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sous la direction de

Sérnir Badir et Jean-Marie Klinkenberg

Figures de la figure
Sémiotique et rhétorique générale
Dans la meme colleetion :

Jacques Fontanille & Alessaudro Zinna (éds.)


Les objetr ar quotidien

Sémir Badir & Hemuui Parret (éds.)


Puissmces de la voúr

Jouri MikhailovitchLotman
L'qlosion et la culture

Hennan Parret
Epiphanies de la prisence

Claude Zilberberg
Eléments de grammaire temive

Manar Hammad
Lire I'apace, comprendre I'architecture. Essoli sémiotiques

Gianfraaco Manone
Le iraitement Ludovico. Cops el musique d m N Orange Mécanique »

Louis Hdbert
Dkpositifs pour IAnalyse des Textes et des lmages

Ivan Dannult-Hamis & Jean-Pierre Klein


Pour unepsychiatrie de I'ellipse. Les aventures du sujet en eréation

Q Presses Universitaires de Limoges, 2008


39', me Camille G u é -~8703 1 Limoges ceder - France
Té1 : 05.55.01.95.35 - Fax : 05.55.43.56.29
E-mail: pulim@uniiim.fr
hüp:ilpulim.unilim.fi
Table des m a t i h

Sémir BADIRet Jean-Mane KIJNKEWERG


Mentation

Jacques FO~ANILLE
La dimension rhétorique du discours : k-s vaieurs en jeu
Jean-Mane KL~KENBERG
.k rhétorique dans le sémwtique : [a composante c&tiue du systeme 35
Tiziana MIGLIORE
Pace 2 l'éloquence de l'image.
Élémentspour une confrontationfeconde entre rbétovlque et sémiotique 57
Francois M ~ E R
Rhétorique et inteprétation desfigures
Goran SONESSON
la rhétorlque de laperception. Recherche de méthode

Fulvio VACUO
la rehaite de [a rh6totorique ?De@ zéro, mécanismes rhétoriques e t w -
duction du s m dans le langage visuel 133
Hennan PARRFT
la r h é t m de 1Ymage :
quand Albeth' rencontre le Groupe p
Jan B m s
Sémwtque u e m rbétorique ?
Sémir BADIR
En aititaant la rbétorique

Nicole PIGMER
R b é t o w e . muitimodale u. Essai de d@nilion
Inna MERKOLILOVA
Pour une rhétorique de la grapbie dam les messages arNstiques 203
Marc BONHOMME
Peut-onparier de méronpie iconique ?
Agnes ~ ? z m
Image rhétotisée des co@ sextrés surpapkrglacé
Odie LE GUERN
Tromp I'Qü etpiege &wl.
Pour une rbétorfque de i'accommcdution du regard
Nicolas M E E &~ Jean-Pierre BARTOLI
Sánidogie et rbétorique du discoun musical

Notes bio-bibliographiques sur les auteurs

Achevé d'imprimer par Présence Graphique


2 m de la Pinsonni&re- 37260 Monts
No d'imprimeur :020826704
Présentation

Sémir Badir & Jean-Marie Klinkenberg

I
!
Chercher a fa l'état des rapports entre semiotique et rhétorique,
trente-cinq années apres la parution de Rhétorique générale, a quoi
i bon 7 Qui, ou qu'est-ce que cela sert 7 Un te1 état des lieux correspond-il
i simplement B une récapitulation du chemin parcouru, ou bien peut-il
étre aussi un bilan prospectif pour des travaux a venir 7 Bien que
beaucoup de sémioticiens se soient préoccupés de rhétorique et que
beaucoup de rhetoriciens se soient prtoccupés de sémiotique, ces
interrogations n'ont jamais abouti a une evaluation qui satisfasse les
uns et les autres.
Non que la question du rapport entre &mlotique et rhétorique solt si
slmple qu'eUe ne se pose méme pas (et pour certains c'est le cas : on
pourrait en effet avancer que si la rhétorique linguistique est une
pmvince des sciences du langage. alors la rhébrique generale doit etre
dans le meme rapport avec la semiotique généraie, la pertinente de la
premiere étant garantie par celle de la seconde). Non que le sujet ait été
1 Cpuist en cours de mute, ou que son enjeu coit devenu obsolete. Cest
plut6t que la question de la place de la rhétonque dans la sémiotique et
celle des apports de la sémiotique la rhétorique sont largement restées
jusqu'ici en suspens. D'abord pour des raisons historiques qui seront
examinées par certains des contributeurs de l'ouvrage. Mais aussi parce
que quelque chose dans la rhétorique a toujours rbslsté a une

r
Sémir Badu & Jean-Muie Klinkenberg

sémiotisation n définitive, et qu'en retour la sémiotique élabore des


objets, et des enjeux, que les rhétoridens ne sauraient prévoir.
Aussi la question du rapport entre sémiotique et rhétoaque est-elle
loln d'etre oiseuse. Depuis Rhétorique génkmk. la rhétorique contem-
poraine des figures a fait du chernin, integré de nouveaux domalnes
d'étude, rencontré d'autres courants de pensée que la sémiotique
structuraie a iaquelle eUe s'était alimentée aux origines, avec Jakobson,
Bartha, Todorov et d'autres. La sémiotique, de son cbté, n'est pas en
reste ; elle aussi a comu des mutations thbriques qui ont assigné de
nouveUes directions a sa recherche. L'actuaiísation consiste donc a se
demander si la rhetorique et la sémiotique, dans leurs états actuels
respectifs, trowent encore un terrain d'entente au nhreau le plus général
de conceptuaiisation. Du reste, il n'est pas opportun de borner cette
actualisation aux rapports que la rhétorique entretient avec la seule
sémiotique : eiie peut s'étendre aux scienm du langage en générai.
il y a toutefois davantage a proposer qu'une actualisation. L'occasion
est également domée de faue retour sur un pmgmmme : observer ce qui
a eté accompli en rhétorique depuis que le projet &une rhétorique
générale a eté formulé : quels ont été les obstacles et quels les contour-
nements ; et comment ont interagi le projet rhétorique et l'aventure
sémiotique. 11 s'agit donc, en somme, d'éprouver ia dur& d'un projet
théorique, que n'auront soutenu ni la constitution d'une discipline ti part
entiere (avec ce que cette mise en place aurait entrainé d'efiets
institutiomels) ni meme. pour dire le vrai, une rewnnalssance univoque
de la part de la communauté des chercheurs (comme en atteste le
caractere hautement aiéatoire de sa référenciation bibliographique). Que
ce projet perdure trente-cinq ans ap& son lancement, dans sa concep
tualisation comme par le caract&e effectií des recherches qui peu ou
pmu s'en réclament, wnduit i réévaluer - sinon a évaiuer enAn - son
ambition mme. La rhétorique généraie aurait-elle, par quelques ressorts
qui n'auraient pas été bien perps jusqulci par une bonne partie des
sémiotidens, trouvé une solution pour la modélisation du sens ?
11 conviendrait de poser la question aux Intéressés. Et les b i s
asticles qui ouvrent le présent recueil se proposent précisément
d'interroger la place de la rhétorique dans une théorie générale du
langage. Ii est certainement encourageant que Jean-Marie Klinkenberg et
Jacques Fontanille s'accordent pour étendre a l'ensemble de l'activité
discursive i'applícation des classes d'operations capables de générer, en
la raisonnant. la variété des figures rhétoriques. Et ceia chacun a partir
d'une pratique spéciñque d'analyse des discours : pour le premier, a
-
partir de i'anaiyse rhétorique et précisément au sein du Groupe p, qui
a lancé le pmjet d'une rhétorique générale -, et, pour le second, a partir
&une analyse sémiotique. C o m e le souligne Fontanille, cette ambition
est analogue a celle qui a conduit la linguistique a passer de la langue a
la parole ; mais elle témoigne en outre d'un projet autrement plus
général, puisque ce qui concernait uniquement les langages verbaux est
ici envisagé pour l'ensemble des sémiosis et de leurs énonciations.
Francois Rastier propose, pour s a part. une action similalre
d'opérationnaüsation des fgures rhétoriques dans la construction du
sens, dans le cadre d'une sérnantique linguistique, dite interprétative r.
dont il est i'instigateur.
L a contrlbution de Rastier, telle qu'on vient de la présenter, peut a
premiere vue paraitre plus modeste, se restreignant. quant aux objets.
aux Agures de sens (ou tropes) et, quant a leur application, au domaine
linguistique. En réalité, c'est une autre forme de généralisation, plus
épistémologique que modalisatrice. que fournit son argument.
L'intégration des processus rhetoriques a une théorie linguistique
demande en effet a etre située en termes de réception historique du
pmjet néo-rhetorique dans le contexte des sciences du iangage. Rastier
ouvre ainsi un second volet de réflexions théoriques qul prennent appui
sur l'histolre pour amnner les spéciffcités épistémologiques de la néc-
rhétorique.
Dans cette perspective, la contribution de J a n Baetens rend
problématique l'inscription méme de la néo-rhétorique dans la
sémiotique. il fait remarquer, a la suite de Paul de Man, que rhétorique
et sémiotique ont longtemps été plus opposées que percues c o m e
complémentaires. Et d'obsemer que c'est l'affinnation de cette
complémenMté qui fait la nouveauté du pmjet du Groupe p. Encore
faut-il se demander qui a fait les frais, s'il y en a. du rapprochement.
Pour Baetens, ce serait la sémiotique : depuis i'épcque structurale, celle-
ci a en effet été obligée de reprendre en wnsidération ce qu'elle avait
d'abord délaissé, a savoir le discom. Pour Sémlr Badir, intéressé a la
meme question. ce serait au wntrake la rhétorique qui a dti foumir le
plus d'efforts. La néo-rhétorique n'a pu se rapprocher de la semiotique
qu'en se détournant de son paradigme d'origine (celui que Rastier
appelle justement le paradigrne rhétorique 1 ) et adopter de ce fait une
perspective logicisante. Cependant, le parcours meme de la théorie
développée par le Groupe p atteste des düñcultés, voire des remords. de
cette wnversion. comme en témoigne un concept te1 que celui de degré
zérolocal ".
On aura remarqué que l'oeuvre du Groupe p est mise & I'homeur
dans le débat. Le présent volume est d'ailieurs partiellement une
retomi& du coiloque intemational r Sémiotique et rhetorique générale 2
tenu au Centro Intemazionale di Semiotica dUrbino les 11, 12 et 13
juillet 2002 i l'initiative du groupe, coiloque dont certaines comunica-
tions sont reprisea ici.
Quelques lignes retracant brievement la vie du Groupe p seront
peut-etre utiles au lecteur. Ce goupe né a la ñn des années soixante
rassemblait alors une demi-douzaine de chercheurs de 1'Université de
Liége, chercheurs engagés dans des travaux de littérature, de
ünguistique, de phflosophie. de communication. En 1970, un premier
ouvrage coilM, a tendance structuraiiste, parait sous la signature du
coliectif : Rhétorique g é W , ouvrage qui connaiira un retentissement
certain (il sera t6t traduit en une quinzaine de languesl et auquel la
réputation du Groupe demeurera liée. Sept ans plus tard, leurs
réflexions trouvent un habitacle dans RMtorique de la poésie, 0i.1 se
manifeste un impisme plus affumé pour les questions discwsives. Mais
c'est d e les débuts que la question de l'intégration de la rhétorique a la
sémiotique est posée (eiie le sera explicitement dans le titre d'un recueil
de 1979, Rhétoriques,s&miotiques). En 1992, ce sera le Raü2 du signe
visuel Pour une rhéiorique de i'imoge. Cet ouvrage, égalernent devenu un
classique. dénote, sinon un changement de directlon, du moins une
incllnation renouvelée vers les productions visuelles. U indique surtout
un renforcement au sein du groupe de la perspective cognitive. présente
dans certains travaux des débuts (dont ceux qui sont publiés dans
Reehemhes rhétorQues, le mythique numéro 16 de la reme ComrnWLica-
tions). Depuis lors, Francis Édellne et un des auteurs de la présente
lntroductlon, Jean-Marie W e n b e r g , tous deux membres d'orlgine, ont
assuré la poursuite des recherches du groupe. Au total, et sans
préjudice des travaux individuels, une petite centaine de travaux ont été
publiés sous le nom collectíí de Gmupe p, qui apparait donc c o m e une
sorte de BourbaM des sciences humaines.
Le présent recueil &te assez largement les directions de recherche
qui ont été polntées par le Groupe p au long de son dstence. Dans la
premiére partie. les contributeurs ont principalement considéré la
rhétorique généraie en tant que pmjet théorique. Dans les deux parties
suivantes. c'est i'application de ses instruments d'analyse qui sont
évaiués et mis il'épreuve ; d'abord au sein de la sémiotique visueile,
laquelle a annexé u n domaine considérable aux appllcations
traditionnellement réservées B la rhétorique ; ensuite dans un examen
des champs d'investigation qui s'ouvrent a elle parmi les autres
sémioüques, et notamment lorsqu'on prend en compte les &miotiques
complexes, comme y invitait le projet de départ.

La contrfbution d'Herman P m t , qui ouvre la partie consacrée au


domaine visuel. part d'une tentative d'homologation des travaux du
Groupe p avec un traité de peinture de la Renaissance italienne : le De
Pictura d'Alberti. Tentative étonnante de prime abord mais en fin de
compte assez pmbante, eUe a le mérite de montrer que la tension entre
i'iconique et le plastique. telle que le Gmupe p I'a mise au Jour, en
trouvant un antécédent dans la distinction faite par Alberti entre la
rhétorique historiale et la rhétorique fonnelle. est conihnée par une
tradition a la fois théorique et pratique. C'est en regard d'autres théories
de l'image, en partlculier de celle de Wolfflin, que Fulvio Vaglio
questionne pour s a part la transpsition des concepts de la rhétorique,

Dew instruments théoriques sont ainsi emminés : la notion de degré .


soutenus i'orlgine par des exemples linguistiques. au dornaine visuel.

zéro 8 et les opérations fondamentaies de pmduction des figures. Ces


rapprochements et homologations dhbouchent sur une interrogation
plus génémle : quelle spécíñcité est susceptible d'assurer a la théorie
rhétorique son autonomie parmi toutes les théories qui abordent et
analysent les productions visuelles 7
Pour s'en faire une idée, lYziana Mlgllore etudie le p m m &pisté-
mologique du Groupe p. Au logidsme qui animait la plémique avec
d'autres rhétoridens dans le domaine Ilnguistique, le groupe a préféré
les avancées accompiies dans les sciences. gr&e aux physiciens de la
couleur, aux neuro-psychologues et aux psychologues de la perception.
U est vrai que c'est aiors la part sémiotique qui en& en connexion avec
les avancées scientiflques. La part rhétorique demeure, elie, de i'ordre de
I'interpretation. et la conjonction des deux systemes sémiotiques,
i'iconique et le plastique, dans une rhétorique icono-plastique revient
comme l'une des clefs de votite de Papport p-tologlque @our reprendre
ici le néologisme Joyeux de Góran Sonesson) a Panalyse du visuel.
Sonesson a depuis plusieurs années entamé un dialogue avec le
groupe liegeois. A I'occasion de ce recueii, il mene une critique des
oppositlons techniques qui innervent l'analyse rhétorique du visuel
[conjonction vs disJonction : absence u s présence) en partant des
exemples mémes awquels recourt le linük du signe uisuel. Mais, aiors
qu'fl partage avec le Groupe p un m&ne intéet pour la psychologie de la
perception. Sonesson réclame de ses membres plus de cognltivisme
12 S é m i B n d i & Sean-Marie Kliokenberg

encore que cew-ct n'en arborent ; l'objectü est en effet de passer du


dlscontlnu de la strudure au continu de la perception. en prenant appui
sur les conceptions de Peirce sur l'indexicalité et de Husserl sur la
méréologie.
Marc Bonhornme aborde quant a lui une question technique
précise : peut-on transposer la ügure de la métonymie au domaine de
l'image ? 11 faut chercher a savoir en effet oh se situent les possibilitéa
d'import/export rhétorique entre les diííérents domaines sémiotiques.
Est-ce au niveau des u opérations fondamentales de Panalyse n, ou au
niveau des figures 7 En fournissant une réponse en deux temps -
négative quant a w moyens, posltive quant aux effets -. Bonhomme
c o h e que ce n'est pas au niveau des figures pmprement dites que
peut se jouer la géné~aüsationd'un rnodae rhétorique - a cet égard. il
n'y a guere qu'une analogie entre la rhétorique linguistique et la
-
rhétorique de l'image mais que c'est bien dans sa relation i la ihéorie
sémiotique - -
tout aussi généraiisente que se situe la généraüté du
fonctiomement rhétorique.
Sonesson et Bonhomme appulent leur démonstration sur l'analyse
d'images publicitaires. Et sans doute la publicité offre-t-elle des
exernples particulierement variés dans le cadre d'un inventaire des
figures rhétoriques visuelles. 11 importe toutefois également de véiíñer
qu'au-dela des illustrations a vlsée théorique. la rhétorique est apte h
I'analyse d'un corpus partlculier. Agnes d'Izzia nous en offre
l'opportunite par son analyse mparative des reprbmtations du mrps
masculin et du corps féminin dans un corpus d'images de mcde etalé
sur dnquante années de presse.
De quelque maniere qu'on la toume, la question de la généralisation
est bien ce qui innerve le présent recuell. QueUe modéllsation ihwrique
est a méme de satis* au miew cette générallsation du rhétorlque ?
Et, ei l'on admei de conslderer la conception programmatique de
Rhéiorique genérale comme l'une des propositions les plus fiables en la
matiere, quels amenagements, quels enjewr. quelles conséquences celle-
ci entraine-t-elle ? Telies étaient les questions posées dans la premiere
partle de l'ouvrage. Quand on passe du domaine linguistique au
domalne du visuel, qu'en est-il a u luste de cette prétention
genéraiisahice 7 Quels sont les pieges qu'eiie tend. quelles sont les
pistes de recherche qu'elle indique ? La deuxieme parüe du recueil
entihment wnsacrée a la question du visible, a déployé les diverses
facettes de ce probleme de migration des concepts, en prenant en
compte a la fois la Rhétorique gbnéraie et le 'ha@ ah sfgne uLiueL
Dans la troisiéme partie, il s'agit de bien autre chose encore.
JusquSci la générdsation du rhétorique avait pu prendre appui sur la
sémiotique, sans chercher a remettre en cause l'organisation de son
territoire. Or, il n'est pas vrai qu'on couvre la totalité de la sémtosis une
fois qu'on a traité des sémiotiques linguistiques et des sémiotiques
visuelies. Qui plus est, le partage débonnaire, imp peu intenogé, en&
lingulsüque et visuel laisse dans l'ombre toute une série de phénoménes
qui contestent ce partage. Jan Baetens en décrit un briévement i la ñn
de sa contribution, en rappelant que le texte est en un certain sens lui-
méme visuel. On retrouve la ce qu'hne-Marie Christin a développé
comme un paradigme de a l'écran B. et que la redécouverte du plastique
par le Groupe p permet également de concevoir. De fait le partage entre
linguistique et visuel n'est pas sémiotiquement fondé. mais correspond a
une simple distribution sociale des pratiques. 11 faut alors 0 b s e ~ e r
comment s ' o p k la conjoncüon du linguistique et du visuel dans un
énoncé. Et c'est ce quoi s'attellent ici-méme Inna Merkoulova et Nicole
Pignier. Ce rapport. ou l'interrogation de ce rapport. est susceptible de
ressortir du rhétorique. Merkoulova s'intéresse a I'organisation
graphique. dans les ceuvres tant littéraires que musicales. et y observe
que les effets rhétoriques y sont notamment dus aux composantes
plastiques de l'énoncé. Ced a pour eñet d'inscrire au sein du visuel une
hétérogénéité intrins6que que Pignier cherche aussi a saisir. Dans
l'écriture multimédia, les Bgures devfe~entmuitimodales : elles font le
lien entre les dlfférentes modalités énonciatives de Pceuvre. Le poeme
#une d s t e québécoise manifeste le lieu d'un chiasme ou plastidté et
textualité jouent ainsi I'une avec I'autre pour composer un texte-
mouvement.
Si donc le visuel ne constitue pas un dornaine hornogene, on doit
alors démultiplier les sémiotiques nécessaires pour couvrir ce vaste
territoire encore trop peu défriché. Des sémiotiques aptes a rendre
compte tant des caractéristiques formeues des phénoménes qu'on y
rencontre (point de vue adopté par le Gmupe p dans sa distinction de
l'iconique et du plastique) que des usages et des pratiques.
Cependant, l'hétérogénéité du visuel ne se limite pas a ces
potentiaüffi polysémiotiques. En fait, la fmntiére entre le sémtotique et
le non sémtotique est condarnnée a rester wculiérement floue dans le
domaine visuel. Car c'est de sa saisie visueile que dépend avant tout,
plus que de tout autre sens, la constitution du réel. ii s'ensuit qu'un jeu
- qui est encore du ressort de la rhétorique - est rendu posslble sur le
lieu méme de cette frontiére. L'objet p q u est souvent sémiotisable a
travers ses caractéristiques visuelles, tandis qu'en retour I'énoncé
shiotique reste doté de solides caractéristiques matérielles qui peuvent
en faire un objet du monde panni les a u k s . Aussi, l'énoncé visuel est
presque toujoun susceptible d'étre pris pour un objet non sémiotique, et
vice versa : surtout lorsqu'un objet et une image viennent A etre
rapprochés. Le cas du trompe-l'oeil, qu'étudie Odile Le Guem, pemet
d'entrevoir l'ampleur de la problématique. 11 est remarquable que la
rhétorique soit ici le moyen privilegié pour aborder l'indécidable : la
rhétorique ne fait pas que déplacer les frontiéres ; elle est aussi ce qui
pemet de les désignw et de construtre des lieux de passage.
E& U faut aussi admetire la possibiiité qu'fl existe des sérniotiques
qui ne sont ni visuelles ni linguistiques. C'était du moins une hypothése
qui pouvait tenter des musicologues, comme id Jean-Pierre Bartoli et
Nicolas Meeus. Pour élaborer la rhétorique musicale, il faut tabler sur
l'exlstence d'un langage musical. Postulat qui ne mene pas a tomber
dans le piege d'un référentiaüsme complaisamment pmjectif, impmpre A
dire quol que ce soit sur la spécificité de teile ou t d e structure musicale,
ou a se contenter d'un formalisme étranger aux pmcessus d'énonciation.
Sur des exemples parüculiers empmntés a Bach et a Haydn, Bartoii et
Meeus démontrent que le modele p-tologique est apte a mettre en
évidence les d e t s rhétoriques spécifiques au langage musical, et qu'ii
peut méme contribuer a les validw en homologuant l'existence d'une
piasticité pmpre au domaine sonore.

Lorsque la rhétorique a opéré son retou dans le champ du savoir,


dans la seconde moitié du XX' siécle. elle n'a cessé d'étre une incitahice
pour les sciences du langage. Eile a en effet invité ceiles-ci A briser les
limites qu'avec une indubitable pertinente méthcdologique d e s s'étaient
données au début du méme siecle. La nécessité de rendre compte du
dynamisme instaurateur de la sémiosis, qui est celui de la science
comme celui de I'art. invitait ces sciences du langage a s'aargir dans
imis dimensions. En longueur, elles étaient invitées A rendre compte du
phrastique e t du dlscursif, voire méme du continuum entre le
linguistique et ce qui est reputé non linguistique. En hauteur, il
s'agissait de rendre compte de i'ambivalence, de la polyphonie, des
feuilletages de sens, des coníiits qui se posent et se résolvent paríois
dans le m h e temps, dans la U m comrne dans les Qioncés complexes.
g
En largeur, iI fabit rendre compte de l'articuhtion entre les signes et le
Présentation 15

monde, monde dont les sujets sentant, connaissant et agissant sont des
composants privilégiés.
11 serait naff de croire que c'est partout et toujours la rhétorique qui
a déclenché ce mouvement. Mais qu'elle y ait joué un puissant r6le
d'incitabice pas doutew. Ce mouvement d'élargissement n'est pas
terminé. Puissent les réflexions ici rassemblées le prolonger.

Les éditeurs ont plaisir a remercier FranGois Provenzano pour l'aide qu'il leur a
apporiée lors de la relecture du rnanuscrit.
La dimension rbétorique du discours :
les valeurs en jeu

Jacques Fontanille

La ff dimension rhétorique » du discours


La réflexion rhétorlque, et son exploitation dans la descrlption des
textes. obéissent en général a une tradition bien connue : celle de la
classlfication des Rgures et des tropes, de la discussion sur les limites
du domaine (rhétorlque restreinte et rhétorlque générale),sur l'inventaire
des parties quf le composent, et qui guident et accompagnent la
pmduction textueue (Snvention, disposition, élocution, etc.), mais bien
plus rarement une dlscussion sur les cai4goríes et les opératlons qul
fondent les&ures.
C'est justement pour remettre en discussion cette tradition que le
Groupe p (1970)s'est efforcé. en deux temps, de reconsidérer l'ensemble
des figures sous l'angle des catégories et opérations élémentaires qui les
constituent : (1) l'a@oncaOn et la suppression (Groupe p 19701, dans un
premler temps, et (2) le degré p e w et le áegré cowu (Gmupe p 1992).a
propos des signes visuels. C'est aussi dans cette perspective que la
sémiotique des années quatre-vingt-dix a introduit dans la réflexion
rhétorlque la question des modes d'existence (modes virtualisé,
actualisé, potentialisé et réalisé) et celle de la praxis énonciative
(Bordmn & Fontanille 2000).
'amam-al~a
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a[la.nb slnoaslp np sapo8aqea sal sane uonelar ua.nb ~ a p ? ~ d d e . s
~ n a dau 'nos a11a.nb a11anb 'anbllo~aqlalioaw aun.p allo$e~pdo
m a p q 'anbgopas aM ap $u!od un,p '$uanb?6uw R,J .sanbgop?s
sanb!xeld sap 'sa8eurl sap 'sa$xa$ sap 1110s ~ n b'asK1eue.p s~arqo
xne uo!lenb?pe,l ap aIgquoa al snos alsal anbpoarl) ]a allan$daauoa
aaualaqo3 ap pojja.1 no 'ammos ua ' a m ap ~ u l o dun : anbuldma
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suo!lelnmrojaJ ap snld luapa~oldsan!lelual saluasai sa3 s i e n
La dimension rbetoriqne do diseoors :les valeurs en Jeu

Praxis Bnonciaüve' et dimension rhetorique


Le déplacement que nous proposons id est l'exact homologue de
celui que, dans les années soixante-dk une partie de la linguistique a
engagé, en passant de la linguistique de la langue a celie de la parole et
du discours : au lieu de traiter la rhétorique comme un répertoire, un
systéme ou une rnacm-strudure de regies et de normes de la production
des tropes et Rgures. on la considérera comme une des dimensions du
processus énondaüf, du discours en acte P. De ce fait. on est donc
conduit a considérer la dimension rhétorique comme la partie codi6ée et
emegistrée, sous forme de praxemes a figuratifs, de la a praxis énoncia-
tive. en générai.
Ce déplacement a quelques conséquences sur la méthode, et meme
s u r l'usage des figures de rhétorique : dans la perspective du
répertoire B, du fl systéme 8 ou de la macro-structure *, la méthode
d'anaiyse vlsera pour l'essentiel Pidentification des figures et tropes. la
reconnaissance de leur forme, de leurs composants et de leurs
variantes ; dans la perspective de la praxis énonciative w et du discours

-
en acte, la méthode d'analyse s'efforcera en revanche de décrire et
d'expliquer les a effets de ces figures et tropes sur le processus
énonciaüf en cours. Bien entendu, la description des effets n de ces
6gures et tropes présuppose leur identiilcation préalable.
Des lors, la description textuelle des d e t s rhétoriques s'appuie tout
parüculierement sur cet ensemble de catégorles discursives que nous
cherchons a saisir : par exemple. les d e t s d'arnplification ou d'accelé-
ration du tempo, concement la quantüé et l'intensité discursives : les
d e t s de contradiction touchent a la catégorle du wnfüt, ssaii lui aussi
dans son intensite et dans son étendue. Ou aura donc d'un cóté les
figures et tropes (par exemple. des hyperboles, des anaphores, des
parataxes), et de l'autre des transfomations des catégories discursives

.
(par exemple. la quantité et l'intensité énonciativesl ; entre les deux, des
etTets observables, que nous pourrions d é W comme des S m a m -
figures B dismives (par exemple. l'amplification ou PaccélQation) : mais
cette fois. a figure 8 serait utilisé au sens de Hjelmslev. c'est-a-dire
comme des segments ou unités syntagmatiques identifiées sur un des
deux plans du langage, et susceptibles, par leur organisation, de
participer a une relation sémiotique avec des figures de i'autre plan.
De m h e , les tlgures rhétoriques manipulent l'assomptim &no*,
notamment dan8 Pargumentation. Adopter l'argument adverse pour le
rendre inopérant et l'affaiblir,faire semblant de reconnaitn les defauts
20 Jaques F o u W e

de son propre argument, ridiculiser les arguments adverses, faire


semblant de prendre a la IégSre ses propres arguments : autant de
figures codifiées et dument étiquetées par la tradltlon, qui reposent
toutes sur le dépiacement de l'assomption énonciative et sur son
affaibIíssemenf ou son renforcemnt. Cassomption énonciative est une
propriété du discours en acte. qui touche A i'engagement du sujet
d'énonciation dans son énoncé. et a la valeur et a la croyance qu'fl lui
accorde ; elle n'est pas ajoutée par les figures, mais seulement soumise a
leurs * effets s. mise en crise et transfomée. Enwre faudrait-fl ajouter
que de tels effets ne sont pas limités aux figures d'argumentation. et
que, par exemple, Baudelaire nous a habitués au ravalement des
métaphores et des symboles par I'ironte, et Apoiiinaire. a celui du mythe
par la dérision : le ravaiement, en i'occurrence, est celui de la myance
et de i'engagement de l'énonciation dans les figures qu'il manipule. c'est-
Cdire celul de rassomption énondative.
Mais, telles que nous venons de les évoquer rapidement, ces
* catégories discursives ne suífísent pas a fonder une a dimension
rhétorique du discours *, et ce pour d e n raisons.
Tout d'abord, ces cat&gories que nous venons d'évoquer (intenslté.
quantité, conjlit, assompiionl ne sont pas propres a I'usage des figures de
rhétorique, puisqu'elles wncement aussi des stmctures syntaxiques,
des choix morphologiques, ce qu'on appelle parfois des r faits de langue 8
et des faits de style B . Ce sont des catégories de la praxis énonciatlw en
générai3. 11 nous faut donc définir une contrainte syntagmatique qul
spécifiera leur fonctionnement proprement rhétorique.
Ensuite, telle que nous les avons abordées, ces catégories. et plus
enwre les macro-figures n et les e effets rhétoriques r en discours appa-
raissent seuiement c o m e des catégories ad h a , suscitées par teUe ou
telle occurrence textuelle. Or, les figures ne peuvent .: inventer i. de telles
catégories. ni meme seulement modieer des catégories discursives, si ces
d e r n i h ne sont pas aussi deja wmprlses dans les figures elles-mémes
(c'est-a-dire si elles ne sont pas communes aux Agures et tropes de la
rhétorique et au discours en tant qu'instance partlculi~rel.Par
conséquent on doit pouvoir retrouver dans la définition meme des
Egures de rhétorigue. des catégories discursives comme le r connit a ,
P a intenslté * et 1' étendue 8 . 11nous faut en somme retmuver, dans le
réperbire et le systéme rhétorique des figures et tropes, le m&le
mtégoriel et syntagmaiique de leurs eifets en discours.
La dimension rhbtorlqne du discoun :les valeun en jeu

La séquence canonique
Ce modele catégoriel et syntagmatique, que nous conviendrons
d'appeler la S séquence rhétorique canonique B , constituerait donc la
forme prototypique de toute opération sur la dimension rhétorique du
discours, et elle prendrait en charge en quelque sorte 1' c intentionnaüté 8
opérative des transformations rhetoriques. Nous avons déja présenté
cette séquence aüleurs (Bordron & Fontanille 2000 : 7-13) ; nous en
rappelons ici seulement les grandes lignes.
L'opération rhétonque prototypique, comme toute opération relevant
de la praxis énonciative, repose s w l'existence. en tout point ou moment
du déploiement syntagmatique d'un discours, de i pressions * concw-
rentes, de figures et de bnbes d'énonciation en mal d'expression, voire,
de maniere plus systématique et plus organiske. de voix r et/ou
d'isotopies qul sont en compétitton e n vue d e la manlfestatton
syntagmatique. Le propre d'une opération rhétorique, a cet égard, est de
codifier le processus qui conduit d'une situation de confrontation
sémantlque a sa résolution interprétame.
La sequence rhétorique canonique aura donc la méme forme
pmtotypque qu'une g épreuve n nanative, et eüe comportera elle aussi
des e actants S ; mais. au lieu de régler l'affrontement des forces
narratives, elle reglera celui des instances de discours N, et tout

.
parüculi&ement l'aíTrontement des domaines sonrces u, sémantiques.
thématiques et ííguratifs. dont la cible est une place dans la
manifestation. Elle se compose donc, comme 1' u épreuve s. de trois
phases : d'un point de vue pragmatique, ce sont les phases &une
confrontion *, et, d'un point de vue cognitif, celles d'une r résolution
de pmbleme D.
La premiere phase, la phase source, est la confrontntion entre deux
ou plusieurs domaines, configurations ou grandeurs discursives
quelconques, leur E mise en présence m rendue sensible, en intensité et en
extenswn : d'un point de vue cognitlf, pour le lecteur, il s'agit de la
problématisation de la figure.
La seconde phase est celle de la mkihtiort, la phase du mtrole. qui
s'appuie en particulier. du point de vue de la production, s u r
l'assomption, en modifiant le degré de présence respectif des deux
ensembles discursifs, pow assurer la dornination de l'un sur l'autre :
d'unpoint de vue cognitif, ii ss'agitdu S c o n W d'fnterprétation b.
La troisieme et dernl.51~phase, la phase cible,est la résoluffon,qui
procure la R clé * de l'énigme, l'apaisement du contlít. et. d'un point de
vue cognitif.le mode h k r
p r
é w qui permet de le régier.
22 Jacques Fontanille

Si on distingue d e u points de vue sur cette séquence, le point de


uue pragrnatique (celui de la génération syntaxique de la figure) et le
point de uue mgnihr[celui de son interprétation), on obtient alors :
P.dv. pmgmatique P . d v . mgnitif
ígénéraüonl [interprétation)
Some Confmntation Problématisaiion
Médlaiion Domination Controle - Assomption
Cible Résolution Mode interprétatif
Nous pouvons maintenant préciser notre hypothese genérale, pour
lui donner un tour plus opératoire, qui guidera i'exploration systéma-
tique du corpus traditionnel des figures de rhétorique : chacune des
phases de la séquence canonique actualise spécifiquement un type de
catégories et de vaieurs, ou, inversement, chaque phase de la séquence
canonique se caractérise par le type de catégories discursives qu'elle
actualise. Dans cette perspective, chaque figure rhétorique peut &tre
définle. du point de vue du discours en acte, par les differentes
catégories qu'elle afTecte successivement au cours des trois phases de la
séquence canonique.

Catégories et opérations portant sur la « confrontation -


pmblématisation »

Déplacement
Une part importante des modalités de la confrontation-
problematisation des figures opérent par substitution de places.
Une figure peut opérer tout d'abord un déplacement au plan de
i'expression : une détennination est échangée entre deux détenninés
IHYPALLAGE), une construction syntaxique est interrompue pour faire
place a une autre [ANACOLUTHE),un segment de l'énoncé est extrait de sa
place canonique pour etre déplacé a droite ou a gauche [HWERBATE).
On peut aussi opérer des déplacements au plan du contenu : un
actant se substitue a un autre (ME~~NYMIE),une partie apparaít a la place
du tout ISYNECDOQ~): un énonciateur apparait a la place d'un autre
(PROSOPPOSEE. SERMOCMATION) ; un argument peut aussi Ctre déplacé d'un
locuteur a un autre (ANTOOCCUPATION,APODIOXE), etc.
La nature du déplacement détermine bien souvent celle de la
résolution qui va suiwe : a l'intérieur d'une méme confguration (cf.
La dhension rhétorique du diseours :les valeurs en jeu 23

infra)], on peut opérer des déplacements entre parties d'un meme


systkme (entre positions actantielles, pour la M ~ N Y M I E ) ,ou entre
niveaux hiérarchiques (pour la SYNKDWUE). Par exemple. dans le cas de
I'HENDMD~. une coordination apparait entre deux composants de
niveaux différents (EUe était femme et de genérail. et l'interprétation
devra rétabk la hiémhie syntaxlque ains1malmenée.

Confrit
La catégorie du conílit, en rhétorique, est sans doute celle qui a
suscité le plus grand nombre de comentaires, ne serait-ce que parce
qu'elie est au c m r de la figure reine. la WTAPHO~ Wcaeur 1975 : Randi
1992).
Elle est suffisamment générale pour etre opposée directement au
déplacenmí et A ses nombreuses Mnétés : le déplacement confronte des
grandeurs complémentaires. qui s'impliquent mutuellement, ou d e -
ralement, alors que le coníiit confronte des grandeurs coniraires ou
contradictoires, quand elles appartiennent a u meme domaine
sémantique (l'omom. et les figures de la polémique argumentative) ou
des grandeurs incompatibles, quand elles appartiennent i des domaines
sémantiques différents [ ~ h ' m o m ) .
On peut distinguer deux types de conflits : le conflit sémantique
pmprement dit, et le wntlit hondatif. qui repose sur les variations de
Passomption énonciative.
Du c6té du conflit sémanuque, conflit entre domaines ou entre
positions sémantiques, on d é v e : l ' m b e , l'omom, et leur version
étendue, le P-NOLW (accumulation d'antithéses et de paradoxes). On
note aussi la présence de conflits sémantiques dans -E I', ~'IRON~,
I'AÍWHORISME[ r d c a t i o n localisée) et ~ ' W A N O ~ O
[saSversion
E étendue).
mais aussi dans ~'AUTOCATI~GOREME, la version * non assumée u de
PANTHORISME.L'ASTEISME est Pinverse de ~'ANTIPHRASE (11 faut interpréter
positivement un énoncé négatiíl, et ~'WYPOCORISMEen est la version
atiknuée. tout comme le DJASYRME est la version atténuee de ~'AN~IPHRASE.
Le confllt sémantique est donc globalement une catégorie située a la
source de la figure, et relevant de la phase de confrontation -
problématisation, sur un mode tensif et pmblématique, appelant une
résolution et une détente.
Parmi les cas de conflit sémantique, il faudrait distinguer les
incompatibiiités entre domaines ( c o m e pow la METAPHORE), les p u r a
contradictions. A l'íntérieur d'un domaine unique (comme ~'OXYMOREJ, lea
variations de sens (comrne la SYILEPSE) et les vatiations d'orientation
axiologique (comrneles varl6teS ~'AWITPHWS et ~'ASSISME).
Les figures dites du a wnflit énonciatü ne font, de fait, qu'afouter la
question des voix énonciatives et de i'assornption énonciative, dans une
perspective stratégique : ~ ' A D Y N A ~ exagere
N la position adverse pour la
disquallRer ; i'ANTCoccvPrinoN la p w n t e a l'avance, faiblement assumée,
pour la désamorcer Isa version plus discrete, simple mention ancdine.
est ~'AWDIOXE, et la version la plus distanciée de cette demiere est la
SYNCHK~SE) : au contraire, I'mnPArnsT~sE.qui consiste amplifier
exagérbment les défauts de la position qu'on défend, vise. gráce au
manque d'assomption que l'on préte a cet exercice, a valoriser par
mniraste cette m h e position.
De fait. U s'agit toujours du wnflit sémantique, mais transposé dans
Péchange verbal, distribué entre des voix et des tours de paroles : des
lors, la d8érence entre contiit sémantique et cndlt énonciatü est bien
mince, surtout si i'on s'avise de généraiíser le fonctionnement pospho-
nique de ces figures d'argumentatlon a i'ensemble de la dimension
rhétorique : il n l aurait aiors de distinction qu'entre une polyphonie
simulée r ou potentielle (pow les trepes) et une polyphonie * réalisét
(pow les figures d'argumentation).
.
On pourrait alors slmplement redisttibuer la liste des figures du
cnnilit énonciatif en trois ensembles, selon que l'énonciation adopterait
(11 ses énoncés propres (ANTIPMASE, WTASE, PARADOXE). (21 ceux de
I ' a d o e ~ d(ADYNAToN, ANI&JCCUPAIlON, APODIOXE, SYNCHRkSE, CONCESSION.
PARAMO~GIE, HYPOBOLE); et (31aitmüvement l'une et l'autre (omrr~nm,
AUTOCA~GOi7&ME, PARADIASTOLE, PAUNODIE, ALTERCATION. &C.)
La distindion proposée ci-dessus tient donc bujours : d'un cóté la
catéporle relevant de la source et de la phase de confrontaíion (le wnilit),
et de l'auíxe les catkgorles relevant de la phase de controle (L'intensité de
i'assomption, les rapports de force, les tours de parole, etc.).

