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Cor Met, GZ

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe de Gouges.


Explication de texte linéaire –
Exhortation aux hommes, de « « Homme, es-tu capable d’être juste ? » à « pour ne rien
dire de plus »
Homme, es-tu capable d'être juste ? C'est une femme qui t'en fait la
question ; tu ne lui ôteras pas moins ce droit. Dis-moi ? Qui t'a donné le souverain
empire d'opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa
sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te
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rapprocher, et donne-moi, si tu l'oses, l'exemple de cet empire tyrannique.
Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette
enfin un coup d'œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-
toi à l'évidence quand je t'en offre les moyens. Cherche, fouille et distingue, si tu le
10 peux, les sexes dans l'administration de la nature. Partout, tu les trouveras
confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d'œuvre
immortel.
L'homme seul s'est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle,
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15 boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité , dans
l'ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu
toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses
droits à l'égalité, pour ne rien dire de plus. […]

1. Vivacité d’esprit, perspicacité

Introduction.

Alors que la Révolution française n’a apporté que peu de progrès pour les femmes,
Olympe de Gouges, pionnière emblématique de la lutte pour les droits des femmes, rédige
en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne calquée sur la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen proclamée le 26 août 1789. Après une dédicace à la
reine, O. de Gouges, s’adressant aux hommes, s’inscrit dans la tonalité polémique, et ce dans
une virulente diatribe (critique violente). Il s’agit, en effet, dans une exhortation aux
hommes, de s’interroger sur la légitimité des hommes à occuper la première place dans la
société. L’autrice veut mettre les hommes face à leurs responsabilités. Nous nous
demanderons en quoi cet extrait, cherchant à faire reconnaître l’égalité entre les sexes,
constitue un défi lancé aux hommes / Nous nous demanderons comment Olympe de
Gouges combat l’inégalité de sexes. (projet de lecture).

Composition
Les trois paragraphes du passage constituent trois mouvements :
- dans le premier, l’adresse polémique aux hommes permet à l’autrice d’amorcer sa thèse,
ou comment l’autrice oblige-t-elle l’homme à répondre de ses injustices envers la femme ?
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- dans le second, Olympe de Gouges s’appuie sur une comparaison, et l’argument majeur de
la nature pour appuyer son propos
- dans le troisième paragraphe : comment l’autrice dessinant un portrait péjoratif de
l’homme souligne-t-elle l’aberration que constitue à ses yeux la prétendue supériorité
masculine dans la société ?

Analyse linéaire

∟ Premier mouvement : premier paragraphe (une adresse aux hommes inscrite dans la
provocation)

Dans cet appel, O. de Gouges s’adresse directement à l’homme (c’est-à-dire à tous les
hommes) usant de l’apostrophe « Homme », le destinataire du discours, par opposition à la
« femme » qui parle : « c’est une femme qui t’en fait le discours », l’emploi de l’article
indéfini « une » permettant à O. de Gouges d’être le porte-parole de son sexe. Cette
interpellation initiale a une valeur critique, provocatrice et polémique puisque d’emblée les
deux sexes sont présentés en conflit tandis que la valeur de justice est présentée en
préalable du discours à venir. Olympe de Gouges entend s’exprimer librement, la liberté
d’expression étant présenté comme un « droit ». La succession d’interrogations que l’on
peut assimiler à des questions rhétoriques, anime le discours tout en permettant de toucher
plus directement le destinataire. Cette succession d’interrogations remet d’emblée en
question la morale des hommes, sous-entend qu’il est difficile pour l’homme d’être
équitable (« Homme, es-tu capable d’être juste ? ») et remet en question la légitimité de sa
puissance, désignée par l’expression « souverain empire » (« Qui t’a donné le souverain
empire d’opprimer mon sexe ? ta force ? ton talent ? »). Le but de l’autrice est, en effet,
d’attaquer la domination masculine en soumettant l’homme à un interrogatoire ; le
caractère arbitraire de cette domination étant fortement traduit dans la question partielle :
« Qui t’a donné le souverain empire (…) ? » (réponse implicite : personne) et par les
questions nominales : « ta force ? », « ton talent ? », remettant en question les prétendus
arguments des hommes. Olympe de Gouges réfute toute supériorité de l’homme sur la
femme ; recourant au tutoiement (dans les pronoms « tu », toi » ou encore les déterminants
possessifs ; « ta », « ton »), elle présente l’homme comme son égal. Le champ lexical de la
domination « souverain empire », « empire tyrannique » (on retrouvera « commander en
despote « dans le troisième paragraphe qui constitue le troisième mouvement) souligne le
caractère autoritaire et injuste de la domination masculine et ce par des termes qui mettent
en évidence la violence exercée par les hommes et par la comparaison implicite de l’homme
à un tyran (et plus loin, un despote), ce qui est particulièrement péjoratif dans la période
révolutionnaire.
En outre, Olympe de Gouges recourt dans ce paragraphe (comme dans le second) à
l’impératif ; l’énumération de verbes traduisant des injonctions (des ordres) ,« Observe »,
« parcours », permet à l’autrice d’adopter une position d’autorité , de se placer dans une
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position de supériorité par rapport à l’homme d’autant que la subordonnée hypothétique à


la tonalité ironique « si tu l’oses » sonne comme un défi. Elle invite les hommes à l’humilité,
à se soumettre à la « sagesse du créateur » et à la grandeur de la nature. La thèse d’Olympe
de Gouges est que la nature (une nature déiste valorisée par des termes mélioratifs) ne
propose pas d’exemples de tyrannie d’un sexe sur l’autre. Olympe de Gouges met aussi les
hommes face à leur contradiction puisque les révolutionnaires ont utilisé l’argument de la
nature (« dont tu sembles vouloir te rapprocher »). Olympe de Gouges apparaît alors comme
un guide, un juge qui met en évidence les erreurs de l’homme.

