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EXPLICATION LINÉAIRE N°10 : POSTAMBULE DDFC OLYMPES DE GOUGES

Etude linéaire du Postambule extrait de la Déclaration des droits de la femme


et de la citoyenne, Olympe de Gouges, 1791. De « Femme réveille toi… » à « …
vous n’avez que le vouloir ».
Plan:
1 er mouvement: la nécessaire prise de conscience de la femme
2ème mouvement: tentative pour ouvrir les yeux des femmes à propos de leur
condition
3ème mouvement: les femmes doivent faire preuve d’intelligence pour obtenir
l’égalité

Le XVIIIème siècle est celui des révolutions et de la naissance de la littérature


d’idées. Olympe de Gouges, née en 1748 et décédée en 1793, fut une femme
engagée politiquement. Cette incorrigible combattante participa pleinement
à la Révolution débutée en 1789. Rédigée par les parlementaires, la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fut l’aboutissement des
années révolutionnaires. Se sentant lésée par ses contemporains, Olympe de
Gouges écrit en 1791 une parodie de ce texte qu’elle intitulera la Déclaration
de droits de la femme et de la citoyenne . Destiné à la reine Marie-Antoinette,
ce texte est composé d’un préambule, de dix-sept articles et d’un postambule.
L’extrait étudié est le postambule de la Déclaration, c’est-à-dire la conclusion
de la Déclaration.

Quelle stratégie Olympe de Gouges met-elle en place pour convaincre les


femmes de combattre pour l’égalité entre les sexes?

Pour répondre à ce projet de lecture, nous analyserons ce texte en trois


mouvements : le premier montrera comment l'autrice montre t-elle aux
femmes que les hommes ont bafoué leurs droits. Le deuxième mouvement les
incitera à ouvrir les yeux sur leur propre condition, et le troisième mobilisera
leur intelligence afin de faire accepter l’égalité des droits avec les hommes.

1 er mouvement: la nécessaire prise de conscience de la femme

● Le texte débute par une apostrophe qui individualise chaque femme


qui écoutera- ou lira- ce texte. Chaque femme se sent ainsi concernée
personnellement. D’ailleurs, ce passage fait écho avec le passage
intitulé Les Droits de la femme qui précède la Déclaration elle-même: «
Homme, es-tu capable d’être juste ? ». L’emploi de l’impératif présent, «
réveille-toi » (l.1), ainsi que « reconnais tes droits » (l.2), place le texte
sous le signe de l’ordre. Le tutoiement, pour les femmes comme pour
les hommes, souligne la proximité que l’autrice veut mettre en place.
L’exclamation le prouve: il y a urgence, l’autrice veut marquer les
esprits. L’allégorie de la raison qui joue d’un instrument de musique, (le
tocsin), dans les termes « tocsin de la raison » (l.1), associé à la
métaphore sonore « se fait entendre » (l.1), montre que la Raison doit se
faire entendre par tous les moyens. La négation partielle présente
dans la ligne «n’est plus» (l.2),ainsi que l’usage du passé composé « a
dissipé » (l.3), marquent une rupture temporelle, et insiste sur
l’opportunité du moment. La cloche d’alerte a sonné: il faut agir
maintenant.

● Les idéaux des Lumières (mouvement de la raison contre le fanatisme


religieux) sont présents dans cette deuxième phrase. L’énumération «
de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges » (l.3), cible
une ignorance et une intolérance contre lesquelles les femmes doivent
lutter. Elle oppose ici deux comportements antithétiques : l’un
favorable au progrès, à la raison dispensatrice de connaissances,
l’autre stigmatisant l’ignorance et l’imposture.

● A travers la métaphore filée, la « vérité » (l.3), est implicitement


comparée à un « flambeau » (l.3), qui provoque la lumière. Les « nuages
de la sottise et de l’usurpation » (l.4), forment ainsi une antithèse entre
la lumière et l’obscurité créée par les nuages. Elle rappelle celle qui
désigne la philosophie des Lumières, qui s’appuie sur la raison pour
dissiper les préjugés. Le champ lexical de l’obscurantisme et de
l’injustice, « fanatisme », « superstition », « mensonges », « sottises », «
usurpation » qui sont les valeurs contre lesquelles les Lumières se
battent. Olympe de Gouges s’inscrit ici comme la véritable héritière de
ce mouvement littéraire.

