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en langue française 2363 rap

RAP

L'histoire sociale d'un phénomène Les Noirs ont clairement reconnu que maîtriser le lan-
gage des Blancs revenait en fait à se laisser dominer par
musical américain lui à travers les définitions de classe introduites par les

A
Blancs dans le système social sémantique. L'inversion
vant de désigner l'art de parler en phrases ri- est alors devenue un mécanisme de défense qui per-
mées ou allitérées sur une rythmique, et enfin met aux Noirs de lutter contre le piège linguistique et
tout un style de musique, le mot anglais rap si- par conséquent psychologique tissé par les Blancs [...].
gnifie, dans l'usage américain, deux choses distinctes, Les mots et les expressions ont reçu des sens inversés
mais que l'on retrouve associées dans l'univers mu- et des fonctions modifiées. Refusant d'accéder à l'ambi-
sical et commercial contemporain : une inculpation valence sémantique ainsi instaurée, tant au niveau des
connotations que des dénotations, les Blancs ne les ont
judiciaire, une condamnation (to take the rap, « payer interprétés qu'en accord avec leur sens originel [...], per-
pour les autres »), ou bien une conversation, une dis- mettant aux Noirs de les manipuler en toute impunité.
cussion (par exemple dans des expressions telles que G. S. Holt, « Inversion in Black communication »,
don't give me this rap, « ne me sors pas ton baratin »). dans T. Kochman (éd.), Rappin' and Stylin' Out,
Urbana, University of Illinois Press,
Si cette seconde signification conduit aisément au 1972, p. 154, trad. D. E. M.
sens international de rap, les origines de ce style mu-
sical sont moins faciles à préciser. Sa date de nais- Le meilleur exemple de ce type d'inversion est sans
sance est incertaine, mais on peut dire qu'il est né à doute la façon dont, encore aujourd'hui, les rappeurs
la fin des années 1960. Le lieu est clair : New York, américains se désignent les uns les autres comme des
sans aucun doute, et le Bronx, naturellement. Quant niggers (« négros »), reprenant le terme dont usaient les
aux conditions de son émergence, c'est une histoire esclavagistes blancs et en général les racistes. Là où
complexe, comme celle de tout grand style ou genre les Blancs voient une insulte, le terme devient, dans
musical, une histoire faite d'interconnexions multiples la langue des Noirs, un signe d'approbation et de co-
entre réalités sociales, influences culturelles, faits de hésion, analogue au retour des Noirs francophones
langage, contextes économiques et politiques, et in- au mot nègre et à l'apparition de la négritude ◻ voir
dividus singuliers. On peut tout de même tenter de nègre'. Le rap, avant d'être un art musical, trouve
décrire les éléments de ce mélange d'influences qui a donc ses origines dans des pratiques et des exercices
fini par s'appeler rap. linguistiques propres à la communauté noire améri-
caine.
À l'origine, un fait social : le rap est le produit
de ces gigantesques ghettos urbains où se sont re- Enfin, dans ses structures verbales et musicales, le
groupés les oubliés du rêve américain, la population rap a été influencé par les sound systems jamaïcains :
noire. Dans les années 1970, en effet, s'organisent depuis les années 1960, la musique reggae se propage
dans le Bronx les premières block parties. La block sur de nombreux « discomobiles » affublés d'énormes
party consiste à fermer une rue des deux côtés avec haut-parleurs colportant à travers toute la Jamaïque
barrières et services de sécurité, puis à brancher une les succès reggae de l'époque, gravés sur quarante-
sono sur l'éclairage public, et enfin à réunir les gens, cinq tours. Or, la face B de ces vinyles comporte bien
notamment les jeunes du quartier, pour danser. Deux souvent la partie instrumentale de la chanson-titre :
personnages clés apparaissent avec ces block parties, c'était l'occasion pour les toasters de s'emparer du mi-
qui resteront les deux piliers de la musique rap : le cro et de raconter des histoires sur le fond musical.
DJ (didjè), disc jockey, et le MC (èmsi), master of cere- Le premier tube du genre rap est sans conteste le
mony. Le premier transporte sa mallette de disques vi- Rappers' Delight du Sugarhill Gang (en 1979), monté
nyles, le second accompagne la programmation avec de toutes pièces et sans importance musicale. Dix ans
son micro. Au début, le MC ne lance que quelques plus tôt, les Last Poets, collectif de jeunes Noirs mili-
encouragements pour faire danser la foule ; mais ses tants, en liaison avec Malcolm X et les Black Panthers,
onomatopées deviennent bientôt de véritables textes. annoncent avec une rare violence la nécessité d'une
Le rap créé par le MC prend racine sur des révolution noire. Même si les Sugarhill sont les pre-
faits culturels, inscrits dans la tradition verbale afro- miers à populariser la nouvelle façon de parler sur
américaine, tel celui des dozens, bouts rimés où l'on un « instrumental », les Last Poets avaient inauguré la
humilie en quatre rimes la mère de l'adversaire, en critique sociale et la violence, verbale et souvent phy-
général par l'évocation de l'inceste (fuck your mother, sique, que le rap des années 1990 amplifiera.
d'où mother fucker). La popularité grandissante du rap, dès la fin des
Le Noir semblait s'être dit : Eh bien, si ce qui m'arrive années 1970, s'explique par son enracinement dans
est juste, alors bon sang, tout est juste ! Les dirty do- une « culture de la rue », dont l'apparition dénote
zens vantent l'inceste, l'homosexualité, même l'aptitude un profond changement dans la communauté noire
de Dieu à créer un monde rationnel est mise en doute
américaine. Le rap s'inscrit dans un certain type de
avec mépris [...] Ce n'est pas l'athéisme, cela se situe bien
au-delà de l'athéisme ; ces hommes ne marchent pas et culture urbaine, le hip hop, terme désignant un mode
ne parlent pas avec Dieu ; ils marchent et parlent sur de vie, une attitude, et regroupant quatre disciplines
Dieu. complémentaires (les quatre piliers de la culture hip
Richard Wright, Écoute, homme blanc, hop) : le rap (le phrasé), le deejaying (la musique et
trad. Dominique Guillet. la production du beat), la danse (le breakdance) et le
graffiti ou le tag.
L'influence de la tradition orale afro-américaine ne
s'arrête pas là et on peut évoquer tout ce qui unit la Si la naissance du rap recouvre cet ensemble com-
position et la parole si particulières du preacher noir, plexe d'influences culturelles et de pratiques sociales,
du prédicateur, et celle du MC. Ensuite, le rap hérite à sa popularisation est due, pour une large part, au con-
coup sûr d'un certain type d'usage du langage rythmé, texte new-yorkais spécifique des années 1980. Au dé-
dont les racines alimentent les débuts du jazz, et but de cette décennie, le rap n'est représenté que par
qui remontent aux générations afro-américaines sou- quelques groupes (Treacherous Three, Grandmaster
mises à l'esclavage. Flash and the Furious Five...), mais avec l'accession
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rap 2364 dictionnaire culturel

