Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
L’alliance thérapeutique :
l’optique comportementale et cognitive
L’Alliance thérapeutique, Dr Charly Cungi, éd. Retz, Paris, 2006.
Le rapport collaboratif
La dimension affective
Une relation empathique : elle consiste, pour le thérapeute, à percevoir puis à restituer
au patient ce qu'il comprend de sa réalité, en tenant compte des retours que celui-ci fait
durant l'entretien. fi est nécessaire d'explorer son mode de vie, ses problèmes, les
solutions qu'il a pu trouver lui-même, la manière dont sont organisées ses relations
affectives, familiales, professionnelles, et son éventuelle susceptibilité, anxiété,
dépression ou, au contraire, son insouciance... Si un thérapeute ne développe pas sa
capacité d'empathie, ses idées et théories a priori demeurent au premier plan pour
guider la thérapie. Le risque de ne pas assez tenir compte de ce que dit et vit le patient
devient majeur. Le thérapeute se comporte alors comme un marin qui ignorerait l'état
de l'Océan et continuerait à naviguer.
Une relation authentique : ce point est plus difficile à définir si l'on veut éviter les
descriptions tautologiques du type « être authentique, c'est être vrai ». Pour le
thérapeute, être authentique, c'est développer la capacité de se sentir à l'aise avec le
patient, avec la réalité qu'il vit, la capacité aussi de se sentir à l'aise avec ses propres
émotions, sentiments et pensées, y compris avec son malaise. Le thérapeute est
souvent confronté à des situations difficiles, qui génèrent chez lui un malaise. Par
exemple, avec un patient présentant un trouble dépressif majeur avec un risque
suicidaire, le thérapeute doit aborder de manière directe la dépression et les idées
2
suicidaires malgré ses propres émotions, sentiments et pensées. Si son embarras est
paralysant, il ne peut pas faire son métier.
Une relation chaleureuse : la chaleur humaine est une nécessité naturelle : l'être
humain est un « animal grégaire et affectif » qui a besoin de vivre avec les autres. Le
groupe, familial, tribal, sociétal est probablement une conséquence de cette nécessité.
Aussi curieux que cela puisse paraître, s'entraîner à manifester de la « chaleur » est
indispensable. Car le thérapeute, comme tout être humain, n'aime pas « tout le
monde » et peut se sentir agacé par certains patients. Cela paralyse régulièrement le
processus thérapeutique. Établir une relation chaleureuse consiste à développer sa
capacité de trouver le patient sympathique. Si un thérapeute ne parvient pas à trouver
le patient sympathique, il doit limiter les objectifs du traitement ou adresser la
personne à un autre psychothérapeute.
La dimension professionnelle
Ainsi, un plombier empathique, qui comprendrait la réalité de la fuite d'eau dans la salle de
bain, qui serait authentique, à l'aise avec son client et avec la fuite d'eau, chaleureux, qui
trouverait le client sympathique... mais qui ne réparerait pas la fuite d'eau se verrait peut-être
proposer, par son client, de revenir passer une bonne soirée... sûrement pas de réparer la
robinetterie. Ce serait un « bon copain » mais un mauvais plombier.
Être professionnel, c'est d'abord disposer d'un statut et avoir des compétences.
Disposer d'un statut : Il est important que le patient sache rapidement à qui il
s'adresse: infirmier, psychologue, médecin, etc., et qu'il ait une idée assez précise de ce
qu'il peut en attendre. Disposer de ces informations diminue fortement la méfiance et
focalise davantage l'attention des patients sur la thérapie plutôt que sur le thérapeute.
Avoir des compétences : un psychothérapeute doit être formé pour les techniques qu'il
emploie, bien les connaître et savoir les appliquer. Par exemples, pour pratiquer une
thérapie comportementale et cognitive, les compétences indispensables sont:
o savoir établir l'alliance thérapeutique,
o savoir recueillir les informations utiles et nécessaires,
o savoir organiser ces informations dans un modèle opératoire (c'est l'analyse
fonctionnelle des problèmes),
o savoir appliquer des méthodes thérapeutiques,
o savoir évaluer l'impact de la thérapie à court, moyen et long termes.