Catégories mixtes (déplacement et!ou conpir)


Prédtcation impertinente. - La prédication impertinente est une
forme de la confrontation, puisqu'elle est une des modaütés de la mise en
présence problematique des éléments de la f@e. qui associe ou fait
altemer. selon les cas, le déplocement et le con@&
Elle conceme entre autres : (i) ~'ALLLANCEDE MOTS, par laquelle, a
l'intérieur d'une relation syntaxique canonique et hiérarchlque
(theme / prédicat. noyau / dbterminant ou expansion), se gllsse un
La dimension rhétorique du discours : les valeurs en jeu 25

conflit d'isotopies, une association non retenue par i'usage ; (u) ~'ATI'ELAGE,
qui procede de l a meme maniere, mais entre des termes qui
n'entretiement pas de relation hiérarchique (éléments coordomés) ; le
ZEUGME procede de meme, mais entre des élémenis qui, par leur contenu,
se prétent a cette mise en série a u méme rang syntaxique ; (iii)
I'HYPALLAGE provoque lui aussi une prédication impertinente, par
croisement de la relation sémantique et de la relation syntaxique.
Ruptures du lien syntauique. - La régularité de la construction
syntaxique induit une attente. qui est prise en défaut par une rupture de
construction : la rupture du lien syntaxique est donc une forme de la
confontation, car, en snscitant un probleme de lecture, elle engage un
processus de résolution. Un grand nombre de figures relevent de ce type.
mais ~'ANACOLUTHEest le cas général, qui consiste a associer deux
constructions incompatibles, ce qui crée une tension demandant
résolution : en général, la résolution est de type hiérarchique (un des
énoncés est traité comme dominant l'autre).
La SYLLEPSE DE GENRE est nne forme d'anacoluthe, du point de mie de
la confrontation, mais qui aboutit, au moment de la résolution. a un fait
d'homonymie. Toute une collection de figures (ASYND&~, POLYSYND~TE,
DISJONCTION) qui touchent au lien de coordination (absence ou abondance
d'outils de liaison) se rangent du c6té des mptures ou modifications du
lien syntaxique, mais avec un mode de résolution non-hiérarchique
(sériel ou systémique, cf. infra) ; d'autres ruptures affectent la séquence
engagée : ce sont les interruptions de phrases (APOSIOPESE), apparentes
avec reprise (ÉPANODE), réelles avec fausse reprise ( ~ C E N C E :) d'autres
eníin induisent des hifurcations thématiques (DIGRESSION, DEPRÉCATION,
PAREMBOLE), ou des incidentes intercalées (DÉPRÉCATION, SUSPENSION,
n w ~ c n oTMESE).
~,
Glohalement, la rupture du lien syntaxique aífecte donc la linéarité
du discours, soit parce qu'elle confronte des constructions incom-
patibles, soit parce qu'elle exploite les enchainements pour ouvrir des
bifurcations syntaxiques et thématiques.
Figures d'énonciation. - Les figures d'énonciation sont d'abord, le
plus souvent, des figures d'adresse : I'ALLOCUTION, ~'APOSTROPHE, la
DÉPRÉCATION,~'IMPRÉCATION,entre autres. Mais elles comprennent aussi
des figures de locution (la PROSOPOPÉE,la SEFMOCINATION) : en ce sens, elles
rel6vent de la phase de confontation dans sa version * déplacement u,
parfois méme dans celle du c conflit n, car elles peuvent conduire a la
mise en présence ou a la substitution de formes énonciatives
. U O W ~ U O el ~aipno- mod uo~epuou?.pylns np luam8~Sua.p
aaual?mp q ms as?q$ocuCqami a r @ u ~ a p a % ? ~ h u 'a~qrsva~d
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'a9qaw aun.1 'suonlsod xnap e me3 'anbqnd '3svamm~am,p aloquoa
al suep JruaNaJIq rssne qnad a[[a : (maj auop) amnsse Juauqqlej
s F m '(apo1 annquamn%n uoqeatgpal aun) W S ~ O H L N V un lsa !nb
' ~ ; n r o - ~ suep v , ~a m o 3 ' e q a g p uoursoó q wpaquoa aldmara
n d ?nad annqauou? uondmossv.~ap g!sua$u[.l : w g m a r d xnap sap
a p q n s ? J aun ~ s gaa p d o ~ daria : sanmfiffl3 sw m s j p e1 (E
.g?~.~daid a?$" ap luapaoard ( m m a m ) uogeIquaaav,p no ( W T S R I ~ ~ ~ A H )
nor$enu?fe.p sam8g sal : alleya ua s r ~ ds?auoua sal suep jr$e!a
-uoua mama%8ua,l ap ?J!suaJw,I aqp-e-?sa,a 'a$upxq ~JJOJ (Z
'("n$*npaaqdqe*~!aal.no
'.a[ B np aaqd q 8 rq B al) s~auuosedno (meueu l u a s ~ dal) qaiodtual
s a ~ n ~ sal v ~aloaua
g no ' ( D J ~ ~33)
s u o ~ n a o 1 ~ vsi p
a . r n 8 ~sal [ssne
s@m ' ( N O I L V ~ ~s ~D ~~e ~l u a u m 8sa&reqe
n sal $ualaaye amepuou?
uonrsod ap s u o r l v w ~s q .smoasjp ua sanbo~uoasauamou?qd xne
p o d d e ~mi '$uama@.i?u?$snld 'p 'a$req;l ua spd qauotq xne podder
n d 'uon!sod ap aspd aun p.~oqe,p+sa u o ~ e p u o u a ,:~u ~ s o d e[ (1
: a n b u o ~ ? qap~ sam$y sal '?uamped+ no $uamaqInws 'lapage
luannad anb saq?ur-d smapnld aZe$ua amewuou? uondmossee~
' s ~ ? ~ r sas
e n ap y a s m n i u w ~ap~ m~aoanb Jualuauuonauoj
amam a[ 3sa.a : ?mnmxuamapoj ~ s (m a ar$lenr) $!p a1 anb 'amnsse
luamalq@j lsa jge8?u aqp a1 anb ~ a s o d d n s~ o uo p 'aauanb?suoaur
aun a m o 3 uou $a ' d g aun ammoa uogu3?1d e1 ~a??~dra$u[ mod
: uondmosse,~ap uonqnpom q p aa& uonnIosy ap aron aun annaq mb
s-u 'Onq @v srp al a0 IIP al w (md au alanb ~ I a0 P WP a1 arlua
uo~!pvr)uoa aun ms 'uonquoyuoa ap a s q d ua 'asodar p b '~uessa~?qq
m :~ o m m aaJ q ? p s;lq q lalnore cuopmod snou samanbsap aJdmo3
n e $a *lneq snld saldmaxa smalsnld ?Jluoaual ?Cap suonv snou luop
'anReIJuoe uo~dmosse,~ luaylpom ~Isan?@II sal ~ u o ssaqne ?no&
.aseq ap a v l ne aldad 'aqmnqauo-
m!sodslp nv podder led 'salua8~anlpno saluarrnauoa 'salqnedmo3ul
La dimension rbétorique do diseonrs :les valeurs en jeu

Co>3figurntion
On appeiiera configuration u tout ensemble de figures textuelles
composé de parties, niveaux et propriétés dépendants les uns des
autres, et formant un a systéme B ou un a réseau n de dépendances,
sur lequel repose le <i controle n d'interprétation. Une * sebe 8 descrlp-
tive, une u situation 8 narrative sont des confipations ; de meme. une
structure syntaxique. syntagme ou phrase : un ensemble d'occurrences
des mémes expressions. répétées et disposées selon un certain ordre.
forment aussi une conñguratlon, et, a fortiori une totaltté composée de
mes.
L'accés a une COnRguration, peut faire appel a la perception (comme
dans l%mmms~), a une regle syntaxique (comme dans I'ANACOLUTHE). a
un phhomkne relevant de i'isotopie (comme dans YA-GE) ou un
schéma narratif, thématique ou figuratif (comme dans la mm):
dans tous les cas, il est d'ordre cognitif, et il s'apparente 2i Peffet d'une
pression gestaltique 8 .
Les propriétés pertinentes d'une configuration, eu égard 2i son r81e
de contmle d'interprétation, sont : (i) I'étendue (la poxtée textuelle) : (ti) le
nombre (l'&e.cüí des constituants) ; (iiO la structure méréologique (la
nature des liens entre parties, l'ordre et la position relative des
éiéments) : (iv) la répartition de Pintensité sur les différentes parties.
Un C ~ M propose
E par exemple une conñguration (i) dont la prtée
est limitée un ou deux syntagmes, (ii] dont I'dectif est de quatre
éiéments, (üi)dont la súucture méréologique repose sur deux relations
syntagmatiques (A-B & C-D) et sur deux relations d'équivalence
paradigmatiques (A=D & B=C), et (iv) dont l'ensemble suscite I'effet de
symétrie, et, par conséquent le déplacement de I'accent d'intensité a la
jonction entre les deux groupes.
Chacune de ces propriétés constitue donc une sous-catégorie,
susceptible d'étre examinée séparément.
Ré+tition - Sous cette dénomination, ü faut entendre un procédé
par lequel la syntaxe canonique du plan de l'expression est complétée
par les relations a distance entre éiéments identiques. Globalement, la
répétition induit donc une tension entre l'exigence de renouvellement de
l'information, d'une part, et la récurrence plus ou moins réguliere
d'élements identiques. La résolution de cette tension Uendra dans ce cas,
(1) soit dans des variations qui restaurent le principe de non redon-
dance. (2) soit dans des changements progressifs de l'interprétation,
d'une o c c m n c e a l'auire. gráce a l'aíiectation de valeurs différentes a
chacune d'entre eUes : ces valeurs dflérentes pewent Ctre, par exemple,
des degrés d'intensité émotionneiie, ou des changements d'actes
énonciatifs (le rappel S est tout autre chose que 1' S appel 8 !), paifois
méme des renversements axiologiques (la demi* occurrence recevant
une évaluaiion inveme de la premiére).
Les variations pourront afíecter la position : fIn d'une phrase et
début d'une autre (ANADIPWSE), find'un groupe et début d'un autre
( O P A N A D ~ E ) ; début et 6n de segment textuel ( ~ P I P H O R E ) début
, et &i
de groupe (SYMPLOQUE) ; ces variations font office de dispositif de
dhmmtion pour des S conñgurations R identiflables. EUes peuvent aussf
se présenter comme des approximations successives -PODOIE). des
variations de présence et d'absence d'un élement [redondance ou
ELLIPSE), de sens lexical (ANTANACLASE], de nuances sémantiques
(DMORE). de morphologie [ P O L ~ ) de. désinence verbale (TRADUC~ON),
de place ou de fonction (GÉMUJA~ON).
Distribution (reWns topologiques : syrnébie, pamiiélisme, huersion,
-
incidenoe. ..J. La catégorie de la distribution rel&e du conúüie, car,
sans fournir la solution du probleme ou de l'énigme, elie organise les
élémenis en vue de l'interprétaiion.
Le CHUSME, par exemple. ou sa version plus difhise la Rec~essio~.
reposent sur l'inversion de deux constmctions syntaxiques identiques.
mais sans répétition des éléments, en vue d'un &et de symétrie : les
structures du plan de i'expression, notamment la syntaxe. orientent
l'interprétation. en schématisant la similitude etfou le contraste des
wntenus.
Cincidence est une relation topologique qui favorise la perception
isolée de la figure, mais par emboitement dans un ensemble textuel : du
c6té de la corúlgumaon, eUe se caractéxise donc par son aspect local et
concentré ; du cbté de i'assomptb~elie se préte áridemment a tous les
décrochements entre plans d'énonciation ; d e concexne plusieurs iypes
de ilgures : des flgures thématiques (la DIGWION), des ilgures énoncia-
tives (la DEPRECA~ON), des ñgures desaiptives (la ornnwss), des figures
de cl6ture (I'*PIPHE;NoME~),des figures éthiques (le ~ o e m )etc.
.
Intensité. - n s'agit encore d'une catégorie relevant du contrbie et de
la phase d'assomption, car eUe oriente l'interprétation et conduit a la
résolution. Elie concerne un tres grand nombre de figures. ou elle
permet le plus souvent de distinguer deux régimes de fondionnement :
La dimension rhétorique du discours :les valeurs en jeu 29

un régime de confrontation intense (tensa et un régime de confrontation


détendu. L'augmentation et i'abaissement d'intensité sont le plus
souvent corrélés a des concentrations ou des expansions de la figure.
Ainsi. oppose-t-on le CLM et I'A~T-CUMAX, selon que la gradation est
onentée positivement ou négativement : I'EMPHASE et ~'HYPERBOLE, selon
l'intensité de l'accent émotio~mel; ~'A-E et la TAPINOSE, selon que la
suite d'hyperboles est méliorative ou péjorative : ~'HYPOTYPOSE et la
~riinws~, selon que la saillance perceptive est disséminée ou localisée ;
~'EWHÉMISME et ~'ATE~NVATION, selon que l'abaissement d'intensité est local
ou general : la LITOTE et ~'E~ENUATION, selon que l'abaissement d'intensité
doit etre interpreté comme renforcement indirect ou comme
affaiblissement assumé : ~'ASTÉKSMEet ~'HYPOCORISME, selon que l'anti-
phrase est intense ou detendue ; la C O N C ~ S I O Net la PARAMOWGIE. selon
que la figure est détendue ou intense, etc.
Cintensité est donc une variable généralisable, applicable a toutes
les autres figures, tout comme la position et la quantité, pour assurer le
controle de l'interprétation. Elle permet d'apprécier, dans la mise en
ceuvre de la figure, le degré d'engagement affectif du sujet d'énonciation.
Mais, comme on peut le vérifier dans les exemples mentionnés ci-dessus,
la variation d'intensité est presque toujours corrélée a une variation
d'extension textuelle qui añecte directement la perception et l'apprécia-
tion de la valeur de la figure.

Étendue. - La catégorie de l'étendue textuelle permet donc


d'apprécier le mouvement de condensation ou d'expansion qui affecte
chaque figure. Elle participe aussi bien du controle par assompiian que
du contfile par conjiguration.
Du coté de l'expansion, ce sont les figures relevant de l'ampmca-
tion : ~ ' E X P L ~ qui
~ O multiplie
N, les modalisations et les éléments non
informatifs : I'EXPOLITION, un procede d'expansion sans information
nouvelle ; le PLEONASME, qui en serait la version localisée : la P!~RISSOLOGIE,
une sorte de pléonasme plus étendu ; la SPÉCIFICATION, qui apporte des
informations annexes par connexion ; la vARl.noN, qui se nounit des
variantes d'un théme donné ; la PARAPHRASE,qui foumit des équivalents
plus étendus ; l a C I R C ~ N L O C ~ T I O Nqui
, ajoute des détours et des
évitements.
On remarque la aussi que plusieurs figures offrent une version
concentrée et une version étendue : ~'HYPERBOLE (localisée) et l'r\u&se
(étendue) ; ~'ANADIPLOSE (localisée) et la CONCATÉNATION (étendue) :
~'AI~FIHORISME(iocalisé) et ~'GPANOKI'HOSE (étendue),etc.
30 Jacaues Fontanille

La quantité (nombre et étendue textiielle) est donc une catégorie qui


recoupe I'ensemble des autres fwres, une fonne du développement qui
controle la valeur de la figure, oü il faudrait distinguer au moins [i)
l'expansion sans redondance (PARAPHRASE, CIRCONLOCUTION, VARIATION,
EXPLÉTION) et (ii) I'expansion avec redondance, comprenant toutes les
formes de répétition [redondance du signtfiant]. mais aussi (iii) les
formes de redondance du signifié (PLÉONASME,mounoN, PERISSOLOGIE). La
catégorie de la répétition deviendrait alors un cas particulier de cette
catégone plus générale de la a quantité textiielle a.

Laprésence
La conjugaison des formes d'assomption énonciative et des
conñgurauons défwt le mode de S présence de la figure en discours,
puisqu'elie associe la distribution, la fmce et les valeurs de I'assomption,
l'intensit.! en général. l'organisation méréologique et la quantité en
général des éléments mis en présence. Le degré de présence [intensive et
extensive) détermine donc le controle d'interprétation. paree que
l'intensité et i'étendue sont des manifestations de la valeur de la figure :
pour la sémiotique tensive (Fontanille & Zilberberg 1998). en effet, la
valeur est perceptible a travers ses manifestations intenses et extenses.
Parfois. I'usage ou la convention suffisent a stabiliser une telle
perception : si on comprend plus facilement (1) J'ai acheté un Modigliani
que (21 Sai acheté un biilet pour le Modgliani ou encore (3) J'ai visité le
Modqiiani c'est que la perception de la coníiguration qui unit le tableau
et son peintre (1) est favorisée par l'usage, alors que celle qui unit, d'un
coté le peintre, et de I'autre, les exposiiions temporaires de son ceuvre ou
les ñims sur sa vie (2 & 3) est plus rare, ou faiblement prévisible. De fait,
dans ce cas, la fréquence de I'usage ne fait que sanctionner la plus ou
moins grande distance entre les positions actantielles, et, par consé-
quent, le camcttre plus ou moins diffus ou compact de la configuration
actualisée.
En somrne, on peut : (1) rabattre la phase de controle sur les deux
catégories de la quantité textueiie et de I'intensité énonciative, (2) prévoir
a parür de cette association aussi bien des effets Cassomption que des
effets de configuration, et enfin (3) définir ainsi le degré de valeur
uivestie dans la figure. En bref, le c contrdle R. c'est le mode général de la
presence axiologisc!e de la Agure.
La dimenrion rhhtorique du discours :les valeora en jen

Catégones et operations portant sur la phase de « r6solution »

Similitude (Equivalente et Analogie)


Dire que la simiiitude est une catégorie relevant de la résolution
revlent tres précisément a poser la slmllarité (ou s a variante plus
spédtique, l'anaiogie) comme un aboutissant de la íigure. et non comme
un donné ou un présupposé : en d'autres termes, la confrontation
ouverte par la f m r e est r h l u e . et non caracterlsée, par une relation de
similarité.
La similitude, on le sait, conceme une grande diversité de ñgures :
(11 ~'ALL@GORIE,ou le teme comparé disparait, en ralson de l'extension de
la ílgure, au point quil peut &treoublié ; d& lors. la confrontation ayant
disparu, la similitude n'est plus peque : (2) la CATACHRESEest le cas
ultime de ce m&mepmcessus : la similitude n'est plus percue, car la
confrontation elie-méme est devenue inapparente : (3)la c o ~ ~ ~ west uso~
une forme de prédication qui présente en méme temps la confrontation
et la résolution par similitude. sous le controle d'une modalisation
cognltive ou perceptive (le prédicat ou I'adverbe de comparaison] ; (4) le
SYMBOLE, la ~ A P H O la RE ,
PERSONNIP~ULTION. la ~ & I E se résolvent
elles aussi par similitude ; (5)la PÉRIPHRASEet la C~RCONLOCUT~ON
exploitent elles aussi le mode de résolution par simiiitude, mais en
partant #une confmntation qui repose sur une différence d'extension
(version N longue * et indirecte substituée L une version murte et directe).
On peut donc, a l'intérleur de la similitude en général distinguer
deux cas de figure : (i) l'equbalence pomphmstique, qui est a l'ceuvre
plus particulierement dans l'ensemble des figures de reformulation
M=E. ) , qul propose des similitudes a l'intérieur
C I R C O ~ U T ~ O N et
d'un meme domaine sémantique ; [ii) l'anaicgie, qui est a i'ceuvre dans
l'ensemble des Rgures comparatives (METAPHORE, COM~ARAISON, SYNIBOLE,
ALLEGORIE. etc.1, et qui met en relation des domaines sémantiques
distincts. Céquivalence paraphrastique renvoie préalablement a une
forme de confrontation interne, par déplacernent, alors que l'anaiogie
présuppose une confrontation externe. sur un mode conJiictuel

Connexion (Syst2me et Hiérarchie)


La connexion est une modalité de la resoWn, en ce sens qu'au
moment de L'interprétation, le sujet d'énoneiaiion fait appel A une
relation de contiguité ou A une congmence syniaxique (profonde ou
superñcielle), pour résoudre le pmbl-e posé par la Rgure.
32 Jaques Bontuiiüe

Le cas le plus connu est celui de la MXZONYMIE. dont la confrontation,


obtenue par déplacement de roles actantiels. est résolue grace au
rétablissement de la relation entre les positions occupées par la
grandew source et la grandeur cfble au sein &une méme situation
nanative ou descrtptive. Mais quelques cm de mptures syntaxiques, ou
de prédicaiions impertinentes. sont résolues de la meme manlbre :
I'HYPALLAGE, par exemple, pour laquelle, apres le constat de
l'incompatibilíté sémantique entre le détenninant et le déterminé (leson
doré), on doit rétablir la relation avec une autre partie du syntagme (de
la clocheüe dujarciin] pour stabiliser l'interprétatlon.
En outte, il convimt de disünguer, parmi tous les cas de connexion,
ceux qui bpliquent une relation hiérarchique, et ceux qui impiiquent
seulement une relation systemique. Dans Le pardessus noir s'est
engoufld dans le &ir, la relation a rétabür est hiérarchique (entre une
partie d'habillement et la personne toute entiere : c'est la hiérarchie
partie / tout *) ; dans J'ai acheté un Modígliani c'est le systkme
actantiel ou le produit et le producteur sont associés qui conduira a la
réso1ution du problhe. Le cas de ~'ANIUNOMASE est plus délicat, dans la
mesure ou une o c m n c e M t é e wmme meilleur exempiaire est a la
fois une partie, en tant qu'occurrence spécifique valant pour des
occurrences quelconques. mais aussi un niveau hiérarchique, celui de
i'individu, distinguer et a relier au genre ou a l'espece.
La hiémrchisatbn releve donc de la ribolution Elle conceme tout
particulierement la SYNECDOQUE, qui repose sur des relations entre
parties et totalité, entre genre, espece e t indlvldu, mais aussi
~'ANIUNOMASE, qui peut étre consldérée de ce point de w e comme un a s
particulier de la synecdoque (d.supra).
La ~ E C D O Q U Eet la MÉTONYMLE sont donc deux cas dlfférents de la
connewion. car la synecdoque provoque une connexion entre niveaux
hiérarchiques, alors que la métonymie provoque une connexion entre
éléments non hiQarchisés d'une scéne ou d'une situation, fonnant un
ensemble systémique. La synecdoque et la métonymie sont donc
équivaientes du point de vue de la mfrontaüon (par déplacement) et du
contrble (par configuration). mais différentes du point de vue de la
resolution (hiérarchique dans un cas, systhmique dans un autre). On
retrouve la méme diíférence dan8 les figures issues d'une confrontation
par a prédication impertinente r : ~'ALLMCE DE MOTS est du c6té de la
résolution par rétablissement d'une relation hiérarchique (comme la
synecdoque), alors que ~+A~TELAGEest du caté de la résolution par
r¿tabiissement d'une relation systémique (conme la métonymie).
La dimensiou rh&toriqnedu d i s r o o ~:les vrleors en jeo 33

L'ensemble des opérations de connexion présupposent et réacüvemt


par conséquent des congations. les unes selon un prindpe hiémr-
chique (méréologique. ou stratifié), les autres selon un principe
systé-ue (qu'il s'agisse de la syntaxe profonde qui associe les actants,
ou de la syntaxe superficielle qui associe les syntagmes et leurs
constituants).

Chaque figure, qu'eUe soit deja réperbriée ou qu'eUe soit inventée,


affecte donc des categories spécifiques $I chacune des phases de la
séquence canonique.
Par exemple, I'HYPALLAGE s'analyse ainsi : (1) confrontation par
ddplacement d'un déterminant entre deux segments détenninés : (21
assomption et contróle par une perception globale de I'ensemble
syntaxique ou s'est p d u i t le déplacement, qui actualise de ce fait une
r con&umtion r ; (3) résolution par connexion sgstémlque entre les deux
segments déterminés au sein de la meme conEguration.
La séquence sur laquelle repose le modele est dite canonique 8 :
c'est dire qu'elle n'est que a canonique B, et que parmi les multiples
réalisations concretes, en discours, on rencontrera des séquences
incompletes ou syncopées : on sait que les métaphores les plus
saisissantes reposent sur des confmntaiions qui e syncopent S la phase
de controle, et dont Ricceur disait que I'interprétation était infinie
(Ricoeur 1975). En outre, les habittides prises en matiere de traitement
des figures de rhétorique. qui se concentrent sur la mne critique de la
ilgure, masquent le plus souvent I'étendue texhielle de la séquence : a
hauteur du discours tout entier, un recueil poétique, un roman, ou une
serie textuelle, un coniiit ouvert et qui semble insoluble dans son
environnement immédiat. pourra trouver solution B une tres grande
distante.
Récapitulons pour finir les catégories en jeu, phase apr& phase :
(1) Source - Confontation : Déplacement et/ou Conflit : (2)Controle -
Médiation : Assomption / Configuration (Répétition, Distribution,
Intensité) ; (31 Cible - Résolution : Similitude (Équivalence et Anaiogie] /
Connexion (Systéme et Hiérarchie).
34 Jacques Fontanüle

Notes
1 Sur ce concept. o n pourra consulter Bertrand 1993 : 25-32 : Fontanille &
Ziiberberg 1998 : chapltre Praxis. : Fontanüle 2000 : chapitre L'énonciation s.
2 L'assomption énonciative regroupe I'ensemble des phénomenes de la S prise en
charee S de I'énoncé iiar I'énonciaiion : la f o m iilocutoire en releve. les évaiuations
u

.
axiologiques et affectives aussi : m a s , tout particulierement, L'affirmation ou la
négation de la c position subjectiw (qui se maque. pour Jeun-Claudc Coquet, par
la présence du i méta-vouloir r dans la compétence énonclative : cf Coquet 19851.
3 A cet é g d . par exemple, il n'y aurait pas de différence de nature entre un lapsus
et un trepe. si I'on ne Considkre que les condiuons Immédlates de la productio~du
discours : un ensemble de pressions s'exereent sw le locuteur. plusleurs isotopies
et de nombreuses formulations sont en concumence. sous des modes d'existince
diííérents. en &que point du diseours. et ces rapports de force peuvent s'invener
B toul moment : la différence commence & annaraitre
.. si on ~ r e n den compte les
conditions de produetion plus largement fles contraintes de genres. par exemplel.
mais surtout au moment de I'inteiprétation. sous la contrainte d'instn~ctionsde
lecture conventionnelles, e t d'une compétence rhétorique > spécillque. La
différence est souvent bien mince. par exemple. entre un lapsus par interpolation
et contamination phonétiques et une paronomase : si on pouvait totalement ignorer
les a tntentions r de I'énonciateur, il serait meme tres facile de convem la plupart
des lapsus en jeux de mots. calembours et autres figures ou tropes.

Bibliographie
Bertrand. Denis
1993 cimpersonnel de l'énonciation a. Protée 2111
Bordron. Jean-Franpois & Fontanille. Jacques [eds)
2000 Sémiot@ue d u d i m m ettensions rhéfo!iquec. Langogec 137
Coquet, Jean-Claude
1985 Le disco- et son sujet. Parii : Khcksieck.
Fontanille. Jacques
2000 SémioQue du dismurs. Limoges :Puüm.
Fontanllle. Jacques & Zilberbeg. Claude
1998 Tensions et sfgn$cotion Liege :Mardaga.
Gmupe p
1970 Rhétorique générale. Paiis : Larousse [Paris : Seuil. = Points. 19821.
1992 Traité du s@ne uisueL Pañs : S e d .
Prandi, Michele
1992 Gmnvmúrephilosophique des -s. Paiis : Minuit.
Rlcoeur, Paui
1975 L a métaphore u&. F'arls : Seuil.
Le rhétorique dans le sémiotique :
la composante créative du syst6me1

Jean-Marie Klinkenberg

Examina les rapports entre rhétorique et sédotique ne pourrait se


faire que dans la confusion si I'on ne précisait que1 sens on dome a
chacun de ces temes.
Commencons par noter que, de part et d'autre, prévalent deux
conceptions de la discipline et des pratiques qu'elle décrit : une
conception étroite et une conception genérale. C'est ce qui pemet de
distinguer une sémiotique définle comme science du signe, voire m e
science de la wmmunication, et une sémiotique concue comme sdence
du sens. Du c6té de la rhétorique. ou plutdt de la néo-rhétnrique, les
déhats du m siecle ont mis l'accent sur une opposition de méme Spe.
moins connue sans doute des sémioticiens. C'est eiie qui nous permettra
de souiigner les premieres parentés entre rhétorique et Semiotique.

SBmioHque et rhétorique :parentés thématiques


On a en effet pu naguere opposer la rhétorique des figures (ces
figures qui ont A une certaine époque été réputéea constituer la marque
iinguistique de la littémrité du propos) a une rhétorique entendue en un
sens plus tradltionnel et plus large, c o m e art du discours persuasif ;
autrement dit comme technique langagiére correspondant l'éloquence,
de la m&mem a n i h que la poétique correspond a la poésie.
'(0661&aquayuy[~: 6 ~ 6q13 1 33) ~ lamolsq
E s q a d d e luos sa~a,nbla 'smais sap m n ~ dp o s s m saltuauua sap
aqa.p wo[ ~ u o ssanbuqay~xnap saa anb w~prnorne$aga ua ~preddeu
e , au
~ uo.nb a p o o q mom dnoaneaq uolssiwqp aun ua 'uon~soddo
al»a laulIa?p p ianulpoa e a@lau?,p dnoaneaq ~ela[ndseálu 0
a1 auop 1sa.a 'asoqa anb~anb
alnojal aIla 1s $a 'smna$aeq?p sas ap xna.4 xne ~auuol)ciaaxa.~ amo3
p1oqe.p lpredde ~ n baa ap adnmoa~das amapnap e7 .1auuondaaxa.[
a43 alnd?r $sa p b a3 ?a@$q,pdureya uos ap cloq a~o3a.1 $a 'anbguapl.1
e auop assaq$uI,s a[~a:sunmuroa s7afqo.p adnaaoard as 'alepos
uo~moaaun 'qyuaxd q : ara~pamod anb@o~otuaqd? 1 q q s mal
prtnard ua sanbuqaql-o?u xnap sal rasoddo uyra ~ n a du 0 -appmap
el suep luadniuo saln$g sal anb alerluaa aaqd 'uol$quamn8le.[
ap xne~?uq3snssaao~dno *sam?qas sal p j j a ua ~ u o xnequaa s
qdaauoa sal 'anbpo~?ql-oauaJ+!arazd e1 s u e a ,anb!+ue a$e%p?q.l
luamapfia~w1apin3y 8 puq a q w a ~ d q anb srop 'ognao[a.[ ap alpea
al soep ~ r p r speC
~ ? q p sap ~ anb ladn-~d as au alqmas ap.nbsmd
'anbl.ro$?qr-o?u a~a!mard el p $a anblssela a n b p o ~ a qe1~ ? podder
l s d alwaqsal : * a)u!arJsal anbpolaqr B aun aunuoa anbuol?q~-o?u
apuoaas allaa ~ u a s g dJuannos e uo '-01 saa .aini?g ap p1a3ammoa
'auuapue anwolaq~e[ ap apea a[ s m p s ~ o q q aqdaouoa sap m a y a
uos ~ n ?quoaua~
s e anbnaod alla3 JO .anb~aode1 ap u o ~ ~ e ~ o q e ~ ? . ~
apre $mnld e apuoaas q 'anbpm%~dq aam aupnm JQJ e a,ralurard
q rs anb wosap 'am7enl111 el ? sanbglaads $ u a p m p b sanbns~fiun
wnlanqs ap a q - m 81 g ~ m n =?w@un
s sap z a q ~a a d d o ~ a ~ p
$sa.s anb~ro~?qa-c+u atuapmap g .anb!qdosomd uo~ssrwsrpq a~oaua
no anbrppnr asranol$uoa e[ '(a18!a~aumroa no anbgnod) apui?;ledord
el 939 J n w s p10qe.p uuop JUO u o ~ q d d e sdwqa~p sas .(.~a$uaum%e,p
Tssne slem 'IaInuIsa ap $a alxnpap ap luawalnas s n ~ dl@e.s
au TI 'asaweauoa ap $@,S a puenb 10) a n b n ~ ~$r+~@?r d q aam ~uquoa
a[ nad nad arprai ap jwod ne 0 -3 ?m?.s p b 'anbB01 q md aaqn
uw.13a1 ladnmo Jppualua ana ' J I O ~ I np saqdosomd sap zaqa
+N 'anbuard ? p m g a uos ap y 8 - p~ws smooslp np s a m v ? m
sap apnp.1 E laaa ua amesu03 as anbglo$aq~-oauarajnia~dg
~sanb@o~our;ns~d? qms
sIna1 uolas la 'mequau ~dauuouuna1 uo[as 'Juadnsawd as sana ~ u o p
qafqo sal uolas : a m ap qwod qw ap a?uaar aJIa nd rm R s a n b p w q ~
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sap aaae ' J ~ $uo.nb aa 3sa.a 'uolpunsrp ajlaa l n s lalslsuI
Premiérement. et comme on va le vdr. les deux néo-rhétoriques se
fondent sur une compétence encyclopédique partagée, a u moins
parüellement, chez les partenaires de I'échange, compétence que ces
partenalres ren€gocient, tant dans la flgure que dans l'argumentation.
Deuxiemement, toutes deux se fondent sur l'existence de variétés
sdrniotiques, et tirent leur emcacité des corrélations exictant en& la
répartition de ces varietés et les dmérentes stratif~cationssociales.
Troisi6mernent. eiies ont toutes deux mis au centre de leur intérét des
techniques médiatrices (cf. Groupe p 1977). L'argumentation consiste en
effet toujoun en une renégociation d'une opposition, dans laqueue les
termes sont la fois conjoints et disjoints. Et argumenter. c'est
réaménager cette opposition, donc recourir ? une
i médiation. Quant A la

figure. elle consiste, comme on va le rappeler ci-apres, a associer


dialectiquement deux sens diííérents, donc a les médier. Et du coup, eUe
a une valeur argumentative (iümkenberg 2000b). Ce r81e argumentaüf
de la figure a été mis en évidence par la pragmatique (Sperber & Wilson,
Moeschler & Reboul...) autant que par la phliosophle (Rastier, Prandl.
Charbonnel...). En quaM&ne et dernier Ueu, toutes deux font voir que
l'établissement des valeurs d'un énoncé Oinguistique ou non) dépend
d'une interaction entre un auditoire - toujours en sltuation, individuelle
ou coiiective - et un énoncé. Au total, on assiste donc A la réconciliation
des deux neo-rhétoriques au sein d'une rhétoríque genérale (cf. García-
Berrio 1984 ; Lempereur 1990).
Car l'opposition entre les d e w rhttoriques ne resulte jamais que
d'une histoire coníiictuelle, au sein d'une troisl6me conception, plus
globale encore, de la rhétorique, entendue cette fois comme science des
mises en ceuvre du langage. Mises en ceuvre du langage et surtout du
sens quil permet de construire, de véhider, de izansformer.
Aux yeux de qui accepte de pmdre cette hauteur, il est évident que
semiotique et rhétorique ont partie Ilte. comme Vindique deja B
suffisance L'énumération des problématiques qui viennent d'etre
cavaliérement soulevées : l'opposition, la médlation. la coopération,
i'encycloptdie, l'énonciation, la discursivitt, I'tchange social. Toute
s€miotique est la formaiisation (nécessairement sodaie) d'une substance,
et constitue des lon une théorie de la connaissance. Or la rhétorique
]oue essentiellement sur les encyclopedtea (e.g. Eco. Lakoff & Johnson,
Meyer, Prandi, Groupe p, etc.), c'est-A-dire sur les représentations
socialisées teiles qu'eiles sont fonnalisées dans lea systemea de signes :
d'une part. les flgures se fondent sur ces reprkntations, d'autx part
eiies les aectent, comme on le verra plus loin.
Pour nécessaire qu'elie soit, cette intrication entre sániotique et
rhétorique est restée largement inapercue. Effet du campanilísme des
disciplines et des fonnations 7 Sans doute. Mais il faut lmroquer aussi le
poids de la méthodologie qui a permis d'élaborer ressentid de la doxa
sémlotlque européenne. On pointera ici deux aspects de cette
méthodologie.
Le premier est qu'elle est inspirée par une visée autonomisante. ou
interne. On veut dire par lA que i'obsewation des phénomenes y est
menée de telie facon qu'il n'est pas nécessaire, pour les décrire ou les
expliquer. de recourir des éléments extérieurs au systeme qu'ils
constituent. Lorsque la sémiologie - définie par Saussure comme
science générale de tous les systemes de sigues (ou de symboles) g&cc
auxquels les hommes communiquent entre e w 8 - a commencé &
s'éiaborer, elle a volontalrement réduit son champ de juridiction. Et cette
réduction a egalement été le lot de la sémioüque qui s'est développée & la
faveur de l'élargissement du projet saussurien. Avec une indéniable
perünence méthodologique, la pensée structuraliste a ainsi érigé une
véritable muraflle pour séparer les codes d'un coté, le monde et les
actews qui y jouent de l'autre. Separation purement instrumentale,
méthodologique et provisolre, qui a pennis de faire avancer spectaculai-
rement la connaMance des énoncés et de leur mode de fonctiomement
interne. La description que l'on foumit ainsi de la langue est autonome
par rapport au monde que cette langue ecrit. Selon cette pensée. la
description de la langue peut se satisfah. de sa whérence Lnteme pour
&e adéquat(e)B son objet * (Greimas 1970 : 51). Dans la mesure oii elie
entend de surcroit expliquer l'intersubjectivité plus ou moins large dans
le corpus des connaissances et dans les méthodes d'acquisition de
celies-ci, elle paii de i'axiome de la conventionnaüté : on invoque un
accord préalable a toute communication, et I'existence d'un code
cxtérieur aux consclences individuelles, code qui s'imposerait, de
maniere impérative, aux dffférents partenaires de l'échange. Cette
conception sociologique, qui a dominé l'élaboration du concept
saussurien de langue. n'est pas idwlogiquement neutre. Elie provient en
drolte ligne du splritualisme de Durkheim. et eUe aboutit a I'idée que les
locuteurs, soumis aux m€mea wntmintes. sont interchangeableset donc
égaux. Efle occulte le fait que les échanges linguistiques ne peuvent étre
le f i t de consensus m i n s : üs portent la trace de différences et de
tensions, mire instituent ces diñérences et ces tensions. Du coup. elie
élimine toute tension entre eux et ne laisse par conséquent aucune
perspective de négociatlon. De sorte qu'elle bloque largement la
possibüité d'une sodosémiotique.
Le rhétoriqoe dan8 le sbmiotique :la compossnte créalive do systeme 39

Or, ce que la rhétorique annonce, c'est précisément cette socio-


sérniotiquP. Si. lorsqu'elle se mettait en mesure d'étudier les codes, la
sémiotique a négligé le stock de regles qui président a l'usage social,
pragmatique, des énoncés. la rhétorique investissait précisément ce
terrain. Elie prend acte de ce que les langages. réputés instruments
d'échange, servent aussi a créer de la distance entre les acteurs. Et de ce
que l'énonaation est ce lieu ou les partenaires négocient la dlstance qui
les sépare en méme temps qu'eile les met en contact ; elle est toujours a
la fois Ueu de coopération et d'afúontement. Elle met en eñet i'accent sur
l'hétérogénéité fondamentale des interlocuteun et sur le fait qu'il y a
toujoun, dans une interaction sémiotique, calcul et élaboration de
strategies. Pour qu'il y ait argumentation, il faut en effet deux
conditions : (a) il faut qu'il y ait conüit, m& (b) que ce confilt n'appa-
raisse pas comme insumontable au point que l'on refuse l'interaction.
La rhétorique peut donc se définir c o m e la négociation de la distance
sémiotique entre partenaires.
La deukieme tendance lourde de la sémiotique a été adoptée pour les
mémes raisons d'efficacité. et n'est d'ailleurs qu'un corollaire de la
prermére : c'est la mise entre parenthhe de la variabilité des comporte-
ments sémiotiques.
01les encyclopédies sémiotiques sont non seulement f@es mais
plurieiles. Si les moyens de communication et de signiñcation servent
aux collectivités humaines, il faut donc s'attendre 5 ce que ces
ressources soient affedées par les besoins humains, besoins ew-mémes
variés. En retour. il faut aussi s'attendre a ce que les düférents codes
dont iis disposent añectent les individus et les g r o u p . Par exemple, les
différentes encyclopédies a leur disposition mcdélent la connaissance
qu'ils ont du monde. et les codea dont ils usent sont susceptibles de leur
donner un statut social qui les avantage ou qui, a l'inverse, les
handicape, ou encore peuvent leur imposer certains réflexes éthiques.
Loreque la sémiotique a abordé cette pmblématique de la variation. elle
l'a fait de maniére extremement généraie, quasiment programrnatique.
envlsageant le plus souvent l'homo semioticus non comme un étre réel,
situé dans une histoire et dans une sociét€. mais comme une entité
théorique. D'ou i'urgence de l'aenement d'une sémiotique variationniste
(cf. Klinkenberg 1996).
La variabilité est au c e u r de la rhétorique. Négocier la distance
sémiotique, c'est ipso facto reconnaitre l'existence de celie-ci, et donc
postuler que les systemes en pr&ence ne coincident pas. 11 reste bien
sür a dépasser ce constat pour mettre en corrélation la variabilité
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uonsanb q g o m a n anbgw?q~g a a *anbnoym?sq amuro3 .!tpuw~
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Le rhbtorique dans le sbmioüque :la composante wéatke dm systeme 41

n'étaient pas des certitudes pmuvées, mais relevaient du possible ou de


I'impassible, du vrahmblable et de l'invraisemblable. du probable et de
l'impmbable, de l'acceptable et de I'inacceptable. Or dans ce domaine.
seule la discussion permet d'aboutir A des opinions socialement
recevables ou d'élaborer des sentiments admissibles. C'est cet espace
qu'investit l'art du discours, ou rhétorique.
Dans cet espace. on peut encore distinguer trois ordres de choses,
qui correspondent peu ou prou aux trois types de discours que
distinguait la rhétorique classique (le judiciaire, le délibératif et
I'épidictique) : d'abord ce qui appartient au passé, qui peut etre attesté,
et qui est donc objet d'interprétation. De telles données relevent du
témoignage. donc du travail de l'Histor (le témoin). Ensuite ce qui
appartient au présent ou au futur. et qui est objet d'éloquence, puisque
i'orateur doit faire accéder ces éléments au réel. Enñn ce qui appartient
non au réel, mais au possible vraisemblable, qui est objet de Rction, et
des lors de construdion (p~iein)~.
Or savoir comment les cultures structurent leurs connaissances et
leurs croyances, fondement du vralsemblable. comment elles les
communiquent et les modiñent, comment le possible virtuel accéde a
l'actuel discursif. a l'aide de quelles grilles cette réalité peut étre
interprétée, voW bien une des táches de la sémiotique.
Cosigine méme de la rhétorique réside bien dans ce que l'on peut
désigner comme une sémiotisation de I'expérience. La premiére
rbétonque est née. on le sait, dans le monde heuénlque au V' siécle
avant Jésus-CMst, comme art d'abord surtout judiciaire. C'est qu'une
certaine forme de démocratisation avait débouché sur un nouveau type
de gestion des wnflits d'intMt : ces conflits devaient dorénavant se
régier devant une instance reconnue comme Iégiiime par tous, et non
plus directement entre les personnes impliquées. A la force physique, qui
prévaut dans le face-a-face. se substituait donc une force sémiotique, oa
la parole joue un mle médiateur : qui a la maitrise des signes emporie
i'adhésion de la coUecüvit6 ou de ceux qui la représentent
guand la rhétorique a connu une spectaculaire renaissance au
milieu du XX' sise, a la fois comme instniment théorlque et c o m e
objet de recherches historiques, la sémiotique n'etait pas loin.
Chez des philosophes du dmlt comme Ch. Perehan & L. Olbrechts-
'&teca et M. Meyer, leur continuateur, la rhétorique argumentative
entendait occuper le terrain laissé llbre par la logique, que s a
formalisation avait éloigné de la logique sociale. Les concepts de la
rhétorique perelmanienne seront ainsi les univers de croyance et de
représentation, objets de sémiotique.
D'autre part, d& sa naisance, la p&que contemporaine apparait a
la fois comme inséparable de la rhétorlque renaissante et de la
sémiotique en plein développement : des les années cinquante, Jakobsm
remettait a l'honneur le couple métaphore et métonymie. Loin de n'avoir
qu'une por& littéraire, ce couple renvoyait B ses yeux h des relations
fondamentales dans l'organisatlon universelie du sena. Et ce sont bien
des matrices sémiotiques génnérales que la néo-rhétorlque structuraie des
années soixante a mis au jour en étudiant les mécanismes des @res
du verbal (Jakobson, Levin, Genette, Groupe p...). Caractere
fondamental qui est ressorti plus nettement par la suite, lorsque ces
acquis ont &tésensiblement réévaiués, @ice i'apport de la sémantique
cognitive (Lakoff& Johnson, Kleiber ...) et de la psychologle de la
perceptlon (Kennedy. Hochberg ..J. Et surtout lorsque le modéle
rhétorique a trouvé s'appliquer a des sémiotiques non verbales. On est
actuellement a méme de réaliser le programrne exposé par Barthes dans
son article fameux S Rhétorique de l'image n (1964) : celui de la
transposition de la notion de trope a la communication visuelle. Le
modele structural alors dominant ne permettait pas de traiter
adéquatement tous les aspects de la question (et le c a r a c w proprement
rhétorique de I'article de Barthes est d'ailleurs largement suJet B
caution : cf. Sonesson 2004). Mais les avancées de la sémlotique visuelle
- et notamment c a e s qui ont fait leur profit de la psychologie de la
forme et des sclences de la cognition, voire de la phénoménologie
avancées venant & la rencontre de celles de la rhétorique cognitive.
-.
autorisent a Jeter un pont so& entre les deux domaines du verhai et du
visuel, comme a pu le montrer un récent dossier de la revue Protée
(1996). Et plus loin emre, la transposiiion des concepts rhétoriques au
domaine musical a elie aussi cessé d'etre impossible.