RAP

de Ronald Reagan au pouvoir (1980), le rap joyeux et rythme massif, dicté par des boîtes à rythmes brutales
insouciant fait place à un rap militant, revendicatif. et des effets électroniques.
La décennie Reagan correspond à l'accroissement des O. Cachin, l'Offensive rap, p. 46-47.
budgets militaires au nom de la fameuse Star Wars et
Si les années 1980 furent celles de l'apogée créa-
à une réduction dramatique des budgets sociaux. C'est
tif du rap, les années 1990 sont celles de son apogée
la décennie de l'abandon des ghettos noirs, dont la
commercial. Présidant à ce succès, une nouvelle réa-
violence augmente d'autant plus qu'ils sont le lieu de
lité sociale et artistique, un nouveau style, venu des
l'arrivée massive du crack, ce résidu de cocaïne à très
quartiers chauds de Los Angeles, Compton, South
bon marché, dès 1983-1984, et de la négligence cou-
Central : le gangsta rap.
pable des autorités vis-à-vis du sida, considéré comme
la maladie des homosexuels, des drogués et des mino- Le premier groupe de gangsta (forme orale de gang-
rités ◻ voir sida'. Avec les années 1980, les rappeurs ster, « membre d'une bande »), inaugurant le style west
deviennent les porte-voix d'une minorité oubliée par coast, est sans doute NWA (Niggers With Attitude,
les autorités dans une société « à deux vitesses ». À formation comprenant notamment Dr. Dre, Ice Cube
coup sûr, le morceau marquant le mieux cette mu- et Eazy-E), avec leur tube Gangsta Gangsta, extrait
tation du rap est The Message de Grandmaster Flash de leur premier album Straight Outta [out of] Comp-
and the Furious Five (1982). ton. Le gangsta rap est issu d'une véritable culture
La maturation politique du rap n'est pas sa seule de gang où les drive-by shootings (assassinats de ri-
évolution dans les années 1980 : son esthétique se mo- vaux à l'arme automatique depuis une voiture) et les
difie et s'éloigne progressivement des influences funk deals de drogue font partie du quotidien. Ensuite, sa
des débuts. L'ère « technologique » a commencé : les norme musicale est très différente de celle du rap east
producteurs découvrent peu à peu les machines, et la coast : les mélodies se veulent plus accessibles, le son
technique du sampling (échantillonnage) devient in- est moins brutal, les voix plus suaves et les lyrics plus
contournable. De la même façon, renversant les codes chantés. Inversement, les textes sont plus menaçants
des premiers rappeurs, ceux des années 1970, le look et plus ouvertement contestataires de l'ordre public
se transforme : fini les costumes de cuir et les dé- (cf. la chanson de NWA, Fuck the Police, qui vaudra à
guisements à paillettes des vedettes de la scène, le ce groupe une enquête du FBI).
rappeur est vêtu en sportif, baskets, casquette, sur- Les années 1990 voient l'avènement de cette forme
vêtement, comme l'atteste un titre de Run-DMC, My de rap, avec le triomphe de Dr. Dre (The Chronic,
Adidas. Enfin, sur le plan commercial, les marques 1992), puis de Snoop Doggy Dogg (Doggystyle). Rap
(labels) se multiplient et la scène rap, principalement décidément violent, le gangsta doit en partie son suc-
new-yorkaise, se structure. Une de ces marques est cès aux nombreuses frasques judiciaires que connais-
notable musicalement et commercialement, c'est Def sent ses rappeurs : rares sont ceux qui n'ont pas passé
Jam, fondé en 1985 par Rick Rubin (membre blanc quelques années en prison pour trafic de drogue,
occasionnel des Beastie Boys) et Russell Simmons viol ou meurtre. Cette violence inhérente aux textes et
