les femmes en le prouvant contraire au mouvement des
Lumières, celui-ci croyant au progrès des humains par l'éducation des peuples.

- Suite à ce constat sévère, elle expose la solution «ont résolu d’exposer dans une déclaration
solennelle» : une constitution qui égalise la condition des sexes :«les droits naturels,
inaliénable et sacrés de la femme »

- La solution proposée à travers cette gradation ascendante méliorative est conforme aux
valeurs du 18ème siècle, “les droits“ découlent du domaine de la justice, basés sur la nature,
avec adjectif «naturels» et les valeurs morales apparaissent avec Dieu par l'adjectif “sacrés”

- Des lignes 7 à 12, trois subordonnées de but sous forme d'anaphores sont introduites par “afin
que”, là encore un rythme ternaire ancre le raisonnement accentué par les adverbes temporel
“constamment”, “sans cesse”, “toujours” qui insiste sur le fait que l'égalité homme-femme
nécessite un effort en tout instant.

- Dans la première subordonnée l'équilibre se crée par les antonymes complémentaires


“droits” et “devoirs”, ainsi que la métaphore physique du “corps social” qui désigne la
société comme un tout, lieu où les hommes et les femmes sont en harmonie.

- La deuxième subordonné révèle la conception du féminine d'Olympe de Gouges, un pouvoir


est partagé pour une égalité grâce parallélisme entre « pouvoir des femme » et « pourvoir
homme » .

- Des lignes 11 à 12, les adjectifs “simple et incontestable” promeuvent la clarté de la


Constitution dont ce préambule en est l'image.

- La troisième subordonnée reprend l'idée que les femmes faisant forment un tout et évoque le
fonctionnement de la société dans son ensemble. A la ligne 13, paronymie de “bonnes mœurs
et bonheur” rends harmonieuses les conséquences de la Déclaration des Droits de la Femme
et de la Citoyenne , qui offrirait bon fonctionnement morale de la société et le terme
universel “de tous” un bonheur généralisé.

- A la ligne 14, Olympe de Gouge fais l’usage d’une périphrase à valeur ironique « sexe
supérieur » afin d'établir une éloge de la femme. Elle affirme la supériorité des femmes sur les
hommes ce qui renverse la hiérarchie alors admise.

- c'est étonnant notamment vis-à-vis de l'égalité homme-femme car elle s'appuie sur l'image
traditionnelle de la femme gracieuse et maternelle.

- En évoquant la maternité “dans les souffrances maternelles” elle rappelle que ce sont les
femmes qui donnent naissance aux citoyens ce qui constitue une boucle avec l'ouverture de
son préambule “les mères”.
Olympe de Gouges, DDFC, Préambule, 1791

- Elle conclut de manière frappante son préambule, à la ligne 14, la périphrase “l'Être
suprême”, elle fait appel à une autorité supérieure, sacralisée, rationnelle, juste soucieuse de
l’égalité Homme et Femme afin de legitimiser ses propos.

- En guise de clôture de ce préambule, la féminisation des termes “citoyen et homme” témoigne


alors que le projet de l’auteur et donc une réécriture de la Déclaration des Droits de l’Homme
et du Citoyen qu'elle estime est inachevée et imparfaite.

Mouvement 3 : Articles
- Les 3 premiers articles de sa déclaration témoignent non seulement de la volonté d’Olympe
d’inclure les femmes dans cette révolution mais aussi d’instaurer entre les hommes et les
femmes. En effet, les articles sont presque identiques à ceux de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen, seulement les termes femmes y sont inclus.

- Dans L’article 1, Le présent de l'indicatif est à valeur de vérité générale, elle place la femme
en tant qu'utile que l’homme en droits, grâce au verbe “demeure”, suivit des deux principes
fondamentaux des lumières et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ,
l’égalité et la liberté qui se veulent permanentes et incontestables.
- En citant «les distinctions sociales», elle explique qu’une société peut demeurer égalitaire
malgré l'existence d'égalité sociale tant que les plus favorisés participent au bon
fonctionnement de la société “utilité commune”.

- Dans l’article 2, tout d'abord, l’adjectif « naturel » rappelle l’état de nature et l’harmonie
entre les genres
- Elle feminise sa déclaration en accompagnant le terme “femme” du terme “homme” à la ligne
20. Le caractère solide du terme imprescriptible grâce au préfixe “im” indique que les droits
ne peuvent être retirés aux femmes, et en accordant aux femmes le droit de résistance à
l'oppression, Olympe de Gouges rend légitime le combat des femmes pour l’égalité des sexes.
- L'adverbe intensif “surtout” à la ligne 21 suggère que l'oppression peur revenir des
révolutionnaires eux-mêmes, et dénonce de l'inégalité des droits causés par le patriarcat .

- L'article 3 porte sur la notion de “nation”. La négation l.23 “n’est que” restrictif exclut toute
définition de la nation qui n'incluent pas les femmes.
- En effet à la l.24 Olympe de Gouges définie la nation comme “la reunion de la femme et de l
‘Homme” ce qui rappelle la complémentarité du rôle de la femme égale à celui de l'homme, et
du partage des pouvoirs. La conjonction de coordination “et” contribue également à cette
égalisation en supprimant toute hiérarchisation et en exprimant l'égalité entre les sexes.
- Enfin, les négations “nul” l.23. renforce l’idée que la souveraineté n’est détenue par le
souverain mais par une communauté entière, incluant femmes et hommes.

Ce texte incarne les valeurs des Lumières de par son rapport au rationnel et les libertés
revendiquées. Mais est aussi un texte politique où Olympe De Gouges s’empare du problème et agit
pacifiquement pour améliorer la situation des femmes. Il s’agit de mettre en avant une valeur majeure
de la Révolution : l’égalité. La vision de la société de l’auteur ne consiste pas en une indifférenciation
entre femmes et hommes, mais en un équilibre, du fait de la séparation des pouvoirs. C’est un débat
qui perdure de nos jours dans les réflexions féministes : quelle égalité est demandée ?

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