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Olympe de Gouges – Déclaration de la Femme et de la Citoyenne

« Homme, es-tu capable d’être juste ? »

Plan détaillé pour l’analyse linéaire

Eléments d’introduction

Olympe de Gouges participe à la Révolution française aux côtés des Girondins (la partie la plus
modérée des révolutionnaires) ; Elle s’oppose à l’exécution de Louis XVI, dénonce la Terreur et
critique Robespierre, ce qui lui vaudra d’être guillotinée en 1793.

Dans ses écrits (en grande majorité des pièces de théâtre), elle reprend des thèmes chers aux
Lumières, comme la dénonciation de l’esclavage, mais elle se distingue surtout par sa défense
inconditionnelle de la cause des femmes. Elle s’empare de sujets innovants qui ne font pas
consensus, comme le droit au divorce, les droits pour les enfants naturels, la défense des prostituées
ou la lutte contre le mariage forcé.

La Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne, placardée en 1791 sur les murs de Paris,
est une réponse au texte phare de la révolution rédigé et adopté par les députés en août 1789. En
écrivant ce texte, Olympe de Gouge met en avant le fait que les « Droits de l’Homme » ont été écrits
en faveur des seuls hommes et que, de fait, les femmes ont été exclues de ces droits.

L’extrait étudié joue le rôle d’avant-propos à la DDFC. Il se rattache au genre de l’essai, mais
prend un tour très oral qui possède la forme d’une confrontation entre l’écrivaine et un interlocuteur
masculin. Olympe De Gouges y adopte un ton de défi pour défendre la cause des femmes.

Problématique : Par quels moyens Olympe de Gouges remet-elle en cause la domination de


l’homme sur la femme ?

Découpage : 3 mouvements

1) Paragraphe 1 : Un défi à la gente masculine (l1 à 6)


2) Paragraphe 2 :L’observation de la nature à l’appui de la thèse (l.7 à 12)
3) Paragraphe 3 : Une satire virulente de la gente masculine (l.13 à 18)

Premier mouvement : Un défi à la gente masculine (l1 à 6)

● Le texte s’ouvre sur une interrogation totale qui établit la situation de communication.

→ Le destinataire « Homme » est d’emblée nommé, et le tutoiement « es-tu » implique une forme
de proximité. Le tutoiement est en effet fréquemment utilisé depuis 1789 entre les citoyens.

Le texte prend donc la forme d’un discours tenu à la gente masculine.

● Ce discours prend l’allure d’un défi

→ Avec la deuxième phrase, s’établit une antithèse entre « Homme » et « une femme ». On note que
les deux substantifs sont au singulier.
Ces deux premières phrases donnent au propos l’apparence d’un duel.

● Dans ce duel, l’émettrice, ODG, se place en position de supériorité

→ Elle utilise un futur de l’indicatif à valeur impérative dans une tournure négative « Tu ne lui ôteras
pas du moins le droit », et poursuit son propos avec des impératifs présents : d’abord « Dis-moi »
puis plus tard « Observe »,« parcours », « donne-moi ».

Cela marque la certitude de sa légitimité.

● ODG remet ainsi en cause la supériorité masculine

→ La suite du discours est marquée par une série d’interrogations rhétoriques. La première question,
très courte, « Dis-moi ? » a une valeur conative, c’est-à-dire qu’elle a pour fonction de susciter la
réaction du destinataire, ce qui rend le discours très vivant. La deuxième question, plus longue, est
teintée d’ironie : le groupe nominal « le souverain empire » est une antiphrase, et les deux phrases
nominales qui suivent « Ta force ? Tes talents ? » donnent au propos un feint aspect de délibération.

Ces interrogations mettent en lumière l’indignation de l’émettrice qui sous-entend que l’homme ne
possède aucune qualité inhérente à son genre, qualité qui légitimerait sa domination sur la femme.
Ainsi, l’interrogation liminaire : « Homme, es-tu capable d’être juste ? », qui pouvait être lue au
premier degré, mérite d’être réinterprétée à l’aune de ce premier paragraphe comme une
interrogation rhétorique elle-aussi. ODG remet en cause la capacité de l’homme à exercer son sens
de la justice quand cela concerne son rapport à la femme.