(manager noir). aux comportements des rappeurs west coast corres-
Def Jam a produit trois des plus importants rap- pond à l'atmosphère des émeutes qui survinrent à Los
peurs des années 1980, LL Cool J (Radio, 1985), disque Angeles en 1992, trente ans après celles, tristement
qui devient immédiatement un classique : les ryth- célèbres, de Watts, autre faubourg de la mégapole. Le
miques sont minimalistes et servent la voix, les arran- gangsta rap est avant tout le haut-parleur d'une radi-
gements sont dépouillés ; les Beastie Boys, trois Blancs calisation des tensions et d'un refus du ghetto urbain
provenant du punk rock, signent License to Kill (1986), ravagé par la drogue et le sida. Le rap new-yorkais
album qui contient le très célèbre (You Gotta) Fight for était né des injustices des années Reagan ; le gang-
Your Right (to Party) qui se vendra à plus de quatre sta est l'expression de la décomposition de la société
millions d'exemplaires. Enfin, Def Jam lance le groupe pendant les années Bush (le père). Terminons en no-
de rap symbole de la rage revendicative et musicale tant que le rap east coast des années 1990 a vu naître
des années Reagan, Public Enemy, dont les deux fi- le Wu-Tang-Clan, collectif de neuf rappeurs qui mè-
gures antithétiques, le très politique Chuck-D et le nent aussi une carrière individuelle : leur succès est
bouffon Flavor Flav, donnent le ton : Public Enemy immense — leur premier disque, Enter the Wu-Tang
est un mélange, dès ses débuts, de radicalité politique (36 Chambers) est « disque de platine » — et leur in-
et de provocations. Mais c'est aussi le groupe symbole fluence sur les rappeurs français, notamment, très
de la nouvelle ère technologique du rap, où samplers importante.
(échantillonneurs) et séquenceurs constituent la vé-
ritable ossature des morceaux. Avec des formations
telles que Public Enemy, le rap connaît au milieu des
Un style ?
années 1980 son apogée créatif, parvenant à conju- L'histoire du rap est donc, d'une certaine manière,
guer textes engagés, souvent violents, rythmiques et celle des deux dernières décennies du xxe siècle aux
sonorités entièrement nouvelles. À la fin des années États-Unis, le rap alliant deux éléments majeurs de
1980, la old school des débuts, et ses méthodes de la culture américaine : la revendication sociale et
production et de commercialisation, laissent définiti- ethnique, liée à l'appartenance communautaire, et le
vement place à la « nouvelle école » : souci de réussite commerciale. Dénoncer les oppres-
L'amateurisme des débuts fait place à un profession- sions subies par une communauté ne suffit pas, il
nalisme sans faille. Les artistes sont maintenant des faut aussi gagner beaucoup de dollars en le faisant.
businessmen qui veulent gérer leurs carrières et être Entre contestation et argent, y a-t-il une place pour
aux commandes de leurs créations musicales. [...] Très une esthétique musicale propre au rap ? On ne peut
vaste champ d'expérimentation sonore, le hip hop se
parler d'un art spécifique du rap que si l'on comprend
forge un son, à partir de ses éléments de base : le mini-
malisme de la musique rap, construite au départ grâce à quel point il intègre la contestation et l'argent dans
à des mix de DJ, revient en force [...]. Plus de mélo- ses principes esthétiques. Le fondement du rap est sa
die, plus de référence directe au son du passé, mais un contestation des conventions artistiques antérieures
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en langue française 2365 rap

