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Homme, es-tu capable d'etre juste ? C'est une femme qui t'en fait la question ; tu ne
lui oteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t'a donné le souverain empire d'opprimer
mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature
dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l'oses,
5 l'exemple de cet empire tyrannique.
Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup
d'œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi a l'évidence quand je
t'en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu le peux, les sexes dans
l'administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec
10 un ensemble harmonieux a ce chef-d’œuvre immortel.
L'homme seul s'est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle,
boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans
l'ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a recu toutes les
facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la révolution, et réclamer ses droits a l'égalité,
15 pour ne rien dire de plus.
Séquence 1 : Ecrire et combattre pour l'égalité 1ère G
Introduction :
– Ol. de Gouges : écrivaine engagée dont les écrits reflètent ses nombreux combats pour
l’égalité et la justice entre les etres humains. Féministe avant tout, elle souhaite réhabiliter
les femmes dans la société et leur octroyer une place légitime en tant que citoyenne.
– DDFC : La Declaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) a pour but de
pallier les manquements de La Declaration des droits de l’homme et du citoyen (1789)
– extrait : Après la dédicace a la reine Marie-Antoinette qui introduit son propos et avant de
donner les articles de sa Declaration, Olympe de Gouges écrit un court texte, intitulé « Les
droits de la femme », dans lequel elle apostrophe les hommes sur un ton catégorique.
Problématique : En quoi ce texte polémique met-il a mal la prétendue domination de l'homme sur la
femme ?
Découpage :
– ligne 1 a 5 : lancer un défi a l'homme
– ligne 6 a 10 : éloge de la nature
– ligne 11 a 15 : dévalorisation de l'homme
« Homme » (l.1) : apostrophe → Ol. De Gouges interpelle directement son destinataire dès le
premier mot du texte. Elle n'a pas de temps a perdre, elle n'hésite pas, elle est déterminée.
« tu » (l.1) : pronom personnel de la 2e pers → tutoiement qui prouve un lien familer, mais aussi
un rapport d'égalité entre l'homme et la femme. C'est une manière plus directe de s'adresser a son
destinataire, ce qui renforce la virulence des propos.
« es-tu capable d'etre juste ? » (l.1) : interrogation directe totale / question rhétorique → Ol. De
Gouges remet en cause la droiture de l'homme. Elle met en évidence son manque de respect du droit
et de l'équité. Elle n'attend aucune réponse car elle n'a pas terminé son argumentation
« C'est une femme qui t'en fait la demande » (l.1) : antithèse implicite → provocation et opposition
entre « l'homme » et « la femme ». Impression de deux camps adverses.
« tu ne lui oteras pas du moins ce droit » (l.2) : négation totale + futur → La négation porte sur la
totalité de la phrase (il ne peut pas en etre autrement) et le futur donne un aspect définitif, certain.
L'homme ne peut pas retirer a la femme le droit de s'exprimer.
« Ta force ? Tes talents ? » (l.3) : sarcasme → elle interroge son destinataire sur l'origine de son
droit a dominer la femme. Elle sous-entend que les qualités évoquées ne sont pas une raison
suffisante.
« sagesse / grandeur » (l.3-4), « empire tyrannique » (l.5) : antithèse → opposition entre les termes,
les éléments élogieux ne font que renforcer le blâme de l'homme ; d'autant plus que ces qualités
divine et naturelle sont présentées sous forme de parallélisme, ce qui renforce la comparaison.
Transition : Après avoir apostrophe l'homme, l'avoir defie et mis face à la realite, Olympe de
Gouges poursuit son propos en detaillant davantage ses preconisations.
« remonte / consulte / étudie / jette enfin un coup d'oeil / rends-toi a l'évidence » (l.6-7) :
énumération → Ol. De Gouges incite a une démarche scientifique, a l'examen minutieux de la
nature environnante. La gradation « cherche, fouille et distingue » (l.8) marque la progression de la
démarche et le changement progressif d'opinion qui en découle.
« partout » (x2, l.9) : répétition / anaphore → insistance sur le fait qu'en tous lieux les sexes sont
égaux et ont les memes droits.