S6miotique et rhktorique :parentés épist6mologiqaes


Rhétorique et sémiotique ont en commun une méme problématique
épistémologique. Ce qui I'indique est un fait négatif : que c h a m de leur
pas a ét€accompagné de doutes quant leur existente.
Pas plus que le domaine de compétence du rhétoricien, celui du
sémiottcien n'a jamais aussi peu fait qu'ajourd'hui l'objet d'un
consensus cxpllcite. C'est qu'il s'agit de sciences carrefours. La
sémiotique constitue un lieu ou viennent converger de nombreux
savoirs : anthropologie, sociologie, psychologie sociaie, psychologle de la
Le rhétorique dins le sémiotique :I i mmpasmte créaüve du systhme 43

perception et plus largement sciences cognitives, philosophie, et


spéciaiement épistémologíe, esthétique, linguistique, disciplines de la
communication. La rhétorique est aussi un domaine disputé par de
nombreuses corporations 00 i'on retrouvera celles qui viennent d'etre
citées : si les jurista, les publicitaires et les psychologues tout court font
ici une apparition remarquée, revoici les philosophes, les pragmaticiens,
les anthroplogues, en compagnie des inevitables iinguistes.
Si leurs terrains sont dlsputés, c'est que ces disciplines n'ont pas
d'obJet propre. C'est particulierement vrai pour la sémiotique [comme
d'aüiem aussi pour la sociologie ou la psychologíe) : celle-d constitue
une grille d'analyse particuliere des phénomhes añectant le v i i t Elle
approche ces phénomenes, aussi approchés par d'autres savoirs, en
posant une question qui fait son originaUté : que1 est leur sens ? Meme
si la chose est moins évidente dans son cas, cette absence d'objet propre
est vraie aussi pour la rhétorique, qu'on i'aborde par son versant
argumentatií ou son versant figural. Comme on ra vu, la premiere néo-
rhétorique veut se donner pour objet i'étude des mecanismes du
discours sodal général d son efficacité praüque ; elle se confond donc
largement avec une pragmatique généreusement comprise. La seconde
entend constituer La discipline unihnte de la réíiexion sur la textuaiie
dans son ensemble.
Cette transversaiie partagée a un impact sur la vie institutionnelle
de ces savoirs. Et selon le p i n t de vue auquel on se place, on parlera
tantBt de disciplines de récupbation et de bricolage, de discipiines
poubelles ou de camions-balats ; ou tantOt de disciplines d'avant-garde
et de réaménagement, et les métaphores seront ici celles de i'éclahur,
du p m u r ou du messager.
Que nous - sémioticiens ou rhétoriciens - nous considérions
comme des éboueurs du sens ou comme des poissons-pilotes n'est au
fond qu'une affaire de susceptibliité. Notons que si elie n'a pas d'objet
propre, la sémiotique a aujourd'hui un faible pour certains faits : les
phénomenes visuels que i'on peut qualifier d'artistiques, ceux qui
s'insnivent dans l'espace, les artefacts servant a la communication, les
phénomenes sociaux (le droit. les relations de pouvoirl et plus .
généralement ceux qui mobiiisent l'intersubjedivité... Ce priviiege donné
ti une classe hétérogene d'objets est accidentel, et non essentiel : si des
phénomenes comme le récit ou i'image visuelle semblent aujourd'hui
etre de bons objets sémiotiques, c'est ti la fois parce que les méthodes
mises au point par la discipline se sont révélées particulierement
fécondes dans leur cas, mais aussi et surtout parce qu'ils n'avaient
'Iansw a a s np apwm aun laroqela n w j pr0qe.p a 'S a%p.l ap
a n b p w q ~* aun lapuoj e 1anqFquoa ap @epa.s n,nbs~ol'p "ala 'sapul
sap 'sa3euuos~adsap sama~ñs-snossal laniiu!$s~pnllej e 11 '$laal
a1 s w p 'a~dmxamd] sanbpojaql suone1?do sal lanbndde.~~uannad
sananbxne s?gun sal ~ u e ~ $a o qluess!ug?p sau?2'omoq saqsñs-snos sal
l a $ m p ap auop Isa ('>$a'anbpm!,~ ap 'anbgsqd np '$mnp ' p w 1
suas np a p ) ar;,qn3wd anbpol?q~aun,p a q w a~awardq .ala '+p?.r
np sa- mod saalpm 'sadoq sal 1n0d sa- : suoner?do sa3
7uanbndde.s sananbxne s ? $ m sal JUOE a3 'se3 anbqa suep a g g p fnb
a 3 ,sanbpq?q~wuo- sal luauuopad as no a ~ ? w a p danbno!mp q
ap q o sap ~ e uo.1 anb aauessmo3 q ap $uammapW puadap s a n b ~ q a q ~
s l o ~ap uo!leroqel?,I sleyy 'sea sal snol suep sanblluap! luelsal
'sajwssrnd suo~le~ado sap md sanbnow?s sal salno? ap anbpol?q~
mamauuonauoj a1 aJu3ap ap 6101 sap p a alel?u?í3 anbuoaaqr aun.p
maarqo,? 7uaisaprem as sn no lagnqmd auwmop np qwpuad?pur
auop 'xnm?pB : arnnaq e ~ u o fnb s xnerau?B zasse samspaam sap ~ u o s
aa anb alfnsua p a aergoaq-snos q 'pq1aA a % 3 y al suep 1aNasqo
~ n a duo,nb xnaa 9 salqe~dinoaaluoqdhIod ap sauamo@qd sap annoqr
ñ uo.nb alqrssod lsa n arov '- a n b g o w 81 ap ~ q s o a1 d uatq lsa Inb
aa - uonmmunum e1 ap p u o ~ e 3 1 ~ ~q~ ap 3 f ssapeu?S srol sap a $ s p
1!,s anb Jaga ua Jsa pedap ap as?igodñq uos .anbnomas aun alnlsod
apaua3 anbpoqaq~aun.p amam ? a b d a? .sa3fldmoa 1uatuaqoje2'f1qo
pua1 sal anbpoj?q~el ap la anbaolmas q ap ? $ r @ s l a ~ s uapa3 q
.sain3y sap p uone~uamn%e,~
ap 'Tuammapp? ualq 'aloaua no 'sj!$!uSoa-oqjsrnluq sams!ueaam
sap ' s ~ a ~ q Pxspmaslp
~~ snssaaoxd sap 'pqra~ $r*~ np lsup m ua a
: anbnsnhs e1 mi no aqe.qun anbnw el red anb s?Wwua a)a juape'u
p b la a n b ~ s ~ n Pqqmd s ? s m ~ ? p~uam?mquamoms~a@ífuqcqalqo
s1aarp ms xqauad as nd $uamapí3? e anbnoms e1 9uamom un
-e.nblrej eJauuonn$qsuiams!mqm a3 z#&'?p as ap ? u q w - d adnarf)
al 'uosaauos '3 'un-lep~-+u@s ' a m ? u o d 'r 'urriluialmw 'a ' q a o ~
'm-r - sau@lodma~uoasaIIansp sanbnop?s sal luop srem m ' yy
'qaspea 'p.rqoL7 ap xnw.e.q sal m s lasad ap ? s s a lu0.u mb w u a w
. ? I E ,ap
~ aqo$s!q,l no 'a@o~o!aose1 'anb~?q?sa,[~ e anb d aqaoxdde
x-anbsnr ~re$?.u'laga ua 'laCqo la3 : a~dmaxalnod aspuald $nad uo.1
anb 'anansw aí3em1'1 mod amam ap sed m ua,u 11 .sua!anormas a= as
ap ~uo.~qdaooe 'anbnuetuas ua sa$sl[i-.ds a w m 'sqqnikq ap nad anb
I I ~ Jaundvsfp mal ap anbvow!q w o v d s r e .anbnomos
~ ap $ r q
wa~dap Juwla1 mb sapowam sap jood ne syui ~reneanbgsrn8un e7
,anbpormw q ap allaa ap sa$uamd saqamdd8,p pfqo.1 le^ sed w1,nbsnl
Le rhhtorique dans le s6miotique :la conposante crbiive du systdme 45

Deux exemples
Qu'une rhétorique postuie une sémiotique peut aussi étre démontré
a hxvers certains exemples précis. Nous en choisimns deux. l'un repris
a la rhétorique de l'agumentation, i'auire a la rhétorique des figures.
Soient les fondements de la rhétorique selon F'erdman & Olbrechts-
Tyteca. Ces demiers ont pris pour point de départ de leur étude un
certain nombre de processus v e n t a t i f s généraux, appelés schhes.
et se demandent si mMne8 conilgurations langagieres sont de nature a
remplir les fonctions reconnues a ces procédés. u si elles peuvent etre
considérées comme une des manifestations de celui-ci s. Dans la
p h n t a t i o n des prémisses, par exemple, on disüngue des figures de
choix s. des a figures de présence B et des 8 Ggures de communion a. Les
figures de choix - entre autres, la définition. la périphrase. la
correction - ont pour effet d'exhiber la manoeuvre de sélection des
arguments : autrement dit leur formalisation dans la substance du
monde intelligible. Dans l'exposé argumentatif proprement dit (donc
dans la dispositio), on distingue des figures de liaison et des a ñgures
de dissociation *. Les premieres sont des sch6mes qui rapprochent des
éléments distincts et permettent d'établir entre ces derniers une
solidarité visant a les structurer. autrement dit a les valoriser
positivement ou négativement l'un par Pautre. Les ñgures de liaison sont
a leur tour réparties en classes, selon qu'elles sont constituées
a d'arguments quasi logiques D, comme l'ironie ou la rétorsion,
.: d'arguments fondb sur la stnicture du réel x. comme l'hyperbole ou la
litote, ou enfin d'arguments fondant la structure de ce réei p, catégorie
dans laquelle nous retrouvons la métaphore. On s'étonne de trouver
constamment le mot * réel r. bien naif, sous la plume de philosophes : ce
qui est visé a chaque étape de la typologie des schemes est bien
Porganisation de Punivers par le signe.
Perelman insiste sur la spéciílcité de ce qu'il nomme les faits :
GrSce & leur statut privilégié, les faits et vérftés fournissent des
prémisses que l'on ne s'avise pas de contester a (1958 : 1101. Mais
pourquoi 8 ne s'avise-t-on pas de contester * les faits 7 Pour examina

.
cette question, partons d'un exemple fourni par Perelman. Soit
l'exemple : Jai rencontré ton ami hler, fl ne m'a pas parlé de toi n. Pour
Perelman, il s'agit de deux faits, et i'interprétation complete de I'énoncé
serait ton ami ne m'a pas parlé de toi bien qu'il en ait eu
l'occasion B (1958 : 21 11. Le sémiotiden fera toutefois observer qu'il y a
id bien plus que deux faits, et que de toute maniére il ne s'agit pas de
faits juxtaposés mais bien de faits structurés. Le premier falt désigné par
le teme a renwnké B pose en effet une possibilité de converser que l'on
ne pourrait déduire de e apercu B. vu s. a heurté n, S surpris B,
remarqué I., r croid B. ii y a donc ici non un fait, mais au moins deux
faits dont l'un présuppose l'autre. De l'enchainement produit par le
deuxieme membre de la phrase, on peut déduire que la virtualité
possibilité de converser * a été actualisée. A parW de la. les objets
possibles d'échange sont nombreux, mais leur probabilitt est
hiérarchisée : l'ami peut parler de l'autre ami, mais aussi de sa beiie-
mere, du rhume de son petit dernier ou de son teckel a poils ras. La
précision N ton ami B. renvoyant a des relations entre deux personnes
oriente les potentiaiité de la conversation vers un objet mobillcant cette
relation. VoiM pourquoi l'énoncé c il ne m'a pas par16 de toi B est a la fois
informatif et pertinent. Informatif puisque la probabilité de Poccurrence
a il ne m'a pas parlb de toi S est moins forte que il m'a palé de toi e,
fortement attendu. mais perünent, puisque r il ne m'a pas parlé de toi B
est plus isotope que 8 il m'a parlé de son teckel a poils ras B.
On voit quil y a 1 une organisation des faits, non en soi mais dans
une culture domée. de sorte que le fait est un événement sémiotisé (et
qu'un m h e événement peut déboucher sur plusieurs faits distincts, un
m h e fait pouvant se fonder sur des événements dlstincts). Ces faits
sont non seulement des objeta, mais encore des scenarü. des processus,
qui ont leur propre structure, que la sémantique verbale a jusqu'a
présent été impuissante a mettre en lumiere. On peut ainsi, par
exemple, postuler l'existence de relations de type [ou la partie
présuppose la contrepame, a l'intérieur d'un tout), a &té des relations 2,
les seules étudiées par la sémantique classique, et les seules présentes
dans le carré dmiotique'.
Du cotb des &ures. nous noterons que celies-ci mettent en évidence
la structure de l'univers de réf.érence commun. Plut6t que des contenns
proprement sémantiques, le sens rhétorique mobiitse des contenus
mythologiques ou encyclopédiques [qui peuvent d'aillews etre mobiiisés
par des sémlotiques non línguistiques).
Reprenons l'exemple du célebre slogan publicitaire S Mettez un tigre
dans votre moteur a. L'encycbpédie y intervient a deux stades au moins.
A celui du constat d'allotopie, et & celui de la production du sens
rbéMque Re de@ conw wmplet). Au p&r stade, ii n'y auia constat
d'allotopie que si l'aioncé est prononcé dans une société ou l'on ne croit
pas aux moteurs fonctionnant par insertion de félins : premlere
inteivention de i'encyclopédie. Deuxiémement, l'énonk nous invite, pour
Le rh6tonque dans le sénioiique :la composante créaüve do systhe
!
I
prcduire la conílguration sémaniique qu'est le degré conpu complet, a
explorer les représentations encyclopédiques de tigre s. Ces représen-
tations peuvent &trefort variables. voire antinomiques (bien qu'eUes
puissent coexiste1 en un s e d et méme individu). Le tigre peut ainsi etre.
associé a l'idée de cruauté ( p u r un ancien louveteau qui se muvient du
Liure de lajungie) ; fl peut aussi etre associé a la noblesse. ou encore a la
jalousie (on dit : jaloux comme un tigre 8 ) . etc. Certaines de ces
représentations sont aisément utilisables dans le contexte imposé -
l'automobue -, d'autres l'étant moins. 11 sera, par exemple. düíicfle de
falre lntenrenir le trait 8 jalousie D. tandís qu'on pourra aisément faire
jouer souplesse B. Dire, en parlant h e femme, S c'est une tigresse S,
énoncé oii ce trait u jalousie 8 est mobiiisé, c'est certes s'écarter des
e l e s qui dans le code assignent un c e M sens au mot tigresse N,
mais c'est aussi opérer a pa& d'un systéme de lieux communs. Lieux
communs au sens fort du terme : le locuteur d'une langue, s'insuivant
dans une encyclopédle, est lié par une sorte de contrat aux préjugés et
aux opinions courantes de la culture dans laqueiie ii se meut. Ici, la
figure ne serait pas décodable si de tels stéréotypes ne prétaient a
i'animal la cruauté, voire la bestialité, mais aussl la beauté sauvage et
l'inteliigence, et si d'autres stéréotypes, relatüs au &&ent de la figure
ceux-ki, ne le rendaient apte a recevou ces quallAcations. On retrouve
ici, &MI& par le savoir anthroplogique qui la relativise. la notion de
toplque sur quoi se fondait la rhétorique cksique.
La figure renvoie donc A un univers antérieurement stnicturé, qu'elle
conñrme. Mais -on y reviendra au paragraphe suivant - elle est simul-
tanément contestation de I'ordre antrieur et codmmtion de cet odre :
eiie est paradoxaiement atteinte a la doxa et ra.üftcation de la doxa.

La rhétorique comme composant Bvolutif des systemes sémiotiques


Que sémiotique et rhétorique aient partie liée est a present
clairement établi. Reste a savoir si la rhétorique constitue un secteur
spécitique au sein de la sérniotique, ou si les deux ensembles. purement
d simplement équipollents, ne doivent qu'a i'accident que constitue la
edition - une tradition millénajre dans le cas de la rhétorique - de
rester distincts aux yeux de la plupart des chercheurs. Car fl n'est pas
scandaleux d'envisager que la partie se confonde avec son tout, de
postuler un p a h i t recouvrement de la semiotique et de la rhétorique,
volre une résorption de la premMre dans la seconde. C'est, si on y
regarde bien, la condusion a laqueiie Goran Sonesson amive impllcite-
ment lorsque, prenant au sérieux la défmition de la figure comme
allotopie, c'est-a-dire c o m e distance sémantique prise par rapport a
une valeur attendue, il constate que le signe, en tant qu'ii a un sens
diñérent de son réíérent. a déji padie liée avec la rhwrique [...] Le signe
crée une attente d'identite [qu'fl] d&oit nécessairement D (2004 : 83-84).
L'affirmation de cette pan-rhétoricité fut meme une tentation du
Groupe y dans son 'iit7üé du signe visuel lorsqu'il étudia le mécamsme
de la styiisation (1992 : 365-3751,
Le maintien d'une distinctlon entre rhétorique et sémiotique, ou
plutot h e inclusion de la premiére dans la seconde, reste cependant
perünent a mes yeux. a condiiion de f a h de la rhétorique le composant
évolutif des syst&messémiotiques. Cette hypothese, ou plutbt cette
définition, semble d'ailleurs aujourd'hui faire i'objet d'un large
consensus. Elle se retrouve par exemple c o m e un 81 muge dans un
tres grand nombre des contributions présentées au colloque
internationai Sémiotique et rhétorique généraie r (Centro Internazionale
dl Semioiica d'urbino, juiilet 20029. Si, comme nous le notions dans
l'inlmduction a ce volume, c quelque chose dans la rhétorique a toujours
résisté une 'sémiotisation' déñnitive *, sans doute est-ce a cause de ce
-me.
Qui parle d'évdution prend deux responsabilités. 11 doit diine part
étudier les raisons de cette évolution. et d'autre part se donner les
moyens de décrire le processus et de mettre en évídence les forces qui
i'animent.
Cette seconde tache, par laquelle nous commencerons, découle
d'une autre spéclficit6 de la rhétorique, qui est d'étre a la fois une
pratique et une théorie de la parole et de i'énonciation. Et cela alors
méme qu'elle inscrit sa marque dans les énoncés, avec les figures et les
sch5mes.
La rhétorique permet ainsi d'ttudier ce que la linguistique a
longtemps recusé : Iliomologie entre les structures de i'énoncé et ceUes
de I'énondation. Entre ces d e w ensembles, on peut toutefois faire de
nombreuses bljections.
Deux exemples de cette possihiiité nous sont fournis par les
concepts de coopération et d'isotopie. Le premier est réputé concerner
I'énonciation. et le second regarder i'énoncé. Or ce sont en fait deux
faces d'un m h e mécanisme (de sorte que nous aurions dfi parler non
de deux exemples mais d'un exemple douhle). La coopération peut en
effet étre conque comme une tendance a la pertinente, observable au
Le rhetorique dan8 le dmioüque :la composante creative du syseme 49

méme moment chez chacun des partenaires de i'échange, et visant a


optimiser l'&cacité de leur traitement de i'information. Si la coopération
s'inscrit dans le proces énonciatif, s a reformulation en termes
&€xonomiesémiotique permet donc de voir qu'il conceme aussi l'enoncé.
Si on reiie le concept d'isotopie a ce meme principe daconomie, on voit
que sa redondance constitutive produit un effet multiplicateur de
pertinente : la redondance abaisse le cout sémiotique de Mchange tout
en maximisant son pro&. L'isotopie releve des lors bien elle aussi de
l'énonciation, puisque c'est le partenaire qui produit l'homogénéité
sémantique, afln d'optimiser i'échange. Loin d'etre une simple structure
permettant de démire i'énoncé, i'lsotopie est le contrat en acte, la trace
du contrat te1 qu'il se construit dans Pénoncé.
De ce que I'énonciation mobilise des individus et les groupes
awquels ils appartiennent, individus et groupes mobflisant eux-mémes
des codes (qui peuvent se superposerl, dans des lieux et des temps
domes. en w e d'objectifs donnés. il s'ensuit nécessairement qu'elie est 5
la fois citative et plus généralement intertextuelle. aussi bien que
multimodaie.
Aíibmer cette derniere propriété est certes une tarte a la c h e . Les
travaux sur les relations entre texte et image, par exemple, sont Iégion.
Mais ils mobilisent trop souvent des concepts ad hoc et on ne s'est pas
encore vraiment donné les moyens théoriques d'envisager la
muitimodalité constitutive de certaines familles d'énoncés, tache que
s'est heureusement donnée un réseau international. Au passage. la
perspective hoiistique (ce qui ne signIñe pas syndtique) qui doit etre
celle de la rhétorique pinte une des responsabllltés sociales que doit
assumw le sémioticien : donner a tous les instruments pour penser les
nouvelles confgurations discursives élaborées par la société. Car
Phomogénéité des familles d'énoncés est bien un produit social : c'est un
processus social qui genere a la fois des structures et des protocoles de
lecture de ces structures.
Pour étudier ces postures énonciatives, la rhétotique ofiYe ses m e s
a une sémiotique trop longtemps restéz science des énoncés.
La deuxieme tache de la rhétorique est d'étudier les forces qui font
évoluer les systemes sérniotiques.
11peut tantot s'agir de forces externes. tantot de forces internes.
Extemes, les forces peuvent étre indlviduelies ou collectives. Parmi
les premieres. on classera assurément celles qui proviennent de
I'appétence généralisée pour l'analogie. mise en évidence tant par Lakoff
& Johnson que par ParreP. Mais le mot m h e de rhétorique incite a
meitre en exergue le rdle des secondes. Ainsi, la coopération dans le
processus de communication constitue aussi une tension entre des
unlvers de valews. Tensions modérées, qui permettent l'argumentation.
ou tensions fortes, qui peuvent déboucher sur i'incompréhenslon. voire
sur l'aboliiion du rhétorique. Mais les forces extemes peuvent etre les
forces du monde l u i - m e , comme I'indique la réflexion de René niom
(19721 sur les formes mturelles. Powsuivie par Jean Petitot (1992 ;

.
19961, elle met en évldence que des phénomenes auto-organisateurs
existent déja spontanement dans le substrat naturel : Les formes ne
sont pas seulement des consttuciions perceptives m& poussent des
corr&laisobjedifs x [Petitot 1996 : 671,et la forme est donc le phénomene
de l'organisation de la matiere. ii faut l...] que ce qul se presente
comme devant étre catégorisé soit en quelque facon en puissance de
catégorisation r (Bordron 2000 : 12) et fl s'agit d'admettre qu'il existe
une phénoménalité des entités du monde r (Bordron 1998 : 99).
Au moment d'exarniner les forces internes a méme de faire évoluer
les systemes, on peut se permettre d'étre un peu structuraliste. Le fait
qu'avec les énoncés on ait &aire a des ensembles multimodaw rend
cew-ci nécessalrement instables, comme en quéie d'un point d'équllibre
jamais atteint.
La complexité du systéme rhétorique entraine donc cette
conséquence que. soumis a certaines forces sociales et hlstoriques, U
peut se déformer jusqu'a présenter un vlsage méconnaissable : la
réduction du systéme rhétorique a liin ou l'autre de ses composants le
modffie fondamentalement.
On voit ainai tout le statut paradoxal du rhétnrique. qu'fl agisse dans
la figure ou dans l'argumentation. Le paradoxe est que ces procédures
rhétoriques modffient le sysikme tout en le mettant en nidence, comme
on I'a vu plus haut, et qu'en vlolant les régles, elles en ~affkment.la
validité. La figure procede donc &un double mouvement : @unepart, eUe
porte atteinte B la stabiüté de catégories tres institutionnalisées. en y
incluant des entités qui ne semblent pas a priorf détenir la qualité
constituant la catégorie: de I'autre, elle constitue u n jugement
d'appartenance de deux entités a une catégorie, mais a une catégorie
faiblement institutionnaikke, ou instituiionnallsee le temps du discours.
En conclusion,
loin de se limita au seul monde de la diííérmce, 1'inMgibffltéen rhétorique I i t m
est lndissoclable d'un vnivers de la nome. de I'ideniit6 [...l. L'ensemble du langage
commun est repris P travers le eontexte d'énaneiatian. Pour comprendre la
Le rbétorique dans le sémiotique :la composante créative du systeme 51

métaphore. et donc les figures (la figurativité),l...]pour comprendre les textes (la
littérarité)qui sont fabriqués dans le meme tissu de mpture. p o n comprendre enffn
la rhétorique (larhétoricité).il faut conwquer tout le discours. avec ses opinions. ses
iieux communs... (Lempereur 1990 : 147)'.

Modifier le systeme tout en le mettant en évidence : pour l'expliquer,


il faut revoir de fond en mmble le rapport norme - écart, au sujet duque1
les débats ont fait rage au temps de la défunte stylistique, qui était aussi
celui de la naissante rhétorique
On se mppellem qu'a la suite de Hjelmslev, qui disünguait scheme,
norme. usage et acte, Eugenio Cosenu a bnsé la dichotornie langue u s
parole. Dans sa théorie, un troisiéme terme - la norme - constitue un
filtre, limitant les potentialités du systeme : une production (parole)non
conforme 2 la norme peut cependant etre conforme aux regles du niveau
supéneur (celui de la langue). Ce schéma, qui a été élaboré pour rendre
compte de la variation linguistique (cf. Helgorsky 19821, peut etre
généralisé. On peut postuler un emboitement de normes te1 que tout
écart constaté 2 un niveau m constitue l'application conforme #une
norme située a un niveau supéríeur (niveau rd Chaque écart serait des
101s un lieu ou se croisent deux forces : il est obéissance a un certain
nombre de regles (de nl, maic rupture avec certaines autres (de 4. En
cela - et ceci est important pour la suite - l'écart esta la fois dans le
systeme et hors áu systeme.
Les réactions possibles a l'écart sont nombreuses. Parmi ceiles-ci,
deux seulement nous mtéresent. Elles correspondent aux deux lectures
possibles du processus de correction.
Selon la premiere, le produit réévalué de l'écart est intégré a
l'ensemble - agrandi - qui le contient ainsi que la base ; c'est en ce
sens que la Agure rhétorique releve d'une pensée que Pon peut qualifier
de progressive ou d'évolutive. Si eile est générahsée, cette attitude a une
conséquence importante pour le systeme sémiotique ou la réévaluation
s'est produite : ce dernier entre dans un mouvement d'expansion.
Cencyclopédie se modifie. Mais qu'adnent-il du statut de l'élément ainsi
! integre ? ii cesse évidemment de faire écart : l'écart s'est aboli dans le
r mouvement d'expansion. C'est la tout le probleme de la catachr6se.
Une seconde représentation posible du produit réévalué de l'écart

i
est la suivante : l'écart est consideré comme restant extérieur a
Fensemble auquel appartient la base. La figure, pointant de nouvelles
ipalltés, donne un nouveau statut a des entites, qu'elle range dans de
mweiies classes, susceptibles d'enixtenir de nouveiies relations. Mais
une variante importante de cette seconde lecture est possible. L'tlément
est d o n réputé appartenir a un ensemble qui engloberait le premier.
ensemble potentiel. Chaque figure ne serait dora que l'actuaiisation
d'une W i u a l t é de cet ensemble. En ce sens encore, la rhétorique est
progressive. Chaque acte rhétorique serait en effet une exploraüon des
potentiaiités du monde sémiotique : il rend de nouveaux découpages
accessibles a de nouveaux partenaires de i'echange sémiotique.
On voit immédiatement l'intérét de cette descripiion. Indiquer que la
figure est violation d'un certain type de classement se situant au
niveau m mais application des régles d'un systeme situé a u n noeud n
supérieur permet en efíet de conciüer deux concepiions apparemment
irréconciUables de cette figwe : ceiie qui voit dans la figure une violaUon
des régles de l'échange iangagier. et ceiie qui y voit un usage tout a fait
conforme a ces regles. Paradoxe que pas mal de rhétoriciens -
s'étonnant que l'usage des tmpes soit 6 la fois déviant et quotidien, donc
-
nomal r ont eu du mal a e o u d r e jusqu'a présent.
Mais revenons au statut de lkart. Dans le second cas, et au rebours
du précédent, le statut de la cxéation est précaire. En efíet. le résultat de
la r€évaluation n'est pas immédiatement appelé a faire partie du systeme
conceptuel auquel le locuteur se référera par la suite au cours de ses
échanges : donc, le systéme sémiotique ne connait provisoirwent pas
d'expansion.
Cette double représentation de la réévaiuation est ici décrite dans le
cadre du wde conw de maniére autonome. Comme nous l'avons fait
plus haut a propos de l'aiiotopie. nous pouvons la transposer au cadre
social de i'échange sémiotique. Dans s a premiere représentation, la
ré€valuation seralt l'intégration d'une nouveiie unité ou d'une nouvelie
relation entre unités (nous aiions revenir a ceci) au cadre encyclopédique
commun ; dans la seconde, eile serait création ou proposition d'un
nouveau cadre encyclopédique mais dont le statut est moins sociallsé,
moins institutionnaiisé.
Tout ceci nous permet de conclure sur la principale propriété de
l'ecart rhétorique. Celui-ci est simuitanément contestation d'un ordre
antérieur, et conikmation de cet ordre. Ou, pour le dire avec plus de
précision. il est conflrmation de l'existence d'un systeme, mais 11 est
aussi rtorganisation des relations entre les unités du systeme,
recatégorisation de I'expérience. Une figure impose en effet de
sélectionner les quaiités de l'entité mises en avant dans l'encyclopédie de
niveau m et dans la proposition d'encyclopédie de niveau n et de calculer
les compatibüités de ces propriétés.
Le rhétoaiqiie daos le sémiotique :la eomposante méative du aysteme 53

Modlfiant ainsi le systeme, le rhétorique pennet de résoudre des


wniradictions, ou d'expérimenter des solutions a ditférents problemes,
en proposant des médiations entre les termes disjoinis de ces probl6mes
ou de ces contradictions. Comrne le diswurs agumentatif, elle produit
i donc une médiation. Une part importante de I'activité humaine consiste
I en effet a jeter un pont entre les aspects contradictoires de l'univers du
sens : entre i'inerte et le vivant, entre la vte et la mort, par exemple. Car,
bien que ces disjonctions constituent le fondement des échanges
semiotiques, elles n'ont pas un caractere définitif, et une nouvelle
conjonction peut toujours s'élaborer entre les termes qu'elles opposent.
Grace a l a médiation, les contraires admettent la possibiiité que leur
contrariété soit rachetée, ce qui autorise la réorganisation des
encyclopédies.
Le rhétorique voit ainsi son statut se préciser. C'est la partie
créativevu systéme sémiotique : ceUe qui permet de faire évoluer celui-
ci par la production de nouvdes relations entre unités et donc (puisque
ce sont les relations qui fondent la nature des unités) par la production
de nouveUes unités. EUe est donc un élément moteur, qui se situe en un
endroit privilegié : a la frontike, toujours mobile, tracée par les repies du
systéme. Un systeme. pour rester dynamique, doit en effet toujours
wmporter un wmposant évoluiif.
Comme on a eu l'occasion de le dire a plus dime reprise. le Ueu du
rhétorlque est ainsi paradoxal : a la fois dedans et dehors.

Notes
1 Le pesent texk fait usage des mtiücaUons de l'orthographe publiées au Joumal
Ogiciel en 1990. et a p p m h par toutes les instantes francophones compétenies.
dont l'Académie franpise.
7 Une des deux votes. avec la sémiotique cognitfve. qui mene B rompre avec
.
l'iwlement du d e Id.Klhkenkrg UX)Il
3 De ces distinctlons iI rCsulte que le monde du litteraire (les textes a visée
esthétique] apparüent a I'espace du vraisemhlahle dans son ensemble, donc iune
rhétmque générale. et que dans cet ensemble une spéci8cation cst p s i h l e entre
la rhétorique pmprement dite (l'art de i'orateuri et ce que durant des sieeies on a
appelé, au Moyen Age, une x rhétodque seconde s. l'espan de8 textce de Bcüon. la
r p&Uque s. Nouvelie raison de ne pas oppaser les deux néo-rhétariques.
4 Sur ea.vou Edeline 1972.
5 Comme indiqué dans notre lntroduciion au présent volume, certaines de ces
mntributions sont ~ubliéesdans le ~ r h nvolume.
t On en tmuvera d'autres dan8
Klinhenberg et al. 2003.
6 L'analogie ne déñninissant toutefois pas le rhetorique, dont il est simplement une
retombn. ll ne faut en effet vas wnfondre métaDhoridté rh.5iorioue et transíert
caneeptuel. au nom d'un trait commun qul ser& l'analogie. Gtransfeit d'un
conceot d'un domaine i un a u h - r>ar exem~lecelui dea wnceDis de miaxe
ou de- a rnetaphore r a la sémlotiqué imniqui - obeit des egles qui &luent
précishent la rhétortcité Id. lüinkenberg 19931. Par allleurs, N. Charbonnel
(19911 a perünemrmnt rappel6 que le concGt d'analogie est trop vague : U renvoie
5 deux démarches que la ternilnologle ancimne distlngualt pdaitement : la
simiühido et la mmwratlo. Lea ddém~~ches coenitives classlaues mloitent autant
la súnnmido que la fomparatlo,mab la Rgurr de rhetonque & f o n d ~ ~ u ~ e n t
sur la simiilhida
7 Considération qul - souügnms-le en passant - dome de nowelles &m de
depasser déñnitivernent la sténle opposition
.. -
neo-rhétodaue des figures os neo-
rhétorique de l'argumentation.
8 Les genhm?sus dLÍ3ngudent. on s'en soiivlw,t. la crealiiite d e changlng et la
créaovtte nile "
o d ;~r&tMt& étalt un mot mal eholsi dans le m n d :le
motvise simplementl'applícation des regles. c'est-a-dire passage du m e 1 au réel.
C'est a la oremiere seulement. décrite chez Dubois et d. (19731 comme a des
varlations iñdividuelles dont l'accumulaüon peut m e r les &temes de egles 8 .
que l'on devrait i-eama le nom de UéatMté.

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Face a l'éloquence de I'image
Éléments pour une confrontation féeonde
entre rhétorique et sémioüque

Un mod6le rhétorique, inséré dans le cadre des rtgles. des


procédures et des stratégies conques pour la manipulation de la valeur
dans le discours, ne sauralt se définir comme génémi qu'a la condition
d'aboutir des équivalences et a des comparaisons entre différents
systémes conservant chacun son autonomie. Dans cette perspective,
l'école de L e e , ou Gmupe p, a mené, au 81 des ans, de remarquables
enquétes sur I'aduaiisatlon des mécanismes de la langue naturelie. Sa
recherche sur les usages créatifs des tropes dans les récits et sur le
fonctlonnement du langage poétique en Nttérature a constitué le point
d'appui de deux grands classiques : RMtorique générale (1970)et
, Rhétorique de lapcésle (1977). Toutefois, le travaii de théorisation qui est
venu ensuite et qui a porté sur la rhétorique de l'image VmUé du signe
visuel, 1992)n'a pas remprte le méme suc&s, en dépit de son caractére
1 novateur. Par exemple, on n'a jamais b d u i t ce texte en itaüen, et plus
globalement, I'orientation postgreimasienne a bien peu retenu de
I'elonctio visuele et des stylea d'expression de la pensée par l'image sur

1
,
quoi Frands kdeline, Jean-Marie Künkenberg et Phiiippe Minguet ont
amplement argumenté. Par conskquent. le projet de rhétorique générale
n'a pas été pewu dans sa complétude, et est souvent resté incomprls.
La presente contribution entend montrer comment assumer e t
développer aujourd'hui les apports du Traite a l'intelligence du
i sémioticlen. apports débouchant sur I'élaboratlon de nouveaux concepts.
Audela d'un niveau basique, consistant en une desulption scolaire des
grandeurs catégorielles mobilisées, l'enjeu consiste i s'intemoger sur les
résultats d'une interaction entre les dBérentes sémiotiques visuelles. en
termes d'échanges fmctueux, de prélévement et d'implantation. Ainsi,
quelles réflexions faut-il rnobiliser pour comprendre, sous un jour
noweau, les conditions de sens dans lesquelles nous nous mouvons ?
11 est sans doute utüe, a i'heure actuelle, de salsir d'un seul coup
d'ceil compréhensií certaines parties de l'ceuvre du Groupe p en les
confrontant avec certaines analyses empiriques et certains textes
théoriques récents, coliectifs ou individuels. Grgce cette approche
dynamique, le lecteur pourra mieux apprécier les mowements de va-et-
vient entre théorie et applications. et percevolr en meme temps les
approfondissements,les récursivités, les réorientations et les repentlrs
de l'école de Libge. On analysera les logiques de cette approcbe
spéciEque de facon a assigner. sur cette base. des objectifs raisonnables
i la recherche.

