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EL 3 – Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791

INTRODUCTION

Ouverture : cf. EL 2 Plusieurs possibilités s’offrent à vous :


- Vous pouvez choisir une entrée en matière biographique, en évoquant l’importance de ce texte qui a
pourtant été ignoré ou l’engagement de l’auteure qui a été guillotinée deux ans plus tard
- Une entrée historique en présentant le contexte de la révolution et de la terreur
- Une entrée politique/culturelle : présenter le texte comme précurseur du « féminisme » (terme
évidemment anachronique au XVIIIème), rappeler que le grand pays des Droits de l’Homme qu’est la
France est l’un des derniers pays européens à avoir accordé le Droit de vote aux femmes.
- Ou encore une entrée plus littéraire en citant une phrase du Discours de la Servitude volontaire d’Etienne
de la Boétie (XVIème siècle) qui correspond très bien à cet extrait « Soyez donc résolus à ne plus servir et
vous serez libres ». Selon OdG les femmes doivent en effet se battre pour conquérir leur liberté
Présentation de l’œuvre : La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne est une réécriture de
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui se donne pour mission d’énoncer les principes
d’égalité entre les hommes et les femmes.
Situation de l’extrait : - rappel : n’oubliez pas de situer l’extrait pour les œuvres intégrales !
Le texte correspond au début du Postambule de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. C’est un
texte plus virulent que le préambule, qui prend les femmes à partie pour les faire réagir et leur donner la force de
se battre pour défendre leurs intérêts contre la tyrannie des hommes.

LECTURE

Problématique : Comment OdG procède-t-elle pour stimuler la réaction des femmes ? / pour convaincre et
persuader les femmes de réagir ?
Mouvement :
- Un appel à la révolte (l. 1 à 5)
- Le constat d’une inégalité qui perdure : les femmes victimes de la tyrannie des hommes (l.5 à 13)
- L’invitation à se battre (l.13 à la fin)

Lecture linéaire

1er mouvement : Un appel à la révolte (l. 1 à 5)

Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits. Le puissant
empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le
flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme esclave a multiplié ses
forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa
compagne.

Apostrophe + impératif + tutoiement : proximité et familiarité de la formulation qui réunit les femmes, OdG
s’adresse aux femmes comme à ses sœurs, souligne la sororité entre femmes [ sororité est l’équivalent féminin de
fraternité ; en latin « frater » = frère, et « soror » = sœur]
Métaphore et hyperbole pour faire référence de manière appuyée à la Révolution et aux principes des lumières.
= La femme doit se réveiller, réagir au bruit de l’alarme qui résonne sinon elle risque de voir ses droits lui
échapper
Négation + énumération/gradation même de termes dépréciatifs qui relèvent du champ lexical de
l’obscurantisme on passe du « préjugé » qui connote l’ignorance au « mensonge » qui relève de la culpabilité
puisque volontaire, et la religion est évoquée entre les deux « fanatisme et superstition » comme si OdG voulait
signifier que la croyance était stimulée par l’ignorance qui conduit au mensonge, à la « bêtise » (métaphore à
nouveau) et à « l’usurpation » ;
à cela s’oppose (antithèse) la métaphore des lumières qui rappelle dans sa structure le mélioratif puissant empire
de la nature (parallélisme de construction) : ODG fait ici l’éloge de la révolution et rappelle ici les principes
positifs de NATURE et VÉRITÉ, chers aux Lumières ; la métaphore des nuages de la sottise et de l'usurpation place
donc ces principes au niveau du ciel (dégagé) ce qui est encore plus valorisant (= au-dessus des hommes)
OdG poursuit en évoquant la libération de l’homme - cf antithèse vocabulaire esclavage/liberté – à laquelle a
contribué la femme : ODG distingue en effet très clairement le masculin du féminin dans cette phrase, pour mieux
mettre en valeur la participation active de la femme à la révolution [ c’est vrai, c’est un fait historique 1] et surtout
le fait que les hommes ne leur en ont absolument pas été redevables Devenu libre, il est devenu injuste envers sa
compagne: idée que l’homme a « utilisé » la femme quand il en avait besoin et l’a complètement abandonnée
une fois qu’il avait obtenu ce qu’il voulait : cette dernière phrase met donc en évidence le manque de
reconnaissance de l’homme, son ingratitude vis-à-vis de la femme, donc son sexisme. C’est injuste parce que les
hommes n’octroient pas aux femmes les droits qu’elles ont participé à conquérir.

1 – Dans l’historiographie traditionnelle, la Révolution française apparaît comme un champ où s’affrontent, par excellence, les ambitions
masculines. Seules quelques figures féminines, exemplaires car exceptionnelles, semblent émerger de ce tumulte… Pourtant, entre le 18
août et le 23 septembre 1789, on note une trentaine de manifestations de femmes parisiennes. Lors des fameuses Journées d’octobre,
les 5 et 6 octobre 1789, des centaines de Parisiennes, parties du faubourg Saint-Antoine et des Halles, gagnent Versailles pour réclamer du
pain et ramener dans Paris insurgé «le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mitron» (la famille royale). Ce sont les femmes qui sont à
l’initiative de ces journées aux conséquences éminemment politiques. Des femmes prirent également part à des événements dont les
motivations étaient politiques – et pas seulement liées aux subsistances – comme par exemple lors de la prise des Tuileries le 10 août
1792, ou lors de l’insurrection de Prairial en avril 1795.

2ème mouvement : Le constat d’une inégalité : les femmes victimes de la tyrannie des hommes (l.5 à 13)

Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis
dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, // un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n'avez
régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste t-il donc ? La conviction des
injustices de l'homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu'auriez-
vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que
nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui
n'est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à
répondre.

