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Préambule de La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de

Gouges

Introduction

Daté de 1791, le texte dont il est question correspond au préambule de La


Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, une oeuvre engagée dans la
revendication des droits de la femme et à la croisée de plusieurs genres littéraires.
Écrit par Olympe de Gouges, une femme de lettres de la deuxième moitié du XVIIIe
siècle engagée dans la Révolution française et représenta tive de l’esprit des
Lumières, ce préambule adressé à l’Assemblée nationale suit le modèle de La
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen daté de 1789, en incorporant
toutefois quelques changements. Par l’intermédiaire de ces changements, Olympe de
Gouges met ainsi en exergue l’injustice faite aux femmes dans la société mais aussi
l’hypocrisie de la La Déclaration des droit s de l’homme et du citoyen, qui prétend
prôner l’universalisme alors qu’elle ne prend pas en compte les femmes.

Problématique : en quoi ce texte constitue-t-il un plaidoyer efficace pour les droits de la


femme ?

I. Un appel à la constitution d’une assemblée nationale de femmes (lignes 1 à 5)

A. La redéfinition du corps social (lignes 1 à 2)

Dès le début du préambule, il y a une différence essentielle entre l’hypotexte


et l’hypertexte : dans la DDHC, les locuteurs désignés sont « les représentants du
peuple français » alors que dans l a DDFC, ODG utilise l’énumération ternaire « Les
mères, les filles, les soeurs » suivie de la péri phrase « représentantes de la nation »
pour désigner les locutrices. Ces changements ne sont pas anodins : en désignant les
femmes ainsi, ODG cherche à mettre en valeur la solidarité des femmes entre
elles mais aussi le lien qui les unit aux hommes par lien de parenté. Quant à l’utilisa
tion du terme « nation », propre à la Révolution, il marque la volonté de l’auteur
de redéfinir l e corps social, en y incluant les femmes. Cela permet de légitimer la
demande de ces dernières d’être constituées en assemblée nationale.

B. Les désordres engendrés par le mépris des droits de la femme (lignes 2 à 3)

Dans la suite du texte, ODG justifie l’importance de sa requête en évoquant les


désordres que l’in égalité des sexes engendre dans la société. C’est un argument qui
renforce son argumentation et légitimité de sa demande. Deux désordres sont alors
mentionnés,
- le premier est social, ce sont « les malheurs publics »,
- le deuxième est politique, il s’agit de « la corruption des gouvernements
». Par l’intermédiaire de ces deux arguments, ODG suggère ainsi que la
misogy nie de la société, dénoncée un peu plus haut par l’emploi de la
gradation ascendante : « l'igno rance, l'oubli ou le mépris des droits de
la femme » n’affecte pas seulement le bonheur de s femmes mais aussi
celui de toute la société, d’où l’importance d’y remédier.

C. La défense des droits de la femme (lignes 3 à 5)


A en juger par ODG, le seul moyen de guérir les maux de la société est de décréter,
par le recours à « une déclaration solennelle » une constitution égalitaire entre les
sexes. Pour mettre en valeur cette égalité entre les sexes, elle emploie exactement la
même énumération ternaire pour caractériser les droits de la femme que celle
employée dans la DDHC pour caractériser les droits de l’homme, définis comme «
naturels, inaliénables et sacrés ». Par ce moyen, elle entend ainsi rappeler qu’à l’état
naturel, les femmes disposent des mêmes droits que l’homme. En ne leur octroyant
pas ces droits en société, les hommes s’opposent donc à la nature et font preuve
d’injustice.
II. Un argumentaire en faveur de l’égalité des sexes (lignes 5 à 10)

A. Le rappel des droits et devoirs de chacun (lignes 5 à 6)

A partir de la ligne 8, et plus particulièrement de la locution conjonctive de but


« afin que », l’argu mentation prend un nouveau tournant : après avoir énoncé la
demande des femmes, les causes de cette demande et la solution à y apporter, ODG
évoque les buts et les vertus de sa déclaration C’est un moyen de convaincre son
auditoire.La première des vertus mentionnée par l’auteure c’est la responsabilité
qu’elle donne « à tous les membres du corps social », autrement dit à chaque
homme et à chaque femme, de connaître et d’exercer ses droits et ses devoirs.
Pour mettre en exergue l’importance de cette responsabilité, deux adverbes
temporels sont utilisés « constamment » et « sans cesse ». Ils traduisent l’effort
permanent mais nécessaire que requie rt le respect des droits et devoirs de chacun.