Traiter le sigue visuel aujourd'hui :le découvert iicombler


Avant tout il faut reconnaftre aux auteurs le mérite d'avoir
renouvelé, a u cours des années soixante-dix. la conception de la
rhbtorique :il ne s'agissait plus d'étudier celle-ci sur la base de volurnes
poussiéreux sacralisant le savoir des Anclens ou a partir de
dictionnaires d'expressions figées, mais d'établir les catégories et les
procédures élémentaires constitutives des tropes. Les membres d-_

.
Groupe p souscrivent, de ce point de vue. a l'hypothese de Fontanier
seion qui la litote. qui affaiblít plus ou molns une proposition - mmme
d'ailleun Phyperbole, rnais l'inverse - l...] est un déplacement le long
1,

d'une serie intensive (Fontanier 1821 : N, 0.6.3,cité in Groupe p


1970 : 133). En quete de ces lois. l'équipe elabore deux typologies
d'opérations substantielles : la suppression (partielle ou totale) et
Padjondion lsimple ou a c a r a c t h répétiW.
ii est important de souligner que Jamais ce ne sont les flgures qui
inventent les catégories, et que ws demi* ne président pas davantage
de l'extérieur a la production des coniigmtions : les catégories sont
plut6t déji comprises dans les figures elles-mhes - dans les effets
d'aüaibiisscment. de renforcement, de contradiction décelables dans les
récits -, et elles déleguent a ces dernieres leur agencement dans le
discours. La nature et les variables tensives de la relation entre le degré
perp et le degré c o ~ proviennent
u de ces rtgles de suppression et
Pace i I16Ioqneneede I'image 59

d'adjonction. Pour le Groupe p, les conditions d'existence des


manceuvres rhetoriques reposent, au c m du pmcessus de transfor-
mation réglée des éléments d'un énoncé, sur la compétence du récepteur
a idenMer une allotopie et a la résoudre en évaluant la portée de l'écart.
L'énonciataire est donc invité 5 juger comment ce qu'fl pergolt (phéno-
mtme manij2stel se rapporte & ce qu'fl conwit (structure d'organisation
fmmanente)' et queUes tensions s'établissent dans la confrontatlon des
deux niveaux, au moment ou il dégage des lois de combinaisons
syntaxiques. Une place d'exception est réservée a la dimension cognitive
du processus, réponse B l'imperíedion de l'activité perceptive et dont le
faire - soit persuasif, soit interprétatif - est proliíérant.
Ces mécanismes fonctio~antsurtout dans le domaine des signes
visuels. on est amené a s'interroger sur les chernins d'unification que la
perception dessine a w yeux du Groupe p.
Tout en confirmant la célébre distinction #Eco (1971) entre structu-
ralisme ontologtque et structurallsme méthodologique, Klinkenberg et
ses collegues favorisent la seconde ligne, san6 toutefois se Ubérer du
credo en une objectivité et en une phénoménologie réallstes B. 11s
adherent ainsi B la perspective. défendue par Goodman (19681, du signe
comme reconstruction et non comme copie des entes du monde. Le
schéma úiangulaire de la tradition peircienne, soumis & l'ancrage d'une
Serence exteme. fait ici place & une structure téhdique dans IaqueUe
la relation entre le stimulus, composante nouvelle, et le réfkrent, a
présent membre d'une classe, libere du joug de l'origine ontologique, du
moins en circonstances épistémiquesz.
Déja sémiotisés, configurés culturellement, ces deux termes
impllquent la présence et l'influence de ffltres créaifs et interprétatifs : le
réféwnt actuaiise le sens en tant qu'objet. qualité ou proces, tandis que
le sümulus est le support acüí du signe et de sa dimension physique. un
percept. Un double mouvement agit d& lors : d'une part les stimuli sont
cognitivement éiaborés face au modele ; de i'autre le modele est modüié
par i'exp4rience.
Pour bien comprendre cette dialectique, il faut tenir compte des
relations que le Groupe p a continiiment entretenues avec d'autres
sciences (surtout l'optique, la psychologie de la forme et la physiologie de
la vision). Dans leur theorie du visuel. les auteurs prennent ainsi en
compte le principe de proximité de Gogel (1978). évalué comme
a hypothese sur le degré de cohérence du monde. (Groupe p 1992 : 35)
autant que les idees de Arnheim sur les discrimfnatlons variables entre
forme et fond ; ils revisitent le couple accommodation / assimilation,
rendu célSbre par Piaget, ainsl que les notions de forme et de prégnance,
développées par Moles (1971). la loi chromahque de l'addition grise -
quand le monde se projette en nous - et le mécanisme de l'lnhmition
latéraie - ou c'est l'homme qul projette son schéma corporel sur le
monde. Toutes ces démarches motivent le fonctionnement symbolique de
la théorie du Workhdciy par les valeurs du sensible et introduisent
dans les études sur la signiíication le dynamisme vital propre aux
ph6nomtnes d'intersubjectivlté. Loin de se résoudre en procedures
mécaniques de reconnaissance opérant sur la base de systemes
d'expectatives, le dialogue avec les autres domaines du savoir porte la
rhetorique du Gmupe p 9 cesser de regarder les choses avec l'ceii de
l'habitude (Künkenberg 1996 : 13).
Examinons ceei de plus pr-5~.
Tout d'abord, le probleme du passage du stimulus au signe est
resolu en termes pragmatiques : ce sont les regles d'usage qui
déterminent la sémioticite des objets. 11 s'agit sans aucun doute Y d'un
retour a l'horizou ontique de i'expérience. Cette impasse n9emp&che
toutefois pas le groupe de creer une structure du signe iconique,
toujours t€lradique. dan8 laquele la présence du réíérent, du stimulua
du signieant et du type (ce dernier se substitnant au concept de signifli:
iconique) met au premier plan les interactions dynamiques entre
perception et production.
Quelles variétés d'apparence oüre en effet le monde naturel ? Et
quelles mutatiom interviennent depuis le percept Jusgu'aux pr&ures
de constitution de l'image ? Outre les categories de la conformit6. de la
stabilisatíon et de l'identífication, particulierement intéressants se
révelent les cas de transformation, sur l'axe stimuius / référent. Sous
l'éclairage de l'équivalence garantie par le type. classe a caractéristiques
conceptuelles et resultat des proces qui integrent et cristallisent les
vécus. le stimulus, devenu signiilant, rend le référent narratif. Ceci peut
se produire par le biais de modaiités a géométrlques B. lesquelies Jouent
sur des changements de dimensions et/ou d'orientation. ou de modaiités
.: anaiytiques n, mettant en ceuvre des techniques de discréüsation et de
filtrage de couleur et/ou de lumiére. Une autre solution est encore
d'exploiter les varlations optiques 8 , relatives aux phénomknes de
réflexion et de réíraction. a la profondeur et a la netteté de champ, et les
procédures cinétiques a m b e d'inscrire dans i'image l'angle de vue
S,

et la distance qu'fl faut entretenir pour obtenir une lecture satisfaisante.


Le Spe vaut en fonction des metamorphoses qu'fl subit : U est -comme
RasUer i'a écrit a maintes repnses - N une famille de transfomtions H.
Faee i I'éloqenee de I'image 61

Dans les études néo-rhétoriques, on insiste sur le fait que la constitution


du discours retient quelque chose du sujet et de l'objet en meme temps.
d'une part en c o n s e m t des marques d'appartenance culturelle. de
I'autre en indiquant les choix effectués. 11 est donc souhaitable de
toujours reconnaitre I'engendrement syntaxique d'une figure a fravers
les médiations de I'instance d'énonciation, que celle-ci soit individuelle
ou collective. En outre, comme le montre la spécfficité du t cinétique *,
les opérations de transfonnation ne s'arretent pas a I'appantion de la
figure : elles se poursuivent dans le travail de perception et d'interpré-
tation qu'en fait le spectateur. Médiation de l'instance énonciataire :voici
un point essentiel a nos yeux. Si la notion de style, dans son acception
habituelle. est reiiée a w pmcés de production de l'oruvre, qu'est-ce qui
nous empeche de voir qu'fl existe aussi des styles de perception et de
réception. avec des éléments de simflaríté et de contraste. des nouveiies
formes de création - lorsque la lecture devient linguistiquement
disponlble - qui font encore la diñérence 7
La mobiiisation du principe de distinction entre a ordre proche et
ordre lointain *, emprunté a l'esthétique informationnelle, a
d'importantes conséquences méthodologiques : ce principe afíecte ainsi
les modalltés d'analyse de l'articulation syntaxique de I'oeuvre, celle-ci
étant désormais pensable comme un tout hiérarchisé en niveaux texte
de parties emboitées dans des totalltés de plus en plus englobantes, de
liaisons fortes (ordre proche] á d'autres faibles (ordre lointain) *. Le
cinéma et les installations contemporaines, électroniques ou non,
revisitent pour leur part le concept, en transformant les états d'inté-
gration en phases d'un dynamisme constant. La, les processus de
changement portent non seulement sur des p m b l h e s de durativité
aspeetuelle mais sur des mécanismes de véritable croissance. Les
,comportements a , depuis le moment décrété pour la naissance,
généralement correspondant a I'acte de la collocation spatide. jusqu'a la
vie et a la mort autonomes : voila ce qul nous intéresse davan-
tage. L'image acquiert son propre cours d'adion, se développe sous nos
yeux, mürit avec le temps. A la lumiere de ce principe, on est censé
revenir, toujours sur le plan de la percepiion visuelle, á la lo1 de la
proximité de Walter Gogel (1978). Le psychologue estime que la
combinaison des informatlons est surtout définie sur la base de la
marque de conüguité : tout élément &un champ iniluence la perception
de son voisin, et réciproquernent. Appiiquée aux criteres d'émergence du
sens dans les pratiques artistiques, la fonctlon de la p r o m t é , qui est
selon nous toujours complémentaire a la valeur informationnelle de la
62 Tinana Migliore

rime3 et du contraste, dépend toutefois de l'équilibre qu'adopte le


spectateur (objet-test ou teso par rapport a l'image (iruiucteur pour les
psychologues de la forme) : une proximité excessive produira en effet un
univers perceptuel fragmenté & l'exces, une distance excessive donnant a
l'inverse un monde trop peu différencié. C'est un équilibre qui se modüle
selon les ceuvres. et qui varie d'un sujet a l'autre. Cette derniere regle
conduit a la prise en charge progressive des styles de perception. La
saisie de formes expressives, c o m e le diront les auteurs, est en effet
déja a sémiotisante N (Groupe p 1992 : 81). Donc, d'une part, puisant au
principe de Gogel et a la loi de l'addition grise (l'impression colorée
résultante d'une image jugée N harmonieuse B , - si l'on fait toumer une
telle image comme u n disque de Maxwell - sera grisel. le monde se
projette en nous, et nous nous adaptons au monde : de l'autre, notre
schéma corporel tend a se projeter s u r le monde. C'est le cas de
l'inhibition latérale, qui fait que chaque cellule photosensible de la
rétine. ne se limitant pas a transmettre i'infonnation a son neurone mais
influencant les neurones voisins, accentue les contrastes. L'osil est au
point de rencontre de ce double mouvement anthropocosmocentnque.
Le caractere de ce signe-percu trouve s a confirmation dans les
notions, formulées par Abraham Moles (19711, de Gestalt e t de
prégnance : la Gestalt (ou forme) est pour Moles un groupe d'éléments
percus en une préhension globale et simultanée comme n'etant pas le
produit d'un assemblage au hasard, mais d'un certain nombre de regles
intentiomelles [...l. F'rédictibilité partielle l...],
la forme n'existe jamais en
soi-méme. elle n'est que percue *. La prégnance est quant a elle la S force
contraignante qu'exerce la Gestalt s u r I'esprit d u récepteur n . En
critiquant la théorie, soutenue par Moles, d'une distinction entre
message sémantique - e s t r u c t u r e interprétable, traduisible.
décomposable B - et message esthétique, ensemble de variations
fluctuantes et libres, uniquement desfinées a provoquer du plaisir,
l'équipe belge invite a considérer les deux catégories comrne dimensions
non discontinues de notre perception (cf. Groupe p 1992 : 37).
Les propositions du Groupe p en matiére de méthode de lecture
sémiotique des énoncés visuels s'integrent par ailleurs fort bien avec la
perspective adoptée. Cécole de Liege substitue ainsi a la tache, entité
théonque élémentaire dans i'orientation lnterprétative de Roger Odin
(1976). les dynamiques d'un formant né des propriétés perceptives du
systeme visuel (Groupe p 1992 : 48-49). Ainsi faut-il apprécier, pour sa
pertinence e t son originalité, l'approche de l'analyse d u langage
plastique. Celui-ci est explicitement dit autonome, solidaire du plan
Face ii I'éioqueence de I'hage 63

figuratif, et dont les catégories se forment a partir de l'étude de parcours


sensoriels, encore une fois @ce au dialogue avec d'autres sciences. A
notre avis la sémiotique postgreimasienne a ignoré les Iwi@ces que le
point de vue du Gmupe p pouvait apporter aux problemes de la forme et
de la couieur. Rappelons a ce propos les considérations sur le statut du
fond. dont la morphologie impose des lois mais qui peut également
inspirer des hypotheses d'organbtion des espaces de surface. Évaluons
les criteres par lesquels sont dé6nis les concepts de champ et de límite,
en tant que reconnaissance d'une qualité translocale et découverte

.
d'interrupiion et de changements de cette qualité. Souügnons la claire
répartition des fomemes4en position r, dimension et orientation i.
avec les axes sémantiques qui leur correspondent, comme 8 répulsion u,
a dominance et * equilibre v . Le groupe belge pose que chaque
formant - soit eidétique, soit chromatique, so1t textura1 - est
individueliement doté d'un capital d'énergie, qui équivaut a une capacité
a attirer le regard sur soi. Ce sont des rapports de réciprocité - les
posiiions, les dimensions et les orientations que les formes montrent les
unes par rapport aux autres -, qul amorcent le fonctiomement des
phénoménes de tmion. Si on peut douter que le gradient d'intensité
entre les deux extremes fort / faible est nécessairement déterminé par
des facteurs de distance et de proximit6 spatiales, nous ne pouvons pas
nier que a la tension s'annule quand la perception abolit I'individualíté
des formes (ce qui crée la texture) I...]et integre des faits isolés a des
faite d'un rang supérieur r (Groupe p 1992 : 222).Et " ces valeurs -
poursuivent les théoriciens - a ne sont áidemment pas arbitrairs m.
On retrouve ici de nombreuses consonances avec i'acception
organiciste du concept de fonction chez Benveniste (a L a polarité des
personnes, voili la condition fondamentale dans le langage, dont le
proces comrnunicatif de départ n'est qu'une conséquence tout a fait
pragmatique x, 1966 : 311 ) et surtout avec le schéma dimensionnel des
cas chez Hjelmslev (1935). Ces consonances nous permettent d'afhner
que les dynamlques hétérogenes d'arttculation des plans de suríace
sous-tendent toujours i'invariance des scénarii d'intersubjectivité,
valables principalement a u niveau énonciatif autant que pour les
transformations modales d'un destinatalre. 11 est également évident que
plusieurs occasions de renvoi a l'instance d'énonciation demeurent. Elles
se présentent sous forme oblique ou directe. c'est-a-dire exprimée par
allusion, ou actualisée en tant que secret ou plut6t élaborée de f a w
manifeste. Le tableau ci-contre montre la schématisation de la théorie
des cas proposée par Picciadi (1999) :
no - (m!sueri) w a h w no a~q~ssedm! '(mwu=tul) SRaadsarlu!
sea ao suep la - los ~ o d d e ledi 'p@~ a d s e uos snos 'aJua@qm
ap 'au31o[?.s uo.1 p no puafe uo.1 1s 'aqao1dde.s uo.1 ~suol]>aap
ap ~?~a[.red u0 'mamarwla s n ~ dq p al lnod '?aw3aiqo 1 ?nnlpafqns
el ap la '- laeiuoa-uou np no 1aey.103 np sapotn sal s m p JawaJRism
as ~ n a d~ n b'aauar?qpe,I $a 'amaw?wa no arnavnut wamanannalod
' = = ~ ~ ? q ua-1~
l~ m~surlaC~ 1anba1 suep auIsva?m - ,(?wnul no)
a;niaiayw q ap '- luamau&op.~ap p ~uanraqaarddernp s a p i xnap sal
m e -u a p m p q ap saqamered sal [a-sana3 ssup anph? ~ n b appour un
lasodwxnl~neja sanansw s a n b q o w sap sanbgsqd sapowm
Face a I'6loquence de I'inuge 65

tement actif, adhérant a la présence d'autres dans les modes du contact,


de I'équilibre, ou bien de la distan= ; de positions actantieUes quand il
est force dominante, quand fl reste indifférent ou s'il se laisse dominer.
Dans le meme ordre didées, dans un passage passionnant pour les
projets futurs, Paul Kiee formule A propos des rapports sociaux une
réflexion éthique, qui pourrait bien faire progresser la réflexion sur les
syntaxes plasüques et figuratives :
Quand des corps se touchent, un certatn déslr d'aventure se d e s t e : le cas
échouant. fl est préíhhle de maintenir la distance. et la distante dwra se maintfsir
harmonieuae. Se rapprocher et s'éioigner doivent €ire organiques. harmonieux La d.
suite au mdange de choses du meme genre. s'engendrent des wmpiícations. nous
devons prendre g d e a nous. Voici le moment mi la üherté peut se déciencher. ou
i'on est en etat de sortlr des sentiers bamis et de rcjoindm le plus grand résultat
&tique. Quant a la non-réussite. la cause pourrait etre en raison d'avoir mal
calculé i'effet réciproque de ch- düiésaites ou mal choisi les valews. Ceci vaut
surtout aiors que les chaaes sont superpouées ou acwstees 1970 : 4501.

Tentons de paraphraser : figure et personne ne sont pas des


individus, mais les membres de collectivités qui s'attirent ou se
repoussent, s'accolent ou ne sSentreme1entpas, mais qui vivent malgré
tout dans un état de tension rkiproque. Célément exprime avant tout de
petites sollicitations, mkne seulement en se tenant sur les gardes. 11
peut donc s'intégrer en rapports persistants, continus et stables. non
réduits & la contiguité spatiale, ou maintenir des coordinations faibles,
passag6res. se briser et Jalllir & force de heurts et de désaccords. Et
mkne dans le cas de relations favorables, puisque figure et personne ne
cessent d'agir, les orientations de requ& te les mouvements de réponse
doivent encore &re soignés, s'il en vaut la peine, pourvu qu'on n'ait pas
comrnis des erreurs d'évaluation. Mais ceci, aíünne sagement Yartiste,
arrive quand on se limite au détachement, a des assemblages ou a de
simples superpositions, et non si on va A I'encontre et au-dedans des
choses. Notre regard analytique et notre capacité a penser iraient plus
loin si nous savions percevoir, dans les articulations syntagmatiques,
nos pmpres pratiques sociales en mati&e de communication, si nous
étions en mesure d'y reconnaitre I'homme et l'ensemble de ses
extensions : car relations sociales et relations textuelles sont les
actualisations d'un unlque systkme d'interrelations.
On peut retrouver ces modes de wúmnmication non seulement dans
le domaine du visuel, mais aussi dans la danse, I'architedure. la langue
naturelle et meme dans la musique. L a s o c i ~ o t i q u est
e inscrite dans
les proces. Pour Klee, une id6ologie. entendue comme recherche
-eqdna?~q 'anbpomreq uonejaossqp s a m sap a@ue,[ s n g .saiueu
-wop sap ami- el e ski~3m4asa~!swdxa wwpom sap e 7uapuod
-sauw ...alq!suap~dmoa / x n a p ? ~ s h'~uemssw/ ~ u q a l n b q'aumlp
/ aumpou suone301omoq sal 81 aqp-?-pa,a 'm~sqo-qepnp anbn
-m g+!scdsrp np sa~nmnddesuojsuapa sal suep alqesmnw aIqmas
vmaqas 1- u n wamd smalnoe ap anbnqnse~aun 'uonesnqaslp ap
suoy)-do,p uañom a1 red 'mrmoj y as m 'salqjssod saqqpauuapq
s ? ~ l [ m osap
~ nunuoa aIapma3 al allamps ~!.nbualq : anbr)~rnarqs
~uaumdo~d auqsKs un uou +a srnapm sap uondu~sapap a q s k un
)sa n.nb pao ua snb~waqsa uuemalmr~.ap mayas zq .uonerrqes ap p
a3ueupunl ap slua13y~aoa sap -03 e wsne spm 'wbae p sapad
'ea2uqam sal suep ' l a s p o p .e aide q u o m as apowtu e1 '?$pwaApn,I
i? uogeqdse aun red iuasua13m as srawap saa anb srow .a@o1ojsñqd
e1 3 $a anblsñqd e1 sa~unldtuasaqameled sal anb a l e i u e ~ e p
'(Ocz : E661 rl adno19 pamB!d np a!3olouq3al n aun) anbwdma
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u o n e 1 n d m q m s epuoj apowm aun w s n p m e 11,nb ~uamaqqa
aiiaurpe aalaq adnos a[ 'anbnemarw d m q 3 np suoRempnqs sal mod
'anb i q o d u g ipmd snou 11 . s a $ p q sasnA!p snos 'npuai aq? auop
w 'wpmdde inad fnpord aa P 'puosuas am?$sKs aqou p (a3wqe.p
az?!mnl e1 ap allaa ~ e $a d a?loIoa aavjlns 81 ap a l e ~ p a d saqmo3
el red s o j ?qe anJnsuo3) snpuqp un aqua aqu03ua1 q ap ansq iaga
ua p a malno2 g ' ~ 1 u 8 mla j~ndaa~ad aqua sanbordge~suo~e;>l~duq
sal red sroj aun a~oauasaannom iuos '(9667) alq!qn np a n b g o t w ~
suq a l p q u o j md nuuoaki auaurarna~ra~ssod ' a i ? p n ~q ap g+3nqsuoa
alw np a3uepoduq ?a '- (S aauqpq w no) e aaueqmq n la a uonernes
'
S aauewmop B - sauquonp ua uojswpqns q anb irobde,s uo 'anbn
- e m q a a~uesodmoael ap uonespo?m aq3p q iueruanno3 sadjaupd
sal auraauo3 tnb aa ua p 'sanbnsqd sauoB??e;>xne q u a m ua mod
'mora1 q o m iwj mal mb np uog~nqsuoaanb luq ua aunw.1
a m u o a ne ualq 7sa.3 .annzanm uonamalulj ap sanbnerd sal suep quo
sana.nb m a p q 'a waqg ap a w m p 'ti mnrn~1dmo3
. r ap '* a r u o q D .p
't iuamau81013 B .p sa1qeu8~oC saauoj m e ~ueaapooua 'aauavadxa p
uonag w u a a3uqqp q ~uelqmmua saajgdraqw wa i u a ~ ~ o'anbruo31 p
neaAw ne,nb p n 3 g neaAlu n8 i u q 'qmqn alared q suep swdope
awuom ap sgqppom S- .sapluepuamrreq sanbndma suogpuoa xnap
sal juarynsuoa ~ n b'sanb!lsw uondaag ap ?a u o ~ e a ~apa s a p suep
anb a p m s a~gnaafqnsxayq~p s a ~ u a p & sal
a suep ualq Issne 'axquds
a q q 4 0 ~ 8 ap
s 'nuaium np suonesue$lo sal la amroJ q ap suon8srueB~o
sal lau- ap se3 sal snoJ suep i!%,s p : suas ap slahlun xnap ap
suo~m@uoasal sadqos! a q u a P lnad 'emapA ap a~uawmrad
Face I'éloquence de I'image 67

tion des thbries de Fíeiüer (19661, d'ltten (1978) et de Chevreul(1838)


guide une investigation des chromGmes dans leurs rapports quantitatifs
et qualitatifs et dans leurs mesures, plus graduées que disc&tes.
De récentes conversations avec Fiands heline ressort l'intéret pour
les états signiRants de la transparence. Le spéciaiiste renvoie i ce sujet
aux études de César Janneiio (1984) et de Jose-Luis Caivano (1991 :
1996). On sait qu'histoiquement les fflusions visueiies ont, en grande
partie, concerné la distorsion de la forme ou de la perspective, la couleur
et le mouvement. Or, les auteurs agentins examinent les phénoménes
de changement dus aux diíférentes distributions spatiales de la radiation
lumineuse. Puisque la lumiere peut &treémise ou rkfléchie et que
chacun des transferts peut avoir lieu sous une forme réguliere ou
diaise, combinant les deux situations, les théoriciens distinguent une
émission réguliere (qui genere la sensation de transparence), une
émission diffuse (tranducidité),une réflexion réguliere (effet spéculalre)
et une réflexion diffuse (matité). 11s ajoutent & cela la sensation du noir,
due a un degré relativement €leve d'absorption de la lumiere. L'appar-
tion des obiets en termes de t r a n s m c e . de translucidité. de &tiexion
spéculaire et de matite est entlerkent subsumée par l'expression &ie
(de 0%~). dont on +re les trois principales vwables : la p €a b i l i t €
(transparent/opaque). la diffusioñ (net / flou), l'absorpion (clair /
obscur). Pour résumer la distribution dans le champ des cinq especes de
sensations et des trois dimensions liees, Caivano (1996) propose un
solide de césies *, représenté de la rnani€re suivante :
Si les propnétés de la matiére sont soumises a diñérentes conditions
d'obsenration et d'éclairage, le matérlel, note I'auteur, change de c a e .
C'est pourquoi la vftre est transparente lorsqu'elle est vue du c8té
opposé au rayon incident. maís ofúe un miroitement quand on la perpit
sous l'angle de la lumiére de provenance. En offrant, grace & des
assernblages de matériaux, des exemples h w g b e s de représentatíon
d i s m i v e de la lumi&e, Caivano correle les tipologies reconnues a des
formes sémantiques de dissimulation, de séduction. de pmtection, de
distanciation.
Parmi les progranunes de recherche de notre discipline, le paradigme
postgreimasien a sur ce front son point de référence dans l'apport
prWeux de FontaniUe [1995)*. Le tbéoricien articule en eBet sea analyses
des manifestations du visible 2 partir de quatre effets de sens réc-ís
-
et communs l'édat, I'éclairage, le chromatisme et la matérbhsation -
et y retrouve les pmpriétb sémantiques de la quantité, de la spatiaiité et
de I'intensité. Comme chaque état de la l u m i h acquiert sur le champ
diaérents types de modulations - respecüvement cl6turante. ouvrante,
suspensive et cursive -, fl est possible, selon Fontanllle. de pmjeter sur
un carré les termes qui prennent en charge les styles tensifs suivants :

Le parcom géneiatif de I'expression, écrit Fontanile (1995 : 24, ne


vaut pas pour la possibilité de relier conventionnelkment des contenus
énoncés a des expressions, mais aboutit un acte d'énonciation, qui est
modalisé. narrativisé, aspectualisé, spatialisé, etc. Le sens de ce
parcours n'est que ce qui se réalise dans cet acte. Relativement au
theme du rapport transparence / opaclté, le sémloticien considere le
coníiit entre force dissolvante de la lumi6re et force de whésion de la
m a t i h wmme indice du fait que dans la nature les corps ne peuvent
jamais etre entiers. En particulier. I'excellente etude sur l'kloge de
I'Ombre de Tanizakl nous intrcduit la dé6nition de la pmfondeur dans
I'esthétique japonaise :
un des effets récurrents de I'olascwité, qui ne wnceme pas i'onlre gbmétaque ou la
. . .
oersDeciive de resnace. mais les aualités. les éoaisseurs des matitres aui nous
*-t. au moment el du lleu o u nous chmhons a les salsir. des objeta I...I.lletfet
de orofondeur résiilte a la foLs de 1'hetcroeénélt.é kasath.e n de la Mrarchie entre les
11 s'ensuit - wntinue Fontanille - que si dans le monde du sens
commun la úansparence est transparence a la lumt&e, dans le monde
de l'ob8cwité la transparence dhne matiere homogéne (Sair ambiant, le
minéral. ou l'eau par exemple) est transparence a l'obscurité. 11 faut
powtant signaler que la consistance d'une mati6re est peu souvent
homoghe et que ce qui s'inteqmse soumet le monde a ses détemina
tions, n'offrant pas une vision plus nette des choses, mais s a propre
vision de ces choses ; ce qui s'interpose reste, malgré tout, un
obstaculum a m&ne de bouleverser le statut des @res du monde.
Songeons la bulle de savon : figure mobile, elle a des aspects
iridescents et liquides et, transparente pour I'espace s'étendant au-dek
d'elle, réíiéchit en méme temps ce qui se trouve face a eUe. Elle re6titue
le monde a son image, avec ses propres limites et ses propres rytbmes.
EUe o& des points de vue et de fuite, elle sélectime. n%uit bouge et
transforme le sujet et ce qui l'entom. C'est pour cela, peut-Hre, que son
pouvoir de performance a un temps limité. De nos jours les systemes
artistiques récupkrent des expériences de ce type,mettant au point des
tactiques pow les argumenter, aménagent des éqdibres et des wniiits
entre apparaitre et transparaitre. se structurent sw les paradoxes de
I'étre dans la vWdiction, envisagent les typologies de montages qui
peuvent favoriser des pratiques esthétiques inédites.
il ne faut pas s'etomer si c'est dans le cadre d'une oonfrontation
avec la psychologie que se manifeste la premiere systématique
importante de la texture : I'hístoire de i'art s'est, on le sait, particulle-
rement attachée a tracer des itinéraires biographiques, a établir des
appartenances géntrationnelles. a discuter d'écoles et d'influences.
Propriété indispensable du discours artistlque. la k h r e touche a la fois
les qualités de matitre qui Le caractérisent, les modes et les temps de
leur exécution et les sensations qu'elle est susceptible de pmduire. Le
phénomene a, plut6t qu'une origine - comme U est dit dans le 'Iiaité
(1992 : 19)-, un effet synesthésique. La minotopographie des eléments
et i'organlsation -que de leur répétition - ici appeléa texiuremeS -
transférent sans aucun doute la perception visuelle sur le sens de la
tactllité. Thürlemann (19821, qui en parlait en termes de grain ou de
matiére, excluait la texture de sa céiébre classiRcation mien qu'en lui
reconnaissant un d e égal a celui de la wuleur dans la construdton de
la forme). Au wntmire, pow Francis Édehe et les autres membres du
Groupe p, la texture mérite d'etre considérée comme catégorie
autonome, indépendante des manifestations eidétiques dans lesquelles
elle pent se réaliser, souvent coordonnée qu'elle est des stratégies de
mise en m h e de la wulew et surtout de la lumi&re.
a w d sana-IUOJno nmu ]a qq luamanbwn sana-luap s?ouou? sal suep
sarqewuap! s a n b ~ w ~suon!soddo
d sal : anbgoqds-!mas uonmylpoa
e[ ap sadpulld sal m s a q n e e s d m a ~ap a%o~la~u!.s adlnbs.7
'sas1a.qp luamanamlp luannos 'aw ap sauii03 ap a;ie&md a[ m s
'aua~spra.psa- ap aqo.1 m s 'sa@.mu?.papuuonuqw uo~eulp~ooa
aun 1ns s l o p asada1 3m.p amna,[ ap angaelaJu! a?!~euuo!]auoj e?
.unumioa na* un luasuapuoo 7~ np uonwsapmm ap s a ~ n samani b
s q . ( 6 ~ 6 18uaq3 73) so sms B 'S unp.p arrald ' x apuol a m o 3 B
- .
'* aperap lua- 8 'a aperp lo x ' a aEumia yo@ B 'c mapnbs ap arqm 8
' a arqqp ap aaej S 'S 3as neaawd . ' a luqon aue~q.' a ?[nd.red? a u q 3 B
'a e l o p au8n S 'r aqaeq 81 a n r ~ .'S sapoma sa%nu 8 : saluenps
sanb!loqda$?m suo!?naol xne Iadde IUESIEJ (?lapow no a p ! ~318- )
np sa@olod&saslanp sal ?uanSqsp !nb 'aqoqqa amlu!ad ap salo*
sal sodard aa e anbonq a8pq a d n d zq 3-' ap p 1nasspda.p aymitu
uoneRua1?m ap mis '$mal P 'allawauod uonenua1?~!pap
'au8n q aqua uon!soddo~ qm-ir! s?q a m o 3 ugua suoualw
% m a wua aipp a m u a q l ? anblsñqd
aun p spuojo~dsn1d neanp un E -'11 3rd ana'nb aared anb 'asnaqmq
axnos aun y ~ a v o d das~ap ~ no aJ?!mnI el la33eqaJ ap sanb~p?ds
suo3ej sap e ana.nb asad luel 'suas np suiomue?u vnpord al?Rem
el ' q u a u ~ ~ auou Q
d ap ~ X 'al?neur q ap uonqprsuoa q a p r a ~m o r n q
e anbqo- e1 !S 'sam~yqalaqaar sal mod sa3uan&suoa ap s d lsa
(r anbmam no 8 anbp81o 'a larnleu 'e paqw n) luamB[d np qoqa
.
a1 1"s a-sed q . s a r n p j sap lnIav p sauuoj sap suas a1 a- sl.loddrrr
sap ~ a ~ o 8 aE uam?m 'ao!li@aws?p a~innaela aarlie~RiwalinRse
aqua uonemoso,~ap ~ ~ ~ q ~qs aspoi dde r la a $ y & q q p arnm
l a ~ q a e - m u nal
! np splod a1 a3~opa1ri adnorf;) a1 'uogeu!q13slp el
v wssaa9u a n b ~ ~aauqsrp ra e[ m s a9n ~ I S I ~ ~ ~ C?rnrls!su~
E 'ammauoua.l
zaqa sa$!npu! luamaoea!jja (IOZ : ~ 6 6 1 saqljoui ) suo!]sa66ns
ua uo[sJanuoa e1 ap aap!.l 'rl adno~gnp as?w q smp 'puodsarioa &+m
$no$E 'saaeq sap lasev[ ame urerodmaluoa ~re.17uop ampepuBul n
el ap s l ~ a d s exne '(lna~om-[~osuas dmeqa) anneln$g axeluñs
ap mou a[ snos (6661) alI!ueluoj 1ed saasL1eue a~%auala as?!$em
aqua suopaeralm me 'annmauou? sprerd q ap a m o p nv ' a x a m
la aIagem 'lloddns luos anb saluesodmoa-snos sal 'slajja sa3 ap
U I W mod ~ ~ p 'apaeur p an&rRs;p uo 'mapuopd ap uolsnm la
ue~dne uo~saqpe'anps w u a s q s 8 q u o sap a s w q m s '?lwwsaldxa.1
la ?l!319om-o1nael 81 '?l!leuuo!suam!p!q el : lelnlxal nualuoa
np uqd np sanbywads qm sal 'sa1dmaxa xnalqmou ap asñpm.1 ap
mmi 5 '~uqodwxaua 'aluamalu! u0573 ap a w ~ q o ~a1da p m p u 0
Face i I'éloqnence de I'image 71

d'un systeme universel 7 C'est le theme d'une critique ancienne deja


adressée par Goran Sonesson (1989) a Floch et i Thürlemann. Les
auteurs du Traité remarquent que des régularités, des invariants et une
récurrence de valeurs peuvent etre observés lorsqu'on compare, par
exemple, la dimension, la position et l'orientation.

Les f o d m e s sont des stmctures sémiotiques qul constlhient sans nul doute une
projection de nos shuctures perceptives, celles-ci Ctant a leur tour déteiminées par
nos organes et par leur exercice llequel est physiologiquement, mais aussi
culhueUement. détermine)(Groupe p 1992 : 21 11.

Formemes, chromemes et texturemes sont toujours rapportés a la


structuration du plan du contenu. On observe toutefois combien la
dominance chromatique, que l'on percoit consciemment et que l'on
verhalise plus aisément, est aussi l'élément le moins spontanément
coduiable, alors que la saturation. beaucoup moins familiere et qui n'a
recu son nom que récemment, exerce une influence maximale sur les
associations. Cest comme si la luminance et la saturation induisaient
une réponse sémiotique profonde, générale et intersuhjective, la ou la
dominance est davantage liee i des expériences personnelles, dont une
partie seulement est commune a tous : dans cette mesure, elle construi-
rait des idiolectes. Invitation & menager une place a une motivation
thymique des catégones plastiques.

Autres réflexions
A la séparation souvent opérée entre le niveau plastique et le niveau
figuratif. le Groupe p répond en formulant la precieuse hypothése de
l'icono-plastique, qul implique la concomitante des deux langages dans
un énoncé donné : on qualifie d'icorwplastique la figure résultant de la
relation entre deux éléments d'un méme plan, mais ou la redondance est
obtenue s u r l'autre plan. Done, a u lieu de passer radicalement de
l'évaluation de la S logique seconde (Greimas 1987) a la lecture des
signifiants du monde naturel, le sémioticien est censé tenir compte des
niveaux d'homogéneité, des tensions. des degrés de liberté. des
passages, des demarcations, des irruptions. La continuité entre les d e w
langages s'impose, puisqiie * le véntable projet du peintre, ou du
dessinateur, ou du cinéaste n'est pas une adéquation au réel l...], mais
deja et toujours une sélection par rapport au percu n. (Groupe p 1992 :
21-24). 11 est des lors inutile de théoriser la rupture entre la production
des signes figuratifs. comme si c'était un a cimetiere d'objets a, et
l'abstraction, considérée comme une a pure création d'objets nouveaux a,
indépendants de la réseme de formes s w a n t e s avec IesqueUes nous
entrons en contact. La peinture figurative n'est pas tenue a la plus
grande fidélité possible, et la peinture abshite ne prend pas sa valeur
dans l'lmpératif de nier la premiere. L'artiste mime nécessairement la
rédté. qui est en elle-m&ne en mouvement. en état de flux -
un 6miiiement d'üots en archi~elssur le dksordre bruvant et mal WMU de la mer.
son&& aux bords découpeS battus par le ressac et en perp6tueUe úansfonnation.
-
usure, clivages ei débordements, emerger de raíionaiités swradisues. dont les iiens
miprcques>e sont faeiks ni évidrnts <&'res 1980 : 351

- en la flltrant a travem ses propres mdalités de saisie sensorieiie. et


en la manipulant. Ce sont encore les effets d'une présence mobile -
techniquement définis comme énonciatifs par la sémiotique grei-
rnasienne - a caractériser le discours rhetorique. Quels sont alors les
changements de sens de la przsentia d'un projet plastique dans un
énoncé hyperrealiste et, a l'inverse. d'un projet iconique dans un
diagramme ? Dans le premier cas, on entend des formes nettement a
feu. des couleurs pures tres saturées et des trames texturaies denses,
symétriques et avec des unités rapprochées dans une coníguration
toutefois idenMab1e : ü pourrait s'agir, dans le second, du ~ythmed'une
frise dont la séquence rend l'idée d'une icbne. Cela se comprend bien que
la recherche stériíe d'analogies et d'extensions métaphoriques n'est
jamais en cause. Tout acte rhétorique est plutot consideré comme une
exploration des potenWtés du monde sémiotique. fait d'objets, bien
sur, mais aussi de nuances, de brouillards, de lueun, d'accidents.
Le chapitre du ' I Y d b consacré a la stylisation o& une merente
appmche du theme de l'intentionnalité du visible. L a production des
énoncés - dans le cadre de s a formation et de ses dbles - est ici
examinée par la focaiisation de manoeuvres créatrices de sens et par des
opérations de suppression et d'adjonction qui, en poursuivant des &ets
synecdochiques et hyperbollques, peuvent &e saisies conune excessives
ou insuftkantes. Le choix de suppimer ou d'ajouter, comme la maniére
de le faire, proviennent de l'énonciateur et du modele d'univers
d'appartenance. Le Groupe considere a fuste titre la stylisation c o m e
un probleme de relévement rhétorique de seuils B : on envisage &S les
criteres qui concourent au succes de la procedure (dans le cas de la
géoméúisation par exemple) : en observant les cas de dépassement des
limites pour l'intelligibiiité, on peut alnsi invoquer l'exigence de la
Face a I'éloquence de I'image 73

conformité a certaines rgles. individuelles et sociales. C'est pourquoi


dans notre définition conceptuelle du ductus' de l'énonciateur, la valeur
du choix devrait etre mieux établie. L'alternative n'est pas entre des
termes pouvant étre choisis, mais entre les différents modes d'existence
de celui qui choisit.
L'enquéte sur N Sémiotique et rhétorique du cadre S invite a de
stimulantes comparaisons avec le volume de Victor Stoichita (19931,
consacré au méme sujet. Si, dans les deux perspectives, on se fonde sur
une pragmatique interne visant a sémantiser des artifices
d'encadrement, l'emploi d'une part de la logique du moaf (Stoichita).de
l'autre d'une méthode eficace de classification des variantes (Groupe p)
amene a relever les idées valables des differentes matrices. Eu égard la
boniure, qu'ils appelient « index a puissance variable B, les spécialistes de
Liege examinent les cas de disjonction (hétéromatériallté) e t de
conjonction de l'énoncé bordé, fournissent des exemples visuels de
bordure rimée. d e bordure représentée. de compartimentage,
d'imbordement, de débordement, de compénétration de la bordure et de
l'énoncé, et examinent des cas de suhstitutions plastiques (affectant la
forme, la position de la bordure. la texture, la couleur) et d'iconisation
[procédant par suppression-adjonction]. Pour motiver l'occultation ou
l'évidence données & la bordure au cours du temps, on fait appel a des
normes culturelles et historiques, sans toutefois les raccorder a une
théone de la métapeinture.
Contestant a maintes reprises l'idée que le langage soit l'interprétant
suprérne de tout autre systeme, le groupe souligne le r6le assumé par
Iimage dans les pratiques de communication. 11 est bien vrai que meme
le verbal est tissé de visuel, articulé qu'il est de maniere interne pour
restituer certains phénomenes de visibilité. 11 sufflt de considérer les
travaux de physique, de chimie. de mathématiques, pour constater que
sans le recours a des schémas et des dessins un traité modeme ne peut
guere avancer de démonstration. Bruno Latour (1987) n'en a aucun
doute. La science transforme u n point de vue en construction
incontestable, * boite nolre 8 qui s'offre comme attestation de vérité : tout
cela en exploitant les ressources dime imagination réglée, les vertus du
bricolage des paroles et des figures, les transpositions en tableaux et en
graphiques, les procédures d'emcacité symbolique au dedans desquelles
les paroles deviennent figures.
74 Tiziana Migliore

Aprks le Traité
Stimuler les recherches 6 venir : cet o b j e d orientera aussi notre
stratégie de sélection et de réévaluation de quelques ariicles du Groupe p.
Le plus connu est peut-6tre Tension et médiation. Analyse
S

sémlotlque et rhétorique d'une ceuvre de Rothko u (19941, article qul


constitue la contribution belge a I'étude d'une image sur laquelle
diverses écoles s e sont simultanément mecurées. Les criteres de
segmentation de I'énoncé, les phénomknes de redondance et d'isotopie
plastique, de transition et d'interpénétration entre wnes diñéremment
colorées sont ici toujours etablis a partir de l'experience percepüve de
I'ceuvre, dans les trajets imposés a notre sensoriaiité par les manceuvres
rhétoriques. L'occumence visuelle - fragüe d'apres le Groupe p - brise
toutefois paradoxaiement la solidité des types, montrant, en jouant sur
e a , la valeur de sa propre singularité. Encore une fois, on ne reconnait
les normes que dans leur actualisation. c'est-&-dire lorsque des énergies
tensives e t d e s rapports d'équilibre les décristallisent en u n
syntagme. L'équipe n'aboutit pas a une seule solution interprétative. 11
f a u t toutefois apprécier I'idee constante de la formation d'effets
axiologiques de la reerbération, euphorique ou dysphorique, que la
stabiiité et l'instabilite de l'ceuvre provoquent sur le sujet obselvateur.
Tres fécond e s t également Le monogramme. Un genre
intersémiotique ,, un texte inédit de Rancls Edeline (2002) qui contribue
a refocaliser l'importante question de la rémotivation du nom i
I'fnterieur du tableau. En reprenant les travaux de Calabrese & Gigante
(1989) et en précisant que N les noms propres signifent toujours N, le
groupe de Liege examine, s u r u n Corpus d'exemples visuels, les
pratiques par lesquelles la signature transforme en indice ce que Son
croit communément etre un symbole : la réduire ses initiaies la fait
apparaitre essentiellement comme une articulation distinctive et non
référentielie, u n grapheme libre pour de nouveaux investissements sé-
mantlques. On explique des principes dbrganisation spécifiques (mise en
contact, croisement, emboitement des lettres. symétries, défomations,
camouflages. substitutions avec images..J. on montre des ambigrammes
et des cartouches, la ou se renforcent les interactions entre peinture et
écriture, et on souligne que grace a des modifications appropriées (de
couleur, de fome] les proces d'esthétisation et les forces d'assimilation i
I'ceuvre restituent un simulacre de la personnalité de l'énonciateur.
La contribution a Style et communication visueile. Un produit de
transformation a (19951. d'allure plus théorique, engage i la réflexion.
Face h I'élaquence de I'image 75

Comment se forme un a style ~t dans le domaine de l'art ? Pour Édeline et


Klinkenberg, le style est globalement individuation, combinatoire
d'éléments variant en qualité. 11 suppose d'autre part, pour s'aiñrmer, la
repétitivité : a savoir la production d'une redondance obtenue a travers
des manceuvres quantitatives. Une signature crée des effets d'intertextu-
alité et, devenant marque d'un style, elie constitue une intersection entre
plusieurs énoncés, qu'eiie erige en classe. De la nait l'impression quasi
ontologique qu'un style manifeste son auteur, grice a une sorte de
stmcturation individuante qui est peut-&trea la base de l'erreur fatale
du critique lorsqu'il adopte le style de l'artiste. comme si cela avait
valeur de preuve. Les impressions stylistiques se forment en réalité a
travers des procédures complexes. élaborées a u fil du temps, des
innovations d a n s la répétition et u n e intentionnalité dont l a
reconnaissance est assurée par les traces que laisse l'énonciation. Le
style est ainsi produit sirnultanément par les instantes énonclatrice et
énonciataire. Une fois atteint un certain niveau de stabilité, il peut
devenir objet de transfomations. exactement comme un signe iconique :
il est posible de S faire un Miro B. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les
auteurs font référence a l'artiste catalan. dont les images, réélaborées.
ont souvent constitué une source d'inspiration pour pas mal de
publicitaires. En ce cas-la, on agit bien sur un style qui a gagné la
structure et l'élasticité d'un langage.