« coopèrent » (l.9), « ensemble harmonieux » (l.10) : champ lexical de l'unité → idée d'une
participation a une œuvre commune, renforce l'idée que c'est ensemble, main dans la main, qu'il faut
procéder. L'homme et la femme devraient ainsi prendre exemple sur la nature afin d'agir avec
cohérence et unité.
« chef-d'oeuvre immortel » (l.10) : métaphore → mise en avant de la perfection qui règne dans la
nature ; perfection complétée par l'adjectif « immortel » qui soulève l'idée que cette harmonie ne
connaît pas delimite, qu'ell est sans fin. Le rapport entre les hommes et les femmes devrait etre le
meme que celui existant dans la nature entre les différentes espèces vivantes.
Transition : Olympe de Gouges dresse un portrait elogieux de la nature pour mettre en exergue le
mauvais comportement des hommes vis-à-vis des femmes. Elle insistera d'ailleurs, dans le 3e
mouvement, sur l'idee que l'homme est le seul responsable de cette domination sur le sexe feminin.
Partie 3 : Dévalorisation de l'homme (l. 11 à 15)
« seul », « exception » (l.11) : champ lexical de l'unicité → L'homme a décrété qu'il était différent
des autres espèces vivantes et que cela légitimait sa domination sur le sexe féminin. En disant cela,
Olympe de Gouges note encore une fois que rien dans la nature ne prédisposait l'homme a dominer
la femme et qu'il est le seul coupable de cette situation.
« dans l'ignorance la plus crasse » (l.12-13) : superlatif de supériorité → le pire défaut est
l’ignorance, d’autant plus en cette période, « dans ce siècle de lumières et de sagacité ». Le XVIIIe
siècle est le siècle des Lumières, le siècle ou la raison et l’esprit critique sont de mise pour lutter
contre l’ignorance et l’obscurantisme ; le XVIIIe siècle est aussi celui de la perspicacité, de cette
disposition que certains etres humains ont a comprendre les choses les plus difficiles. Or, Olympe
de Gouges dévalorise les hommes qui ont un vrai défaut de connaissance et dont le savoir est
insuffisant. L’ignorance des hommes est d’autant plus critiquable qu’elle est « la plus crasse » ; le
superlatif est ici dévalorisant puisque l’adjectif « crasse » est employé pour un défaut qui atteint un
très haut degré. Le fait de dire « la plus crasse » montre donc que l’homme est totalement ignorant,
voire le plus ignorant des etres humains.
« despote » (l.13) : suite du champ lexical de la tyrannie → l’homme s’est arrogé un pouvoir
absolu mais totalement arbitraire sur la femme d’autant plus que les femmes ont « recu toutes les
facultés intellectuelles » (l.13-14), autrement dit, elles ont des capacités de réflexion et un esprit
critique ; rien ne les prédestine donc a etre inférieures aux hommes et encore moins a etre dominées
par eux.
« veut commander », « prétend jouir », « réclamer » (l.13-14) : champ lexical de l'égoïsme → elle
insiste bien sur l'entetement de l'homme a satisfaire ses propres désirs : non seulement il souhaite
diriger mais aussi profiter des avantages du contexte révolutionnaire. Ce qui est paradoxal, c’est que
l’homme veut également « réclamer ses droits a l’égalité » mais de quelle égalité parle-t-il alors ?
D’une égalité exclusivement masculine ? Qu’en est-il des femmes ? Il n’en est pas fait mention
puisqu’elles ne sont pas dignes de posséder, au meme titre que les hommes, les memes droits et
donc les memes revendications.
Conclusion :
Le registre polémique du texte « Les droits de la femme » est mis au service des propos de
l’auteure. En effet, tout en blâmant le comportement de l’homme, Olympe de Gouges fait l’éloge de
la nature pour insister sur l’idée que l’homme s’est donné seul le droit de dominer les femmes. Ce
texte, motivé par l’indignation, lui a permis d’interpeller directement l’adversaire, l’homme, pour le
défier mais aussi pour le rendre coupable de ses agissements.
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