● Olympe de Gouges insiste ensuite sur l’égoïsme et l’ingratitude de


l’homme qui n’a pas partagé son émancipation avec la femme. Le
champ lexical de l’esclavage, « l’homme esclave » (l.4), « briser ses fers »
(l.5), « devenu libre », « devenu injuste » (l.5), lui permet d’insister sur
l’égoïsme des hommes. Au contraire, les hommes se sont appropriés
cette liberté, tout en laissant les femmes dans leur condition injuste.
L’ouverture du postambule se présente comme une incitation à l’action des
femmes. Dans le deuxième mouvement, OG s’attelle à ouvrir les yeux des
femmes à propos de leur propre condition.
2 ème mouvement: tentative pour ouvrir les yeux des femmes à propos de leur
condition

● L’apostrophe « Ô femmes ! femmes » est cette fois-ci au pluriel, et non


plus au singulier. L’étendue du public que vise l’autrice s’est élargie.
Olympe de Gouges s’adresse maintenant à toutes les femmes. La
question rhétorique « quand cesserez- vous d’être aveugles ? » sert ici
de provocation. L’autrice montre qu’elle est persuadée que les femmes
sont responsables de leur condition d’esclaves. On a ici un écho avec
la fin du texte: « vous n’avez qu’à le vouloir ».

● Dans une suite de questions-réponses, le dialogue s’anime. L’antithèse


« avantages » face à « mépris », « dédain » souligne le résultat manqué
de la Révolution. Le champ lexical du pouvoir participe à la même idée,
comme on peut le voir avec « régné sur la faiblesse », « empire détruit ».
La négation restrictive « ne…que » et la question rhétorique « que vous
reste-t-il donc ? » montrent que les femmes se sont faites avoir. La «
conviction des injustices des hommes » est la seule chose qu’elles ont
gagnée. La déception est grande: raison de plus pour agir vite.
L’autrice use ainsi du registre pathétique pour mobiliser les femmes. De
plus, elle le précise, il s’agit de leurs droits naturels.

● Le « législateur des noces de Cana » est ici Jésus. L’autrice sur l’effet «
miracle » que pense avoir apporté la Révolution. En effet, dans
L’Evangile selon saint Jean, lors d’un banquet, Jésus répond à sa mère
qui l’informe que les invités n’ont plus de vin. Jésus demande : « Femme,
que me veux tu ? ». L’autrice reprend la formulation pour poser les
questions qu’elle souhaite aux femmes. Longtemps « accrochée aux
branches de la politique » la morale est associée à l’animal, cet être
non doué de raison. L’autrice présente ce que les femmes ont à gagner:
« tout, auriez-vous à répondre ».
Après avoir montré à quel point les hommes ont spolié les droits des femmes,
l’autrice cherche enfin à mobiliser l’intelligence des futures citoyennes pour
obtenir l’égalité.

3ème mouvement: les femmes doivent faire preuve d’intelligence pour obtenir
l’égalité

● La subordonnée circonstancielle d’hypothèse qui ouvre le troisième


mouvement permet à l’autrice de donner des clés de révolte aux
femmes. Mais, « quelles que soient les barrières qu’ [’on leur oppose] »,
il leur faut continuer leur combat. La longue proposition permet ainsi
de mettre en suspens la fin de ce que propose l’autrice. L’espérance est
la clé du succès. L’impératif présent « opposez », « réunissez-vous », «
déployez » propose des gestes concrets aux femmes. Les futurs à
valeur prophétique « cesserez-vous », « vous verrez » dépassent l’ordre
pour arriver à ce qui se passera si les femmes font ce que leur propose
l’autrice. La métaphore des « étendards replace le texte dans son
contexte révolutionnaire.

● Le champ lexical du courage et de la lutte irrigue la fin du texte comme


on peut le voir avec: « courageusement », « force », « étendards », «
énergie ». Par ce lexique encourageant pour les femmes, l’autrice invite
les combattantes à adopter une grande détermination. Enfin, le champ
lexical de la sagesse et de la pensée place le texte dans une visée
philosophique, comme on peut le voir avec: « principes », « raison », «
philosophique », « caractère ». L’intelligence, la réflexion des femmes
seront leurs meilleures armes.

● Surtout, l’autrice que les femmes sont responsables de leur succès. La


tournure impersonnelle « il est en votre pouvoir » et la négation
restrictive « ne…que » soulignent cette incitation. Les femmes sont elles
aussi des combattantes des Lumières: leur raison est leur arme.
Dans cet extrait de la Déclaration des Droits de le femme et de la citoyenne ,
l’autrice décline son argumentaire en trois mouvements bien distincts: le
premier montre comment les hommes ont bafoué les droits des femmes, le
deuxième montre comment elles peuvent ouvrir les yeux sur leur propre
condition avant de leur expliquer comment mobiliser leur intelligence. Même
si elle se place en tant que critique des Lumières, Olympe de Gouges se place
comme une de leurs héritières. C’est en particulier des idées sur la nature de
l’homme de Jean-Jacques Rousseau que l’autrice s’inspire dans ce texte

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