Héritage
Au lecteur a présent de choisir, gxice aux indications foumies, que1
parcours suivre e t comment le mener jusqu'au bout. 11 pourra
s'interesser aux influences des proces perceptifs sur les phénomenes de
signification, ou se pencher sur les interactions entre perception et
production, pour élargir la gamme des typologies des manifestations du
monde. 11p o m aussi partir en quete des cc raisons profondes du plan
plastique, ou se diriger en ce point ou les spécificités de visée et de saisie
suscitent d'importantes divergentes interprétatives. 11 pourra encare
s'arreter s u r les ressources des combinaisons icono-plastiques, ou
explorer les syntaxes de création afin d'évaluer les styles selon des
stratégies différentes - misant sur la quaiité et / ou sur la quanüté et -
selon des cholx distincts - émergeant sous des formes potentielles.
actueiíes ou réalisées d'existence sémiotique. il pourra enfm accéder aux
diverses acceptions visuelles du systéme qu'est 1' encadrement ou
orienter son intérét sur le passage du nomen l'omen.
'arlomam el ap uouesmqom ap saamd q anb ?pjq ms a8wmnep ialwu! 'a~nop
. ( ~ ~uosqoyer
61 33) a u a . ~ zasss
? ~ lsa au+mowqd al 1 s uosqoyer ap aqpadsad
el hisalqq la anbn* aqua sw&mw sapnl? sas ma '(m: 9~611
nuquoa np sa~doloslsap a s m u l . ~E 'smoasrp ne %r+ua8omoq~gue.re3sed
~ u a m a sed ~ q 3sa.u u 0 rnmp q q g p saI aqua suo-m sal m s sapnla n p
.~
~ ~ F ~ M B Jsapiolos! sap anbusg4s aun ~ass;upap isa m ~ e f q o.sanbn?uoqd
m
ia s a n b p a r d 'sanbmuhs 'saau~~uoparsap uonenpwiiI.[ p nqa '(a sa!dolce!
i)
sap anb~~sm?lsi(s2 ~ 6 1ua ian6w SIODU~IJJ md nJuoa ')aload a1 asnea ua
larrm '19~611 a m np a n b w a q ~ ~uamamouauoJa1 : ardolw la a ~ d q w smp
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L'6tR : 1661 UWBs)
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1s snld 1sa.u < rom anadde.l anb xneuea sap [anpmpu! w@uet q .auaamp
13adsn un puud vour al siop 'sauapa xnmrea sal suep psne mar 'sdaoa np suepap
a
-ne sam!s uonmnr0Jrrl.p xneum sal suep luamapas uou p a u m m ~~ s 1vdsa.11~
:u w 8 g bro%13 md ~ p q anbeol- p
alapour a1 s u o ~ ? j p i dsnou ' a p n l l n e a l l a 3 . a s s e d ne anb!jolm?s
e1 ~ u a m a n b ~ ~ e xwal1a-r
~ s o u rnb l a 'a~ne-:, apnjme axnoJ J m p x a W
mb ~ J O A'pahno>ap 3 1 ~ 0asp mad a p a n b p o g am?lsKs un,p s ? m o j ~ ~ d
salnom s a l suep 1auuajua.s .uolsnjj!p $a 'saIjpaj aaoaua suleala7
slp ria u
' og-8 : aae3gp ayUaaqJaJ ap a m m e i i w d un.p aquxaid
uogqum 4 snou mod lsa mb 'a ~ s a+-pl s a p +qfsor?u?Bq 3a1a
maüsable @ce zi no& capacité de rétentlon. a une nature valorielle. Ii n'est pas
suffisant d'afilrmer son mle dans la reconnaissance des pattems et dans la
deteniiinauon des habimdcs : U faut aussi comprcndre quelles modaütCs de
prtsentificatlon et quels fonctionnements de sena (réveils allcctíís. téaciio~ist

.
5 ~osenstlehlla definlt comme coheslon a. Le mathérnauclen convient que la
cr6dibilité. la stratkgie du faire-cmire. s'appule sur la capactt6 d'un sujet.
indMduel ou wllectif, de se donner une cohhnce. reeonnue comme telle par
rautre. Mais uuiwue mur iul il ne s'aglt vas d'ideniité. le conceut de cohesian,
pdf&6 a celui de Coheíence. lul sernble p l k approprié pour d& le p m b h ~ .
r Le svsteme est com& de uar!ies mues uar des intkñis tres dives, mais douées
#une-coh6sion de c o ~ u n l ~ t i s.o Cf.
n ~ a b b r&i Rosenstiehl 1985 :53.
6 Wradoxaimimt aucun des auteurs ne m a t e ni ne m ü o n n e les mmquables
travaux de Gombrich (1959 : 19631, quolqu'Us soient Id peronents.
7 L a noiion. avanc6e upar Wattenbach en 1866 et ensuite reprIse par Barthes,
cornprend en rn€metemps l'ordrc dans lequel la rnain extcute les diííérents
cara&&- qul composent une le* (ou un idéogramme) et le sens selon lequel
chaque caractire est &lisé. A une date plus récente, RasUer commenk : Gestes
et mowements. points nodaux et m o m i a mitiques. tempo du *me et phraaé
des contours m t t e n t de concwoir le kxte -me un cours d ' a c w sémiotiaue.
au-dela #une concaiénation de symboles. Le genre &e la conduite de &te
action. mais ce au'on wunoit a d e r le ductus uariicularise un énmdaiew. et
penuettrait de &ac&ser le &le skmaniique -par des rythmes et des tracés
pticuliers des contours de formes a Iwstlu2001 : 45).

Bateson, Gregory
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Rhétorique et interprétation des figures

Franqois Rastier

Deux problématiques
Depuis la stigmatisation platonicienne des Sophistes, depuis
qu'Aristote a réservé les énonces décidables [I la dialectique (devenue la
logique) et renvoyé les autres 2 la rhétorique, deux problématiques se
partagent l'histoire des idées linguistiques. Elles déíinissent deux
préconceptions du langage : c o m e moyen de représentation. ou de
communication. En breí, la premih déíbit le sens comme une relation
entre le sujet et l'objet, la seconde m m e une relation entre sujets.
S'appuyant sur toute la tradition logique et grammaticale. la premiere
privilégie le signe et la proposition et se pose donc les problemes de la
reféreuce et de la vérité, fussent-elles 5ctionndes. Rapportant les faits
de langage aux lois de la pensée rationneiie, eiie est centrée sur la
cognition. et le cognitivisme constitue son aboutissement wntemporain.
L'autre problématique. moins uniíiée. de isadition rhétorique ou
hermeneutique, prend pour objet les textes et les discours dans leur
pmduction et leur interprétation. On peut considérer qu'elle est centrée
sur la communication. Elle se pose les problemes de ses conditions
historiques et de ses effets individuels et sociaux. notamment sur le plan
artistique. Issue de la sophistique. et par ailleurs des herméneutiques
juridique, littéraire et religieuse. la problématique rhétorique /
herméneutique concoit le langage comme le lieu de la vie sociale et des
82 Franqois Rastier

affaires humaines : les &aires de la cité. pour le dmit et la politique.


mais aussi le lieu de l'histoire culturelle, tradition et innovation,
déterminée par la création et I'interprétation des grands textes.
Les deux problématiques s'opposent ainsi en quelque sorte comme le
théorétique et le pratique, et les sciences du langage aux arts du langage
- voire, plus obscurément, comme la raison et I'imagination, ou méme
la vertu et le plaisir. En bref, nous appeiierons la premiere probléma-
tique du signe, et la sewnde problématique du iexte.Convenons que la
signification est attribuée aux signes. et le sens aux textes. Si i'on
appmfondit cette disünction, un signe, du moins quand il est isolé, n'a
pas de sens, et un texte n'a pas de signiilcation.
La notion transitoire de contexte peut servir a opposer ces d e w
concepts. L a sigmilcation résulte d'un processus de décontextuaiisation,
comme on le voit en sémantique lexicale et en tennuiologie ; d'ou son
enjeu ontologique, puisque traditiomeliement on caracténse I'Etre par
son identité a soi. En revanche, le sens suppose une contextualisation
maximale, aussi bien dans l'étendue linguistique - le contexte, c'est
tout le texte - que par la situation, qui se définit par une histoire et une
culture, bien au-de& du Iiic et nunc seul consideré par la pragmatique.
Aussi, alors que la signification est traditiomeliement présentée comme
une relation, le sens peut étre représenté comrne un parcoun.
Si bien entendu i'étude des signes et celle des textes se cornpletent,
les pmblématiques logico-grammaticale et rhétorique / herméneutique
different grandement. La premiere a une grande autonté et une forte
unité, car jusqu'a une date récenle grammaire et logique se sont
développées ensemble et autour des memes catégories, comme les
concepts memes de catégorie, de prédication, de categoréme et synca-
tégorerne, etc. La seconde n'a guére comu d'unité et, apparemment, tout
sépare la rhétonqiie et l'herméneutique : l'oral et I'écnt, I'énonciation et
I'interprétation. voire la Contreréforme et la Réforme. la persuasion et la
Gráce. la latinité et la gemanité, etc. Pour notre propos, I'essentiel
demeurt que la rhétonque et I'herméneutique sont des arts, au sens tout
d'abord de techniques, non de disciplines théoretiques comme la logique
e t la grammaire universelle. La problématique rhétorique /
herméneutique rompt ainsi avec les postulats ontologiques qui fondent
la problématique logico-grammaticale : elle admet en effet le caractere
détenninant des contextes et des situations. et conduit alors, pourrait-
on dire, a une t dé-ontologie 8 . Les arts, disciplines pratiques ou du
moins empinques, ne peuvent etre compris que dans une pmxéologie, et
exigent de ce fait une éthique.
Rhétorique et interprétation des figures 83

Voici un tableau schématique qui resume les oppositions entre les


deux problématiques :

Problémaüques
Logico-grammaticale Iuiétorique /
herméneutique
Relationfondamentale
Repréxntation Interprétation
objets
Langage Textes
Systeme roces
SigniRcation Sens

Spéculation Action

Métaphysique ethique
Ontologie Deontologie

Tableau 1. Les d e w r p r o b l é ~ u e s

Au-dela des effets de mode, le retour B du rhétorique et l'essor des


théories linguistiques de l'interprétation semblent témoigner d'une
évolution générale en faveur d'une conception rhétorique / hermé-
neutique enfin refondée.
Le retour du rhétonque n'est cependant pas une résiirrection de la
rhétorique en tant que discipline : l'empire rhétorique a été démembré,
les conditions et le statut de la parole publique ont étk irrkversiblement
bouleversés. En outre, les oublis intéressés se sont multipliés et l'on a
décrété la fin de la rhétonque pour miew se partager ses dépouilles.
Voici quelques exemples : Lakoff e t Johnson ont triomphalement
découvert voici vingt ans les catachreses, alors que Ducrot réinventait
les topoi Les théoriciens du blending, Fauconnier et Tumer, viennent de
découvrir certaines formes de la contarninatio. Jean-Michel Adam
présente comme un nouveauté la théorie des séquences, qui reprend
celle des figures non-iropes, comme la descnption. Enfin, en théorisant
l'interactivité, on redécouvre a présent les pmblemes de l'accommodatio.
Chaque fois cependant. ces S découvertes P méntoires s'appuient sur des
théories partielles qui ne permettent guere de progresser vers un
remembrement nécessaire des sciences du langage.
Rhétonque dispame et lingnistique restreinte
Jadis la grammaire s'alllatt au sein du trSiwn plut6t avec la logique
qu'avec la rhétorique. La linguistique, son héritiere, hésite B présent
entre la cognition et la communication. Tant6t une alliance avec les
recherches cognitives la rapproche d'une psychologie logidsée (car on ne
peut traiter de la connaissance sans poser le probleme de la vérité) ;
tantot, dans le p d i g m e de la communication. elle renoue des iiens
avec la rhétorique et repose les pmblemes de la vralsemblance et de la
fiction. Ainsi, la rhétorique retrouve une actuaiité ünguistique par son
objet, le discours (entendu comme étendue textuellel, comme par son
objecüf, la persuasion. éiargie en communicafion
Le regain d'intéret pour la rhétorique est I'indice encourageant
d'évolutions convergentes vers une sémantique du tente. La traditlon
rhétorfque, dans son courant principal, n'a jamais d é h i sea domaines
par rapport a des opérations abstraites de I'esprft humain : elle s'attache
aux &ets et non aux causes supposées des formes dlscursives.
Alors que la rhétnrique était une technique sémiotique théorisée. un
art a, la présenter mmme une discipüne descriptive serait en donner
une vision bien scolaire. 11 semble par allleurs impossible de la
ressusciter en tant que discipüne appliquée, car le dlscours pubUc a
cédé la place aux médias. Elle ne peut non plus passer pour une
science : on ne lui ferait pas jusüce en négügeant les incohérences de ce
legs sans uniformitb venu de difierentes époques et produit par des
théories et des pratiques dispames. 11 reste cependant nécessaire de
l'étudier. non seulement en elle-meme. mais encore pour sauvegarder
son noyau rationnel, et rendre compte des phénoménes qu'elle traitait.
L'antirhétorisme des Modernes, depuis les Encyclopédistes
Jusqu'aux linguistes contemporains, I'aura dé& de I'éloquence et d'un
m&ne mouvement gmmmaticaiisée et scohiske. Des cinq parties de la
rhktorlque, ils n'ont retenu que l'élocution ; de I'éiocution, les figures ; et
des @res, les tropes. Ces trois restrictions successives correspondent a
irols réductions : des pratiques sociaies (ou i'éloquence est en jeul, au
dlscours ; du dlscours, a certaines de ses formes ; de ces formes au mot
car les impes se dé5nissent alors c o m e des modffications du sens du
mot. Enfin, par une quatrieme restriction, la rhétonque coupée de
I'éloquence a perdu sa dimension orale et a pu d'autant mieux 6tre
annexée a la grammaire, qui. son nom Iindique, a toujours eu partie ilée
avec I'écrit.
Rhétorique et interprhtation des figures 85

La rhétorique se réduisit presque au couple étrange métaphore /


métonymie, célébré jadis par Jakobson, puis réifié et naturalisé a
présent parmi les universaux cogniiiís B, schemes de I'imagination pure
qui stmcturent l'expérience et I'identité personnelle.
A la grammaticalisation des tropes, on opposera ici une rhétorisation
de la grammaire et plus généralement de la linguistique. Certes. les
tropes sont déja d'un usage commun en lexicographie pour articuler
entre elies les ditférentes acceptions &un mot. On utilise principalement
des opérateurs comme par métaphore, par métonymie, par synecdoque.
Cet usage remonte a ma connaissance aux Lumieres. Cependant la
reprise de concepts rhétoriques peut certes pallier des insumsances
théoriques de la linguistique, mais ne peut les combler. Bien au
contraire. fl revient a la linguistique de décrire le fonctionnement des
tropes, qui pour &trenommés et m s , n'en sont pas pour autant défmis
de maniere systématique.

L'écart e! le discourspédesrre
La théorie des figures et la grammaticalisation du grec ont
vraisemblablement eu partie liée. En particulier. les grammairiens
alexandrins ont eu a affronter la tache redoutahle de fixer une norme
écrite du grec pour établir les grands textes. en premier lieu le corpus
homérique. Ils rapporterent les écarts par rapport a cette norme soit a
des variations historiques ou diaiectales. soit a des usages figurés.
Pour Denys le Thrace, figure tutélaire de notre tradition gram-
maticale, la seconde partie de la grammaire est I'explication des tropes
poetiques. Mais il définissait la phrase comme une unité de prose.
L'énigmatique notion de prose ou sermo pedestris n'est ainsi jamais
définie positivement. A l'apothéose du discours pédestre répond
cependant le hannissement du discours ailé. La grammaticaüsation de la
rhétorique aura été un moyen de la mettre sous la dépendance de la
logique, puis d'en juger par les criteres positifs mais métaphysiques du
vrai. Le discours pédestre. devenu aujourd'hui e langage ordinaire n, jouit
d'une transparente dénotative et permet une représentation naturelle et
directe. L'écart se défmit par rappori a cet idéai.
La subordination au prétendu langage ordinaire semhle inévitable,
des lors que ron estime qu'il existe un état normal ou naturel du langage
et qu'on donne a la grammaire la tache de le décrire. En fait. I'etat
normal reste un pur artefact, qui résulte du caractere normatif de la
grarnmaire.
Les autews contemprains ont hérité la notion d'écart. Jean Cohen
fonda sur eile sa théorie du langage poétique ; le Gmupe p défmssait

.
ensuite la rhétorique comrne un 'ensemble d'écarts " (1970 : 45).
Si le degré zéro a remplacé la nature, 19mage demeure d'un
langage neutre, sans ornement, pure idéalité issue de la phllasophie du
e langage ordinaile n. Nous refuwns de dé- les tropes par la notion
d'écart, car nous considérons le langage pedestre comrne une création de
la tradition grammaticale. fondée sur une conceptlon denotative du
langage telle qu'il poumit dire le vrai. Hormis prédsément les exemples
de grammaire. comme Smates cWTLt ou The cat is on the mat. pemnne
n'a pu exhiber de texte en langage neutre, purement dénotatü. Tout texte
en effet releve d'un genre, e t par 1P d'un discours (juridique,
pédagcgique, etc.) qui r e t e par ses normes l'incidence de la pratlque
sociale ofi il prend place. Méme la violation des normes gmmmaticales,
telles qu'elles sont édictées par les linguistes, dépend des normes du
genre et du discours considéré.
Constitu€es par l'oubli origine1 de cet espace des normes, la
grammalre puis la linguistique négligent que les régles linguistiques
edifiées sur cet oubli partagent le statut des normes rhétoriques. Si l'on
convient que les langues sont des formations culturelles, les regles
llnguistiques et les régularités rhétorlques ne dtfferent que par leur degré
de prescriptivité, non par nature : elles tmuvent leur umité de nature
sinon de de@ dans i'espace des normes qui unit langue et parole (au
sens saussurien de ces termes).

Ontologie etfigures
Le souhait d'orthonymie, te1 que chaque mot indexerait sa chose,
hante notre tradition et parfois justifie i'existence des tropes par a la
disette des mots propres x : c'est par exemple ropinion de Cicéron, de
Vossius, de Rolb. de l'abbé Ducm : on retrouve aujourd'hui cette t h k
chez Lakoff et Johnson. Les mots ngurés deviement alors des mots
propres de remplacement et les tropes sont ainsi mis au service de
l'antique croyance que la langue est une nomenclature. Une fois établis
les mots propres, encore faut-il s'assurer de leur univoclté. Aind traverse
notre tradltion un grand rWe d'univocité que résume pour les Modernes
le fort principe de Sanctius : ünius uocis unim est sígn@aíio [un mot.
une et une seule signllicationl. 11 se heurte cependant a la multiplicité
des usages, et Dumarsais, dan8 une page cél6bre sur la catachrese, y
voit u n éloignement de la nature originelle et donc une source
d'irrégularités.
Rbbtotiqne et interprétation des figures 87

Les prindpes conjoints d'orthonymie et d'umvocité aumnt naturel-


lement une grande incidente sur la déñnition comme sur I'usage des
t~opes.ns serviront articuler les Werentes significations des mots :
certaines seront dites dérivées d'une signincatlon jugée irtitiale, par
métaphore, métonymie ou synecdoque ; on sauve ainsi un peu de
I'univocité altérée par la muitiplicité des significations. En sémantique
cognitive. les significations dites prototyPiques jouent aujourd'hui le
meme rBle (d.Rastiet 1991 : ch. VI).
La substance, c'est Pktre dans son essence (ousia).L'idée principale
ou sens propre refl& sa positivité. Corthonymie pm&e du caractere
dlscret de i'objet et I'univocité assure s a rep&jentation corre& par le
mot. Complémentairement, la thése que la signiilcation du mot reste
identique a elle-m&ne - sauf travestissement par une figure - -e
ou c o m e la permanente de I'essence. Créaons de I'essenWsme, les
mots propres et le langage pedestre assurent une fonction ontogonique :
ils assurent que le monde est bien un ensemble d'objets, puisqu'ils le
représentent
Les tropes d& lors ne peuvent que voiler, masquer, fardet, travestir.
ils seront jugés a leur m a n i k de dire. I ' h e . La force de la conception
réaliste du langage a été telle qu'ils ont touJours été déflnis par leur
m a n i k de représenter le réel - et non par leur fondion A I'egard des
formes textuelles.
Aux d@rents Spes de réalisme vont correspondre diverses affltudes
éthiques I'égard des figures. Pour les partisans &un réalisme
empirique, le langage est un moyen de représenter ce monde et les
tropes font obstacle a cette représentation. Pour les tenants d'un
réaiisme transcendant, le langage permet de dévder tant soit peu i'autre
monde et les tropes m d p e n t de ceüe entreprise de révélation voire de
reconduction. Selon que le mouvement de conversion qui défhit le trope
part de l'Etre, te1 qu'il est representé dans le sens propre. ou a u
contraire se dirige vers lui ; selon qu'il est immanent ou transcendant a
la nature représentée dans le sens naturel, le trope vaudra mensonge ou
révéiation. De nos jours, le positivisme logique, fort i d u e n t dans les
milleux iinguisbques par le biais de la philosophie analyllque, concede
simplement que le sens vériconditionnel est distinct du sens pragma-
tique ou rhétorique, postule qu'ils doivent etre étudiés séparément et que
seul le premier releve de la iinguistiquel. En manche, I'herméneutique
phénoménologique. en particuiier gace a Rimur, voit dans les Bgures.
et noiamment la métaphore, une r pmmotion du sens *.
Ces débats recelent des divergentes non seulement sur i'objet de la
connaissance, mais aussi sur les facultés de connaitre : dianoia ou
n&sis. Le sens literal et le langage pédestre s'adressent la raison ; le
sens figuré, le langage ailé. a l'intellect ou h e passionneue.
Enfin, les dsérences d'affltude a l'égard des figures mettent en jeu
des conceptions ditfffentes de la temporalite, ou plus précisément de
l'historialité. En tant que mouvement de conversion. le trope disjoint et
relie deux moments du temps ou deux @es du monde. Selon que le
premer moment est préféré au second, ou le second au premier, le trope
travestit ou dévnile, et nous éloigne ou rapproche du vrai.
Tous ces débats sont restes tributaires de l'ontologie et de la
conception insbumentale du langage. Ii convient donc de les dépasser
dans une d é - o n m .

La sémantique lenieale et les tropes


Comme le langage n'est par lui-méme pas plus capable de faux que
de vrai, la sémantique hguistique ne peut attlnner son autonomie qu'en
abandonnant d'une part le réalisme qui déñnit la signiíication comme
référence a un monde, empirique ou hanscendant. peu Importe ; d'autre
part les catégories subsidiaires du vmi et du faux, certes uüiistes en
logique. mais constitutivement métaphysiques. car elles supposent un
rapport fondateur entre les mots et les choses. Sorti de la colitude ou le
maintenait son face-i-face avec un référent fantasmatique. le mot n'a
plus aucune prééminence, ni m b e aucune autonomie. L e sigdlcation
lexicale, dépouillée des contextes qui permettent de la construire, se
réduit a un artefact normatif et les tropes ne peuvent véritablement étre
déñnis par rapport a d e .
Distinguons cependant entre sémie type et sémie occurrence, et
formulons provisoirement une définition qui maintienne la notion
traditionneiie de trope : il y a trope quand une sémie a;cwrence, au üeu
d'hériter par dkfaut tous ses traits sbmantiiues de la sémie type.
actunlise par prescrjpüons contextuelles au moins un s h e afférent (en
ms de propagation de hih)etfou subit une délétion d'au moúis un &me
inhérent [en m d'inhibiaonj.
4
Sémle iype

...-...-...- ...- ...- ...".

/'\:f
,,,-,,,....,,,, ,,,-.. ,,-,,, ..-...-...- "

Sémies-
occurrences

C0ntmt.e
.c) inhlbiiion 4-d4
Pm@m

F i g w e 1. Le impe dans le ropport en!% bdpe leximl et owirrence

N.B. : Drms le cas 2, I'occurrence est amfonue au type ; dans le cae 1. un ou


púlsieurs Semes sont uihibés par le mntexte :dan9 k cas S, un ou piusiwrs &me8
sont pmpagá, par le cantexte.

Ti-ols questlons restent en débat :


(i) Comme les types sont des reconstructions i partir des
occurrences, les signiAcations propres sont élaborées á partir des sens
contextuels, et notamment des sens tropiques : ainsi, la slgniflcation
propre est construite normativement par abstraction des sens
c o n ~ e i s dont
, les sena tropiques : dans cette mesure, d e est donc
d e - m h e dérivée...
(ii) Le statut des tropes reste a généraliser, bien au deli de la
catachrese : ih sont fort communs dans tous les genres ; sana doute
beaucoup d'entre eux ne sont pas idenüñés et n'ont pas recu de nom.
Par exemple, dans Fromage ou fromage blanc. lu au menu @un
restaurant, La premiére occurrence de 'fromageeest tropique, car le trait
/fermenté/ qui n'appartient pas au type, se trouve actualisé par
dissimiiation contextuelle.
(iü)Eníin, ii faut élaborer une typologie des paroou18 interprétatifc
qui en fonction de contmintes et de Ucences wntextuelles prescrivent ou
Miibent des actuallsations. ou encore modiilent le relief relatif des
s b e s au sein des s W e s occurrences (d.Rastia UW)lbl.
sap aaaIa1 uo ',am?xel amam un,p Inap?+u!,l e saulemop aqua
sanbvoqdq?m suopamioa ap sed ?uamwpw e ñ.u n.S '(0002 : M y a
: 1661 1 3 4 s ~ p)$uamam.w no 'saasvop sulom saI slaa (suooUorod)
saas!Iolen salmas sap luoa ~ n b slnoaled sap l u a n a m a d sarmas
w u a SabRW!@nb sa~l~eE!?ul sal 'amauq amam un.p ulas nv (~II)
.ala 'sam sap
' s p r e ~ p o qsap 'sanuane sap ~ s u p3uaRuoU sm ap saru sap a.wnuue.1
la 'aran ap apos aun.nb saron sap alqurasuaj uaxq lssne ~ n o au8:sap l
.anl, 'saureqln uowanrnumioa ap sa~onsap amaxq al suep 'aldmaw
mi : sanb!&m?B sro1dma.p salqnbsns ?uamar?w~sedJUOS - s p o p
uou s a w s s q 'anbmuodñq ' a m u o u suas q mrep : anbMuo-q
aJlp Jsa u o ~ e el p ~'lummoploqns ne ?urn>pIoqnsna 'sanbmuma1q
mon- sap arnwsul asnlau! +sa q a ?o a v x q al aunuouap !nb anaa Ja
a p a s aun anua uowIa1 ua a m q ' a m o p amam un.p was nv (n)
.(. aSn un
. a m m xnol8C r .p ',a~3~). ~ d/xnopr/
) 3a (r uon un aumioa xna%rnou n
uolssardxa.[ .33 ' . u o ~ ,led) /xnaE!e~noa/: S?I?JJE ~ u o ssanbgpads
q!~qxnap : .leni%$. uonq!wsse led a g a l ua s!m lsa /u(ea~.~ure
p n s / anbgpads l!eq un : /?~lu:~?j/7a /allIemjue/ ~ u o ssarane
~ u o sm1 mb sanbvaua4 qm sal '&u un e ?a uon un y 'm&[ un e
~ u a m a 4 s s ~ u nwdmoa
s lsa sooueC~luouol.~
ap saluoly FmaH uomq al q a g
avmoa suep aldmaxa led puene .aiueredmm armas e[ ap q m d
E s a a d o ~ dano& 'uour?nupsse md jal[ar ua slm ~ u o sa?ledmoa armas
81 ap sanbgpads q w q sap 'uyig .sa~oydqamsap aamuanuoa q ms
qeq?p sal s m p sper salnxqp 'uouenpwp ap no awenpw uouomard
ap slaaa sal ~ 0 . p's?aedo~dluama~eE!?)uos juilledmoa uorsuamlp
no aulemop nz sa~uajjesjnenle- q l e q s q 'sluaI?p sanblqua8
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s ~ n m saa d Juasslugap salupquoa la suondwasard sananb 'mama1
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Juamtuos : n
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uonaej e ?a anbpal np ampnqs q sadoq sal la;)loddei v llnpuou el=
'appral a n b u q ua ! suas np uoguqsuoa ap suoue.qdo sal amaap
suopualua snou 'sadw sap a w o m anamou aun a a q anb +mnId
Rbetoriqne et interprétation des figures 91

connexions entre dimensions : par exemple, pour comprendre Ceite


jmhette est un wuteau, on o@ une dissimiiation entre univers, c'est-
a-dire entre dimensions modales ('fourchette' /unlversl/ vs 'cwteau'
/univeq/. wrrelée a la dlssimüation /destination/ os /usage/).
(iv) Considérons enfin les relations en& &mes a u sein d'une sémie.
A la lexicaiisation d'un de ses semes peuvent s'associer par afférence
d'autres s b e s de la meme &de. Par exemple. Moloniste' comprend le
h i t /violon/, mais Molon'. qui lexicallse ce h i t . peut recevoir les traits
/humain/ et Iergaüfl (au lieu de /instrumental/). L'afférence s'est alors
propagée de l'lnstmmental B l'ergatif : on passe de I'instrument a
i'instrumentiste. Ce type d'afférence rend compte de phénomenes
généralement classés parmi les métonymies.
Ces quatre parcours élérnentaires. décrits id en synchronie, trouvent
des corrélats en diachronie ; par exemple. le trait /humain/, atférent a
'ouailles' en ancien francais, est devenu inhérent en fran- moderne.
Les parcours élémentaires reposent sans doute sur des opérations
fondamentales, comme la dissimilation et I'assimilation, qul Jouent
assurément un grand d e en perception sémantique (d.Rastier 1991 :
ch.vm).
Les relations contextuellea sont determinantes, cm les acceptions
considérées comme des m e s demeurent des reconstructions normatives
et aucun de leura traits sémantiques n'est actualid dans toutes les
occurrences. Ainsi, dans Madeleine Féd (Zola): Guiiiaume était la
femme dans le ménage. I'étre faiile qui obéit N : ii est clair que dans cette
occurrence le trait definitoire /sexe fémininl pour 'femme' n'est pas
actualisé.
.
Une lexie n'a donc pas de a référent siable qui permeiirait de lui
attribuer un type sémantique : loin de refléter une substance, son
signifié n'est qu'un groupement historique, transitoire, d'accidents,
indéfiniment remanié par le contexte. Aussi les semes inhérents et
afférents diñerent par les parcours interprétaüfs qui lea actualtsent et
non par le statut ontologique de leurs référents prétendus. AJbrtforl, les
iropes se disünguent seulement du ou dea sais littéraux par le degré
de complexité des parcoura inteqrétaüís qui pennettent de passer de
i ' o c c m c e au type supposé.
Parmi les conditions des parcours interpréiaüís. on distingue les
wdüions -S, qui se rapportent au discours. au genre du
texte et a la situation de la communication. qu'elle soit directe ou
difíérée ; enñn, les Interprétants qu'elles permettront d'appréhender
wmme tels. Les wndiiions heméneutiques restent prééminentes. Par
exemple, a la ledure de mférences fondantes, on peut écarter l'irnage
de symposiums attendris, voire de séminaires lasclfs : sl ces mots sont
écrits B la craie sur une ardoise au dessus de l'étal d'un fruitier, cela
sufAt a determiner leur acception et conclure que fondonies ne reléve
pas d'un trope. Si en revanche je vous annoncais une histoire drble,
vous seria pr6t a toutes les syllepses. Ces déterminations du local par le
global, et notamment les normes dn genre, onwent bien entendu la
dimension textueüe.

Pour une sémantique interprétative des tropes


lndlce supplémentaire que la rhétorique s'est grammaticalisée, bien
des auteurs esüment que l'identification des tropes va de soi et qu'une
métonymie ou une antithese se reconnaissent comme un pronom ou une
préposition ; c o m e sonvent, atomisme et positivisme vont ici de pair.
Avant de questionner leur interprétaiion, 11 faut restituer la dimension
textueiie des figures. C o m e la grammaticalisation de la rhétorique
contient pour I'essentiel les tropes dans I'espace de la phrase et les
6gures non-tropes dans celui du paragraphe, quand les grammalriens
citent et commentent des textes, ils ne procédent pas comme les
rhétoríciens. la comparaison des traités de Gracián et de Dumarsais
autorise un parailele arüficiel mais édifiant, tant par le nombre et la
qualité des textes étudiés que par le statut du palier textuel : Dumarsais
et la plupart de ses successeurs ont éindé la dimension textuelie ou se
déploient les tropes et le probleme fort délicat de la composition des
figmts ; en revanche Gracián en traite sous le nom d'acuité (agudeza]
composéeJ.
Une sémantique interprétative peut restituer la dimension t e d u d e
des tropes, et reconsidérer ces n figures de signification comme des
a figures de sens s. en d'autres termes, des moments singuliers de
parwurs interprétatifs. EUe rencontre alors une série de quesiions
d'importance missante.