Réactance et résistance
Quand le rapport collaboratif ne s'installe pas, c'est que les facteurs relationnels sont restés au
premier plan et parasitent la thérapie. Dans ce cas, patient(s) et thérapeute(s) sont surtout
préoccupés, plus ou moins consciemment, par ce que l'autre pense, le fait de « ne pas se
3
laisser faire » ou, au contraire, de ne pas déplaire, voire de séduire. Deux phénomènes
apparaissent alors: la réactance et/ou la résistance.
Plus un thérapeute essaie de convaincre ou s'oppose aux résistances et réactances, plus celles-
ci se renforcent. Les techniques d'entretien doivent donc s'appuyer sur les résistances et
réactances, en faire un avantage, afin d'établir l'alliance thérapeutique.
La réactance de Mélodie
Mélodie présente une anorexie mentale ancienne. Sa maladie a commencé quand
elle avait 17 ans : elle en a maintenant 25. Sa vie est rythmée par les
préoccupations concernant son poids et son alimentation « diététique ». Dès qu'un
thérapeute lui fait remarquer qu'elle présente tous les critères de l'anorexie
mentale, elle se met en colère et répond « plutôt mourir que grossir! »
La résistance d'Alphonse
Alphonse consulte parce que son épouse lui a posé un ultimatum: « Ou tu te
soignes et tu arrêtes de boire, ou c'est le divorce ! » Alphonse se retrouve dans le
cabinet du médecin et demande à être soigné, « parce que ça ne peut plus
durer... ». Le médecin lui propose une hospitalisation pour un sevrage, mais
Alphonse ne parvient jamais à trouver une date possible, il y a toujours une raison
valable de retarder son admission en centre spécialisé. L'accord du patient ne
débouche que sur une forte résistance à se soigner.
4
Pour établir un rapport collaboratif, le thérapeute doit être capable de tenir compte de ses
propres émotions, sentiments, cognitions et comportements. Il doit considérer le type de
relation qui s'établit avec le ou les consultants. L'observation du ou des patients,
particulièrement les composantes non verbales de la communication, et l'écoute sont
indispensables. L'examen attentif de ces trois dimensions permet de mieux comprendre le
processus, de développer les conduites à tenir et d'appliquer des techniques d'entretien.
L’auto-observation
Détecter et tenir compte de ses sensations physiques (qui accompagnent les émotions)
Auto-observer et contrôler ses émotions (anxiété, colère, agacement, etc.)
Auto-observer et modifier ses sentiments (méthode « avantages, inconvénients,
risques » : quels avantages ai-je à ressentir cette colère à l’égard de mon patient ; quels
inconvénients y a-t-il ; quels risques pour la suite de la thérapie)
Auto-observer et modifier ses pensées automatiques (pourquoi suis-je si méfiant à
l’égard de ce patient alcoolique ?)
Auto-observer et modifier les composantes non verbales de la communication
5
Exemples
Pensées automatiques: « Il n'est pas motivé, c'est toujours la même chose avec les
alcooliques! », « Ce n'est pas la peine que je me décarcasse, ça revient au même »,
« Il ne pense qu'à lui », « Il ne veut rien faire ».
Risques: le risque principal est que la thérapie ne s'engage pas, que le patient ne
revienne pas.
Conduite à tenir: bien « s'appuyer » sur les avantages et se centrer sur l'analyse
fonctionnelle pour établir le rapport collaboratif. Bien vérifier les critères:
empathie, authenticité, chaleur et professionnalisme.
L’observation de la relation
Une relation entre deux personnes ne peut être que symétrique ou complémentaire.
Habituellement, il existe une alternance efficace entre les deux modes relationnels. Quand la
symétrie ou la complémentarité devient trop présente, le rapport collaboratif est le plus
souvent perdu.