B. La coopération entre hommes et femmes (lignes 6 à 8)

Dans la suite du texte, ODG met en avant une autre vertu de sa déclaration et
pas des moindres l’égalisation des droits de l’homme et de la femme. Pour mettre
en avant cette égalisation, elle emploie le parallélisme de construction entre « les
actes du pouvoir des femmes » et « ceux d u pouvoir des hommes », qui permet
d’inscrire l’égalité homme-femme dans la lettre même du texte Le fait que ces deux
groupes nominaux soient coordonnés et qu'ils se substituent « au pouvoir lé gislatif »
(chargé de l’élaboration de la loi) et « au pouvoir exécutif » (chargé de l’application
de l a loi) dans l’hypotexte, suggère par ailleurs que la nation doit, selon ODG, reposer
sur l’action com plémentaire et coopérative des hommes et des femmes.

C. Le maintien des bonnes moeurs (lignes 8 à 10)

Enfin, pour clore son argumentaire en faveur des droits de la femme, ODG prête à sa
déclaration un dernier avantage : celui de favoriser « le maintien de la Constitution ,
des bonnes moeurs et le bonheur de tous ». Déjà mis en avant dans la DDHC (à la
différence que cette dernière ne men tionnait pas « les bonnes moeurs », c’est un
ajout propre à la DDFC), cet argument qui prend l a forme d’une nouvelle
énumération ternaire est un moyen pour l’auteure de réfuter le cliché selon lequel la
liberté de la femme va de pair avec son immoralité. Qui plus est, il suggère que
l’égalité des sexes peut non seulement pallier certains vices de la société, mais aussi
garantir le bonheur et la paix de toute la nation.
III. Une introduction efficace aux articles de droits (lignes 11 à 13)

A. L’affirmation de la supériorité de la femme (lignes 11 à 12)

Dans le deuxième paragraphe du préambule, ODG aborde une nouvelle étape de son
argumenta tion, d’où l’emploi du connecteur logique « en conséquence ». Cette
étape, qui lui permet d’intro duire ses différents articles de droits, se présente d’une
façon très originale comparée à celle utili sée dans la DDHC. Cette originalité tient à
l’éloge qu’ODG fait des femmes en les désignant par la périphrase « le sexe supérieur
en beauté comme en courage dans les souffrances maternelles » A l’époque, le sexe
féminin est communément considéré comme le sexe faible. En désignant les femmes
comme le sexe supérieur, ODG renverse donc la hiérarchie traditionnelle entre
l’homme et la femme. Quant à la référence qui est faite à l’accouchement, elle permet
de rappeler que ce sont les femmes qui donnent naissance aux citoyens, d’où
l’importance de leur accorder les mêmes droits qu’aux hommes.

B. La valeur performative du texte (ligne 12)

Après avoir affirmé la supériorité de la femme sur l’homme et s’être éloignée de la


DDHC, ODG y revient en employant exactement les mêmes verbes utilisés pour
introduire les articles de droits : il s’agit de « reconnait et déclare », conjugués au
présent de l’indicatif. Ils ont une grande impor tance dans le texte en raison de leur
valeur performative. Un verbe performatif est un verbe qui accomplit simultanément
l’action qu’il énonce. Lorsqu’ODG affirme donc « le sexe supérieur (…) reconnait
et déclare les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne », elle ne fait pa s
qu’énoncer l’action, elle l’accomplit. Ceci lui permet de donner, en apparence, une
valeur juridique à son préambule et aux articles qui le suivent.

C. Le soutien d’une autorité supérieure (lignes 12 à 13)

Pour conclure son préambule et introduire ses articles de façon frappante, Olympe de
Gouges n’hésite pas à emprunter la formule « en présence et sous les auspices de
l’Etre suprême » à la DDHC. Par l’intermédiaire de cet emprunt, elle signale qu’au
même titre que les hommes, elle place sa démarche sous l’autorité d’un être
supérieur, sacralisé par l’emploi de la majuscule et soucieux de l’égalité entre les
hommes et les femmes. Cela donne une certaine légitimité à son préambule et aux
articles qui le suivent. Qui plus est, en assignant une majuscule aux termes « Droits
», « Femme » et « Citoyenne », ODG confère la même importance à ces entités qu’
à « l’Etre suprême ». Ceci est un moyen de rappeler que, depuis la Révolution, la
aation est aussi sacrée que la religion.

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