Identijer les iropes


Comment idenofier les Rgures san8 interprétant codifié et reconnu
wmme te1 ? henons l'exemple inéxitable de la métaphore.
Pour la métaphore in praesentia, c'est la disparate des domaines ou
des dimensions qui est l'interprétant Si dans le wntexte une isotopie
Rhétorique et interp~étaliondes figures 93

générique est dominante, le sémeme indexe sur cette isotopie sera


comparé, et i'autre comparant. Par exemple, dans Soleil cou coupé
(Apolünaire, Zone, dernier vers) 'soleii' est comparé parce qu'il est
isotope, dans le contexte. avec 'dormir', l e maün'. etc. A defaut dlsotopie
génkrique dominante, le syntagme contradictoire ne sera plus qu'une
sorte d'oxymore. F'récisons bien que I'isotopie dominante, meme
comparée, n'est pas le sens Iittéral, car elle n'est pas donnée, mais
construite, et peut varier avec les moments du texte. L'isotopie
comparante d B r e généralement de l'isotopie dominante, mais cette
difitrence n'est pas un écart, encore moins une déviation. TeUe unit&
sémantlque comparée un endroit d'un texte pourrait devenir
comparante a un autre : par exemple, dans Magnitud0 parui (Hugo,
Conteqlations). ange au regard de femme inverse l'orientation méta-
phorique du cliché femme au regard d'ange en faisant de la femme un
ange superlatif. L'incompatibilité ou simplement l'allotopie entre deux
syntagmes n'entrajne pas que I'un soit déviant et l'autre non : quand eiie
impose ou suppose une dissimilation d'isotopies génériques, elles
peuvent contracter des relations de dorninance et/ou de hihrchie. Ce
qu'on appelle le sens Uttéral correspondrait alors, imparfaitement, a
I'isotopie générique dominante quand elie est sous-évaluée relathrement
a l'isotopie dominée.
1-Sdeflmumupe
lsotopie comparante : 'cou mpé'

Isotopie comparee : 'ange'

Quant a la métaphore dite fn absentia, elle instaure une wnnexion


symbolique qui doit etre idenüíiée par des conjectures wnwrdantes sur
le discours, le type de l'ceume, le genre du texte, la hikrarchisation
idiolectale des isotopies. Par exemple, dans la premiére strophe de Fete
de la paiw Holderlin b i t : * En belle ordonnance, somptueuse rangée, /
94 Franpis Rastier

Sur les c6tés ici et la s'étageant audessus / Du sol aplani les tables
[Tischel * (trad. Bollack et d.)'. Au cours de la controvase élevée pour
étabiir si la description de cette salle de banquet éiait une méiaphore du
monde dMn, Smndi a détaülé, en s'appuyant sur d'autres p&mes. a
quelles conditions l'on pouvait b e 'montagnes' dans cette occurrence de
Yables' [TischeJ (cf. 1982 : 16-19) : en fait, a partir d'une certaine date, il
n'y a plus de métaphore de cette sorte dans la poésie de Holderiin, pace
que le monde hurnain et le monde divin n'y sont plus séparés.
Enfin. comment identiner les relations métaphoriques longue
dlstance 7 Dans l'Herodias de Flaubert. nos hypotheses sur les
connexions métaphoriques entre la citadelle de Machsrous et la tete de
saint Jean, dont les descriptions sont séparées par toute l'étendue du
texte, n'ont pu ttre corroborées que par la lecture ultérieure des
brouiilons (6. 1992 a). L'acte herméneutique consistant a sélectionner
des passages p d & l e s doit bien entendu etre problématisé : ainsi, nous
avons dú rappmcher, dans la description du Temple de Jémsdem : r Le
soleil faisait resplendir ses murailles de marbre blanc 9 , et des
gouttelettes a son front semblaient une vapeur sur du marbre blanc B
dans la description de la danse de Salomé a la fin du conte. Un
interprétant se trowe dans les brodions, au P 403 : Hérodiade. arrétée
sur les rnains a la i h de sa danse, attend sa récompense, * un peu de
sueur sur ses tempes comme de la rosée sur un marbre blanc t. On note
la paronomase temple / tempes (cf. Rastler 1997a). Ainsi les deux
édiRces initiaux, la citadelle conique et sombre de Machaerous et le
temple cubique et éclatant de Jérusalem, correspondent-ils respec-
tivement au Précurseur et a Hérodiade.
Comme dans tout texte le global détermine le local, méme des
figures réputées simples comme l'antithtse dépendent a l'évidence de
classes sémantiques qui peuvent ttre idiolectales, ou tout simplement
rester implicites. La reconstmction de ces classes est dors nécessalre
pour identifier la figure. Par exemple, dans le syntagme rampante
m y s W qui pour Gracq décrlt le silence des villes flamandes, discemer
I'antithése suppose de recourir a la topique de l'ascension.
En outre, le genre instaure un contmt interpréiatif, si bien que les
régimes d'identification et de constniction des tropes different avec les
genres. Par exemple, dans les genres merveffleux,on ne trouve g u h de
métaphores : en elfet dans les mondes qu'ils construisent, tout devient
pour ainsi dire littérai. et par exemple, dans le conte mwefflew, des
bottes de sept lieues n'ont rien d'hyperbolique et permettent de franchir
Littéraiement cette respectable mais désuete distante.
Rhétorique et interprétation des figures 95

Formes etfonds sémantiques


Nous avons présenté plus haut la conception traditionnelle qui fait
du trope u n rapport déviant entre type et occurrence. Nous lui
opposerons .i présent une autre conception. qui fait du trope u n
parcours entre formes et/ou fonds sémantiques.
La distinction cicéronienne entre translatw et rnutatw. transposée
par Jakobson dans l'opposition entre métaphore et métonymie5, peut
servir de point de départ a une réflexion sur les tropes dans leurs
rapport aux formes et aw fonds sémantiques. tels qu'ils font I'ohjet de la
perception sémantique.
Participant a la construction interprétative de formes sémantiques
comme les molécules sémiques, les figures sont peques relativement a
des fonds sémantiques, dont les mieux décrits sont les isotopies
génériques. On ne saurait les détacher de ces fonds, meme si. comme le
suggérait jadis le Groupe p. I'écart peut etre redéfmi comme une
allotopie. En admettant le caractere perceptif du traitement sémantique,
on admet la fonction constituante du contexte, c o n p d'abord comme
fond : le rapport énigmatique du littéral a u figuré se transpose dans
celui qui unit les formes aux fonds constitues par des récurrences
systématiques de semes génériques. Les figures sont alors des moyens
de constmire ces formes et de les relier a ces fonds.
Prenons pour exemple cet aphorisme de Char (1983 : 383) : Luire et
s'élancer -prompt wuteau, lente étoile.

x
Luire et s'élancer -

lnhibition :
AcUvation :
-
prompt niuteau

-
lente étoile

Figure 3. Acüxation et inhibition contextueiies de irait5

Détaillons un parcours interprétatit Cantonymie entre 'prompt' et


'lente' oppose les deux derniers syntagmes. Le trait /ponctuel/ commun
a 'prompt' et 's'élancer' conduit par analogie a actualiser /duratif/ non
seulement dans 'lente' mais dans 'lulre'. Dans un rythme sémantique
AB, BB, AA, les deux faisceaux d'isotopies spécifiques A (/&leste/,
96 Frangois Rastier

/duratif/) et B (/terrestre/, /ponctuel/l composent deux "fonds"


sémantiques en relation antithétique. Les molécules sémiques
(/lenteur/, /objet résultatiff) e t (/vitesse/, /instrumental/) s'y
détachent comme formes. Une connexion thématique métaphorique
entre ces deux molécules est assurée par le trait /luminosité/ : une
connexion dialectique, par l'antique croyance qni voulait que les étoiles
fussent des tmus pratiqués au couteau dans la toile du ciel lcf. chez
Baudelaire, la rime étoiles / toües dans Obsession).
'Luire' comporte tantot le trait /duratX/ tant6t le trait /ponctuel/,
tous deux répertoriés dans les dictionnaires, sans différence d'acception.
Ici, la relation antithétique entre 'luire' et 's'élancer', pourtant
imprévisible hors contexte, permet d'actualiser dans 'luire' le trait
/duratif/. preuve que i'actualisation de traits inhérents peut étre
i'abontissement de parcours tropiqnes. Dans cet exemple cependant, on
ne parvient pas i l'univocité, car le et qui unit luire et s'élancer est
I'interprétant d'une sorte d'hypallage, qni permet de reconnaitre,
conformément a la topique littéraire, la lueur du couteau et le
mouvement des étoiles. et, aíiusivement, la bri6veté de i'aphorisme et la
pérennite de la poésie. Ainsi, le 'prompt couteau', qui appartient a ce
monde, atteint-il la 'lente étoile' qui symholise l'autre, et revet ainsi la
fonction médiatrice de l'acte poétique.
Dans cette conception qui privilégie la construction de formes
sémantiques (morphosémantique), les tropes sont des moments
remarquables des parcours interprétatifs ; les plus discutés
correspondent sans doute i des points critiques.
Ils assument alors quatre fonctions générales, selon qu'ils modiñent
les fonds sémantiques, les formes sémantiques ou les relations entre
formes et fonds :
(i) Rupture de fonds sémantiques (allotopies)et connexion de fonds
sémantiques (polyisotopiesgénériques).
[u] Rupture ou modiñcation de formes sémantiques : si on les décrit
comme des molécules sémiques, ces transformations s'opérent par
addition ou délétion de traits sémantiques.
(iii) Modification réciproqne de formes sémantiques par allotoples
spécifiques (antitheses) ou métathéses sémantiques [ex. l'hypallage).
(iv) Modification des rapports entre formes et fonds : toute
transposition d'une forme sur un autre fond modifie cette forme, d'ou
par exemple les remaniements sérniques induits par les métaphores.
Rhbtonque et interprétation des figures

Fondl -,-,-,-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.-.
formeslfond

Forme 1
ú- axe des ~ ~ r p h i s m e s

axe des trancpositions


t
Formes 2 :
-.
Fond2 J
-.-.-a-

Figure 4. M4tMiorphismes et transpositmns


L'exemple de transposition le plus fflustre reste la métaphore, mais
par exemple une syliepse ou une antanaclase. si le contexte y conduit,
peuvent en articuler également. La métonymie, qui est une classe de
transformations plutot qu'une figure, est un exemple de métamor-
phisme. Au demeurant, une meme figure peut entrainer divers effets,
métamorphismes ou transpositions.
En outre, les parcours entre fonds ou entre formes ne sont pas des
passages d'un fond a un autre, ou &une forme a une autre . dans
I'hypothese de la perception sémantique, ils s'apparentent la
perception de formes ambigués ; ainsi, une métaphore fait percevoir
simultanément deux fonds sémantiques (d'ou i'effet anagogique qui lui
es1 souvent attibué) ; une hypallage fait percevou simultanément deux
formes ou deux parties de formes, dans une ambiguité qui rappeile les
classiques illusions visuelies du canard-lapm ou de la duégne-ingénue.

Enfin, ce probleme a ma connaissance n'a guére été posé depuis


Longin" des figures sont groupées ou associées en mnssifs. Certaines
Sgures sont propres icertains discours et a certains genres. Chypallage,
dans notre tradition. se rencontre dans le discours littéraire, et
généralement en poésie lyrique. Mais ce cas n'est point isolé.
Chaque figure releve d'un type d'impression référentielie que Pon
peut appeler esthésie. Par exemple, en étudiant les formes du réalisme
transcendant en httérature. nous avons remarqué l'association fréquente
de Toxynore, de I'adynaton, de l'hypaüage, de I'antithese. S'y ajoutent
par exemple, dans L'union übre de Breton, la syllepse, le zeugma, la
paronomase. Toutes ces figures ont en commun d'aíúonter, soit par
conjonction. solt par disjonction. des u ~ t é sémantiques
s diversement
opposées. En rompant notamment les isotopies génériques. elle
parücipent a la destrudion de I'impression de référence empinque et
favorisent l'impression de référence au transcendant que recherche
traditionneliement notre poésie lpque, au moins jusqu'au surréalisme
(cf. Rastier 1992b & 1998b).
On peut estimer que chaque esthésie comprend un inventaire
général de relations et de mutations qu'artlculent les associations de
lmpes priviiégih par une épcque.

Bref, les tropes ne peuvent étre compns que rapportés i leurs


conditions génétiques, i leurs effets mimétiques et leur fonction
herméneutique. Dés que l'on quitte l'ontologie pour la pmxéologie. les
formes sémantlques ne sont plus réitlées dans des significations et
deviennent des moments stabilisés de processus productifs et
interprétatiís. Les tropes, contours cdiiques de ces formes et relations
typlques entre elles, constituent un répertoire des ductus qui édi6ent les
formes, les font évoluer et les démembrent Loin donc de se rédujre des
ornements qui travestissent un corps ontologique deja donne par la
signiacation, les tropes sont un moyen de la produire et de Pinterpréter.
Des lo-, il ne se surimposent pas B la s&niíication, mais la consutuent
et l'organisent au paiier phrastique, la transposent au palíer textuel. et
la transfo~l~lentainsl en sens.
11s varient selon les cultures, les langues et les traditions. Par
exemple. dans la tradition hellénique puis chrétieme, qui ne s'est pas
départie d'un ontologie dualiste, la métaphore doit ses privileges
exorbitants au fait qu'elle est utilisée pour relier les deux regnes de
I'etre. En revanche, dans la tradition japonaise, dominée par le
bouddhisme. pensée non duaiiste et dont l'onblogie reste toute négative,
la métaphore est rarissime - b u t c o m e d'allleurs la personniñcation
des objets au forces naturelies. En particuller dans les haikus, elle le
cede au jeu de mot, qui n'a Mdemment rien de son cara&re hiératique.
RhCtorique et interpr6trtion des figures 99

Certains tropes complexes supposent sans doute des langues


écrites. Leur inventaire n'est aucunement achevé, et l'entreprise du
Groupe p de refonder systématiquement la tropologie sur des crieres
hguistiques mérlterait d'etre poursuMe. Une tropologie sémlotiquement
reíondée aurait certainement une grande por& anthropologique. Par
exemple. les mythes ne se réduisent pas a des structures narratives
descriptibles comme des séries d'evénements : 11s articulent des
banspositions, des ~tomorphismesqui con-ent et conditionnent
ce que Ricoeur nomme l'intelligence narrative, et. du palier du mot 5
celui du texte, rendent compte des transformations th6matiques,
dialediques et diaiogiques.

S'fl est bien nécessaire de rhétoriser la linguistique, la simple


lrnportation de concepts et de catégories hérités de la rhétorique n l
sufílt pas. Au lieu de réduire la rhétorique a ce que la morphosyntaxe
peut tolérer et d'uüliser les tropes comme des catégories desaiptives non
autrement anaíysées. 11 importe de développer une semantlque lacale
contextueiie en Parücuiant a une sémantique des textes.
Cela exige un approfondissement épistémologique. Or, la rhétorique
a été écartée par les programmes sdentistes : ses objectifs ne pouvaient
passer pour des objets scientiñques et son caractere de technique la
disméditait sur le plan épistémologique.
Souiignée par l'incapacité de la problématique logtco-grammaticale a
en tenir compte. la variabilité irréductible des faits linguistiques engage
A une reconception de l'activité de langage. qui prolongerait dans
L'interprétation la problématique du langage comme energeia [de
Humboldt a Coseriu). Qu'en est-il en effet du versant interprétatlf de
cette activité 7 Dans tous les cas, le probléme de I'interprétation des
textes et l'analyse rhétorique restent disJoints, car de longue date
herméneutique et rhétorique se sont développées selon des voies
divergentes, bien que de grands auteurs, de saint Augustin a
Schleiennacher, aient souligné leur complémeniarité.
Aussi. pour préciser i'articulation entre la rhétorique et l'hermé-
neutique. nous avons choisi d'aborder le problñne de l'interprétation des
iropes. 11 nous a fallu d'abord restituer leur dimension textuelle, puis
évoquer leurs rapports aux genres, aux discours, en tant qu'ils
déterminent les projets énondatifs et les m e s herméneutiques. Mais
11 faudrait encore détailler comment les tropes participent de la
eonstruction des formes textuelles, des rapports entre formes, des
100 Fran~oisRastier

rapports entre fonds e t formes.


Notre p r o g r a m m e va d o n c d e s p r o b l e m e s de la p e r c e p t i o n
sémantique a ceux d e l a transmission culturelle. 11 place la redécouvelte
d e s phénomenes rhétoriques au centre d e la mutation epistémologique
d e s scienres d u langage. pour promouvoir, en lieu e t place d e la tradltion
ontologique, u n e conception praxéologique du langage, nécessaire pour
répondre a u x nouveaux besoins sociaux d o n t témoignent a leur rnaniere
les sciences de l'information et d e la communication.

N.B. : C e t t e é t u d e e m p r u n t e l i b r e m e n t a d e s p u b l i c a t i o n s
antérieures, notamment Rastier 2001a.J'ai plaisir a remercier d e l e u s
observations plusieurs participants d u D e u i e m e congr6s intemational
d e rhétorique a Mexico.

Notes
1 Le premier intCresse les phrases. le second les énoncés. La linguistique n'etudierait
que les phrases lselon Sperber 1975 : 388). On retrowe chez Ducrot une diiícion
anaiogue entre wmposant Iing&tQue et mmposant rhéto-.
2 Par exemple Ce cerisier est un pommfer ne pcut supposer qu'une dissimilntion
d'univers ; le contre-exemple de Kleiber Ce prunier est un bnobnb montre
simplement que 'pnuiier' et 'baobab' n'appartiennent pas au meme t&me.
3 11 lui consacre le second lime de son traite. ou il pose clairement le pnncipe
rhétorique let hermeneuüquel de la détermination du local par le global : <Letout.
autant dans la composition physique que dans P d c i e u s e . est la part la plus
noble et. meme si sa perfection repose sur celle des parties, il ajoute a celle des
unes et des autres ceUe qui est essenoelle, leurharmonieuse union ,11983 : 1821.
4 Les vera cltés sont les vers 5 c i 8. La traduction de Jean Bollack et al. est donnée
dan8 Szondi 1991 : 190. Voici la premiere strophe du texte original :
r Fridensfeier. - Der húiimlischen. sUU wiederklingenden, / Der ruhigwandeln

TBne voll. / Und geltrftet ist des altgebaute. / Seeliggewahnte Saal : um @me
TeoDiche duftet / Die Freudenwolk' und weithinel-end stehn. / Gereifsteter
g i ; l i i ~ .vull tut<lgoldkdmlrr Kelche. / ~ohlanyrh;drriet.elnr prachtiqe Rehe. /
-
Zur Seitr dii und dari aufsi~~cend ,
iihcr dciii/ üei.liiietrti Hoden dlensciie. Dciin
ferne komrnend haben / Hieher. zur Abendstunde. / Sicti iiebende Gaste
beschieden 2 (Hólderlin 1943 :111 5331.

.
5 Dans l'orator, Ciceron propose une bipartition des ornements du disconrs en
tmnslatio et muiaflo : Comme d'étoiles. le discours est o m é de mots transpods ou
échangés. Par transposés, j'entends comme a I'ordinaire ceux qui par ressemblance
sont pris. pour I'agrément ou par besoln. d%ie autre ehose. Par éclianges, ceux
qui a la place du mot propre sont pris avec la meme signüicatlon d'une autre chose
qui suit par voie de mnséquence S (527).
6 Traite du Subltrne : XX. 1 : Le concours des figures vers un meme point met
S
Rhétorique et interprétation des figures

om e n t en branle. de la maniere la plus forte, l a passions, quand deux ou


m i s de ces Bmires.
- méléee c o m e en wmnmrie lassodaflonl, se préient les unes
aux autres fom. pemuasion. beaut.5 8 .

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La rhétorique de la perception
Recherche de mbthode

G6ran Sonesson

Tout en s'enracinant dans la perception, la rhétorique produit des


rejetons se situant au-dedans de la société, laquelle en change la nature.
Prenant ses appuis dans la normaiité, la rhétorique passe aussi par la
normativité. Elle a donc partie liée avec une sémiotique de la
quotidienneté. Elle releve de la sédotique des transformations, et non
de celle des combinaisons. M& ses opérations ne sont pas simples :
l'absence d'un élément appelle la présence d'un autre, et vice-versa.
Telie queje i'ai présentée aüleurs, la rhétorique visueiie est néces-
sairement pluridimensionneiie (cf. Sonesson 1996b. c, 1997a, 2001b, a
paraitre b) : on produit du sens en allant contre les attentes. non
seuiement en ce qui concerne la continuité et l'organisation hiérmhique
du monde perceptif, mais aussi quant au taux de ressemblance entre les
conügurations et I'écheUe de flctionnalité des repréaentations, ainsi que
du point de vue de la classfication des signes picturaw eux-mhes.
Dans le premier cas, les parties dont le monde percu est composé se
présentent danc une dismbution peu habitueue. Dans le deuxihe cas,
les unites +riment€es ne sont pas, comme a i'accoutumée, clairement
démarquées entre elles. ou au contraire, leur séparation va tout au bout
de la contradiction, formant des oxymores visuels (6. Sonesson 199613).
Quant a la troisiéme dimension, elle suppose que les Ctagements de la
signification a l'intérieur de signes vont bien au-dela de ce que i'on
attend. Finalement, en créant une confusion ou une inversion des
e[ uo~auorslpq aauasqe,~y aauasa~dq presoddo saqmqq sa~dnm
xnap sap ~ a p - n e: apqan anbpo~aq~ q m s ~ m o (0~61) d ti adnoig
np alnaw?+ue aanm,I s m p ?ua!esspmd saqepaa ~ u o p'salnFJu sap
aseq -e[ y 3uos !nb suogel#o sal laraqg 1ssn-e?nq a 'amrou ap ~daauoa
a1 1-qa.r ap ~ r r e s y sed
~ s ezas au '~uepuada~ ' d a i d uom mod
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qq? s~naxsn~d led a ~ ~ e m e[ o Bu a ~ p u ~ q~ oapuassed uo '?JW u 3
' ~ a g r n w dla--olms namsuaqq un.p ups ne u o p s a m o s snoN
7!.oeaid no ws?p ?sa p ~ ba:, e uogqar ua,nb 'sqlp +uamasdaids p a e
xne p o d d e ~md l u q sed uou - ~ l u ~ as a parnldru e1 'aqenb e sfoq
suorsuarmp sal suep J n o p s wnoqas as ~ n b'7uaurom pumas un sma
'supumq s a q sq sno3 e unmurm ]]anun un,p suas a1 suep 'aw Iq
ap apuom a[ s m p s a m o s snoN 'aauapw alno? ap auwopeid ?~l[maiou
q 'uogdaxad q ap s+~dsn[d al jsa !nb mla3 ' s d w lalma~dun suea
L ?lpuuou q ap no ?JI~~EUIIOU e1 ap ana-J-aqar auuou q : amalqard
un puas-d as 6101 saa YWIJ.XOU ap uo!ssaBsueq q mi assed suas ap
umnpaid q lanbal uolas adpwd a[ suaoar a[ &apqiaAanbuo~aq~
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ei~ sal auu0pueqe.r 'aIlans!h anb!lolmas
e[ m s quaaar s n ~ dx n e ~ e qsas suep ti adnois np ~-e?su!,~ v
. a @ o ~ aq m~uanaddesaqdosomd sa1 anb aa ap ? ~ ~ ~ ~ q , [
laq:,olddel ap alrln ezas 11 'aln e1 ap apuom a1 s u ~ auamafau p
anbvoiaqs el ianl!s lnod 'anb al!ns el md q o suolp ~ SnoN '(ZEI 'd
axauue noA) (sarpd xne $no? np uooqa~el) aiwoJag q P ?3xn%o3
el aaraauoa ~ n b'aIaa!xapul sznanp aaladdi, uolsuauqp el 'nag $ua!l
ua mb no 'rl adno19 np anbvaaq~q y s n ~ dal aIqTUaSsas jnb uojsuauqp
e[ ap anb p! w a l ~ e dau al 'sqomueaN .,smurnq saq2 sap mp18oa
am@s a[ m s ?a uogdaasd q m s a n b p m q ~q lapuoj ap amuamepuoj
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sap luamanaguassa p ~ appom d a:, 'sn~du3 magaqua $a3 ap 3p1paid
a1 auop IUOS suo!suaq arpnb sal 'luamanbn3ama ' ( ~ 6 uossaug) 6 ~
vmowaS suep anqnd npual -03 un led )uR,uaunnm ua '~ adn013
a1 3ane -uue,p arqmou upqxaa ua smdap awm a[ anb uojssnasrp aun,p
au 3% uogmndxa.p amgsñs a 3 ,samsa3gu p o s swom ni, suolsuawp
aqenb saa 'allansln anb!lo$?q~e[ ap ~enbapea~apomun suea
.sau@s ap amgsds
ne samapaxw suoge[al sap $uamap8? s w 'w![oqmbe1 ap '?zaruoa!j
ap 'alrIea!xapu!,l ap analal anbpo?aq~el anb '~usl~!1dmtsua 'aitp
l l m o d u 0 'anbpo@q~ e1 ap aroaua gnpold uo ,sau@sap s a ~ 3 n 3 ~ m d
saaadsa sap auruio:, saai?plsuoa 'samam-salla sa%ml sap savo8alea
La rhbtotiqoe de la perception 105

conjonction, dont se sert le Groupe p (1992) dans les publications


récentes, nous allons retrouver i'addition, la suppression, la
substitution, la permutation, I'augmentation et la diminution. A mon
avls, ces retrouvailies vont nous permettre de déxelopper une rhétorique
plus proche de i'expWence perceptive de la vie quotidienne, nourrle en
méme temps des contributions récentes de la psychologie de la
perception ainsi que de la psychologie cognitive. C'est ce que nous aiions
voir en détail par la suite.

Le modele p dans le c e d e hem6neutique - ses lacunes et ses cases


trop pleines
il importe d'abord de se demander quelles sont les raisons pour ne
pas se contenter du modele développé par le Groupe p te1 qu'fl apparaít
actuellement. Le présent auteur est depuis longtemps I'un des
a compagnons de route r le mieux dlsposé a l'égad du Gmupe p : do=
qu'a I'origine je me suis inspiré des prenuers articles sur la métaphore
visuene n (cf. par exemple Groupe p 1976), reprenant l'anaiyse de la
chafetiere 8 dans des termes indexicaux fondés sur une phénoménologie
de la perception [Sonesson 1989a ; 19901, j'ai ensuite salué dans le
'lirrlte du signe visuel (Groupe p 1992) une contribution de tout premier
ordre a la sémiotique des Images (Sonesson 1996a), au point d'oublier
les bases quej'étais alié chercher naguere dans l'indexicaiité.
Mais les doutes se sont présentés aussitot : a la dimension des
conjonctions et disjonctions qui sont présentes ou ahsentes, il faiiait
ajouter une S oxymorologie génémlisée x (devenue ensuite ma deuxieme
dimension ; cf. Sonesson 199%). voire substituer des axes conünus au
disconünu de I'anaiyse structurale. Mais ces notes en marges du pmjet
du Groupe p proviennent en réalité d'un malaise plus profond, d'autant
plus grand queje partage avec le Groupe p * un mtain cognitMsme as,
allié a un gmnd respect pour les apports de l'anaiyse structurale, ainsi
que la conviction qu'il faut fonder i'analyse rhétorique dans la
pxception, informée par la vle sociale.
On a dit que le modle esquissé par le Groupe p est trop puissant -
m a s je p a s e au contraire qu'il ne I'est pas assez. Pour le voir. il faut
d'abord préciser ce que nous entendons ici par mod2ie : c'est la griile
d é m e par une méthode. Dans cette optique, une méthode peut &tre
ddilnie comme un ensemble de procédés ou d'opérations applicables aux
phénomenes p e w s , et dont la mise en pratique transforme ces derniers
106 G6ran Sonesson

en objets étudiés, manipulés en w e de formuler des généralisations sur


l'objet d'étude. Dans la sémiotique, I'objet d'étude est la signification.
dont l'image est l'une des especes. Les objets étudiés peuvent etre des
significations concretes, par exemple des images, mais i1 est également
possible qu'ils soient autre chose, par exemple des intuitions. Le modele
sert de médiation entre les objets étudiés et l'objet d'étude4.
Dans la sémiotique actuelle. il existe au moins quatre méthodes
différentes. D'abord, il y a i'analyse des textes, dans laquelle il s'agit de
decrire, de maniere exhaustive et d'un point de vue particulier que l'on
se donne dans le cas concret, une image. ou une suite d'images,
permettant d'extmire de i'analyse un modele qui peut etre appliqué aux
autres images. C'est la méthode la plus commune, qui apparait, dans la
sémiotique de l'image, chez Floch, Thürlemann. Saint-Martin. etc. Dans
l'analyse du systeme, le chercheur. guidé par son intuition de membre
de la communauté humaine, détermine quels concepts sont susceptibles
de se combiner, ainsi que les limites de la Mnation permise l'intérieur
de chaque concept. On trouve cette méthode chez les disciples de Peirce
mais aussi. en partie. chez Eco. La méthode ewpérimentab a aussi été
utilisée dans la sémiotique. surtout dans l'étude des images, notamrnent

-
dans les travaux de Tardy, Lindekens. Krampen et Espe. Dans ce cas, on
construit un texte d c i e l qui doit eusuite etre évalué par rapport au
systeme ou complété par un texte créé par le sujet expérimental.
En discutant allleurs les méthodes de la sémiotique des images (cf.
Sonesson 1992~1,j'ai été amené a faire une part spéciale a l'analyse
classiflcatoire, représentée surtout par le Groupe p : elle combine le
caractere de combinatoire conceptuelle que I'on trouve dans l'analyse du
systeme, avec le choix d'un exemple concret pour chaque combinaison
des propriétés, tiré d'une analyse élémentaire des textes. En construi-
sant un nombre sufflsant de tableaux combinatoires, on pourrait en
principe aniver ifaire une anaiyse exhaustive d'une seule image, c'est a
dire une analyse de texte, mais cela semble en réalité tout a fait
utopique, vu la quantité des tableaux qu'il faudrait construire.
Toutes ces méthodes constituent différentes interventions dans le
cercle herméneutique qui va du systeme au texte et de retour, des
principes généraux aux occumnces et vice-vena. Le Groupe p rejette
eutierement l'anaiyse de texte : en effet, il soutient que cette analyse ne
prouve rien et qu'elie reste prise dans le particulier. Or, il faut admettre
qu'elle possede une valeur heuristique, puisqu'elle exige l'exhaustlvité
des textes; c'est-a-dire qu'elle reclame que les procédés analytiques
épuisent les objets étudiés. C'est la raison pour laquelle elle constitue
une épreuve pour les résultats recueillis ailleurs. L'anaiyse classifi-
catoire, ainsi que i'anaiyse du systeme, ne demande que l'exhaustivité
du systtme, c'est-a-dire que soient épuisées toutes les possibilités
contenues dans la combinatoire.
Mais, pour cette meme raison, un modele particuller relevant de ce
genre d'analyse peut &re critiqué s'il est intrinséquement incapable
d'épuiser le systeme. Ceci peut ttre le cas, par exemple, si i'on observe
des cas intermédiaires entre les catégories definies par les termes
descriptifs (dans le cas présent, entre absence et présence, disjonction et
conjonction) : si l'on se rend compte de diffhnces intéressantes (d'apres
i'intuition de l'utilisateur) entre des objets correspondant aux memes
prédicats descriptiís, ou s'il y a des cas qui n'entrent ndie part dans les
systemes des oppositions. Autrement dit. ou bien le systsme a des
lacunes. ou bien les cases du systeme sont appelées a contenir des
choses trop différentes. ou bien encare des objets perünents restent e3
l'extérieur du systéme. En formulant ce dernier genre de critique, il faut
évidemment tenir compte du domaine du modele, qui, dans la
sémiotique visuelle de Jean-Marie Floch ou de Fernande Salnt-Marün,
correspond toutes les images. mais, dans le modele du Groupe p.
seulement a la sous-catégorie des images étant en écart par rapport a la
no&.
La rhétorique visuelle du Groupe p (1992) constitue une anaiyse
essentielkment stmcturaiste. dans le bon sens du terme : un systeme
esultant des termes binaires misés. Fondamentalement, U s'agit d'une
classification croisee distinguant les figures conjointes des figures
disjointes et en les séparant en figures in praesentia et figures in
absentia Dans cette conception, une figure est in absentia conjointe
(tropel si les deux unités impliquées occupent le méme endroit dans
l'énoncé, l'une remplacant totalement l'autre. Elle est in praesentia
mnjointe (interpenetration)dans la mesure ou les unités apparaissent au
méme endroit, avec seulement une substitution partielle de l'une par
Pautre. 11y aura une figure qui est inpmesentia disjointe (couplage)si les
deux entltés occupent différents endroits, sans aucune substitution.
Finalement, la figure sera in abseníia disjointe (trope projeté) quand une
unité seulement est manifestée, alors que I'autre reste exténeure a
I'énoncée.
Alors queje suis le premier a admirer l'éJ€gance de cette analyse, je
crois que la symétrie sur laquelle eUe repose est fausse et en ñn de
compte peu éclairante (Sonesson 1996a, b). Cornme n'importe que1 autre
mod.51es celui-ci peut étre mis en cause de plusieurs manieres : parce
que les termes desaiptifs ne sont pas adéquats pour opposer les objets
analy&s : parce que certains objets. c'est-a-& les m e s qui, I un
niveau pré-théorique. semblent étre dwerentes de m a n i h intéressante,
ne sont pas distinguées par le modele : ou parce quil y a d'autxes objets,
dans ce cas-ci des images, qui n'enkent natureuement dans aucune des
catégories foumies par le mcdae. Toutes ces observations s'appliquent
au modele du Groupe p.
J e retiendrai ici deux points critiques qui permettent d'avancer :
primo. lea prédicats descnptiís n'expliquent den et ne sont compréhen-
sibles qu'h partir des exemples, simplement parce que le monde de la
perception recele tout genre de cas interm-es entre les conjonctions
et les disJonctions : secundo, la distinction entre éléments présents et
éléments absents n'est pas recevable. parce que, sanf dans queiques cas
marginaux, toute rhétorique suppose I la fois une absence et une
présence.

Exírait du bestiaire p-tologique :de Hoddoek A la chafetihe


Reprenons les cas de Haddock. qui est décrit comme un trope in
absentia conjoint, et de la chafetiere n, censee etre un trope in
praesentia disjoint. En effet, on peut se demander s'il ne valait pas
miew dire que les deux figures sont in praesentia, la premiere, c'est-a-
& i'image de Haddock, étant disjointe, puisqu'une de ses parties est
séparée du tout, alors que la chafetik eot conjolnte, pusque. en d e ,
deux objets se fusionnent. En fait, cette terminologie est egalement
failacieuse, parce que nous poumons aussi bien la retoumer : fimage de
Haddock est conjointe, parce qu'elle mncerne une pike attachée A une
totalité, la chafetiere est disjointe. parce qu'elle associe deux objets
séparés. En présentant cet exemple a mes étudiants. j'ai inmriablement
trouvé que la classification est vécue comme étant mysténeuse et meme
arbitraire. et que si. en An de compte. elle est comprise, c'est i'exemple
qui sert B éclaircir les termes, alors que le modele est censé d o ~ e r
miwn de l'exemple. Cette d1ñicuité de compréhension n'est pas fortuite :
c'est. &une part, que chaque absence suppose une présence et vice
versa, et, d'autre part, qu'il y a toutes sortes de cas intermédiaires entre
la conjonction et la disjonction.
Au lieu de voir les bouteilies comme une substitution pour les
pupilles dans les yeux de Haddock. nous pournons peut-étre voir le tout
mmme une interpénétration des boutñlles et de Haddock. exactement
La rhetorique de la perception 109

comme l a chafetiere est présentée comme une interpénéiration du chat


et de la cafetiere. Sans doute nous identifions d'abord le schéma,
globalement, en tant que personne (et, plus particuliérernent, comme
Haddock), et nous decouvrons ensuite que la partie de corps ou nous
nous attendons a voir la partie centrale des yeux, les pupilles, est
occupée par d'autres objets. les bouteilles : alors que, dans le cas de la
chaíetiere l'inforrnation globale s u r l'identité du phénomene est déja
contradictoire. Or, ceci semble n'avoir rien a voir avec une partie de la
figure qui serait presente ou absente.
En fait, dans les deux cas, quelques éléments dont on attend la
présence sont absents [les pupilles de Haddock aussi bien que quelques
parties du chat et de la cafetiere), alors qu'en méme temps certains
éléments dont on attendait l'absence sont présents (les bouteilles et
quelques parties diverses du chat et de la cafetiere]. Ceci est le cas le
plus commun dans la rhétorique : a vrai dire, il est assez difficile de
trouver des exemples o13 il y a seulement une absence ou une présence
qui contredit les attentes. D'autre part, dans les d e w cas, il y a des
éléments qui sont disjoints dans le monde de la vie qui apparaissent
conjoints [la bouteille et la parüe des yeux, aussi bien que le chat et la
cafetiere] et quelques éléments qui sont conjoints dans le monde de la
vie qui se présentent comme dlsjoints (la pupille et d'autres parties des
yeux, aussi bien que quelques éléments du chat et de la caíetierel.
En reprenant cette analyse dans les termes d'une divergente plus ou
moins grande par rapport a l'intégration prévue, j'ai substitue a w
couples binaires une échelie continue de plus ou moins d'indexicalité :
au lieu des oppositions. nous aurons des dimensions continues. a u
moins & un certain niveau (cf. Sonesson 1997a. 2001b, a paraitre b]. Ce
faisant. je pense avoir approché l'analyse non seulement des expériences
du sens commun, mais aussi &une certaine inspiration cognitiviste.
Cela dit, je pense que i'analyse, dans son état actuel, est encore loin de
satisfaire a l'expérience commune a u s s i bien q u ' a u x théories
cognitivistes. Malgré tout. comme le suggérent déja les termes de
contiguité et de factoralité. la perception de l'indexicalité n'est pas
purement qnantitative, mais suppose aussi des sauts quaütatifs. Pour
sauvegarder a la fois le caractére systématique des stmctures, et la
motivation intrinseque a l'indexicalité, il faut avoir recours a la
méréologie d'inspiration phénoménologique et reprise plus récemment
par les sciences cognitives.
Dans ce qui suit, nous allons étudier deux aspects (nullement
exhaustifs) du probléme posé par le modele p, dont l'un conceme la
110 Goran Sonesson

disposition du monde vécu auquel s e rapportent les opérations


rhétonques pour le changer. alors que l'autre concerne i'organisatlon du
signe rhétorique lui-meme. Dans le premier cas, il s'agit de trouver un
subUtitut aux conjonctions et disjonctions. Dans le deuxieme cae, par
contre, il faut trouver un moyen de moduler la gamme des absences et
des présences.

La construction du monde de La vie dans la perception et la soeiété


Toute signülcation commence par la perception. La phénoménologie
l'a reconnu naguke, et les sdences cognitives i'admettent aujourd'hui
wmme une évidence. Comme je l'ai soutenu dans un livre déjja anclen
(Sonesson 1989a). des que nous voulons aller au-dela du modele
linguistique dans la sémiotique, nous sommes obligés de passer par la
perception.
Que le signe, avant d'mautre chose, soit un objet de perception,
l'école de F'rague l'avait parfaitement reconnu dé.s les années quarante.
Selon Mukarovsky (1974). i'ceuvre d'art est un artefact qui n'acquiert
une vie réelle que du moment ou il est pequ par quelqu'un, qui par 1a
meme le transforme en une a concrétisation D. remplissant ses S lieux
vides et indéterminés * a parbir de ses propres expériences. Or. pour
Mukarovsky, ces expériences sont de nature soclale : elles ont été
formées dans la société dans laquelle vit le sujet percevant. Donc chaque
acte de perception est surdéterminé par des normes, des canons. et des
répertoires des euvres exemplaires.
Ce modele repose sur quelques principes plus généraux ürés de la
phénoménologie de Husserl, notamment ceux qui concement les régula-
rités caractérisant * le monde de la vie B (le Lebensweltl, qui est cette
premiere couche de W t é qui. pour le sujet de la perception, va de
soi m, et qui est domée directement dans la perception. Selon un de ces
principes. un objet quelconque apparait toujours dans la perception
dans une perspecüve domée, par l'intermédiaire de quelques-unes de
ses p d e s , et concu dime maniere piiculiere, tout en étant toujours
percu en tant que tel. Cecl explique la présence des vides et des lleux
indéterminés dans l'ceuvre d'art. ainsi que dans n'fmporte que1 autre
signe (cf. Sonesson 1989a. I.2., 1992a, 19941, b, 1996a).
En fait, i'importance du monde de la vie, du Lebensweit. pour une
description perceptive de l'lmage, et des autres objets sémiotiques, va
bien au-deli des éléments repris par l'école de Prague. L'idée &un
La rhétorique de la perception 111

monde de la vie, entendu comme une couche de significations consi-


dérées comme évidentes, dont on ne veut pas ou ne peut pas mettre en
doute la vérité, a été développée par d'autres phénoménologues, notam-
ment par Aiúed Schütz (1932 ; 19671, dans le cas de la socialité. et par
Aron Gunnritsch (1957 ; 1974), dans le cas de la perception. On retrouve
aussi cette conception chez Peirce, qui définit l'ahduction comme une
conclusion fondée sur une régularité. qui n'a pas été démontrée rnais qui
est néanmoins généralement acceptée (cf. Sonesson 1989a : 1.2 & 111.3.) ;
ainsi que dans la notion de n masse perceptive * caractérisée par le
formaiiste Yakubinskij et reprise par Vygotslq et Bakhtine (cf. Wertsch
1985 : 84). La science du Lebenswelt a été redécouverte plus récemment,
par Greimas (1970 : 49). qui la décrit comme une .; sémiotique du monde
naturel D, dans le sens ou on parle d'une sémiotique des langues
naturelies, a savoir la linguistique. Dans le cas du monde aussi bien que
dans celui du langage, la naturalité vient du sentiment du sujet qui en
fait usage.
On retrouve également le Lebenswlt dans la notion de S physique
naive x chere aux sciences cognitives (cf. Smith 1995a ; Smith & Casati
19941. Les principes du Lebenswelt ont été repris et ampllfiés par le
psychologue James Gibson (1978, 1980) qui en parle comme &une
physique écologique a, qui est a la base de la psychologie écologique
qu'il a inaugurée. dont la tache est de décrire les conditions de
possibilité de la perception d'un suJet réel dans l'enviromement de tous
les jours. Exactement comme Husserl, Gibson revendique les
particularités de la perception dans le monde réel, opposées aux
perceptions produites artificiellement dans les laboratoires. Selon sa
formule instmctive, ce sont les principes de la physique écologique a,
non pas ceux de la physique tout court. qui sont détoumés par la magie
- et. ajouterai-je, par la rhétorique visuelle. Cornrne tout ce qui va de
soi n, ces lois ne deviennent rnanifestes qu'une fois qu'elles sont
transgressées, comme c'est aussi le cas dans la rhétorique, dans la
proxémique. et dans la sémiotique de la culture (cf. Sonesson 1994b.
1996a. 1999a. 2000b, c). Certaines des N lois D de la physique
écologique B sont identiques aux régularités du Lebenswelt. Comme le
fait judicieusernent remarquer Manar Hammad (1989 : 31), beaucoup de
régularités finissent par etre érigées en regle. En effet, comme l'avaient
recomu les formalistes russes avant l'école de Prague. la norme une fois
établie ne l'est pas pour longtemps, servant, entre-temps. de fond sur
lequel se détachent les transgressions. C'est, en tout cas. en appliquant
ces principes a i'histoire de l'art que j'ai pu décrire le modernfsme dans
sap ?Sap ua ualq ' a l n a p d afas ap w e d e 7sa.3 13 ' u ~uepuad?pq
arpelap ~afqo ,I 'uosqa ap s a sal -P~ 'l=,3 . ~ @ lu ' e sf ~
a1 s n ~ dJsa,u a q q u a m a l n s ~ qd 'ay, el ap apuour al suep '10
snld spm a n h e w m suom ?sa a u a s y d
e1 anb sJoIa ' a n b g e m ? ~luelsai ua $no1 (snld no @ap amarxnap
ne) a~sairptqaiguem aun,p n5iad qsa mb aa Juasqe p a : saouasaid
p wuasqe sap uousanb q las& lnej n.nb neaw aa ? 7sa.3 '(3 ,92661
: &'111: e6861 uossauo~Ja : 2861 : 0861) UOSq!t) led uondaaiad el
ap a@qogaKsd q suep ~ u a m u m vsnld wdar ?R s m a p g e 'qarlprrl
uoudasiad ap ses un lsa 'a%ui~.l'lannswed ama2 un.p a a s un ananbq
uops aap!,~ '(66 : 0861 : V6Z : ~ 9 6 1 wws 'PInua7uoD a1 - w w p u l
u* ap -uuop a n b g w ? ~ ggw aun p - u0wa.uIxa.1 - a n b u e m
uou s w ~uama~aaqp andiad ? J u a aun ua p - e p o u o ~axa~dmoa?)!un
aun ammw arrBrs al 1 m p (WI: 6E6KI IiaSnH '~1srnIar~ P ammeS
ied anb uarq lssna aaqad red slnbse inod auuop ~uama~dmrs 1sa
mb a ap @ap ua ?uquoum .amdasiad a ) v o ~ n a l uap ! ~a ~w w w d
uo~mylpomaun a m o 3 ~ m d d ae d ~ al s *angoadsiada v a suea
.av el ap apuom np aiannawd anamapsopos
n a m aun ~ 'yswwn:, ap samra) sal s m p 'larqgsuoa ap : +~pmua
luauraIa!oos vr?p ai1a.p aileluaur?l? aqonos a?$ao sed aqs3dura.u
q a S B ~ U.salqmd u ~ m g @ sap sam?~sksal s n q luaeodar a p n b q
ms uo~m1~1~8rs ap apuampuoj aqnim aun,p q J@.S n.nb 'IJassnH
aa~e.nbualq rssne uosqjf) aaAe 'aqJampe apop sues 7neJ n 'aqne m
a u n o 3 anbuow+s anra)sl(s un [amlm apuom a1 S suep -A %ri?rpnoA
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.33) anbvolaq~aulyueu aIqeprmlOJ aun ammoa sanb!qseld q r e sal
La rhbtorique de la perception 113

signes, qu'il faut concevoir ce qui tient Iieu de disjonctions et de


conjonctions.