6
Relation symétrique : une relation est dite « symétrique » lorsque les deux
interlocuteurs adoptent le même comportement « en miroir ». Par exemple, le conflit
est une relation symétrique dans laquelle chacun réagit au comportement de l'autre par
l'agressivité. Mais toutes les symétries ne sont pas agressives, certaines sont même
conviviales: c'est ce qui se passe dans les « concours de civilité» où chacun cherche à
être plus poli que son interlocuteur: « Je vous en prie, après vous! », « Mais non, après
vous... », etc. Trop de symétrie rigidifie les comportements et paralyse le rapport
collaboratif, mettant au premier plan le style relationnel plutôt que le travail à faire.
Aussi est-il important pour le thérapeute de repérer et désamorcer ce type
d'interactions.
Quand l'affirmation de soi empathique n'est pas suffisante, le thérapeute peut utiliser
l'inversion de symétrie ou la complémentarisation. Cela consiste à inverser les rôles, à
transformer une symétrie en complémentarité ou une symétrie trop agressive en une
symétrie conviviale ou encore une symétrie trop conviviale en une symétrie agressive.
Les techniques d'entretien présentées dans cet ouvrage permettent avec un peu
d'entraînement d'obtenir de bons résultats.
Comme pour la symétrie, une relation trop complémentaire fait perdre le rapport
collaboratif au profit de l'interaction entre les personnes et doit être corrigée par le
thérapeute.
L’observation du patient
La partie non verbale du message est vite interprétée par le thérapeute. Elle modifie
considérablement le sens du message. Il importe donc, pour la thérapie, de mettre en
évidence, par auto-observation, ces interprétations qui apparaissent sous forme de pensées
automatiques, de jugements et/ou d'hypothèses. Ces pensées automatiques, jugements et
hypothèses influencent considérablement la thérapie et doivent être passés au crible de la
restructuration cognitive par le thérapeute afin qu'il distingue les faits des interprétations.
Comme pour le regard, il est utile, pour le thérapeute qui veut établir le rapport
collaboratif d'auto-observer ses émotions, ses sentiments et ses pensées automatiques
correspondant aux jugements et hypothèses qu'il émet à propos du sourire et de la
mimique faciale, ainsi que les conséquences pour les conduites à tenir qui sont
engagées. Les variations de sourire au cours de l'entretien sont révélatrices de l'état de
l'alliance thérapeutique.
La voix du patient. Parler fort ou faiblement, avec une voix grave ou aiguë, plus ou
moins rapidement et en articulant plus ou moins, participe de manière importante au
sens du message.
beaucoup sur ces premières impressions et le thérapeute doit procéder au même travail
d'auto-observation et de restructuration cognitive qu'avec les autres composantes non
verbales du patient. Ici encore, il peut travailler à partir du tableau à trois colonnes
pour pouvoir appliquer la méthode de restructuration cognitive.
Un schéma classique de cette évolution est le suivant. Lors des premiers contacts, le
thérapeute et le patient se trouvent face à face, avec ou sans bureau, et leur relation se
trouve au premier plan : c'est la phase d'évaluation réciproque. La distance
interpersonnelle respecte la tolérance réciproque. Dans un second temps, patient et
thérapeute travaillent côte à côte et le rapport collaboratif se met en place : c'est la
phase du travail en commun. Le rapprochement entre thérapeute et patient devient
possible. Il permet un meilleur partage du travail commun, lequel, en retour, facilite le
rapprochement.
Les composantes non verbales du patient forment un tout et participent au sens du message.
Elles sont rapidement perçues et interprétées par un thérapeute qui réagit par des hypothèses,
des verbalisations. Cela peut influencer le déroulement de la thérapie, pas toujours dans une
direction souhaitable.
observer les changements dans les composantes non verbales au cours de l'entretien ;
repérer de quelles manières les composantes non verbales du patient peuvent être
interprétées dans le contexte dans lequel il vit ;
vérifier les faits plutôt que de se contenter des interprétations sur les faits.
