Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Introduction :
Victor Hugo publie les contemplations en 1856 mais l'écriture des poèmes s'étend de 1830 à 1854. Le
recueil est divisé en 2 parties entre « autrefois » et « aujourd'hui » dont la transition se situe en 1843
date de la mort accidentelle par noyade de sa fille Léopoldine. Cet événement tragique marque
durablement l'œuvre poétique de Victor Hugo et notamment le 4e livre des contemplations,
entièrement consacrée à la douleur du deuil. Le poème elle avait pris ce pli entre guillemets et écrit
en novembre 1846 évoque une scène intimiste liée au souvenir de Léopoldine. Le souvenir de
Léopoldine est un sentiment lié à la poésie. Comment ce poème qui évoque le souvenir de
Léopoldine s'apparente il a une oraison funèbre ?
Ce poème évoque le souvenir de la jeune Léopoldine(I) et fait son portrait moral, l'assimilant à une
muse poétique (II). La douceur du souvenir est toutefois rattrapée par la violence de la mort qui
transforme ce poème en une oraison funèbre (III).
Le poème elle avait pris ce pli commence par l'évocation de souvenirs de l'enfance de Léopoldine.
Le poète retrouve la douceur de l'harmonie familiale à travers l'habitude, comme le suggère le terme
de pli ainsi que les imparfaits itératifs (« je l’attendais », « elle entrait », « disait »).
La comparaison entre Léopoldine et rayon de soleil au verre 3, « ainsi qu'un rayon qu'on espère »,
donne une image angélique et solaire de Léopoldine.
Victor Hugo conjure le deuil et fait revivre Léopoldine grâce au discours direct : « Bonjour mon petit
père » vers 4 Avec le terme affectueux, « petit » qui exprime l'harmonie entre le père et sa fille.
L’énumérations des verbes d'action, soulignent l'énergie infantile de Léopoldine : « Prenait ma plume,
ouvrait mes livres, s’asseyait » « Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait ».
Le rejet « Sur mon lit » (vers 6) mime également le mouvement incessant de l’enfant.
Ce portrait en action fait renaître Léopoldine, dont Victor Hugo suit les moindres de ses gestes,
comme le suggère les adverbes temporels « puis soudain », au vers 7.
La comparaison « comme un oiseau qui passe », joue avec la polysémie du verbe « passer », qui
signifie le mouvement, mais aussi le passage inéluctable du temps qui passe.
Léopoldine est évoquée comme une muse qui inspirait son père.
Des vers, 8 à 13, le champ lexical de la littérature, « ma plume », « mes livres », « mes papiers »,
« mon œuvre » « mes manuscrits » crée un effet de miroir entre Léopoldine et l'œuvre littéraire de
Victor Hugo.
Les déterminants possessifs à la première personne, « mon œuvre », « mes manuscrits » exprime un
lien de filiation avec l'œuvre littéraire, qui reflète le lien de filiation avec Léopoldine.
Les « quelque arabesque folle » fait écho au mouvement de l'écriture de Victor Hugo.
Léopoldine devient une muse qui prend la place de l'écrivain puisqu'elle froisse elle-même les pages
blanches comme un poète au travail « Et mainte page blanche entre ses mains froissés ». Vers 12
Le poème elle avait pris ce pli commençait par un portrait en action de Léopoldine. À partir du vers
14, il se poursuit par un portrait moral de l'enfant qui évoque ses goûts (« elle aimait »).
L'énumération du vers 14 fait alterner des éléments célestes, (« Dieu », « les astres ») et des
éléments terrestres (« les fleurs », « les prés verts ») suggérant que Léopoldine fait le lien entre le
terrestre et le spirituel.
On retrouve cette antithèse entre le spirituel et le terrestre au vers 15 (« Et c'était un esprit avant
d'être une femme »).
Ce champ lexical de la spiritualité donne l'impression de faire parler l'âme de Léopoldine. : « Dieu »
« astres » « esprit », « regard », « clarté », « âme ».
L’hyperbole « elle me consultait sur tout à tous moments », montre une communication intuitive
entre Hugo et sa fille qui s'apparente à du spiritisme poétique. (Victor Hugo était adepte du
spiritisme).
L'interjection « Oh » (au vers 18) interrompt l'action et immortalise de manière statique une scène.
Victor Hugo compose en effet un tableau très visuel grâce aux compléments circonstanciels de lieu
« sur mes genoux » « tout près », « au coin du feu » qui dessine le tableau d'une famille heureuse
Victor Hugo donne à cette occasion une courte définition de la poésie au vers 19, À travers
l'énumération : « Raisonner langue, histoire, grammaire ». La poésie est inspiration, mais elle est
aussi fondée sur le raisonnement et sur la rigueur syntaxique. Elle est également un art total où la
totalité des savoirs est convoquée.
Victor Hugo achève ce tableau familial par un vers épicurien qui invite à trouver le bonheur dans des
plaisirs simples. « J'appelais cette vie être content de peu »
L'imparfait, « j'appelais », souligne la nostalgie du poète qui sait que sa fille n'est plus et qui connaît
désormais la fragilité de ce bonheur.
La fin du poème prend une tonalité funèbre « Et dire qu'elle est morte ! Hélas ! Que Dieu m’assiste ! »
Contrairement à l'imparfait rassurant, qui évoquait des souvenirs heureux succèdent la violence d'un
présent « elle est morte », qui dit la mort sans euphémismes.
L’interjection « Hélas ! » donne une tonalité élégiaque à ce poème : il s’agit d’une plainte.
Ce poème devient même prière lorsque le poète évoque Dieu : « Que Dieu m’assiste ! ».
Dans ce poème à la mémoire de Léopoldine, Victor Hugo fait part d'un amour fusionnel qui n'est plus
et qui transparaît dans le chiasme : J’étais morne au milieu du bal le plus joyeux /Si j’avais, en partant,
vu quelque ombre en ses yeux
« Morne » et « ombre » se répondent comme si le père et la fille étaient le miroir l'un de l'autre.
Il montre également que le bonheur passé (« Bal » « joyeux ») étant encadré et donc assombri par le
deuil (« morne » « ombre »).
Le poème s'achève ainsi comme une oraison funèbre, c'est-à-dire en discours prononcé à la mémoire
d'une personne décédée. On remarque à la fin de la lecture que le poème a été écrit à la Toussaint en
« Novembre 1846, jour des morts. »
Comme dans une oraison funèbre, le poème mentionne, en un raccourci saisissant, toutes les étapes
de la vie, le de Léopoldine : « son âge enfantin », « une femme », « elle est morte ».
Conclusion :
À travers un poème intimiste, Victor Hugo évoque, en un raccourci saisissant, toutes les étapes de la
vie de Léopoldine, son âge enfantin, « une femme », « elle est morte ». Ce poème qui s'apparente
ainsi à une oraison funèbre, évoque le deuil mais fait aussi de Léopoldine une muse poétique. On
retrouve la même pudeur et la même tonalité intimiste dans le poème « Demain dès l’aube » écrit un
an plus tard, en 1847.