RAP

de la musique populaire, notamment la contestation haut » (Tout n'est pas si facile, de l'album Paris sous les
du souci d'originalité et d'invention. En effet, le rap bombes, par le groupe N. T. M. [Nique ta mère]). On
s'est bâti sur l'idée d'appropriation, de transfiguration voit le rap apparaître à la télévision : en 1984, TF1
et de réutilisation de l'ancien : le sampling, ou échan- lance Hip Hop, émission consacrée au break dance ; à
tillonnage, est la technique fondamentale de cette mu- partir de 1990 et pendant trois ans et demi, M6 lance
sique. Ce sampling utilise tous les contenus possibles : Rapline, créée et animée par O. Cachin. Les années
chansons populaires, musique classique connue de 1990, en France, sont celles de la naissance des rap
tous, génériques d'émissions télévisées, jingles publi- stars françaises.
citaires, mais aussi discours politiques et reportages.
En 1990, MC Solaar sort son premier single Bouge
Cette esthétique du fragment cité existe aussi dans la
de là, succès massif confirmé par celui de l'album Qui
musique savante contemporaine : on songe à l'œuvre
sème le vent récolte le tempo (plus de 400 000 exem-
de Luciano Berio. À partir de l'« échantillonnage », les
plaires vendus). C'est aussi l'année où les NTM — sans
DJ ont développé trois autres techniques spécifiques :
doute le groupe de rap français le plus créatif — en-
le scratch mixing, qui consiste à mixer les sons d'un
registrent le Monde de demain. En 1995, Koolshen et
disque sur ceux d'un autre, le punch phrasing (par
Joey Starr sortent leur deuxième album, l'excellent Pa-
lequel on fait sauter plusieurs fois l'aiguille sur une
ris sous les bombes. Cependant, représentants de la
phrase musicale, un son, etc.), et le scratching simple
tendance dure (hardcore) du rap français, les NTM
(faire rayer le disque par l'aiguille de façon rapide).
ne connaissent pas une fortune radiophonique à la
À cette contestation de certaines conventions musi- hauteur de leur talent, tout comme Assassin ou Minis-
cales se joint la volonté d'intégrer le succès commer- tère A. M. E. R., dont les raps violents et provocateurs
cial et la diffusion planétaire des enregistrements à (par exemple, Sacrifice de poulet ou Brigitte femme de
l'esthétique rap elle-même. Car le rap est, depuis le flic) passent très peu sur la bande FM, qui préfère les
début des années 1990, un art de mass media, con- textes plus « calmes » de MC Solaar ou les titres pré-
sidérablement diffusé : la réussite commerciale s'arti- formatés d'Alliance Ethnik (Respect, 1995).
cule sur l'oralité inhérente au rap. Dit autrement, un
rap qui n'est pas largement diffusé n'a pas d'existence Le rap français n'est pas uniquement parisien :
sociale. Le rap est avant tout un art de performance. un autre son, et d'autres textes, décrivant une autre
réalité, naissent dès 1991 dans la banlieue de Mar-
Aucun système de notation ne pourrait transmettre ce seille. Dès leur premier album, De la planète Mars,
collage hallucinant de musiques, et même les paroles
ne peuvent être traduites convenablement en une forme l'univers d'IAM est né, dominé par les fortes person-
écrite, distincte des rythmes expressifs, de l'intonation, nalités d'Akhenaton et de Shuriken et par une fasci-
de l'accentuation et du flux du discours. Seule la tech- nation pour l'Égypte antique. Le collectif marseillais
nologie des mass media permet une large diffusion et rencontre le succès avec Je danse le mia (1993), succès