Dans la thérapie, il faut s'attacher davantage à l'observation des changements qui ponctuent
les interactions entre thérapeute et patient qu'à l'interprétation du sens des composantes non
verbales.
9
Les 4R
Recontextualiser
Reformuler
Résumer
Renforcer
Recontextualiser
Les patients évoquent souvent les problèmes de manière générale, peu spécifique. Par
exemple: « J'en ai marre »; « Je me sens désespéré »; « Je ne m'en sortirai pas »; « J'ai peur » ;
etc.
Recontextualiser consiste à remettre dans le contexte. C'est associer ce que dit le patient aux
conditions de survenue. Par exemple, le thérapeute pose des questions précisant les conditions
des plaintes:
J'en ai marre - De quoi en avez-vous le plus marre ? Quand en avez-vous eu le plus
marre aujourd'hui ?
Je me sens désespéré - Le pire du désespoir, c'est quoi ? Quelle est la situation qui
vous désespère le plus ?
Je ne m'en sortirai pas - En quoi craignez-vous le plus de ne pas vous en sortir ?
Quelles sont les situations les plus concernées ? Quand cela vous passe-t-il le plus par
l'esprit, par rapport à quoi ?
J'ai peur - Quand la peur est-elle le plus marquée ? Qu'est-ce qui vous fait le plus
peur ? La dernière fois où vous avez eu peur, c'était quand ?
Cette liste n'est bien sûr pas limitative. Il s'agit surtout de préciser les conditions de ce
qu'évoque le patient: où ? avec qui ? Quand ?
La recontextualisation est toujours faite dans le sens du vécu du patient. Si une personne dit:
« Je vais très mal », les questions à poser vont dans le sens du « pire » : « Qu'est-ce qui vous
fait le plus mal ? », « À quel moment allez-vous le plus mal ? », « Avez-vous un exemple
récent durant lequel vous vous êtes senti particulièrement mal ? », etc.
Si un thérapeute recontextualise dans le sens de ce qui va bien, il est fort probable que le
patient ne se sente pas compris et que le thérapeute ne développe pas assez d'empathie (de
compréhension de ce que vit le patient). Par exemple, si le thérapeute questionne de la
manière suivante: « Mais tout ne va pas mal, il y a bien des moments où vous vous sentez
bien ? », le patient risque de ne pas se sentir suffisamment compris. Il peut ne plus se sentir
suffisamment aidé et se décourager. À l'inverse, certains patients argumenteront davantage
10
pour bien prouver au thérapeute la réalité de leur malaise. Les composantes relationnelles
prédominent alors avec une escalade symétrique et le rapport collaboratif ne s'installe pas.
centre l'attention du patient sur ce qu'il ressent plutôt que sur la relation avec le
thérapeute;
permet au thérapeute de se faire une meilleure idée de ce que vit le patient;
facilite l'analyse fonctionnelle synchronique en partant d'une situation précise; ainsi,
dans la méthode des cercles vicieux, les cercles se « referment» plus facilement
(quand la situation de départ est vague ou générale, il est plus difficile de mettre en
évidence un cercle vicieux).
Reformuler
Le thérapeute craint parfois de répéter mot à mot ce que dit le patient. Il emploie alors des
synonymes, des formulations un peu différentes, ou « encombre » ses phrases d'expressions
inutiles - « Si j'ai bien compris... », « Vous vous dites alors... ». Il craint que le patient soit
irrité par les répétitions, ce qui n'est presque jamais le cas! Ne pas reprendre exactement ce
que dit le patient diminue l'impact de la reformulation: le thérapeute prend le risque de
« traduire » différemment ce que le patient verbalise; en outre, le patient focalise son attention
sur la nouvelle formulation et sur le thérapeute plutôt que sur son vécu. Reprendre mot pour
mot ce que dit le patient est un des meilleurs moyens de recentrer la thérapie sur le rapport
collaboratif.