● ODG met l’homme au défi de justifier cette injustice.

→ Le rythme ternaire formé par les verbes à l’impératif présent « Observe »,« parcours », « donne-
moi » constitue une injonction à la réflexion, réflexion fondée sur l’étude (le rythme ternaire souligne
les étapes du raisonnement)

→ ODG incite l’homme à étudier les champs de la théologie « le créateur dans sa sagesse» et de la
nature « la nature dans toute sa splendeur ». Le parallélisme de construction « dans … » met en
valeur les hyperboles et insiste sur la légitimité de ces deux exemples.

→ La fin du paragraphe s’achève sur une dernière pique lancée contre la gente masculine : la
proposition subordonnée conjonctive « si tu l’oses » sonne comme une provocation, et l’adjectif
«tyrannique », hyperbolique lui aussi, insiste sur l’illégitimité de la suprématie de l’homme sur la
femme.

Olympe de Gouge s’adresse donc aux hommes en général, mais elle rend plus vivant son
discours en lui donnant l’apparence d’une confrontation entre deux individus, pour dénoncer
l’injustice faite aux femmes. A la fin de ce premier mouvement, elle invite l’homme à chercher dans
la nature si cette inégalité existe. C’est cette idée qu’elle va développer dans un second mouvement,
abandonnant un moment le ton polémique pour se faire davantage didactique.

Deuxième mouvement : L’observation de la nature à l’appui de la thèse (l.7 à 12)

● ODG veut démontrer que la domination masculine n’est pas légitime. Elle invoque pour se faire
l’argument de la nature.
→ Ce deuxième paragraphe s’appuie sur le champ lexical de la nature : « animaux », « éléments »,
« végétaux », « matière », et enfin « nature ».

Il s’agit de termes génériques, qui orientent l’argumentation vers une réflexion globale, et pas sur
une observation de détail, qui admettrait les exceptions.

● La démarche qu’elle propose à l’homme est scientifique

→ La parataxe des vers à l’impératif « Remonte », « consulte », « étudie », « jette », ainsi que
l’utilisation du connecteur « enfin » invitent à une expérience chronologique et ordonnée.

ODG s’inscrit bien dans son époque, les sciences naturelles connaissant un véritable essor. La Nature
apparaît alors comme une arme idéologique utilisée par les penseurs des Lumières dans leur combat
contre l’intolérance et l’obscurantisme.

● Le raisonnement qu’ODG incite l’homme à tenir tend vers une conclusion

→ la proposition principale « et rends- toi à l’évidence » invite l’homme à tirer profit de ses
observations.

ODG propose donc une démarche inductive, fondée sur l’observation et l’enquête, afin d’en déduire
un principe général.

● L’examen de la nature porte sur un sujet précis : la relation entre les sexes

→ Ce sujet est mis en valeur d’abord par le rythme ternaire de verbes à l’impératif : « cherche, fouille
et distingue », par la proposition subordonnée circonstancielle en incise « si tu le peux », qui reflète
encore une fois les doute de l’émettrice quant aux capacités de la gente masculine, et enfin par son
rejet en fin d’une très longue phrase : « les sexes dans l’administration »

Malgré une observation minutieuse, il n’y donc pas de moyen, selon ODG, de trouver dans le règne
de la nature un exemple de domination d’un sexe sur l’autre.

● La conclusion de cette enquête est révélée dans la dernière phrase du paragraphe.

→ L’anaphore de l’adverbe « partout », qui n’admet pas l’exception, induit bien une généralisation.
Le champ lexical de l’alliance avec « confondus », « coopèrent », « ensemble harmonieux » reflète la
complémentarité des sexes. A noter que deux des termes sont construits par dérivation sur le préfixe
[co] qui signifie « avec ».