la préservation de ces événements acoustiques et des confirmé par la sortie de l'album Ombre est lumière et,
performances propres à l'oral. en 1997, par l'École du micro d'argent.
R. Shusterman, l'Art à l'état vif,
trad. C. Noille, 1991, p. 196. Cette polarité nord-sud du rap français n'a rien de
comparable avec l'opposition des raps des côtes est et
Le rap français ouest des États-Unis. Entre banlieues parisiennes et
marseillaises, l'opposition tient plus de la tension et
Même installé, largement diffusé, commerciale- de l'émulation que de la guerre ouverte.
ment établi, le rap reste donc une musique de contes-
tation, sociale, politique et, ce qui peut paraître moins Spécificité du rap
évident, esthétique. Contestations politique et esthé-
tique : on retrouve ces deux éléments dans la seconde Qu'il soit américain ou français, le rap est l'un des
patrie du rap, la France. Car si la langue maternelle exemples privilégiés d'art populaire contemporain. Ce
du rap est l'anglais, ou plutôt le black english des qui ne signifie pas qu'il soit à la portée de tous : il a
États-Unis, il parle aussi la langue de Molière. ses propres codes, ses signes distinctifs, et souvent son
propre usage de la langue (le black english, on l'a noté,
Deux raisons très simples pour évoquer le rap fran- pour l'anglo-américain, l'usage des cités et le verlan,
çais : nulle part ailleurs qu'en France, après les États- pour le français). Populaire, le rap l'est essentielle-
Unis, le rap ne semble avoir connu un tel succès et ment par le matériau qu'il utilise : les éléments les
un tel essor ; ensuite, le rap français n'est pas simple- plus divers de la culture des mass media, transformés
ment une pâle copie du rap des États-Unis. Plus tardif par les techniques de l'échantillonnage (sampling) et
que son grand frère américain (qui se fait connaître du mixage.
en France en 1982 avec The Message de Grandmaster
Flash), il est, dans un premier temps, très influencé Le sampling ne constitue pas seulement l'innovation
formelle la plus radicale du rap (dans la mesure où des
par la musique new-yorkaise. Cependant, plusieurs chansons pop ont elles aussi expérimenté la parole à la
événements président à la formation d'une véritable place du chant), il concerne aussi au plus haut point
communauté hip hop : l'ouverture des radios libres en son matériau artistique, à savoir la musique enregis-
1981 donne au rap son média de diffusion ; puis les trée. Rien d'étonnant alors à ce qu'il soit extrêmement
studios de Radio Nova, avec le show hebdomadaire contesté, dans les cours de justice comme à la cour de
la culture.
de Dee Nasty et les débuts de MC Solaar, Ministère R. Shusterman, l'Art à l'état vif,
A. M. E. R., Lionel D., etc. ; enfin, un terrain vague de trad. C. Noille, p. 227.
La Chapelle, où tous les dimanches se tient une block
party dans le style new-yorkais, réunissant DJ, rap- On comprend que les rappeurs aient tous tenté de
peurs et graffiteurs : « Je me rappelle des premières légitimer la prétention du rap à être un art créateur.
heures du terrain vague de La Chapelle / À l'époque On ne peut que leur donner raison, car si la création
les héros s'appelaient Actuel, Dee Nasty, Tecol et Meo / ne peut pas être une simple reprise, elle peut signifier
Big up big up pour être resté aussi longtemps tout en transformation, transfiguration, bref, appropriation.
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rapace 2366 dictionnaire culturel

RAP

Ça a commencé comme ça : Il n'a d'importance que si j'en fais une priorité.