L
' (( objet indépendant » au sein du monde de la vie
Pour concevoir une rhétorique du visuel, il faut donc partir du
monde de la vie, cette premiere couche de réalité qui. pour le sujet de la
perception, * va de soi a. Dans ce monde, il y a des objets (ou, comme le
dit Gibson. e des substances S] qui sont plus ou moins indépendants,
mais qui entretiennent des rapports d'intégration plus ou moins forts,
allant de la simple coexistente a la relation entre le tout et ses parties -
en d'autres termes, de la contiguité a la factoralité. Une premiére
rhétorique consiste en u n bouleversement de ces rapports, qui est

.
semblable a la magie telle que la concoit Gibson. Nous nous attendons
donc a retrouver dans les images les objets indépendants » du monde
de la vie, ni dissous dans des entités plus larges, ni divisés dans des
objets plus petits. Si le degré d'enchevetrement des choses est modifié, il
y a rupture de normes et donc rhétorique.
Pour faire face d'abord a une certaine idée erronée de I'iconicité, j'ai
proposé, dans Pictorial concepts (Sonesson 1989a). une écologie
sémiotique, qui s'inspire a la fois de la phénoménologie de Husserl, et de
la psychologie de la perception de Gibson. Dans ce cadre, j'ai analysé
certains phénomenes. plutot semblables, et parfois identiques, a ceux
que le Groupe p appeUe des figures rhétoriques de la visualité. Pour ce
faire, je suis parti de la notion d'indexicalité, entendue comme quelque
chose de plus vaste que le signe portant ce nom, a savoir les liaisons de
contiguité et de factoralité (les relations des parties a u tout) qui
caractérisent les significations percues.
Plus tard, j'ai été amené a approfondir I'étude de I'iconicité et de
I'indexicalité, en les détachant de la notion de signe (6.Sonesson 1994a,
1995b. 1997b. 1998a. b, 1999b, 2000a, 2001a. c. d). En effet, d'un point
de vue peircien, I'indexicalité est simplement cette propriété qui
transforme quelque chose qui est déja un signe en un index. Cependant,
par un léger décalage de I'emphase, qui a au moins une certaine
justification dans I'aeuvre de Peirce, I'indexicalité pourrait etre concue
comme une propriété qui, une fois qu'elie s'ajoute a la fonction de signe,
non seulement crée un index mais en outre peut avoir d'autres fonctions
dans la constitution de la signification (Cf. Sonesson 1995b : 1998a). Si
l'on considere l'indexicalité ou l'iconicité indépendamment de la relation
114 Giiran Sonesson

de signe, on a affaire & un fondement 1. ground n) qui, selon Peuce. est le


point de w e particulier a partir duque1 on conqoit une relation entre les
différentes parties du signe. On retrouve ici la problématique de la
pertinence, comme l'aborde la sémiotique structuraliste, a savoir la
question de ce qui permet de faire la différence entre n forme n et
contenu " - ou. pour le dire d a n s les termes de Peirce, la
problématique de I'abstraction. soit. dans le cas de I'iconicité. quelque
chose comme a la noirceur de deux choses noires B et, par analogje, la
relation existentielle B ou N spatiale des deux choses qui existent
ensemble dans i'espace (cf. Peirce 1.558, 1.196,2.305. 3.361, 8.335).
De nombreux exemples apportés par Peirce semblent étre en accord
avec la conception de Jakobson (1979). quand il proclame que
Pindexicnlit6 est basée sur « une vraie contiguité 8 , et qu'elle peut etre
identifiée a l'axe syntagmatique d u langage, ainsi qu'a la figure
rhétorique connue sous le terme de métonymie. Pour Jakobson.
cependant, la métonymie ne conceme pas seulement la relation de
contiguité de la rhétonque traditionnelle, mais également celle de la
partie au tout. connue dans la rhétorique comme une synecdoque. Ce
qui se perd ici est sans doute la distinction entre l' objet indépendant S
et ses parties. Cette distinction peut etre rétablie a I'intérleur de la
catégorie de l'indeacalité (cf. Noth 1975 : 201, et pourrait étre décrite
plus généralement dans les termes de contiguité, d'une part, et de
factoraiité, de l'autre (cf. Sonesson 1989a : 40 : 1998a).
La proximité ou le voislnage est u n facteur de base dans la
perception selon le gestaltisme, et elle est également un des rapports
inclus dans la perception topologique de l'espace. La relation de la partie
au tout est fondamentale pour les relations gestaltistes elles-memes. Les
indexicalités qui ne sont pas encore des signes consistent dans des
rapports entre des objets qui ne sont pas situés a différents niveaux
d'accessibilité ou de thématisation, ou qui ne sont pas clairement
différenciés l'un de I'aiitre. On peut alors parler de contextes ou de
couplages (dans le sens de Husserl). Toute expérience de deux éléments
reliés par la proaimité, conque comme un fait perceptií primordial, peut
étre considerée comme un contexte perceptif réel impliquant la conti-
guité. U n contexte perceptif réel lmpliquant la factoralité est une expé-
rience quelconque de quelque chose en tant que partie d'une totalité. ou
en tant que totailté ayant des parties (6.Sonesson 1989a : 1.2.5).
Selon Peirce, la démarche ondulante d'un homme est un index pour
la propriéte d'etre marin : mais étre un marin est un role social, non pas
un fait singuliei-8. Plus exactement, la démarche fait partie d'un habitus
La rhétorique de la perception 115

social définissant ce role, ce qui en fait une partie d'une totalité [une
factoralité). Mais si la relation d'une propriété a la totalité dont elle fait
parüe est indexicale, alors il est raísonnable de penser que l'indexicalité
expliquera également la relation entre un objet et la classe dont il est
membre. De tels exemples ne sont apparemment pas parmi ceux
mentionnés par Peirce, mais ils ont souvent été cités par des sémioti-
ciens posténeurs : ainsi, par exemple, si un bretzel peut fonctionner
comme index d'une boulangerie, c'est parce qu'il est membre de la classe
des produits vendus dans la boulangene. Une classe n'est certainement
pas un objet singulier, mais elle peut etre considérée comme une
collection d'objets. Souvent, cependant, une telle classe est elle-méme
détenninée par des propriétés abstraites. Céchanülion que nous montre
un couturier, par exemple, est le signe d'une classe de tissus ayant la
meme quaüté d'étoffe et le meme dessin, mais non la méme forme ou la
meme taille. Certains échantillons, par exemple les échantillons de
couleur, peuvent meme étre les index de propriétés abstraites (Sonesson
1989a : 43 gr 137 ; 19891, : 60 ; 1998b).
La méréologie, qui est la science du tout et de ses parties, s'inspire
des tout premiers travaux d'Edmund Husserl, notamment de la troi-
sieme étude contenue dans le denxiéme lime du Logische Untersuchun-
gen [Husserl 1913 : 11 225-293). Elle doit toutefois son nom au logicien
Lesniewski qui en a donné la fonnulation logique (cf. Smith 1994 ;
1995 : Stjernfelt 20001. J e ne suivrai ici ni Lesniewski ni Smith dans
leurs efforts pour détesminer les axiomes nécessaires a une théorie
méréologique complete, et pour l'opposer 5 la théorie des ensembles.
Néanmoins, l a méréologie m'intéresse précisément parce que,
contrairement a la théorie des ensembles [employée par le Groupe p,
surtout dans ses premiers travaux), elle correspond a 1' a ontologie
populaire r, c'est-a-dire a l'écologie sémiotique : nous vivons le monde en
teme de parties et de totaütés plutot qu'en t e m e d'ensembles.
Qui plus est, je retiendrai la premiere lecon de l'étude de Husserl,
consistant a insister, non pas sur la maniere dont le tout émerge de
l'addition de ses différents morceaux ou, parallélement, sur la facon dont
la partie est dérivée par division de la totalité, mais plutot sur les
relaüons de dépendance mutuelle ou unilatérale [dont la contreparüe est
l'autonomie) qui existent entre les pariies et la totalité qu'elles consti-
tuent ensemble. Dans ce sens, le modele méréologique n'est pas
équivalent, dans le domaine linguistique, a une grammaire des
strnctures consütutives, du genre de celle envisagée par Chomsky, mais
a une grammaire de dépendance, telle qu'elle est concue par Tesniére,
116 Goran Sonesson

ou une grarnmaire catégonelle, dans le sens de Montague (qui d'ailleurs


s'inspire, par plusieurs intermédiaires, de l'étude de Husserl : cf.
Sonesson 1989a : 111.5.1). Sans référence a Husserl, cependant,
Hjelrnslev part dans sa glossématique @un méme systeme minimal des
dépendances entre le tout et ses parties.
La tache de la méréologie ne sera pas seulement de rendre compte
des relations entre le tout et ses parües. mais égaiement d'expliquer la
différence entre difíérentes totalités. Husserl oppose les configurations
aux agrégats, et on trouve des tentatives du méme genre. mais parfois
plus développées, chez les difíérents représentants de la Ganzheits-
psychologie (cf. Sonesson 1989a. L3.4). Peirce a m h e ébauché une Liste
tres longue quoique désorganisée de différents genres de totaiités (citée
dans Stjernfelt 2000). Méme si ces genres restent a définir, ü n'est pas
trop maiaisé d'en trouver des illustrations, comme nous d o n s le voir par
la suite. Néanmoins, c'est plutót dans la psychologie cognitive actuelle
qu'il faut ailer chercher les ~ d i m e n t d'une
s méréologie fonctiomelle.

La hiérarchisation du monde de la vie


C'est sans doute en termes de dépendances qu'il faut définir l' x objet
indépendant I dont nous avons reconnu. avec Gibson, le r6le primordial
a l'intérieur de l'espace écologique. L'objet indépendant, en ce sens, est
un tout - méme s'il y a sans doute des totalités relatives qni font partie
de l'objet indépendant (par exemple, le visage comme une totalité
formant partie d'une totalité supérieure appelée téte u dans e Le vio1 n de
Magritte), ainsi que des totalités plus étendues qui englobent plusieurs
objets indépendants (par exemple, l'ensemble constitué par les glacons,
la houteille d'apéritif et le seau a glace - dont le dernier manque dans
Iimage du Colisée discutée dans Sonesson 1989a & 1997h).
Qu'est-ce donc que i'objet indépendant 7 C'est d'abord ce qui fait la
différence entre la contiguité et la factoralité. Mais les exemples qui
viennent d'etre mentiomés montrent bien que cette dsérence n'est pas
si ahsolue qu'on pourrait le penser. Cobjet indépendant est d'abord une
notion qualitative. On se rappelle que, pour le Groupe p ancienne
maniere (1970 : 106 ; 1977 : 48 & 70, etc.), la métaphore aussi bien que
la métonymie sont le résultat de deux synecdoques combinées, qui vont
du général au parüculier, ou vice versa. Selon l'un de leurs exemples,
utiliser 8 Caesar pour signifier 8 De BeUo Gallico n consiste a réaiiser
une synecdoque généralisante (de R César v a a la vie de César "1 suivie
La rhéionque de la percepíion 117

d'une synecdoque particulisante (de u la vie de César m a r: De Bello


Gallico B). Or, comme je le faisais remarquer nagu&e (Sonesson 1989a :
48). on ne peut pas aller de n'importe quelle partie de I'ensemble r vie de
César 8 a n'importe queUe autre partie. Le terme S toge pour signifler
le poignard de Brutus v ne forme aucune ñgure fonctionnelle. ll s'agit
&un ensemble organisé. Le Groupe p (1970 : 100) le reconnait en
passant, en obsemant que S la nauticité du bateau subsiste dans le
gouvernajl, mais non dans la cabine S (d. Sonesson 1989a : 44). Et ce
qui vaut pour un objet constniit te1 que la d e de César 8 , vaut d'abord
pour les objets de la pemptlon - comme le bateau.
Commen~nspar prbupposer une ontologie du sens commun. qui
consiste P opposer des choses (ou des objets) aux éoénement.9. En fait, il
peut parfois étre plus commode de parler des objets spatinux et des

.
objás temporels, respmtivement (tout en admettant toujours le terme
S objets sans quallfication, comme I'équivalent des objets spatiaux). Je
prendrai donc ceci pour I'opposition de base de I'écologie sénnotique :
d~ &&¿S q& se dauvent &de essendeBe1 &S Pespace e t
des objets qui se t~ouvent(d'une maniere essentielle) dans le temps.
Quant aux propriétes des choses (et des événements, q u e j e ne
discuterai pas plus ici), je pense qu'il conviendrait de les dériver
méréologiquement, c'est-a-&, en tant quepaMes du tout que wnstitue
I'objet. Comme fe l'ai soutenu ailleurs (Sonesson 1989a ; UX)lc), il y a
trois m a n i h s principales de diviser un objet : dans ses parties, au sens

.
étroit du terme (* la téte 8 . « la jambe drolte B, etc., dans le cas &un corps
humain), dans ses propriétés (e mascuíin n, .; f&minín etc.), et dans les
perspedtves &partirdesquelles fl peut Stre p e w .
Pour essayer de cerner la notion d'objet indépendant dans I'espace.
nous pouvons peut-Ctre tirer un certain secours de la psychologie
cognitive". Dans ma critique du structuralisme (Sonesson 1989a),j'ai
largement uttllsé le concept de prototype formulé par Eleanor Rosch
pour prouver que le monde, au moins te1 que nous le percevons, est
fortement organisé et seulement susceptible CStre réorganisé a un
niveau secondaire, et donc rhétorique m. Cependant, comme je le
précisais k i ce moment-la (Sonasson 1989%1.3.2 & ll1.5.1), Rosch étudle
seulement ce que j'ai appelé alors les hiérarchles intensiomelles,
laissant du cdté les hiérarchies extensiounelles, qui sont précisément
celles qui nous concement dans le contexte actuel. En d'autres mots,
elle étudie les hiémchies du genre homme - mammüere - vertébré a.
tandis qu'elle néglige celles du genre S homme - bras - main e". En fait,
Rosch & al. (1976)ne font aucune distinction entre ces deux types de
118 Gtiran Sonesson

hiérarchies. mais dans une note (3881,ils font remarquer qu'ils ont
éliminé de leurs études toutes les catégories contenant un rapport de la
partie au tout. Toutefois ils ne justifient jamais ce choix.
En accord avec une disünciion de la logique traditionnelle, je sépare
donc les hiérarchies extensionneües, ou les sous-catégories occupent de
moins en moins d'espace, et les hiérarchies intensionnelles. ou l'exten-
sion reste constante. 11 est vrai que tous les niveaux et tous les éléments
dans le premler type de hiérarchie, a la différence de ceux dans le second
type, N ont une existence concrete R (Rosch & al. 1976 : 345). En fait,
quand nous descendons plus bas dans la hiérarchie, l'extension occupée
par les kléments devient continuellement plus petite dans la premiere
hiérarchie, mais il n'y a aucun changement dans le deuxieme type. Par
exemple, la vieille sorciere, la vieille femme, la femme, et l'etre humain
remplissent l'espace a un degré égal, tandis que lorsque nous appliquons
le schéma corporel a un corps humain, chaque palier de la hiérarchie
correspond a une plus petite partie de l'espace. Selon un exemple
classique, le meme événement peut etre décrit c o m e l'acte de plier son
doigt, de serrer un morceau de métal, de faire jouer le déclic d'un
ressort, de presser le détente d'un pistolet, de faire feu. de tirer sur un
homme, de tuer un homme, de commettre un meurtre, et de sauver
quatre vies. Ceci suggere que le meme événement (ou, dans d'autres cas,
le méme ohjet),tout en conünuant i Etre ihématique, peut Etre redécnt a
un niveau intensionnel difíérent, tant qu'il est intégré dans un contexte
plus large.
Ainsi. quand nous descendons Péchelle intensionnelle, nous devons
tenir compte d'une extension plus large, exactement comme quand nous
montons la hiérarchie extensionnelle. mais le th@mede la catégorie, ce
qui doit etre caractérisé. reste tout le temps le meme. guand une jeune
fille est peinte dans le contexte plus large contenant une épée. un
chargeur avec la tete d'un homme décapité et une bonne, elle peut etre
décrite &un autre niveau intensionnel c o m e étant c Judith 8 : mais si la
meme fille est présentée dans le contexte d'un chargeur avec une tete
d'un homme décapité et, de plus, un vieux couple qui peut eire identifié

.
comme ses parents, elle devrait correctement etre décrite comme
correspondant a Salomé s.
On peut donc se demander sil existe également un niueau de base
dans la hiérarchie extensionnelle, comme Ya démontré Rosch dans le cas
de la hiérarchie intensionnelle. Intuitivement il semble, de facon
beaucoup plus widente que dans l'équivalent intensionnel. qu'il existe
un niveau privilegié dans une hiérarchie extensionnelle : le corps parait
La rhétorique de la pereeption 119

avoir la priorité devant les bras aussi bien que devant le couple et le
groupe. Cependant, les caractéristiques du niveau privilégié sont peut-
etre diñérentes dans le cas de la hiérarchie extensiormeile : les catégories
superordonnées peuvent avoir moins d'attributs en commun (par
exemple, r le groupe a) que les catégories de niveau de base (par exemple,
u le corps B]. Tandis que les catégones subordonnées (par exemple, a le
bras D) semblent posseder beaucoup d'attributs que i'on ne retrouve pas
au niveau de base, des formes ramenées a une moyenne ainsi comme
des figures cachees dans un bruit visuel peuvent étre identifiées plus
facilement au niveau de base qu'aux niveaux superordonnés.
11 pourrait étre intéressant de répéter certaines des expériences de
Rosch dans le cas des hiérarchies extensionnelles. 11 semble probable
qu'aussi dans ce cas-ci les objets de niveau de base sont plus rapide-
ment classés dans les catégories que des objets a n'importe que1 autre
niveau. Mais peut-étre que des criteres tout a fait diñérents doivent étre
employés pour déterminer le niveau de base d'une hiérarchie
extensionnelle : les facteurs gestaltistes du destin commun dans le
mouvement, la femeture parfaite, etc. C'est d'aiiieurs une variante de ce
premier critere que l'on trouve chez Gibson. Ici nous supposerons qu'un
niveau de base extensionnel peut étre isolé. Ce niveau de base
correspondrait alors aux u substances n ou aux x objets indépendants n
selon Gibson.
Deja chez Husserl nous trouvons une distinction entre la totalité et
I'agrégat. Mais il faut sans doute postuler des catégones intermédiaires :
admettons que deux objets pequs ensemble ne forment méme pas un
agrégat. 11 est nécessaire de distinguer le cas de l'essaim (fig. 11, le cas
du Colisée prenant la place du seau a glace dans un ensemble d'objets
allant habituellement ensemble et le cas du réverbere avec quelques
pieces de linge, qui ne forment une totalité que paree qu'ils sont
présentés d'un certain point de vue dans une photographie (fig. 2). 11
s'agit sans doute de différents degrés de dépendance, mais le systéme
minimal de Husserl ou de Hjelrnslev. qui ne fait la distinction qu'entre la
dépendance, unilatérale ou bilatérale, et I'absence de dépendance, ne
saurait etre suffisant pour en rendre compte. 11 faut aller de l'envirome-
ment (du contexte) qui reléve toujours sans équivoque de la contiguité.
par i'intermédiaire des ensembles tels que le seau a glace avec ses
glacons et s a bouteille, a une constellation accidentelle comme le
réverbere et les lignes, et, au-dela, aux totalités agrégées du niveau
supéneur comme l'essaim.
lamasqo qnad uo.1 no sqarqo sap alqmasua.1 no allas e1 : ?z~w~o?mJ
q ap 'soj qlaa ' a q w q p $ea p b 'sm aqne un qonyd Issne qnej 11
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q u a n b m p b sasoqa ap an%n m s e assep aun Q ~ m q d auop aqnsqns
as u~em-snosi q .aaep el m s aaeldap as 1nb anbuoalanb alnaqan
un no 'al??-qnad lnaqqad u n .$uelsuoa alsal lnb quamauuoqnua.1
pa.3 anb &dns iro.lrs 'wreur-onos np aysld q Q anbuem !nb aa a q ap
anaggp Jaga ua Isa 11 : aqmq sm un,p a3ej ua !a! annoq as uo 'a* m
v ."qpm ?pap a n b m q ~ n o dm q q n d q suep IIM ~ w n o du01
anb 'x!owed aun suep qmu-anos un 'alduxaxa md : uaw al sed Pa.u
mb quamuuomua un suep q m m m d d e pFqo un.p sm sap q w m p e j
amar) uo ' a q a w u 3 .saldmaxa sap m n a q nd sed ye.u a[ -m 'esran
a3cz no 'luamauuomua un e ?aCqo un IanJsqns ap ?qgq!ssod e1 lssne
qlo5uoa u 0 . z a n b q a ~ap uawa ne voddar md o s s m ~ . ap smpayu
s m B smp u a w al afduiaxa red a m o 3 'af~o8aleaam3m e[ ap plqo q n e
un a w s q n s aq? qnad apo&qm aun p de ptqo un : salq!ssod
la! ~ u o anb@olo+cgm
s 3 ara9 quede suo!sWpqns smapnld
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' , , u ~ g s q n saun 'qom sa9ne.p ua 'anpuane aq&uor,
aun.p aauasqe.1 aane aaugqmoa anpuaqxeq ?qpZ~uoaaun.p aauasa~d
el Juaanos s n ~ dannolq uo 'meqxnod '?l!n$[quoa el ap se3 al suep
amam .aqIon aun s m p anu aIm anbssep q no ' a n h auleya aun.p
u@ ap a p l n o q aun,p aq~ae - ~ e dauuarnoa aun,nb spueq psne sea
sap md a a s m l v a pqmo(po no) anpuqqw a~pFQuoaaun.p a3uawd
el 'laga ug .?q!a!~qnd el s m p luamtuqou 'unmmoa s?q lsa aslanu!
sea a[ aqxrenal u 3 mpuafew,p asotp anb~anbap aauasa~dir1 Issne
sed asoddns au p b (uojssa~ddns no) anpuqe g m u a am.p a3uasqe.p
sa~dmaxasap mAno1) nd sed p.u ay .alqmaeua JalIe iuauIal!essaa)u
sed lualqmas au aauasqw la aauasyd 'snssap-13 ltp suone
snou anb aa ?Spw 'no 'a)mmuoa 81 ap sea a1 red suo5uammo3
.FUI anb
ua!q l u q qdurai ap @laresa.[ anb 'qmeredne salrej suo~e.qprsuo3sap
w d .e sasm sap J ~ ~ uaJ 'ti Uadno~s al aunuoa w a n w w al -m,aCqo,p
dtueqa un.p anpsneqxa uopdl~asapaun a q g qoanod ap qnejap y
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'q uon zaul ap s a w m u n a
sanbpnb 'saqne aqua 'laanore l n q g ~anbne'dlarese~ap a asnaaqa
q qa 'psnyoH ap u an$en q B <aqq@qqap N ap~[ang,psapeuamoq
s q la IO!A q S ' q a o p p e ~au!el!dea al 'a~anajeyaaun 'pamom
a1 ~ n o d'puardmo3 neadnoq al ~ u o p'suqnom sou e auop suouanaa
aw e1 ap apoom al soep ano3 al la agittd ti?
La rhktorique de la perception 121

l'absence d'un objet de l'ensemble en m€me temps que la présence d'un


objet ne formant pas pariie du m&ne ensemble. Le meilleur exemple que
j'ai pu trouver est une publicité montrant Le Coüsée a la place d'un seau
zi glace dans une constellation avec une bouteiile d'apéritif et des
glacons. Comme l'a montré la sémiotique des objets (voir Krampen
1979). fl y a une syntaxe des objets r qui réunit a tout natudement *
certaines choses, telles la cafetiere et la tasse de cae. la table et les
chaises, etc. On peut donc repérer une ilgure quand les glawns et la
boutdle d'apéritif, au lieu de voisiner avec un seau a glace, se trouvent
l'intérieur du Colisée. Mais, encore une fois. on aimerait avoir une
description méréologiquement adéquate du genre de totalit.4 formhe par
cet ensemble d'objets.
Au mveau de la contiguité, il e& malaisé de trouver des exemples
d'une présence des contiguités attendues dans des positions inatten-
dues, soit un déplacement ou une pemutdon La boutdle de gin peut
indifféremment se trouver a droite ou a gauche de la couronne.
Certaines &es d'objets ont sans doute leur ordre particulier qui peut
Etre modi5.5, comme la soucoupe en-dessous de la tasse, ou les g l a ~ n as
l'intérieur du seau. Pour le reste, on trouve surtout des réalisations
intmtextwües de cette figure, par exemple dans la publicité pour les
chaussettes Kindy wmparée a un fameux poster pour un Alm avec
Marllyn Monroe portant le ti& Sept ans de réflexion 8 (cf. Sonesson
1992a, c). Si l'on compare la m e Kindy avec son modele. on verra que
chaque fois qu'une propriete de Marilyn manque a la Alle Kindy, elle
apparait en revanche chez l'homme i son coté. et en comparant les dew
hommes la méme inversion peut &treconstatée. Plus sirnplement. on
observe que l'homme et la femme occupent des positions inversées dans
l'espace. Dans un sens assez génkral, ceci est aussi vrai pour les
paraphrases de a Las Meninas r créées par Picasso et Hamilton.
Passons maintenant aux cas de factoralité. Les varlétés les plus
simples, la suppression et I'adjonction, sont également les plus diwciles
a trouver. Comme o h é d-dessus. un objet peut etre divl& de trois
manieres : dans sea parties, dans ses propriétés et dans ses perspec-
tives. il y a donc trois types de fadoralité possibles. Dans le cas de la
suppression, on voit qu'une partie manque a un objet. C'est le cas avec
une couverture du Nouel Obseniateur discutée par le Groupe p (1992).
ou on percoit des corps sans tete". Mais ced marche 6eulement pace
que l'objet reproduit est d'un genre ti.es comu dont nous connaissons la
forme compléte. U faudrait donc dire que c'est a Pobjet représenté plutót
qu'a I'image qu'une parhe fait défaut (ce qui est d'aiüeurs vrai aussi de
certains cas mentionnés ctdessus). Une ceuvre ou il y a vraünent une
122 G5ran Sonesson

partie manquante est la a Rasée o de Duchamp. mais a condition que l'on


mette I'image en rapport avec une autre ceuvre de Duchamp,
L.H.O.O.Q. H. d'aprés un point de vue intertextuel : il s'agit d'une
reproduction de Mona Lisa sans moustache ni barbe en pointe, c'est-a-
dire une reproduction au naturel a. J e n'ai pas pu trouver des cas ou
une propriété attendue manque un objet. Le cas des perspectiues est
plus clair : dans une irnage, plusieurs perspectives sur un méme objet
ne sont pas nonnalement anticipées. Ce n'est qu'intertextuellement, a
partir de la peinture cubiste, qu'une perspective unique poumit etre
perGue comme un manque.
Cadjonction pure et simple est presque aussi difficile a trouver. Un
corps avec deux tétes fonctionne comme une adjonction des parties,
pour les mCmes raisons que la suppression de téte peut le faire. Et on
peut évidemment mentionner e L.H.O.O.Q. B de Duchamp (par rapport a
Mona Lisa). Un objet avec une propdété supplémentaire est aussi difficile
a simaginer. Par contre, une adjonction des perspectiues peut se trouver
facilement, précisément dans le Cubisme, mais également parmi les
icones russes.
Le domaine le plus riche de la factoralité est sans doute le résultat
de I'opération de substitutio~autrement dit la présence d'une factoralité
inattendue combinée avec l'absence d'une factoralité attendue. Avant de
pouvoir classifier ces cas, il faut commencer par faire une distinction
méréologique (ayant des origines gestaltistes] entre les cas ou la partie s e
détache sur le fond de la totalité, et les cas oü la totalité prédornlne sw les
parties. Dans le premier groupe de cas, nous pouvons faire la meme
subdivision qu'auparavant, & savoir la substitution des parties, des
propriétés et des perspectives. Nous percevons d'abord le méme objet
que celui que nous avons anticipé, 06 une partie de l'objet a été
remplacée par une partie (de meme catégorie ou non) d'un autre objet.
Par exemple, si les parties échangées appartiennent a la m h e catégorie,
une téte d'animal peut etre présentée comme une partie du corps
humain, comme chez Max Ernst ; s i les catégories des éléments
échangés sont différentes, des bouteiUes peuvent venir occuper la place
des pupilles de Haddock.
En tant que résultat de la substitution I'échange de propriétés est
parfaitement possible. Nous percevons ici le meme objet que celui que
nous avions anticipé, avec la dlfférence qu'une propriété d'un autre objet
[de méme catégorie ou non) a été substituée a une de ses propriétés.
Ainsi, dans une ceuwe d7nez van Lansweerde, la masculinité ainsi que le
caractére adulte viennent remplacer les propriétés opposées de la
bouche d'une petite fille. De méme, la couleur bleue du corps humain
& rhbrique de la percepüon 123

peut étre substituée & l'une des couleurs que l'on trouve dans la nature,
dans certaines bandes dessinées, ainsi que dans les statues des dieux
hindous (exemples tirés du Groupe p 1992). Pour illustrer la
substitution des perspectiues. nous avons la perspective inversée de
l'icone russe (selon Ouspenskij) et les perspectives déformées de
R e u t e W et Escher (6.Sonesson 1989a : 111.3.4).
Dans tous ces cas, le rapport de factorallié est dominé par la pariie
qui se détache de la totaiité, mais on peut aussi envisager le cas inverse.
ou c'est la totaüté qui prekiornine en absorbmt les parties. L a chafetik
repré8ente ici le cas le plus simple, ou plusieurs totaiités sont fondues
dans une unité ; mais le cas limite est peut-étre plutot celui ou une
totalite est entierement présente. alors que i'autre est seulement
représentée par un détail camctéristique [La capsule d'une bouteille de
jus ajoutée a une orange). Dans les tableaux d'Arcimboldo la totalité est
une seule n substance a, une tete, aiors que les parties correspondent a
toute une collection d'objets d'un méme genre, dont chacun est une
totalité en sol-mhe.
En eñet. la grllle envisagée d-dessus ne permet pas d'anaiyser toute
une foule d'exemples. ou la substitution ne conceme pas des parties
bien délimitées mais oii 11 y a au contraire des interrelations plus
complexes entre plusleurs objets indépendants n considé& comme des
totahtés. Ce sont les cas ou La totaüté prédomine sur les @es. On peut
nous p-ter une t o W d laqueile s'qloute la partie &une m&?. C'est
donc la relation de la premlere btaüté a (la p d e de) l'autre qui est en
écart par rapport a La norme. C'est le cas dime publidté montrant une
orange avec la capsule d'une bouteüle de jus, mais égaiement celui
d' Absolut Rome " oii le guidon d'une mobylette prend la forme
caractérlstlque du bouchon d'une bouteilie d' * Absolut Vodka r (ñg. 3).
Un pas de plus, et nous rencontrons dauc tofaiüks fondues dans une
seuie, comme c'est le cas avec la chafetike. le Vio1 de Magritte et une
pubiicité ou i'on voit la bouteilie de Baiiantine's en tant que serpent ou
ampoule. Ici encare. i'écart a la norme existe dans le rapport de la
premiere totaiité a i'autre. Toujours de ce m@mepoint de vue, la
substitutlon peut se combiner avec pemiutntion quand les parties d'une
totalitk ont été redlshibuées de manit?re a former une autre totalité,
comme par exemple un pot de confiture creé par des tranches d'orange,
et un oignon ro118tltuéde jambes et de mains.
Dans d'autres cas. il faut prévoir toute une série de relations entre
plusieurs totalités. D'abord un grand nombre de totalités peuvent etre
organisées de maniere former une antre totaiité. c'est-a-dire des o@ek
indkpendants pouvant occuper la place des parties &un autre objet
124 Coran Sonesson

indépendant C'est le cas des peintures d'Arcimboldo. mais aussi celui


d'une publicité pour le supermarché B&W ou des huits et des légumes
forment une couronne. C'est égaiement le cas du pot de marmelade en
tant que totalité produite par des parties, a savoir des tranches, d'une
autre totalité. une orange, arrangées d'une maniere particuliere. Dans
tous ces cas, il y a une ressemblance diagrammatique.
Quand une grande quantité d'objets indépendants au niveau de base
s'assemblent pour former une totaliti: de niveau supérieur, c'est-a-dire
un groupe, cela n'a d'abord rien d'étrange. On le trouve tous les jours
dans le monde de la vie. Par exemple. une multitude de pigeons fonnant
une nuée. 11 est peu probable, dans le monde de la vie, que cette
muliitude de pigeons en contiguité les uns avec les autres pmduise une
figure ayant la formc de la bouteille d' Absolut Vodka S : c'est pourtant
ce que nous voyons dans la publicité e Absolut Venice lfig. 11. Cornme
dans les cas antérieurs. donc, c'est le rapport entre le schéma de la
totaiité et les parües qui le remplissent qui est en écart par rapport a la
norme. Cependant, dans ce deuxieme cas, la relation hiérarchique des
totalités dans I'échelle extensionnelle est paríaitement n o m l e . Ce qui
est rare. ce sont les propriétés de la totalité supériewe.
Dans notre exemple final de substitution factorieiie, nous avons
encore affaire a un rapport hors norme entre différentes totalités.
Cependant, il s'agit ici de plusieurs objets indépendants qui n'ont rien a
voir les uns avec les autres, sauf qu'ils se tmuvent en contiguité les uns
avec les autres et que, vu &une certaine perspectiue (choisie par le
photographel, ils prennent la meme forme totale qu'un autre objet
iruiépendant. Ici, la distinction proposée par Husserl semble utlle : dans
le monde de la vie. ces objets foment un simple agrégat, mais dans
I'image. ils ont toute I'apparence #une configuration. L'exemple qui seri
5 illustrer ce cas est le réverbere et quelques cordes a linge au-dessus
d'une rue a Naples qui ensemble, dans S Absolut Naples B. semblent
former une bouteflle d' R Absolut Vodka B [fig. 2).
Il y a évidemment aussi des perrnutations : la présence des
factoralités attendues dans des positions inattendues. C'est donc I'ordre
et/ou les positions des parties qui sont en écart par rapport a la nome.
On trouve ce cas réaiisé dans les différentes paraphrases de e Las
Meninas n et dans < Le Viol D de Magritte, ainsi que dans n Absolut
Athens R. oü les parües d'une colonne grecque ont été réorganisées de
maniere a former une bonteille d' 8 Absolut Vodka * (fig. 41. Finalement, il
y a des cas d'augmentation et de diminution, c'est-a-dire la présence des
factoralités attendues dans des proportions inattendues. Les trois
memes exemples nous servent ici : les parties du corps (le visage et la
La rhétorique de la perception 125

partie inférieure du corps) dans a Le Viol n ont différentes pmportions :


dans les paraphrases de a Las Meninas n les différents personnages ont
changé de taille : et la colome n'acqniert la semblante de la bouteille
d' Absolut Vodka D que parce que certaines de ses parties sont
devenues beaucoup plus grandes que les autres.

Conclusions
Le modele rhétorique a quatre dimensions, dont nous avons
commencé par prédire la nécessité, reste donc encore en chantier. Ceci
est notamment vrai de la premiere dimension, qui est parüculierement
difficlie a concevoir puisqu'elle conceme le monde de la vie dont elle
bouleverse l'organisation, ainsi que le font. selon Gibson, les tours de
passe-passe. 11 est néanmoins possible de tirer quelques conclusions
provisoires.
Contrairement a ce qui se passe dans les images f o n c t i o ~ a n selon
t
le régime de la factoralité. la contiguité produit souvent u n effet
rhétorique. bien que relativement faible (sauf quand il se combine avec
une opposition relevant de la deuxiéme dimension), par la simple
présence des éléments inattendus, sans requéris une absence spécifique.
La simple absence est beaucoup plus diiñcile a coneevoir. Et quand nous
passons a u domaine de la factoralité, 11 faut normalement a la fois
l'absence d'un élément attendu et l'absence d'un élément inattendu pour
produire un effet rhétorique. Cette conclusion concerne donc la
structure du signe rhétorique.
De ce point de vue, une autre question reste en suspens : il semble
parfois que ce soit la relation entre deux objets, et non pas I'absence ou
la présence de l'un ou de l'autre qui est a l'origine de l'effet rhétorique. 11
faut donc étudier la différenceentre les cas ou un objet est inattendu et
celui ou c'est plut6t la relation entre les objets qui est inattendue. Et il
faut analyser les différents genres de totalité. Les deux problemes ne
manquent pas de rapports. En fait. je me suis rendu compte de la
différence entre l'objet attendu et la relation inattendue en analysant la
contiguité. Mais, en fin de compte, il semble assez clair que la plupart
des cas de factoralité concement des relations inattendues.
Effectivement, le deuxieme probléme que j'ai abordé sans compléte-
ment le résoudre conceme la siructure du monde de la vie, notamment
la maniére dont il est organisé sous forme d'objets indépendants aux
différents niveaux d'abstraction. Nous avons v u que la rhétorique
126 Goran Sonesson

visuelle nous permet de discemer düíérents types d e totalités. ainsi que


les manieres dont elles peuvent etre divisées dans leurs éléments. mais
la terminologie dont nous disposons rend encore maiaisé d e parler d e
ces différences. De ce point d e w e encore, le travail n'est qu'amorcé.
11 reste p o u r t a n t q u e ce n'est qu'en r e p l a c a n t l e s p h é n o m e n e s
concemés d a n s un cadre d e ce genre que l'on arriverait peut-étre e n f i i a
concevolr une r h é t o r i q u e v r a i m e n t générale, d o n t l e s découvertes
peuvent etre retraduites d u domaine visuel a celui de la langue. 11 s'agit
d'une rhétorique que ne tirerait pas seulement profit de la psychologie d e
la p e r c e p t i o n mais qui s e r a i t a u s s i ii m e m e d'offrir un j o u r son
assistance en retour.

Notes
1 D'autre part, je mets sans doute beaucoup plus i'accent sur I'existence sociaie des
..
etres humains, et ie Ense aue la tradition ~hénoménoloelaueest essentieilement
v .

compatible avec - et ajoute quelque chose B - la psychologie cognitive.