La précision des termes aide le patient qui « manque de mots» ou qui a du mal à verbaliser ce
qu'il ressent ou souhaite dire. Elle aide le patient à définir sa pensée. La précision des termes
doit être claire et concise, la plus proche possible de ce dit le patient, et s'accompagne toujours
d'une vérification de la pertinence. Si la méthode est bien appliquée, l'attention du patient est
focalisée sur sa réalité plutôt que sur la relation ou ce que verbalise le thérapeute.
La formulation d'hypothèses favorise le travail en « équipe » avec les patients. Une hypothèse
doit être présentée de manière claire et précise, être congruente avec le déroulement de la
thérapie, et partagée par le patient. L'accord de ce dernier sera donc bien vérifié.
Les hypothèses du thérapeute doivent être établies à partir de la réalité que vit le patient :
Résumer
Plusieurs types de résumé sont utilisés dans une thérapie comportementale et cognitive:
un résumé en début de séance concernant la session précédente;
un résumé en fin de séance pour faire le point sur ce qui a été traité;
des résumés pour l'analyse fonctionnelle et la conceptualisation du problème, parfois
pour faire un « état des lieux » de la thérapie.
Dans la méthode des 4R, le résumé est une reformulation élargie. Il permet d'obtenir un
retour, des commentaires de la part du patient, ce qui favorise le rapport collaboratif. Il permet
d'établir qu'une liste de problèmes a un début et une fin. Il permet de vérifier que patient et
thérapeute sont sur la « même longueur d'onde », qu'ils comprennent les choses de la même
manière.
En pratique, il est utile que le thérapeute fasse un résumé dès qu'il ne sait pas quoi dire ou ne
sait pas comment continuer la séance. Souvent, un thérapeute craint de perdre le contrôle de la
thérapie et cherche à se « rassurer » en posant des questions supplémentaires, parfois inutiles.
Faire un résumé renforce la collaboration active du patient, permet d’obtenir un retour et de
faire le point pour mieux orienter l’entretien.
Renforcer
Le renforcement est une des méthodes les plus employées en thérapie comportementale et
cognitive. Un renforcement se définit par rapport à ce qu'il est souhaitable de développer :
« arroser ce que nous souhaitons voir pousser ».
En ce qui concerne les renforcements sur les faits, le thérapeute applique le renforçateur sur
une action. Féliciter une personne quand elle a réussi une tâche est un renforcement sur un
fait.
Quand les 4R sont correctement employés, patient et thérapeute sont centrés sur les problèmes
à traiter plutôt que sur leur relation. Cela se remarque au niveau non verbal (le patient regarde
moins le thérapeute et davantage le problème) et verbal (le contenu des discours concerne le
travail commun). Les symétries et complémentarités exagérées disparaissent.
Les 4R peuvent être employés dans n'importe quel ordre. Un thérapeute peut commencer par
Renforcer puis Reformuler, Recontextualiser et Résumer, utiliser plusieurs Reformulations ou
Recontextualisations à la suite. Tout est possible : il s'agit de quatre « notes de musique » dont
l'utilisation souple construit une belle musique relationnelle.
L'expérience montre qu'il est important d'appliquer la méthode de manière pure : les
Recontextualisations, les Reformulations, les Résumés et les Renforcements doivent être
clairs et précis. La mise en évidence des circonlocutions défensives du thérapeute, des
stéréotypes verbaux, ce que nous appelons les « dentelles verbales » (petites phrases du type
« Si j'ai bien compris... », « Je ne voudrais pas vous donner de conseils mais... ») permet de
les éliminer. De même, le non-verbal doit être adapté au contenu du discours. Cela renforce
l'impact de la technique d'entretien. Enfin, une reformulation peut à la fois être un
renforcement ou/et une recontextualisation. Les résumés ne sont que des reformulations
« élargies » verbalisées le plus possible avec les mots du patient.
13
Le questionnement socratique
Les questions types du dialogue socratique sont peu nombreuses. Le thérapeute peut les
entraîner séparément pour développer son habileté, puis les articuler afin d'installer le rapport
collaboratif.