On vous a entendus à la radio Stetsasonic, Talkin' All That Jazz (« Jaser
Jaser sur le rap, sur du jazz ») enregistrée en 1988,
traduit dans R. Shusterman, ibid., p. 207-209.
Débiter des bêtises
Sur nos techniques de sampling [...]. Quoi ? Quoi ? Qu'entends-je ? D'où viennent ces
Vous dites que ce n'est pas de l'art, critiques ?
Comme quoi le sample serait le Sida de la musique.
Eh bien, maintenant, à nous de vous mettre en pièces. Diagnostic mordu d'anachronique stupide
[...] Émanant sûrement d'un loser marqué par les rides.
Vous voyez vous faites erreur, NTM, Come again,
Un échantillon, ce n'est rien extrait de Paris sous les bombes, 1995.
Qu'un petit bout de ma méthode,
Un outil. En vérité D. E. M.

rapace [!apas] adj. et n. m. ! v. 1310 loup rapace, au fig. 1455 ; empr. 2 ! mil. xxe s. " Action de faire revenir (des fonds) dans le pays
au lat. rapax adj. « qui ravit, emporte (loups, fleuve) », dér. de rapere « saisir » de leur propriétaire. Le rapatriement des bénéfices.
(➝ rapiat, rapide, rapt). La forme rapiaus adj. plur., dans le Roman de Renart
(fin xiie s.), est empr. au lat. rapax ; -ax, interprété comme une graphie de
-aus, supposerait un sing. *rapal " rapatrier [!apat!ije] v. tr. ! 1611, d'abord repatrier v. 1460 ; empr. au
bas lat. repatriare (iiie s.), dér. de patria « patrie » (➝ repaire, repère) "
I Adj. 1 Vorace, ardent à poursuivre sa proie (d'un oiseau).
Le grand vol anguleux des éperviers rapaces A 1 Assurer le retour de (une personne) sur le territoire du
Raye à l'ouest le ciel mat et rouge qui brunit pays auquel elle appartient par sa nationalité (➝ rapatrie!
Et leur cri rauque grince à travers les espaces. ment). Il s'est fait rapatrier par les soins du consul français.
Verlaine, Poèmes saturniens, « La mort de Philippe II ». Rapatrier des prisonniers de guerre, des coloniaux.
2 ! 1455 " Qui aime le gain à l'excès, qui cherche à s'enrichir
2 ! mil. xxe s. " Faire rentrer (de l'argent) dans son pays d'ori!
rapidement et brutalement, au détriment d'autrui. ➝ avide,
cupide ; (➝ âpre* au gain). Un affairiste, un prêteur, un usurier
gine. Rapatrier des capitaux, des devises, des bénéfices.
rapace. B Fig. et vx. ! 1603 " Réconcilier (encore chez Balzac et Flaubert).
II 1 N. m. ! 1768 " Zool. et cour. Oiseau carnivore, aux doigts
armés d'ongles forts et crochus (serres), au bec puissant, rapatronnage [!apat!&na#] n. m. ! 1737 ; dér. de 2 patron "
arqué et pointu. Syn. oiseau de proie. « Loin, en haut, comme
suspendu dans la lumière, un oiseau de proie, un grand rapace Techn. Opération qui consiste à rapprocher le tronc d'un
l'avait découvert [...] » (L. Pergaud, De Goupil à Margot). — Ra! arbre coupé d'une souche restée en terre pour contrôler l'ex!
paces diurnes (Falconiformes) : aigle, 2 autour, busard, 1 buse ploitation et constater les délits relatifs à la coupe d'arbres.
(1), condor, émouchet, épervier, faucon, gerfaut, gypaète, On trouve aussi le verbe rapatronner ! 1765 au pronom. ".
milan, orfraie, serpentaire, vautour. — Rapaces nocturnes
(Strigiformes) : chat-huant, chevêche, chouette, duc, effraie, râpe [!ɑp] n. f. ! 1374 ; déverbal de râper ➝ rapière "
harfang, hibou, hulotte.
2 Fig. Personne âpre au gain, cupide. Cet homme d'affaires I Agric. Marc de raisin, ce qui reste des grappes une fois
est un rapace. ➝ requin, vautour. — Subst. “Les Rapaces”, titre qu'on les a pressées. — ! 1563, Palissy " Ce qui reste d'une grappe
français d'un film d'E. von Stroheim (Greed « l'avidité »). de raisin ou de groseilles dont les grains sont tombés ou
ont été enlevés. ➝ rafle. « Grâce à l'âpreté que la râpe lui com!
munique et qui, dit-on, se modifie avec l'âge, ce vin traverse un
rapacité [!apasite] n. f. ! 1374 ; empr. au lat. rapacitas « penchant au
vol », de rapax, -acis ➝ rapace "
siècle » (Balzac, la Rabouilleuse). $ ! 1752 " Ce qui reste d'un épi
(de blé, etc.) dont on a enlevé les grains.
1 Caractère, manière d'agir d'une personne rapace. ➝ avi!
dité, cupidité. Marchander qqch. avec rapacité. ➝ âpreté. II Cour. (correspond au v. râper). 1 ! v. 1260 " Grosse lime plate ou
2 ! 1466 " Rare. Avidité à se jeter sur sa proie, ardeur à la pour! demi-ronde à grosses entailles. Râpe à bois. Râpe de sculp!
suivre. La rapacité du tigre, du loup, du vautour. teur, de cordonnier, de plombier, de serrurier, de maçon. $ Méd.
Bruit de râpe, qu'on observe, à l'auscultation, dans certaines
maladies de cœur.
râpage [!apa#] n. m. ! 1775 ; dér. de râper "
Opération qui consiste à râper (qqch.). Le râpage du céleri. 2 ! 1559 " Ustentile de cuisine formé d'une plaque hérissée
d'aspérités, qui sert à réduire une substance en poudre, en
copeaux. Râpe à fromage, à muscade. — Par ext. Anciennt. Râpe à
rapapilloter [!apapij&te] v. tr. ! 1840 ; de re-, papillote* et suff. verbal,
pour repapilloter en français central "
tabac.
Région. (normand, picard). Arranger, raccommoder. Rapapilloter
deux personnes, les réconcilier. ➝ rabibocher. 1 râpé [!ape] n. m. ! 1600, Olivier de Serres, en anc. franç. raspez « vin
trop léger » v. 1185 ; dér. de râpe, I "

