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Séquence 2 : Les mémoires d'une âme 1ère

Texte BAC n°8 :


« Demain dès l'aube », Les Contemplations (IV, 14), Victor Hugo (1856)

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,


Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

5 Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,


Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,


10 Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Séquence 2 : Les mémoires d'une âme 1ère

Texte BAC n°8 :


« Demain dès l'aube », Les Contemplations (IV, 14), Victor Hugo (1856)

EXPLICATION LINEAIRE

Introduction :
– Victor Hugo, auteur français du XIXe siècle parmi les plus célèbres, a eu une vie
personnelle très difficile : sur ses 5 enfants, 4 sont morts avant lui. Sa fille Léopoldine
décède par noyade peu après ses 19 ans. Le recueil Les Contemplations alterne entre
moments de bonheur et de désespoir suite à ce drame
– Dans le poème « Demain dès l'aube », Victor Hugo raconte le trajet qu'il effectue pour se
rendre sur la tombe de sa fille, comme s'ils avaient rendez-vous. Le poème est composé de 3
quatrains, en alexandrins, avec des rimes croisées.

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– Problématique : Comment Victor Hugo rend-il hommage à sa fille dans ce poème ?

Découpage du texte :
– partie 1 : vers 1 à 4, la détermination du poète
– partie 2 : vers 5 à 10, un paysage qui le laisse indifférent
– partie 3 : vers 11 et 12, le dénouement

Partie 1 : La détermination du poète (vers 1 à 4)

• « Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne » (v.1) : 3 compléments


circonstanciels de temps → l'heure et la date du départ de Victor Hugo sont fixées avec
précision, il n'a pas l'intention d'en changer, ce qui montre sa détermination

• « Je partirai / J'irai » (v.2 et 3) : verbes au futur → le futur indique que la décision est prise,
qu'Hugo est sûr de lui. De plus, les verbes indiquent un ordre, une progression (d'abord on
part, ensuite on marche) : Hugo s'imagine déjà en train d'effectuer le trajet, il est pressé de
partir

• « forêt / montagne » (v.3) : vocabulaire de la nature → le trajet ne s'annonce pas facile,


d'autant plus que Victor Hugo est affaibli par son âge et par sa tristesse d'avoir perdu sa fille.
Il ne baisse pas les bras pour autant. Les difficultés ne lui font pas peur.

• « vois-tu » (v.2) : tutoiement → adresse directe à une femme, non nommée, pour laquelle
Hugo a beaucoup d'affection. A ce stade, on peut penser à un rendez-vous amoureux

• « Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps » (l.4) : vocabulaire de la souffrance →


l'idée d'un rendez-vous amoureux est remise en cause par cette idée de souffrance et de
séparation. Le mélange d'amour et de douleur indique un problème dans la relation.
• « je / tu » (1er quatrain) : pronoms personnels → les pronoms désignant Hugo et la femme
aimée sont séparés, jamais réunis par un « nous ». La séparation entre les deux êtres semble
définitive

Partie 2 : Un paysage qui le laisse indifférent (vers 5 à 10)

• « les yeux fixés / sans rien voir » (v.5 et 6) : champ lexical du regard → vocabulaire du
regard très présent car traditionnel dans les textes parlant d'amour. Pourtant il est associé à
des termes négatifs et à des négations : les yeux d'Hugo ne trouvent pas l'être aimé

• « sans rien voir / sans entendre » (v.6) : répétition → l'insistance sur la négation montre
qu'Hugo refuse volontairement d'écouter ses 5 sens. Il est concentré sur lui-même, sur ses
sentiments et sur le but de son trajet

• « seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, triste » (v.7-8) : énumération → attitude
de tristesse, de solitude, de recueillement. La description montre qu'Hugo est soucieux (dos
courbé, mains croisées) et isolé loin de l'être aimé

• « Triste » (v.8) : rejet (mot isolé sur le vers suivant) → mise en valeur de ce sentiment, rejeté
sur le vers suivant et donc isolé. C'est bien cet isolement qui provoque la souffrance de
Victor Hugo

• « le jour pour moi sera comme la nuit » (v.8) : comparaison → le jour, positif, correspond à
la période heureuse où Hugo et l'être aimé étaient réunis. La nuit symbolise leur séparation.

• « je ne regarderai ni... ni... » (v.9) : insistance sur la négation → en l'absence de l'être aimé,
Hugo refuse toute forme de joie (lumière, beauté, distraction...)

• « l'or du soir / les voiles au loin » (v.9-10) : description peu précise → le paysage est flou car
Hugo refuse de le regarder, malgré sa beauté. Rien ne peut rivaliser avec la beauté de la
femme aimée perdue.

• « voiles / Harfleur » (v.10) : références à la mer → le paysage de forêt et de montagne du


1er quatrain a changé, nous arrivons maintenant au bord de la mer, ce qui montre la
progression du voyage

Partie 3 : Le dénouement (vers 11 et 12)

• « je mettrai sur ta tombe » (v.11) : chute → le 2e hémistiche (= 2e moitié) du vers sonne


comme un coup de massue, révélant que la femme aimée est morte. Le début du poème
prend donc une nouvelle dimension : le fait qu'Hugo dise encore « tu » à la jeune femme
alors qu'elle est morte montre tout l'amour et la souffrance qu'il ressent. Il ne parvient pas à
accepter cette perte.

• « un bouquet » (v.12) : voc amoureux → comme pour un rendez-vous amoureux, Hugo a


apporté des fleurs

• « houx vert et bruyère » (v.12) : champ lexical des plantes → plantes traditionnellement
déposées dans les cimetières en raison de leur couleur persistante et de leur grande
résistance (le houx reste rouge et vert hiver comme été, la bruyère fleurit même en temps de
sécheresse et résiste au froid)

CONCLUSION :

Victor Hugo ne se remet pas de la mort de sa fille elle occupe toujours toutes ses pensées.

// Dans les Contemplations, Hugo évoque aussi des souvenirs heureux comme son 1er rendez-vous
amoureux dans « Vieille chanson du jeune temps »
// « Le dormeur du val » de Rimbaud révèle lui aussi la mort du personnage aux derniers vers

Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière


Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil de la montagne fière,
Luit : C'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,


Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme


Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;


Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud

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