∟ Deuxième mouvement : deuxième paragraphe (Justification de la thèse grâce à


l’argument majeur de la nature)

Après l’injonction globale présentée dans le premier paragraphe, Olympe de Gouges, dans le
deuxième paragraphe, précise son argumentation. Dans ce second mouvement, elle oppose
l’homme à la nature et l’invite à observer et étudier celle-ci de manière scientifique  : 
« remonte ( …), consulte ( …) , étudie( …) » ; « cherche, fouille et distingue(…) » au travers de
verbes à l’impératifs au sein d’énumérations .Olympe de Gouges, tout en soulignant la
difficulté des hommes à se remettre en question (« rends toi à l’évidence »), veut montrer
que l’égalité entre les sexes est naturelle, que l’univers créé par Dieu , au travers de la
comparaison de la société humaine avec le monde animal, végétal et minéral, n’est pas
inégalitaire. En effet, la nature se caractérise par une relation égalitaire entre les sexes qi se
retrouvent « confondus » (c’est-à-dire unis, semblables) au point qu’il semble difficile de les
distinguer (comme le suggère la subordonnée hypothétique « si tu peux »). Le champ lexical
de l’entente, de la paix et de l’harmonie définit la nature et l’organisation naturelle : « ils
coopèrent », « ensemble harmonieux », « chef d’œuvre immortel ». L’anaphore de l’adverbe
« Partout » souligne la portée universelle de son argument qui a valeur d’autorité ;
Olympe de Gouges propose ici un raisonnement par analogie qui permet de conclure que la
domination de l’homme sur la femme est contraire à la nature et donc illégitime.

∟ Troisième mouvement : troisième paragraphe (Un portrait péjoratif de l’homme, la


violence de l’écriture pamphlétaire)

Dans le troisième paragraphe, qui constitue le troisième mouvement, Olympe de Gouges


brosse un portrait péjoratif de l’homme. Le modèle de la nature permet à l’autrice de tirer
une déduction logique qui accuse l’homme. Ce dernier s’est soustrait à l’ordre naturel, en se
croyant dans son orgueil une « exception » ; il apparaît comme le moins éclairé et sa
singularité (exprimée par les termes « seul » et « exception ») ne contribue qu’à faire régner
un ordre contre-naturel (la dimension artificielle de l’homme est par ailleurs soulignée par le
verbe pronominal à connotation péjorative « s’est fagoté »). L’énumération péjorative
« Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré » souligne à la fois son manque de
modestie (il est « boursouflé ») et son imperfection (« dégénéré »). Son manque de
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discernement est mis en valeur par l’antithèse : l’expression « siècle de lumière et de


sagacité » caractérisant l’époque s’oppose à l’hyperbole « l’ignorance la plus crasse »,
caractérisant les hommes, renforçant le caractère absolu du manque d’à propos de la
conduite des hommes. Paradoxalement, dans un siècle marqué par la recherche du savoir et
la raison éclairée, l’attitude des hommes est commandée par l’aveuglement, le refus de
respecter les lois de la nature et ce, pour mieux imposer une domination violente et
arbitraire comme le souligne l’expression « commander en despote ».
Cette domination de l’homme (qui a été caractérisé par l’ignorance et l’aveuglement) sur les
femmes est d’autant plus illégitime qu’Olympe de Gouges mentionne dans une périphrase
hyperbolique l’intelligence des femmes : « un sexe qui a reçu toutes les facultés
intellectuelles ». La domination des hommes est d’autant plus arbitraire qu’elle est contraire
aux principes révolutionnaires (d’autant que les femmes se sont battues aux côtés des
hommes). A la tyrannie politique, l’homme « qui veut commander en despote » se substitue
donc une tyrannie sociale.
La dernière proposition peut se comprendre de deux façons selon que le pronom
anaphorique « il » reprend « l’homme » ou « le sexe qui a reçu toutes les facultés
intellectuelles ». Dans le premier cas, Olympe de Gouges soulignerait subtilement le
paradoxe des hommes qui réclament l’égalité alors qu’ils entendent placer les femmes sous
le joug de la domination ; l’expression qui clôt le passage « pour ne rien dire de plus »
suggérerait que les hommes réclament, injustement, bien davantage que leurs « droits à
l’égalité » - puisqu’ils réclament leur droit à la domination. Dans le second cas, Olympe de
Gouges réaffirmerait la volonté du sexe féminin d’être au moins considéré comme l’égal du
sexe masculin, l’opposition du passé « s’est fagoté » et du présent (« prétend) annonçant
l’aspiration au renversement futur d’un ordre sexiste ancestral. Quelle que soit
l’interprétation retenue, Olympe de Gouges clôt son exhortation sur une proposition
polémique qui réaffirme la nécessaire égalité entre les d’eux sexes, la revendication d’égalité
s’inscrivant dans une lutte révolutionnaire contre la tyrannie et l’arbitraire.

Conclusion

L’exhortation aux hommes vivement polémique justifie la Déclaration des droits de la femme
et de la citoyenne. En effet, alors que l’égalité apparaît comme un principe de l’ordre de la
nature et comme l’une des revendications ayant conduit à la Révolution, Olympe de Gouges
souligne le paradoxe de l’attitude des hommes qui entendent continuer à imposer leur
domination sur les femmes. Cherchant à convaincre –grâce à un raisonnement logique – et à
persuader – en recourant au moyen du pamphlet pour mieux susciter indignation et remise
en question – Olympe de Gouges inscrit son texte dans la littérature de combat. Il s’agira au
travers de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de revendiquer l’égalité
entre les sexes (dès l’article 1) et la participation des femmes à la vie politique (comme le
souligne le début du préambule).

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