rapatrié, ée [!apat!ije] adj. et n. ! 1856, Hugo ; du p. p. de rapatrier " I Boisson qu'on obtient en faisant passer de l'eau sur du
Qu'on a fait rentrer dans son pays (de prisonniers de guerre li! marc ou sur du raisin frais entassé dans un tonneau. ➝
bérés, de coloniaux ou de résidents contraints de revenir en métropole). piquette. $ ! 1765, Encyclopédie " Spécialt. Vin éclairci avec des co!
Des anciens colons rapatriés. — N. Aide aux rapatriés. Convoi de peaux de hêtre, de chêne, etc., qu'on y a laissé tremper ;
rapatriés. Les rapatriés d'Algérie. Une rapatriée. ! 1680 " ces copeaux.
II 1 ! 1920 ; du p. p. de râper " Fromage, notamment fromage de
rapatriement [!apat!im"] n. m. ! 1859 ; de rapatrier " gruyère, râpé. Acheter cent grammes de râpé.
1 Action de rapatrier qqn. Le rapatriement de prisonniers de 2 Région. (Lorraine). Galette de pommes de terre râpées cuites
guerre, d'un matelot. Rapatriement d'un agent secret. ➝ exfiltra! au lard ou avec une autre matière grasse. Un râpé, du râpé
tion. Rapatriement sanitaire, dont la cause est l'état de santé
(de pommes de terre). ➝ râpée.
(d'un ressortissant d'un pays) qui nécessite son retour, par
transport spécial, dans son pays. hom. Râpée.

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