Voici cinq questions parmi les plus fréquemment utilisées. Elles sont suffisantes, quand elles
sont employées avec les 4R, pour établir et maintenir l'alliance thérapeutique : préciser les
termes, évaluer le niveau de croyance, évaluer les conséquences, discuter l'évidence,
rechercher les alternatives.
Recontextualiser et définir permettent de mieux préciser les termes avec les questions
suivantes: Quoi ? Avec qui ? Quand ? Comment ? Qu'est-ce exactement ? L'objectif est de
focaliser l'attention du patient sur le problème à traiter, et d'en délimiter l'ampleur (où il
commence et où il finit).
Nos pensées ne sont que des pensées. Ce ne sont pas des faits. En évaluant le pourcentage de
croyance dans la pensée, le thérapeute aide le patient à mettre en question son hypothèse.
Il s'agit d'une méthode efficace pour renforcer le rapport collaboratif. Elle permet de continuer
à discuter les hypothèses du patient sans mettre en doute la réalité des faits. Dans l'exemple
précédent, si le thérapeute posait une question comme: « Quels sont les arguments pour que
votre patron vous engueule? », il doute de ce que dit le patient et prend le risque de renforcer
la résistance. Mieux vaut évaluer les conséquences.
Thérapeute - Et si votre patron vous engueule devant tout le monde. Quelles sont
les conséquences concrètes pour vous? [Évaluation des conséquences]
Patient - J'en ai marre qu'il m'engueule. Et puis devant tout le monde, c'est
toujours pénible. Il gueule toujours, n'est jamais content et je supporte de plus en
plus mal. Les autres aussi d'ailleurs.
Thérapeute - Voyez-vous d'autres conséquences? [Exploration empathique du
problème]
Patient - Non, pas vraiment...
Thérapeute - Si mon compte rendu ne convient pas au directeur, il est probable
qu'il m'engueule devant tout le monde, je le supporte de moins en moins, mais je
ne pense pas réellement qu'il me foute dehors. C'est ça? [Résumé]
Patient - Oui... J'aimerais partir mais je n'ose pas.
Discuter l'évidence
La méthode consiste, dans un premier temps, à considérer ce que pense le patient comme une
bonne hypothèse, à chercher, dans un deuxième temps, les arguments en faveur et, dans un
troisième temps, ceux en défaveur. Aller dans le sens des hypothèses renforce
considérablement le rapport collaboratif et permet par la suite de laisser le patient les remettre
en question.
Thérapeute - Quitter un emploi sans être sûr d'en retrouver un. C'est ça?
Patient - Oui.
Thérapeute - À combien évaluez-vous la probabilité de ne pas trouver un autre
travail? De 0 à 100.
Patient - 50.
Thérapeute - Pourquoi 50 et pas 100?
Patient - En fait, j'ai peur de ne pas en retrouver un...
Thérapeute - Bon. En faisant l'avocat du diable, quels sont les arguments qui vont
dans ce sens: « Je ne retrouverai pas de travail » ?
Patient - Il y a beaucoup de chômage. Je ne sais pas comment me présenter. Si
quelqu'un se renseigne sur moi dans mon entreprise, je ne sais pas ce que le
patron va dire...
16
La recherche d'alternatives explore les perspectives possibles pour une pensée automatique.
La méthode ouvre davantage l'espoir et recentre le patient sur le travail psychothérapique.
Au fur et à mesure que le thérapeute aide le patient à mettre en évidence les nouvelles
alternatives, celui-ci participe plus activement à l'entretien : le rapport collaboratif se
développe.
Toutes les méthodes de thérapie cognitive favorisent le rapport collaboratif et, dans l'exemple
précédent, le thérapeute emploie en outre une distanciation. Celle-ci consiste à faire réfléchir
un patient comme s'il devait conseiller quelqu'un d'autre. Il peut alors se rendre compte qu'il
perçoit les choses différemment selon que c'est pour lui et pour quelqu'un d'autre dans la
même situation.