OdG développe l’idée de cette injustice dans le deuxième mouvement.


Elle débute par une question rhétorique de tonalité tragique cf. Ô emphatique (= excès dans la façon de
s’exprimer, « effet » souvent employé dans les discours) + répétition + ponctuation expressive ! ?
Il y a dans cette adresse aux femmes - on est passée au pluriel, au collectif - une certaine oralité, qui a pour
volonté de les faire réagir immédiatement
La métaphore de l’aveuglement remplace et renforce celle du sommeil évoquée au début et renvoie aussi à celle
des lumières : idée que la femme est restée dans l’obscurité, contrairement aux hommes
Elle poursuit par une question partielle beaucoup plus concrète Quels sont les avantages que vous avez recueillis
dans la Révolution ? à laquelle elle s’empresse de répondre Un mépris plus marqué, // un dédain plus
signalé mettant en valeur grâce à l’antithèse, au parallélisme // de construction et à la (petite) gradation que la
femme n’a (in)justement retiré que des désavantages ; pendant la révolution, les femmes ont lutté pour
finalement être encore plus écrasées par les hommes…
Elle rappelle ensuite à travers une négation restrictive le faible pouvoir vocabulaire que les femmes exerçaient
auparavant/avant la révolution - elles étaient faibles, au même titre que les hommes - pour mieux mettre en
valeur le fait qu’elles ont encore moins de pouvoir aujourd’hui participe passé + question rhétorique à laquelle
elle répond à nouveau en soulignant l’ingratitude masculine, les hommes, étant devenus des citoyens libres
OdG invite alors les femmes à revendiquer leurs droits en fonction du principe de NATURE : les lois doivent
rétablir l’égalité naturelle entre hommes et femmes [ argument phare d’OdG tout au long de la DDFC] ; les
femmes ayant combattu aux côtés des hommes pendant la révolution ont le droit de réclamer leur dû ( le
patrimoine étant un bien collectif)
S’ensuivent une série de trois questions rhétoriques et ironiques qu’OdG utilise à la fois pour critiquer la religion
et l’oppression masculine qu’elle associe : cela crée une forme d’accélération étant donné qu’auparavant OdG
répondait aux questions alors qu’ici elles les enchaîne pour aboutir sur une réponse attribuée aux femmes au
conditionnel
la 1ère Q sous-entend que les femmes n’ont rien à redouter ;
la 2ème y répond de façon ironique : le « bon mot » (antiphrase - ironie) du « législateur des noces de Cana »
périphrase désignant le Christ, faisant référence à ce qu’aurait dit le christ à sa mère « Femme, qu’y a-t-il de
commun entre toi et moi ? » : OdG suggérant par là que le christianisme est un système oppressant vis-à-vis de la
femme et aurait légitimé l’inégalité des sexes;
la 3ème crée alors un parallèle avec les législateurs français qui s’adresseraient aux femmes comme le
Christ femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? : elle suggère par là que les hommes du XVIIIème
siècle qui ont pourtant critiqué la morale chrétienne correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux
branches de la politique, mais qui n'est plus de saison pourraient reproduire un schéma/un système d’oppression
antique ; ces hommes libres et évolués, qui ont combattu contre les religions, n’agiraient donc pas différemment
La réponse par sa brièveté et la mise en valeur du pronom quantitatif en début de phrase Tout, auriez-vous à
répondre crée une rupture avec la série de Q qui précède et prépare le dernier mouvement

3ème mouvement : L’invitation à se battre (l.13 à la fin)

S'ils s'obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez
courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards
de la philosophie ; déployez toute l'énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non
serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l'Être Suprême. Quelles
que soient les barrières que l'on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir.

Le 3ème mouvement s’ouvre par une proposition subordonnée circonstancielle de condition introduite par « si » :
OdG se projette dans un avenir proche, supposant l’argumentation masculine défavorable aux femmes,
soulignant la critique à travers le choix du V s'obstinent et la mise en valeur entre virgules, dans leur faiblesse, de
leur manque de caractère puis de fidélité à leurs valeurs morales et philosophiques en contradiction avec leurs
principes.
OdG motive alors les femmes à leur faire face, par l’utilisation de trois impératifs, trois verbes d’action au pluriel,
eux-mêmes renforcés par des adverbes, noms ou GN. L’antithèse soulignant que les femmes seraient seules
détentrices de la raison ; on note que le vocabulaire qui se rapporte aux femmes est largement mélioratif par
opposition à celui qui se rapporte aux hommes, dépréciatif
OdG est sûre d’elle et confiante en l’avenir comme l’indique l’emploi du futur de l’indicatif, de l’antithèse finale et
de la dernière formule qui rappelle le « Soyez donc résolus à ne plus servir et vous serez libres » du Discours de la
Servitude volontaire d’Etienne de la Boétie (XVIème siècle).
La dernière phrase est elle aussi construite en trois temps : subordonnée circonstancielle Quelles que soient les
barrières que l'on vous oppose + principale il est en votre pouvoir de les affranchir + proposition indépendante
juxtaposée vous n'avez qu'à le vouloir ; elle rappelle « en raccourci » la structure de la précédente et porte le
même espoir, la même confiance en l’avenir

CONCLUSION

Bilan
OdG apparaît comme une femme engagée et mobilisée, un guide bienveillant et stimulant pour les femmes du
XVIIIème siècle, qui malgré sa critique de l’attitude masculine croit en un changement possible grâce à la force et
au pouvoir des femmes qui ne peut conduire qu’à la réconciliation et à la justice
Ouverture
Au choix…

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