ODG formule donc explicitement sa thèse : l’alliance des sexes permet le meilleur fonctionnement
naturel. Elle invite l’homme à s’approprier un raisonnement auquel elle a déjà elle-même abouti, ce
qui est visible dans l’utilisation du futur de l’indicatif « tu les trouveras »

● Cette nature sur laquelle elle fonde sa démonstration, elle en fait un éloge

→ Le paragraphe s’achève sur une métaphore hyperbolique qui rend hommage à la nature « ce chef-
d’œuvre immortel », mais l’idée que celle-ci possède un agencement, est régie par des lois, est déjà
présente dans l’expression « l’administration de la nature »

Ce raisonnement construit met donc en lumière le modèle naturel – dans la lignée des
philosophes des Lumières. La nature joue ici le rôle d’argument d’autorité qui permet à Olympe De
Gouges de déconstruire le présupposé selon lequel le sexe masculin possède une supériorité
légitime. Forte de ce constat, elle délaisse le ton didactique pour se livrer, dans le dernier
paragraphe, à une véritable satire de l’homme.
Troisième mouvement : Une satire virulente de la gente masculine(l.13 à 18)

● La critique de l’homme s’appuie tout d’abord sur une rupture de ton

→ L’énonciation passe de la deuxième personne pour désigner l’homme à la troisième personne :


« L’homme seul est »

Cela implique un changement de destinataire : l’homme n’est plus l’interlocuteur mais le sujet du
discours.

●ODG souligne le ridicule de l’homme, dont le comportement va à l’encontre de toute logique.

→ La première phrase repose sur une antithèse entre les termes « principe » et « exception », c’est-
à-dire entre la loi générale et le cas particulier.

ODG met l’accent sur un paradoxe qui déconstruit, là encore, la légitimité de l’homme à se sentir
supérieur.

● La satire de l’homme passe également par la caricature

→ L’utilisation du terme péjoratif et familier « fagoté », transforme, par métaphore, la conception


illogique de l’homme en vêtement inélégant. Dans la phrase suivante, l’énumération « Bizarre,
aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré » multiplie les termes péjoratifs. L’adjectif
« boursouflé », très visuel, crée un effet de caricature, renforcé par l’allitération en [b].

L’attaque est très violente et derrière le rire, la colère de l’émettrice est palpable.

● Par cette critique acerbe, ODG entend prouver que l’homme est en contradiction avec l’esprit des
lumières.

→ Les antithèses entre « aveugle » et « lumières » d’une part, et entre « sagacité » et « ignorance »
d’autre part, ce dernier terme étant mis en valeur par le superlatif « la plus crasse » soulignent cette
contradiction

ODG insiste établit ainsi un contraste entre le modèle des lumières, que l’homme s’imagine incarner,
et ce qu’il vaut réellement.

● Cela rend d’autant moins légitime la prétention de l’homme à dominer la femme.

→ Cette injustice est représentée dans la dernière partie de la phrase : « il veut commander en
despote ». La volonté de pouvoir de l’homme est traduite par l’hyperbole « en despote », mais la
légitimité se trouve du côté de la femme : l’homme est réduit dans cet énoncé à son seul pronom
personnel : « il », tandis que la femme est très longuement caractérisée : « un sexe qui a reçu (…)
l’égalité ». Les propositions subordonnées relatives permettent de formuler les qualités de la gente
féminine ainsi que les droits auxquels elle peut légitimement prétendre.

Si ce dernier paragraphe dresse un portrait caricatural et satirique de l’homme, il s’achève


sur un éloge de la femme, et annonce ses droits, fruits de « la révolution », droits sur lesquels elle
doit pouvoir compter. Ce texte joue donc bien son rôle d’avant-propos aux articles qui vont suivre.
Eléments de conclusion

Ce court texte qui précède la DDFC à proprement parler constitue donc une interpellation
adressée aux hommes en général. La portée argumentative de ce passage réside dans la tonalité
polémique qui y est développée : ODG provoque l’homme, le met au défi et le ridiculise. En poussant
l’homme à prendre conscience de ses contradictions, mais également à envisager le fait que la
phallocratie est illégitime, l’écrivaine se fait la porte-parole des femmes. Elle se place en guide et en
juge, et démontre que l’infériorité des femmes n’est pas naturelle, mais seulement le fait de
l’homme. Il convient donc que celles-ci récupèrent leurs droits et leur juste place dans la société.

La suite de la DDFC va adopter un ton beaucoup plus solennel, cherchant à convaincre


l’Assemblée nationale d’adopter les articles en faisant appel à des raisonnements logiques et
rationnels, au service d’une reconnaissance légale du droit des femmes.

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