18
Chacun des stades est en continuité avec le suivant. Il n'y a pas de frontière délimitée.
19
Les processus correspondent aux moyens utilisés pour obtenir le changement d'étape. Il s'agit
des changements émotionnels, affectifs, cognitifs et comportementaux correspondant au
changement.
Le stade précontemplatif
Au stade précontemplatif, le patient présente un problème mais ne sait pas ou ne reconnaît pas
souffrir de ce problème. Toutes les nuances existent, depuis les personnes inconscientes de
leur problème jusqu'aux personnes pensant que cela pourrait être un problème sans réellement
se sentir concernées. Les fluctuations dans le temps ou selon les circonstances sont
fréquentes: les patients sont parfois précontemplatifs, parfois plus contemplatifs. Par exemple,
une personne peut avoir conscience de son problème de dépendance alcoolique quand elle est
à jeun et que les conséquences relationnelles, matérielles ou somatiques sont perceptibles, et
minimiser le problème quand elle se trouve dans son bar habituel. Le plus souvent, dans un
premier temps, les patients précontemplent le problème de dépendance et contemplent les
conséquences pénibles sur leur vie. L'alliance thérapeutique peut s'établir sur les solutions à
trouver pour les problèmes, puis dans un second temps sur le problème de dépendance quand
le patient devient plus contemplatif de celui-ci.
20
Le stade contemplatif
Un patient peut être contemplatif pour une partie du problème et pas pour une autre. La
contemplation peut varier selon les circonstances de temps et de lieu. De même, son
entourage peut avoir une attitude qui évolue, d'un stade à un autre, ce qui est à prendre en
compte, particulièrement dans le cadre d'une thérapie comportementale et cognitive qui
cherche presque toujours à associer les proches.
Le stade de la détermination
Le stade actif
Un patient est actif dans la thérapie quand il met en route les processus de changement. Le
rapport collaboratif entre le psychothérapeute et le patient se renforce quand le thérapeute
apporte un soutien actif en encourageant, en renforçant les progrès accomplis, en favorisant
les bilans positifs. Un psychothérapeute contemplatif durant ce stade peut perdre l'alliance et
ralentir, voire mettre en danger la thérapie.
21
Le stade de maintenance
Le stade de maintenance est caractérisé par le maintien des changements obtenus par la
psychothérapie. Il correspond à des attentes d'efficacité bien établies chez le patient. Celui-ci
se sent plus sûr de ses capacités, a une vision plus optimiste de lui-même, des autres, du
monde extérieur et de l'avenir. Durant cette phase, le thérapeute et le patient collaborent pour
développer des compétences utiles pour améliorer la qualité de vie et des compétences pour
prévenir les rechutes.
Deux pièges sont notables durant cette phase: l'excès d'optimisme et l'excès de pessimisme.
Chacun, par des mécanismes différents, favorise la rechute, ce qui est à rapprocher de l’effet
de violation de l’abstinence.
La rechute
Comme l'écrivait Alan Marlatt, la rechute dans les problèmes de dépendance est la règle et
non l'exception. Les rechutes sont fréquentes, également, dans presque toutes les pathologies
psychiatriques et nécessitent à la fois que le patient puisse les prévenir et qu'il dispose de
conduites à tenir pour les traiter le plus rapidement possible quand elles surviennent ou
risquent de survenir.
L'effet de violation de l'abstinence est un piège redoutable dont il faut tenir compte. Dans les
problèmes de dépendance, quand un premier faux pas se produit, un patient peut réagir par
une minimisation de l'événement ou par une maximisation de l'événement.
L'expérience clinique présente souvent ces deux effets, l'un ou l'autre, parfois les deux en
alternance dans d'autres pathologies que les dépendances: par exemple, dans les troubles
dépressifs (maximisation), dans les accès hypomaniaques (minimisation), dans les problèmes
alimentaires. La préparation avec le patient des conduites à tenir en cas de reprise d'un
problème dès son apparition renforce l'alliance thérapeutique et permet une action et un appel
à l'aide rapides.