. . par
2 J e souscris ici au pra~os . lequel Klinkenbere introduit le urésent recueil
3 Expression due Klinkenberg. dont je ne rehuve plus la source.
4 Ailleurs nous avons parlé de modele dans un sens quelque~ peu- différent,
. par
exemple, le modele lGguistique, qui est une surdétennination souvent abusive-du
modele dans le sens esquissé ici (ci. Sonesson 1989a. 1992a. cl.
5 01. comme je l'al fait remarquer ailleurs. toutes les images sont en écart par
rapprt au monde de la perception. paree que la premiere couche de la sémiotique
des irnages est déia une sémiotiaue de transfomtion. dors oue le laneaee verbal" U

est tout d'abord régi par une semiotique de comblnlson Icf. Sonesson 1997a.
199&1. Nous ailons ienorer cette observation dans I'article actuel.
6 Ces distinctions sont censées s'appliquer aux fiures purement picturales lou
iconiques 4 et pwement plastiques : en revanche. le cas des figures pictum-
plastiques est different. L'espace nous manque pour discuter ces distinctions ici.
7 Et encore dans le texte de Klinkenberg ici-meme.
8 Comme nous I'avons montré ailleurs, la singularité ne peut donc pas cUe un
critere pour definir I'indexicalité. cantrairement 3. ce que soutient Peirce (cf.
Sonesson 1995b. 1998a).
9 Je ne discuterai pas ici I'ontologie pseudo-aristotélicienne proposée par Smith
(1995. 1997, 1999, .3 paraitre) qui met les propriétes p m l les z accidents
(opposes aux * substances R qui comprennent aussi les événementsl : ou qui.
alternativement. oppose les continuants i aux 8 occurrents r , ce qui a pour
désavantage de supposer qu'il n'y a pas de continulté dans I'espace. Cf. Sonesson
1988. 2001~.plus proche de Strawson et de Ricceur.
10 11 e&te une kadition extensive dans la psychologie cogniiive occupée a étudier les
interrelations entre les concepts, dont Palmer. mentiomé par Eco et par le
Groupe p. est l'un des représentants [cf. Sonesson 1989a et. surtout. 1989b1. Ce
qui m'imprte ici, cependant, comme deja dans Sonesson 1989a. c'est de suivre la
théoiie des protomes formuih par Rosch qul est plus pmche de la perception et
de la R p& m-e au sens de IM-Wauss.
.
11 11 s'agit bien des modes R et 2 respüvement. du Groupe p 11970 : 97 : 1977 :
90). meme si la maniere dont le premier mode est présent6 pr€te B wnfuskm : on
w s e de I'arbre B m ~ k ou.a chéne. ou B saule. etc. au iieu de descaidre ou de
k m n t e r I'écheiie 'coneeptuelle B partir de l'une de ces instame.
12 En Wté. ce n'est Das la m c e de te1 ou M obiet oue cause l'eüet rh.5torioue.
?mi8la w-pr&ena'des de.u o b ~ t sc'eat-a-dlre
. L ielaion.
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m n s ' w a d P o~s&nv'o~nrodw S a r q p a pm am?su jo q w a d a a PIOOZ .
'01158 :Z I S ~ Q PI~-ma w p .@oroiuo si8 101
sauanbosum q! PUB b m o a JO ~ Doain aw ug .WOIW a SISOWS mow 8 31ooz
'21 1-S6' 0 l d q m : d o l o a ' m . l ~ a p
OPON (.pa) l a ~ n ~ r a l'osssa
d . u1 sarn snap opuom rap satioxas e l 91002.
'SS-LP
uossauog uluw OEI
ABSOLUT VENICE.
La retraite de la rhétorique ?
Degré zéro, mécanismes rhétoriques
et production du sens dans le langage visuel

Fulvio Vaglio

Vers I'analyse des langages visuels

Le moment est venu de reconsidérer le virage qui s'est produit dans


le savoir il y a deux décennies. lorsque la quéte de la spéciftcité visuelle
s'est imposée a la tradition logocentrique. Une recherche qui a pu
s'imposer comme projet tout au moins : car le chemin de sa réalisation a
été plus long et plus compliqué qu'on ne le pensait. C o m e point de
départ 2 cette intervention, il ne sera sans doute pas inutile de revisiter
brievement les commencements du voyage. Les références critiques que
nous ferons a la Rhétorique générale et au Tmüe du signe visuel au cours
de cet examen devront eire considérées comme la reconnalssance d'une
dette, au-del&de toute polémique.
Comme toute déclaration d'indépendance, celle de la sémiotique
visueiie dingeait ses critiques contre un modele colonialiste ernpéchant
le développement de ressources autonomes : comme toute déclaration
d'indépendance, elle soulignait I'incapacité d'une administration.
imposée de l'extérieur, a répondre a une situation présentant un camc-
tére propre et spéciflque : et comme toute déclaration d'indépendance.
elle promettait un paradis d'efficience e t de productivité, une fois
liquidées les hypotheques liées l'ancien régime. Il y avait en effet
beaucoup, A changer dans les modeles existants. C e w qui n'avaient
134 Fulvio Vaglio

jamais été satisfaits du binarisme du paradigme structuraiiste devaient


en meme temps reconnaitre la bizarre stérilité de ce qu'Eco liquiderait
plus tard comme a le triadisme obsessif de Peirce B. Dans ces conditions,
la confrontation avec I'analyse du langage visuel - et plus largement des
systemes sérniotiques non verbaw - prenait l'allure @une aventure de
la pensée : la question n'était pas [ou pas seulement) qu'est-ce que la
sémiotique et la rhétorique peuvent nous dire sur l'lmage ? B, mais plutot
qu'est-ce que l'image peut nous dire s u r la sémiotique et la
rhétorique ? *
ParalMlement, un auire mouvement convergeait avec le premier, a
partir de disciplines plus traditionnellement enracinées dans les
domaines des arts plastiques et de la communication graphique. Avant
meme de déboucher sur la courageuse initiative du groupe québécois, le
passage de I'histoire de I'art a la sémiotique visuelie se donnait comme
I'exigence de plusieurs anaiystes et historiens de l'art et correspondait a
la sensation d'impasse dans laquelle se trouvaient la criüque esthétique
et ses instruments. Face au signifié (unique) des arts visuels r dont
parlait Panofsky, la sémiotique découvrait la pluralité des codes, la
polysémie des significations et la variété des disjonctions isotopiques :
promesses assurément stimulantes pour I'anaiyse esthétique.
Toutefois, les vieux vices sont diíficiles a abandonner. 11 en va ici
comme avec le voyageur d'Hiemnymus Bosch : Pimpression horizontale
de i'éloignement est contredite par la circularité du bord et, a l'exception
de lui-meme, chacun sait qu'il va retourner a la maison du péché. 11 y a
eu, et il y a encore, des experts en communication visuelle qui n'ont
jamais voulu oser la traversée sur la rividre de la sémiotique et ont
préféré rester sur le terrain moins élégant et un peu incommode de la
phénoménologie : Abraham Moles et Roman Gubem, pour ne citer que
deux noms.
Et nous. a que1 point de notre voyage sommes-nous arrivés ?
Faudra-t-il admettre que la distance parcourue a été moindre que ce
qu'on imaginait. et qu'on a peut-etre déja repris la voie du retour ? Les
réfiexions qui suivent ne prétendent pas domer une réponse défmitive :
elies vont plut6t aJouter des doutes et des questions supplémentaires,
avec la consciente que, quand la situation parait trop enchevetrée, il
faut quelquefois I'embrouilier davantage pour qu'une solution commence
a se présenter.
La retraite de 1s rhétorique ? 135

Le concept de degré zéro »


La premiere séne de réflexions conceme le concept de " degré zéro a.
Ce n'est pas le lieu de refaire ici l'histoire du processus qui a mené a
forger les expressions de r degré zéro relatif 8 (au iieu d' S absolu n) et
degré zéro local n (au lieu de R général 81. 11 s u f f i de rappeler que la

.
relativisation n du degré zéro ktait la conséquence logique de celle du
concept de x norme linguistique +, et que la localisation du degré zéro

.
constituait une tentative pour placer, une fois encore, l'origine du fait
rhétorique dans le texte. En effet, dans le concept de degré zéro local S
convergeaient la notion d'idwlecte esthétique formulée par Eco, celle de
dirnension syntaxique d e la sérniose par Morris, comme celles de
redondance et d'information formulées par Shannon et Weaver. Le
raisonnement, ici tres schématisé. était le suivant : 1) si l'emploi
rhétonque est destiné a provoquer une surprlse chez le lecteur. et 2)si
dans le bin6me redondance-information, c'est la seconde qui produit le
maximum d'intéret, alors 3) le degré zéro devra s'identifier avec la
redondance. et I'emploi rhétorique avec son opposé. Cette espéce
d'enthymeme multiple laissait pas mal de questions sans réponse. Par
exemple, peut-on identifier I'attente du lecteur avec les regles de
redondance du texte ? Ou encore : la violation de la redondance. crée-t-
eile toujours un surplus d'information ?
Cependant, s'appuyer sur la théorie de l'information a u lieu de la
n o m e lhguistique ne change pas substantiellement le probleme. Ce
demier a été identifié, mais non résolu, par le Daité : il y a des aspects
du langage qui sont produits sur la base diin respect presqu'absolu des
codes préexistants (Eco les nommera ratio facilis n, Gubem hyper-
formalisés 81 ; et il y en a d'autres qui proviennent d'une n interprétation
plus ou moins large du méme cede (ceux qu'Eco nomme ratio difficilis
et Gubem, a hypoformalisés 8 ) . Cette distinction ne recouvre pas ceile de
langage verbal us langage visuel (méme si elle peut éclairer de maniere
satisfaisante quelques différences importantes entre les deux). Au
coutraire. elle trouve d'abord a s'appliquer a I'intérieur méme du
discours verbal et met en question la notion de a métataxe D. 11 est certes
peu douteux que les mots sont produits par a ratio facilis D, mais la
chose n'est pas sure pour les phrases, et moins encore pour les textes.
Prétendre qu'il y aurait un degré zéro tt de la phrase, aussi aisé a
déterminer que celui du mot, était certes cohérent avec le caractere
nonnatif de la grammaire gréco-latine ; mais la position devient obsoMte
dans les nouveaux paradigmes l i i i s t i q u e s et littéraires. La consciente
136 Fulvio Vaglio

d'une limite inférieure a la phrase (en deca de laquelle celle-ci serait


peque comme " incomplete 8 ) parait sufflsamment claire pour les sujets
parlants. Mais ce n'est pas le cas pour la e limite supérieure B : ressentir
qu'il c( y a quelque chose en trop n dans la phrase (ou le texte) semble
relever du domaine de la styiistique plus que de celui de la rhétorique.
Cette remarque ne constitue pas une polémique tardive contre la
Rhétorique générale de 1970, car la démarche qu'elle vise affecte encore
- et prealablement - la relation entre le langage verbal et le visuel : ii
est bien connu que l'image - n'importe quelle image - ne peut etre
réduite a un mot. mais qu'elle correspond plutot une expression,
composée au moins d'un sujet et un prédicat. 0 u est des Ion le degre
zéro de l'image ? Voici une premiere question qui reste ouverte. Peut-on
poser qu'il y a une limite inférieure de i'irnage, en deqa de laquelle on
percevrait une lacune. mais non une limite supérieure. au-dela de
laquelie l'image paraiiait 8 trop contenir B ? Une analyse sommaire de
certains phénomenes d'adjonction (répétition et accumulation) et de
suppression montre que la réponse n'est pas simple et qu'il faut
l'articuler davantage. Le phénomene que les designen nomment effet
tapisserie parait compondre la N desémantisation n dont la théorie
linguistique parle comme d'un effet de la répétition. Doit-on considérer
ces phénomenes comme des effets rhétoriques ou stylistiques ? Ou
encore : peut-on poser qu'il y a un axe de l'adjonction B, qui menerait
de l'image 8 en degré zéro a 1' effet tapisserie N et a la texturisation,
travers des phénomenes complexes o0 joueraient la répetition. la
modularité, i'homothétie négative des jrnages et Sélimination progressive
du fond ? Et, au-dela du niveau tapisserie ne trouverait-on pas le
S,

.
trajet. que WGlmin décrivait ii y a quatre-vingt-dix ans, de la R pluralité
ai'gunité*?
Par ailleurs. la suppression d'information visuelle peut certes
produire la sensation que l'on ne peut percevou e quelque chose u de
i'image ou dans l'image (lacune déclenchant donc des mécanismes
gestaltiques de complémentation). Mais elle peut tout aussi bien ne
produire qu'un effet de concentration sur ce qui est visible, ou ces
mécanismes de complémentation ne seraient pas spectaculairement
présents. Prenons, par exemple, le cas de i'image coupée, dont une
partie reste hors champ, ou de la photo. Techniquement. un mécanisme
de suppression opere bien ici ; mais, du point du vue du spectateur.
cette suppression peut étre plus ou moins pestinente, selon l'écart qu'il
percoit entre l'image qu'on lui présente et les images auxquelles il est
accoutumt. Dans ce cas, le degré zéro local n ne coincide pas avec les
La rehaite de la rhétorique 7 137

mécanismes de redondance créés dans le texte et par le tewte. D'ailleun,


on ne peut présumer tout uniment que le degré zéro est constitué par
l'image entiere et l'eñet rhétorique par sa suppression partielle. Ceci peut
avoir été vrai pour le spectateur athénien du temps de Phidias ou de
Praxitele : cela peut encore avoir été certaln pour la serveuse
d'Elsenstein. qui confondait les parties des corps du photogramme avec
des morceaux de véritables cadavres et l'effet Koulechov avec le s n u s
Mais pour le public modeme, accoutumé aux plans cinématographiques,
aux close-up de la télévision et aux photos des documents d'idenuté. il y
a des suppressions qui ne causent aucune surprise. Dans tous ces cas.
l'image pariieiie est acceptée c o m e une nome, ou comme le sous-type
&une norme, parfaitement naturelle : les propriétés visuelles qui

.
n'apparaissent pas dans le cadre mtent dormantes, aussi vlrtueiles que
les simes sp&citlquesde doberman ou de S caniche * quand on entend
le mot S chien B. D'ailleurs, meme dans le cas ou la suppression de
l'lnformation visueile s5éc.=ute de ce qui est accepté wmme a normal *, le
spectateur vit une espece de a dissonance iconographique qui ne le
pousse pas nécessalrement i restituer ce qui n'est pas contenu dans
l'image. mais qui lui fait sentir que certains détails visuels lui sont
inaccessibles. On devrait probablement reiire a ce pmpos les pages que
W61Min consacrait a la forme ouverte du baroque (opposée a la
forme fermee * du classicisme). 0 ú se placent ces faits ? Dans le
domaine de la styüstique, de la rhétorique ou encore dans celui du
jugement de genre 7 C'est 1a une seconde série de questions que nous
devons laisser ici sans répom.
Un troisiime cas est constitue par ces images qui suggerent
clairement un développement diachronique. On sait que Floch avait
proposé la distinction entre images a pictographiques 8 et u mytho-
graphiques D (pemnnellement je préférerais d'autres termes mais, en
substance, nous parlons bien de la méme chose). Les recherches que
nous avons menées sur l'image pubiicitaire indiquent que les deux types
Cnnage n'ont pas la m&meextenslon : le spectateur cherchera, par
nature, a interpréter i'image dans un sens narrattf, a moins que l'image
méme ne l'en empeche. Ceci sigdie que des mécanismes de suppression
doivent étre mis en action. mécanismes qu'lnitialement on pourrait
classer en trois grandes catégories [encore une fols, précisons qu'il n'y a
ici aucune prétention de formuler u n répertoire clos ou complet) :
élimination de l'ambiance (souvent c'est le fond qui est supprimél ;
élimination de l'intention (les modeles n'assument pas une expression
corporelle que l'on puisse assocler avec le développement d'une action) et
ñnaiement élimination de Pintemction (soit avec d'autres pemnnages,
coit avec le spectateur). Or. ces effets narraüfs, ou leur Ummation. font-
ils partie de l'analyse du style, du genre ou de la rhétorique ? Si l'on
choisit de répondre qu'fls apparüennent aux trois domaines 2 la fois. ne
se trouve-t-on pas en face d'une sorte de surdétmnination qu'il faut
simplifier, pour éviter qu'elle crée d'inutiles confusions ?

Le systhme des opérations


Un second groupe de rénexions conceme les mécanismes op€ratoires
proposés par Durand et que le Groupe p avait formulés au méme
moment dans sa Rhéiorique génkrale puis u t i W a nouveaux frais dans
le 'ibité.
J'avoue ne pas trouver de raison suffisante pour réduire ces
mécanismes a quatre. Une breve a mcompl&teexploration me convainc
de plus en plus qu'fl faudrait ouwir ceüe iiste, m&meau prix de la perte
de son apparence de soiidité. Prenons par exemple la catégorie de
1' inversion 8. A premiere me, elle est présente dans le schéma du
Groupe p sous les espkes de la permutaiion 8 . Faut-fl la laisser ici 7
L'inversion est une des reswurces (peut-etre m&ne la seule -urce)
qui permette de realiser un paradoxe visuel in absenlia, avec toute sa
force provocatrice, comme le montre la siréne v de Magritte : ne
vaudrait-il pas la peine de l'accentuer en lui reconnaissant un statut
autonome ? Ou encore : powquoi ne pas donner a l'inkrgknétration un
statut indépendant de la substltution ? Le schéma u appariement-
interpénétration-substitution i. su@ une trajectoire trés intéressante
a u point de vue théorique : pourquoi, alors, sacrifier le terme
intermMiaire tout en maintenant les deux termes de départ et d'arrivée ?
Les deux objets sont d'abord présentés a Pmil du spectateur, qui réaJise
les processus nécessaires, bien décrlts par la Gestait, pour idenüfier
leurs ressemblances et leurs diffiinces. Dans le second temps, ils sont
partieUement fusionnés, de facon a ce qu'ils soient reconnaissables en
meme temps. comme deux objets distincts mais formant une sorte
d'hybride visuel. E d n . l'un des deux objets disparait, remplacé par
l'autre.
11 est assez clair que ce procés peut prendre le caractére de la
métaphorisation. quoique le mite nous wnseilie de ne pas parler de
métaphore avec trop de prédpitation. En effet, le plus intéressant est
que cette séquence nous pennet d'apprécier un paralléiisme. au moins
La retraite de la rhétorique? 139

parüel. entre la production de la métaphore et celle du paradoxe. Dans


les deux cas, on est en présence de la trajectoire e appariement -
interpénétration ; ce qui change est le point de départ et, par
conséquent, i'effet final, mais non la séquence : dans le cas de la
métaphore on part de deux a objets n (sémemes ou entités visuelles) qui
devraient etre séparés, et le proces créatif de la métaphore nous force &
les réunir dans le meme espace sémantique. Dans le cas du paradoxe.
on part de deux objets non seulement différents mais opposés : au lieu
d'une comparaison, on a une antithese. Non seulement l'effort pour les
faire coincider est plus grand, mais le résultat est moins stahle (au sens
de la Gestalt), puisque le spectateur est pris dans une lutte irréductihle
entre ce qu'il voit (et qui est donc en quelque sorte a posible S) et ce qu'il
sait etre impossihle. D'ou la force du paradoxe, qui est telle qu'on a pu le
considérer simultanément comme l'origine et la possibilité de traitement
de la schizophrénie. Faudra-t-il donc admettre que métaphore et
paradoxe sont deux tropes étroitement associés, avec la meme séquence
mais un sens différent ? Cune et l'autre présentent de toute évidence
une violation du sémantisme rigide fondé sur une logique fermée (ce que
la psychologie systémique nomme la pensée digitaie 8 ) . D'un caté, la
S

métaphore pemet au lecteur de résoudre la contradiction a travers la


translucidité des signifiés; de l'autre le paradoxe le contraint et i'oblige a
vivre la dissonance cognitive tout entiére. 11 est vrai qu'au-del& de ce
niveau, c'est-a-dire quand on passe du trope r in praesentia n au trope
in absentia B, la séquence des mécanismes ne semble plus correspondre
parfaitement : la métaphore travaille ici par suhstitution, et le paradoxe
apparemment par inversion. De toute facon, il me parait que cette
relation entre métaphore et paradoxe est tres importante et devrait etre
davantage explorée.

Un principe général
11 y a u n troisieme groupe de considérations que je voudrais
soumettre a i'attention.
Mus par le souci de lihérer la rhétonque visuelle de i'héritage verbal,
nous avons souvent rejete l'utilisation de termes provenant de la
rhétorique classique, comme e métaphore D, N métonymie B, v paradoxe B.
Cette attitude était certes jusüfiée. A présent, il faut se demander si on
ne s'est pas trop centré sur une cible apparente. en manquant l'ohjectii
réel. 11y a quelques années, nous avancions qu'il valait mieux étudier les
140 Fulvio Vaglio

mécanismes psychologiques profonds opérant au nivean pré-linguistique


(mais non pré-sémlotique). En particulier, il nous paraissait intéressant
de retourner a u discours que la psychanalyse et la psychologie
systémique avaient formulé, sans toutefois le développer, au sujet de la
relation entre les processus psychiques primaires et I'expression
rhétorique. J e ne me réf&e pas ici (ou pas seulement) a la version
lacanienne (ou jakobsonienne) du passage de L'interprétation des réues
sur Verdichtung et Verschiebung : version qui, au fur et a mesure qu'on y
pense, apparait moins convaincante. J e vise plutot l'idée que
l'inconscient [de quoi qu'il s'agisse et ou qu'il soit) pourrait etre tenu
pour le véritable lieu d'origine de toute transformation, y compris de la
transformation rhétorique. C'est 1a un point auquel plus d'un chercheur
a touché, chacnn depuis son point de vue : Chomsky (et Grelmas) avec
leurs a structures profondes I , le Groupe et Eco avec la notion de
S p e ou de type cognitif D, et Wilden avec sa distinction entre une
rhétorique de l'analogique (qu'il identifie avec la métonymle) et une
rhétorique du digital (qu'il associe au domaine de la métaphore, en un
toumemain surprenanl. mais peu convaincant). Ce qui me parait
intéressant, a ce propos, est que cette perspective permet d'envisager
une troisieme altemative entre le colonialisme n logocentrique et
l'indépendantisme achame dont il était question au déhut de cette
intervention. Si les processus psychiques pnmaires foumissent la base
de toute transformation. il serait possible de récupérer les termes et les
concepts de 8 métaphore n, <i paradoxe n, r ellipse 8 . et peut-Etre méme de
N métonymie B et de synecdoque B dans les analyses du langage visuel,
sans trop se préoccuper d'un retour 5 la sujétion aux paradigmes
verbaux : il ne fandrait en effet pas oublier que I'inconscient [de quoi
qu'il s'agisse et ou qu'il soit), est une langue pour Lacan, tandis que pour
Freud il est un tableau

Conclusion
Pour conclure, récapitulons sommlrement quelques points soumis
ici a la discussion.
1) L a rhétonque contemporaine propose une dichotomie essentieue.
D'un caté, on a une rhétorique gene?&, vouée a la systématisation des
mécanismes de production des figures et de leurs combinaisons
possihles : il s'agit donc &une rhétorique structuraliste. Elle a joué un
r6le tres important poiir faire sorür les études rhétoriques du marasme
La retraite de la rhétonque ? 141

dans lequel elies étaient tombées ; elle peut encore produire des
résuitats importants, bien que sa vaieur hewistique apparaisse comme
en déclin. De I'autre Maté, on a une phménoiqie desfa& rhétoriques,
attentive aux effets de sens et se d b t des schémas trop rigides : elle a
un caractere substantiellement pragmatique et doit vivre [ou survivre)
la hntiére entre la rhétorique du te& et la rhétorique de la réception.
2) Pour le moment, ce n'est pas possible de dire si la rhétorique
pourra se maintenir comme un domaine autonome ou si elle dewa
f d e m e n t se considérer comme une variante de la stylistique. Les
réfésences a Heinrich WOlfilin contenues dans cette intervention avaient
partieiiement pour but de soullgner cette question. 11 est possible que les
réponses doivent valer selon le langage qu'on choisit d'analyser : dans le
cas du langage verbal et Uttéraire, la notion de r style x se référe a
l'emploi idiosyncraslque de la langue par un auteur déterminé : les
dornaine de la rhétorique et de la stylistique ne paraissent donc pas
coincider ici. Mals dans le cas de la communication graphique et visuelle
(autant que dans le langage musicai ou corporel), le terme de a style n est
employé d'une facon moins subjective et indlviduelle, et vise plut6t un
ensemble de régles culturellement hypercodifiées, qui marquent
I'uüiisation des ressources spéclílques du langage en question. Dans ce
cas, les terrains de la stylistique et de la rhétorique sont beaucoup plus
inmqués.
Encore une fois, nous en sommes a demander a l'únage visueUe ce
qu'elie peut nous dire sur la rhétoríque et la st?rnioiique. C'est B le hic
Rhodus, hic salta du sémioticien visuel. Et s'fl résulte que ni h e ni
l'autre ne résiste a l'épreuve, la confrontation aura du moins semi a
déblayer le ten- pour les futures génératim de chercheurs.
La rhétorique de I'image :
quand Alberti rencontre le Groupe p

Herman Parret

Rgveries urbinates
Federico de Montefeltre, duc d'Urbino. prend connaissance en 1473
de la traduction du roman de Philostrate I'Athénien composé a u
troisieme sikcle de notre ére'. L'ouvrage raconte la vie, ou plutot la
Iégende, d'ApoUonius de Tyane, magicien et faiseur de miracles, qui fit le
voyage en Orient sur les traces d'aexandre jusque dans l'lnde fabuleuse.
Passant par Ninive, Apollonlus s'arrete un moment devant un temple
immense et il s'entretient de peinture avec son disciple Damis :
ia peinture est donc une imiiation, Damis ? l...1 Est-ce que Pon voit dans le ciel,
lorsque les nuages s'effilochent : centaures. boucs-cerfs, et meme, par Zeus, loups et
chwaux, de tout cela, que diras-tu 7 Est-ce que cene sont pas aussi des imitations ?
Une faut pourtant pas en conclure que Dieu est peintre et que I'image dans les nuées
est I'oeuvre d'un ieu divin. 11 faut . - bien au contraire, que ce sont la des figures
iucer,
san5 aucune signüication. emportées dans le ciel au hasard, mais que c'est nous,
natureiiement portes a rechercher partout des représentations. qui leur donnons des
formes et ies creons.

Philostrate nous enseigne ainsi par ce récit qu'il y a des compo-


sitions contingentes et approximatives dans le chaos de la nature mais
que c'est I'artiste qui .I crée en achevant ce que le hasard n'a fait
qu'ébaucher. Un texte de Pline l'Ancien que les théonciens de l'art d e la
Renaissance citent souvent, porte le meme message :
144 Herman P u r e t

On disceme pañols. dans les Mines du marbre, dan6 les siiies de l'agate ou dans les
auréoles de I'aibatre. d'Ctonnantes composlttons qui. Nirement carrigées. font de
menreilleux camées (cite in Chastel 1982 :93).

Si légere soit la correction par l'artiste, on ne saurait pourtant en


faire l'économie: la nature ne peut qu'&mcher, l'art seul peut parfaire.
La matidre naturelle est préformée mais seul Partiste crée, par la mise en
forme d'une m a t i k qui devlent alnsi le digne support d'une oeuvre d'art.
Leon Bafflsta Amerti se souvient sans doute de ces textes antiques
quand il écrit dans son traité De Statua [Sur la sculpturel (1466) :
Je suppoue que les arts qul pmduisent des ceuvres a l'image et la ressemblance des
mrps engendrés par la nature. ont débuté ainsi : un jour. on déeouwit par hasard.
dans le konc d%i arbn ou dans une motte de terre ou dans quelquc autre objet du
meme genre, certaines figures qu'fl auíñsait de modüier Ws . I6gegerement pour les
rendre fort ressemblantes anx apparences naturelles. En se rendant attenüi a ces
~hénomheset en les remamuant avec soh. on essava de voir si L'on ne wuvait vas.
en aJoutant, en retranchant ou en achevant ce était Imparfait, óbtenir&e
~ariaiteressemblance. En cumSeant et en riolissant ainsi les contours et les swfaees
&lon ce que l'objet luz-meme Gdtait B fa&, on mLssit B réauser ce qu'on vouiait.
non sana y buver de plaisir (uoluptas) (Albem 1435 : 291.

Alberti mit trouver i'origine de la sculpture dans le tmnc ou la terre,


dans le bois ou i'argile, en lesquels, en effet. on tu& et on ~ ~ ~ ddes kle
statues. Par la poiesis du tailieur de bois, I'artiste crée l'image en
engendrant la parfaite ressemblance r : la mise en forme de la matiere
réalise l'image, Fe. la ressemblancx entre la maiiere préformée et la
forme scuipturale achevée.
ii est wai qu'en ce iieu Alberü pense i'origine de la sculpture. non de
la peinture. La peinture. en effet, a une autre origine. La a scene du
tableau B pour le peinke est une m a t i h bien Mérente de la matfere
que le scuipteur met en forme. Cimage picturale est d'une auire nature
que i'image sculpturale. Et surtout. la relation entre m a t i h et forme est
radicalement diñérente dans les d e n cas. Pour le scuipteur. h a g e est
dans la mise en forme &une matitre préformée, pour le peintre par
contre i'image est dans la tension constitutive d'une rhétorique historiale
(i'hlstoria comme matiere) et une rhétorique forrnelie (exploitant les
virtualités du s i g d a n t pidural).
C'est le statut de cette rhétorique c i doubieface dans la théorie de la
peinture chez Alberti qui mobilisera notre attention. en vue d'une
homologation éventueiie avec un théoeme de la rhétorique générale du
Groupe p. Leon Battista Albertil, grand ami de Mantegna a la cour des
Gonzagues Mantoue et tres apprécié par les Montefeltre Urbino,
La rhétorique de I'image : quand Alberti rencontre le Groupe p 145

architecte et ingénieur, théoricien de l'architecture, de la sculpture et de


la peinture, s'était déJa expliqué a ce propos dans son traité célebre sur
la peinture, De Pickua, publié trente ans (1435) avant la pubiication de
De Statua De Picturu, traité humaniste et modeme, deviendra le cadre
de référence de tout l'art de la Renaissance italienne3. Alberti a recours
dans son traité a la mathématique et 6 la rhétorique pour definir l'art du
peintre. Le doctas pictor, a la suite de Brunelieschi, construit dans le
Livre 1 du traité une théorie de la perspective, opération du visible dans
l'appareil optique exteme, l'ceil. Cette théorie mathématisée. surtout
géométnsée, décrit le fonctionnement de l'ceil, pointe ou N apex de la
pyramide visuelle qui Implante de la profondeur dans les surfaces
picturales. Au Livre 11 du De Picturq qui nous retiendra davantage,
Alberti passe de la mathématique a la rhétorique. de i'oeii 6 la main. Pas
de peinture sans que les constmctions de l'ceil mental ne s'appliquent en
stratégies de la main : pragmatisation ou rhétorisation du cognitif. C'est
que la géométrie du cone visuel doit se syntagrnatiser en situations et en
combinaisons de figures - on passe par conséquent de l'image a la
figure -, elle doit se syntagmatiser en historia. I'histoire étant une
comhinaison pourvue de sens. La figuration de l'histoire, si l'on suit
Alberti. n'est plus l'affaire de l'ceil mais de la main stratégique d'un
artiste désormais plus rhétoricien que g6om&tred.Par conséquent. la
perspective n'est que la condition de possibilité de la démultiplicatfon
des relations narratives entre les figures. En d'autres mots, l'histoire (le
récit, diraient les narratologues) est déja la raison de détermination de la
spatialisation perspectivale e t de i'assemblement figuratif. Tout
simplement, I'historia a représente *. * arrange D. n invente B des
séquences d'actions humaines pourvues de sens. La perspective ne sert
qu'a faire participer l'observateur a l'action et, en fin de compte,
émouvoir, toucher l'áme. L'espace est attente de l'histoire. L'art a comme
fin de substituer au monde - corrélat géométrique de I'ceil - une
histoire - corrélat rhétorique de la main. On passe ainsi. pourrait-on
dire, du dessin squelettique au r6le théatral. Le Livre I du De Pictura, le
plus célebre, le plus fondateur sans doute, nous montrait comment l'aeil
mental dessine le squelette : c'était un livre de gkomélrle picturale. Le
Livre 11, le plus inspiré, décrit cornment la main de l'artiste théatralise
l'histoire, transforme les images en figures. les signes en syntagmes :
c'est un liwe de rh.étorique picturale. Le Livre 111. le plus anecdotique, le
plus vieilli également, va alors évoquer cornment l'artiste doit se
comporter socialement : ce sera un lime de psychologie p i c t d e . Notre
attention. de toute évidence, doit se porter sur le Livre 11.
146 Herman Parret

La rhétorique de la main du peintre


Allberti soiitient dans le Lime II du De Pictura que la peinture ne
peut étre analysée que sur le modele du discours (sous sa foxme de
langue écrite). 11 y introduit l'inventio, premiére partie de la rhétonque
dans la détexmination classique chez Quintilien et Ciceron5. En effet,
c'est seulement aprés avoir démontré systématiquement le
fonctionnement de la peinture comme une langue écrite douée de sa
propre grammaire, que la peinture peut etre élevée au rang des arts
libéraux. L'inversion dans la citation qui suit est instructive :
La contemolation de la bonne winture .I...lme dome une satisfaction de i ' h e oui
~

n'est pas iiférieure 2 la lectureAd'unebeiie hlstaire. [Peintureet éciiturel sont touks


deux euvres de veinkes: i'un oelnt avec des mots. I'autre ensewne avec le vinceau :
pour tout le resti, la situation des deux est identique IAlbertl 1435 : 59).

C'est cette " grammaire ,rhétorique qu'Aiberti reconstruit dans le


Livre 11 de son traité. Le concept central de historia (88 40-45) doit nous
intéresser pariiculierement. L'historia est régie par les trois principes
interdépendants d'abondance, de uariété et de rnouuement, dans le but
de délecter et d'émouvoir les ames des spectateurs. L'abondance (copia)
ne peut &@econfuse et désordonnée. 11 faut qu'elle soit agrémentée par
la variété (varietas) en diversiflant précisement les rnouvements qui
régissent la dynamique de i ' h i s t o ~Les
. mouvements, dans leur variété
et leur abondance. constituent I'aspect le plus important de l'histoire
puisqu'ils provoquent au plus haut degré des émotions propres a
toucher i'áme du spectateur et, dans la peinture, soutient Alberti, les
rnouvements de reme sont révélés par les mouvements du corps n. En
peinture on décele une véritable syntaxe et une sémantique des
mouvements de chaque corps et de i'ensemble des corps. Au niveau
sémantique, par exemple, pour le rendu des émotions, Alberti prescrit
des accords spécifiques entre les différents membres du corps pour
exprimer la tristesse, la colere ou la joie (S 41). S'inspirant d'un passage
de Quintilien sur les gestes de l'orateur, notre auteur énumére et définit
les sept directions de mouvements qui peuvent se manifester dans toute
peinture : en avant, en aniére, vers le haut. vers le bas, vers la droite,
vers la gauche et en cercle (3 431. Afín de transmettre I'émotion au
spectateur, Aiberti recommande de l'harmonie dans la variétk des
mouvements des différents corps et une clarté permettant la saisie
immédiate et facile de l'hictorh De meme, il préconise dans l'historia la
présence d'un persormge qui implique le spectateur dans l'action (142).
La rh6torique de I'image :quand Alberti rencontre le Groupe p 147

Une théorie de la peinture ne peut etre adéquate s a n s cette


pragmatico-rhétorisation de I'acte de peindre. Le Livre 11 développe
certainement ce modele rhétorique. 11 comprend trois grandes parties :
une rhétorique de la persuasion, des lors que la peinture doit émouvoir
et faire jouir ; une rhétorique historiale, car la représentation de I'historia
est le but final de la pratiqne artistique : et une rhétorique formelle
[structurale). Si les principes de la variété. de l'abondance et du
mouvement dominent la rhétorique historiale, celle-ci est elle-méme
contrainte par des techniques formelles quVAlbertidéfinit en analogie
avec certaines unités poético-discursives du langage. Trois techniques
sont ainsi établies. L a premiere est appelée a réaliser la circonscnpfion
du simple contour d'une surface. équivalente, selon Alberti, de la
circonscription d'une lettre d'alphabet ; la seconde effectue la compo-
siCIon, en analogie avec la formation morphologique de lettres en syllabes
et en mots ; la 'moisieme. enfm. procede a la distribution des h i e r e s ou
coloration des surfaces, correspondant 2 la vocalisation, a 1' S esthéti-
sation 8 phonique, dirions-nous. de la langue écrite".
Voyons cela plus en detail. L a circonscription consiste a inscrire dans
la peinture, au moyen de lignes, le parcours de tous les contours. EUe
n'est donc autre chose que la délimitation des contours. Alberti avait
inventé a ce propos u n instrument devenu célebre, le uelum ou
intersedeur, un voile tres fin, tissé láche, divisé au moyen de fds plus
épais en autant de bandes de carrés qu'on voudra, et tendu sur un
cadre. Ce velum doit etre placé entre le corps a représenter et l'ceil. et
permet au peintre de dessiner les contours. Seconde technique : la
composition ou le procédé par lequel les parües sont disposées dans
l'ceuvre de peinture. De la composition des surfaces nait l'élégante
harmonie, la beauté en somme. 11 s'agit pour Alherti aussi de la
composition proporüonnelie des corps, de corps vivants et en action, de
corps participant a l'historia. C'est que l a technique formelle de
composition fonctlonne en dialectique avec le principe historial de
mouvement. Relativement a la troisieme technique : les lumikres ont la
.
force de faire varier les couleurs. Selon Alberti. les couleurs deviennent
plus ouvertes ou plus fermées B selon que c'est la lumlere ou l'omhre
qui les frappe. Dans la théorie alberüenne, les lumieres et les ombres
sont représentées dans la peinture par le noir et le blanc. Les autres
couleurs doivent etre considérées comme une matiere laquelle on
ajoute des degrés de lumiére et d'ombre. Cette esthétique albertienne des
couleurs est bien intéressante, mais seul nous importe ici le fait que la
circonscription, la composition et le remplissage par la couleur sont trois
techniques pensées A partir de la rhétorique poético-discursive du
langage en fonctionnement : la forme de l'aiphabet (éuit), la syntagma-
tisation et ensuite I'esthétisation par la vomlisation.
lnsistons sur le fait que pour Albertl la rhétorique s t r u c t d e ou
formelle ne peut étre dissociée de la rhétorique historíaie. Un tableau.
une ceuvre d'art, reproduit, represente, invente r (inventio) des
séquences d'actions humaines pourvues de sens, Phistoria mais il le fait
en m g e a n t une circonscription, une composition et un remplissage
par des couleurs. L'historia est pourvue du sens dés qu'elle est
arrang6e r par les trois techniques de la rhétorique formeue. Cette
rhétoilque i double face - Mstorlale et structurale - est elle-méme
enchassée dans une rhétorique de la persuasion : le sens historial dans
toute sa beauté conuainc et séduit. La beauté de l'historia sert faire
participer celui qui regarde i'action, a émouvoir, i toucher. L'espace que
la main de l'artiste doit conquérir, I'espace de la toile, est attente de
i'historia, mais cette histoire elle-meme est en attente d'une forme
plastique. L'historia, par conséquent, est un contenu transitiomel
puisqu'eUe est contrainte par les stratégies de la main de l'artiste. de la
pratique artistique.
La plupart des interprétations du De Pictum se concentrent sur la
ihéorie de la perspective et des performances de I'ceil mental dans le
Liwe 1. On y a souvent relevé chez Alberti toute une métaphorique
optique. Mais on ne saurait considérer les connaissances
mathématiques et géométriques exposées dans ce livre comme un
préalable a la pratique de la peinture. A celie-ci le Liwe 11 offre une
perspective autrement plus nécessaire. Au moins deux aspects essentiels
doivent y etre relevés pour la compréhension du statut de la rhétorique
albertienne. D'abord, la géométrisation de l'inuentio artistique et
i'hypostase de l'ceil mental qui l'accompagne n'instaurent que du virtuel.
Cest la main de i'artiste, et ses pratiques. qui réalisent ce vimiel par la
mise en place de stratégies rhétoriques. On ne comprendra jamais l'acte
de peindre par la seule opiique mais bien plutót par i'haptique, le toucher
de la main ou de sa proih&e, le pinceau. La substance rhétorique de
i'historia - abondance, variété, mouvement. qui renvoient A l'historia
dans toute sa sémantique - ne se réalise qu'en tant que rhétoilque
formeiie, par les stratégies de formation que sont la circonscription. la
composition. le remplissage par la couleur. De Plctura d'Alberti démontre
que la rhétorique historiale et la rhétorique structurae ne sont que pile
et face &une m&me a r W t é P. celie d'un monde inventé, représenté
mangé par I'artiste. d'un monde mis en peinture.
.,
150 iierman Parret

une simple tache informe serait plastique, le dessin d'un visage serait iconique, mais
une figure géométrique serait quelque part entre les deux : plasilque parce qu'elle n'a
pas pour référent un etre du monde naturel, iconique parce qu'elie n'est pas seule de
son genre, mais renvoie a une idee extérieure i eUe. et a une actualisation de ce
concept qui ne pouvait se d é f h k que par sa fome dans I'espace (Gmupe p 1992 : 120).
On comprend que cette solidasité * de bon sens B entre i'iconique et
le plastique nous rapproche de toute évidence du Livre 11 du De Pictura
et de sa rhétorique a double face, historiaie et fomelle. Toutefois, le
Groupe p ne laisse pas de distinguer les deux types de e signes visuels 8
e t refuse ainsi toute lconicité a n non-figuratif. Dans le Traité,
i'impossibilité d'élaborer une définition générale des différents types d u
fonctiomement sémiotique est régulierement évoquée : il n'existe pas de
signes icono-plastiques, Mais il existe des fqures icono-plastiques
(Groupe p 1992 : 279-831. Le passage du signe a la figure marque le
passage de la sémiotique i la rhétorique.
La pertinence d'une rhétorique ícono-piastique. - La conjonction ou
le couplage du plastique et de l'iwnique est fréquent dans l'histoire de la
peinture. Le tmité de sémiotique visueiie en d o ~ e n quelques
t exemples
frappants. 11 y a des cas ou le décodage du sens iconique est facilité par
la distribution des couleurs (par exemple, chez Mlró). 11 y en a d'autres
ou le décodage d u sens plastique est facilité par des suggestions semi-
figuratives. par conséquent iconiques (chez Yves Klein, ou le plastique
des taches de bleu ressemblent 8 a des corps féminins). Le Groupe p
constate d'aüleurs avec raison que
La relation entre les deux iypes de signes est le plus souvent abordée dans le sens
plastique -t iconique. En effet, lorsqu'on décrit le processus d'idenüñcation d'un iype
iconique. on met en avant la perception d'une manifestation plastique Itexture.
couleur, lignel. Mais ce swant plastique n'est que potentiel : il tend i s'effacer au
profit de Iiconisme lGroupe p 1992 : 345).
Ce serait meme une tendance générale de l'esprit humain : le
plastique a tendance a s'iconiser. Ou, a u moins, il s'agirait d'une
projection analogisante : le plastique est percu / vécu comme si c'était de
I'iconique. On peut meme généraliser en affirmant que le plastique
informe I'iconique et le modele (Groupe p 1992 : 347).11 ne s a t pas de
conclure que le plastique et I'iconique sont l'adjuvant i'un de l'autre, en
toute réciprocité. En effet. deux implications dofvent etre explicitées.
D'abord, la relation icono-plastique est une relation wmme si relation
d'analogie ou, si l'on veut. d'hypoíypose : &une part le plastique S met en
sckne ", N met en couieur n l'iconique, et d'autre part I'iconique a gratüie n
La rhéiorique de I'image :q w d Albertl renconixe le Gmupe p 151

le plastique, valorise la texture. la forme et la couleur. Ensuite, la


relation icono-plastique a une dlrectionalité canonique, comme nous
l'avons remarqué. Tendance de l'esprit humain ou tendance de la culture
et de l'art occidental oa le @miest avant tout figuratif. ou le plastique
tend L se x conformer au monde, oii les formes sont avant tout des
formes de choses. Meme si on défend la pertinente d'une rhétorique
icono-plastique. cette rhétorique-la parait finalisée par l'iconisation
généraüsée de tous les artefacts culturels et artistiques. Notre bonne
métaphysique occidentale, avec s a traditionnelle tendance 6
l'ontologisation du sens. donc P son iconisation, nous permet. fort
heureusement, de penser la relation rhétorique comme étant analoglque.
L'ade de l'artiste est un acte de mise en analogie du plastique et de
l'iconique.
L'essai d'homologatlon annoncé entre la rhétorique aiberüenne et la
rhétorique du Groupe p peut étre formulée ainsi. Le Livre 11 du De
Pictura prefigure la thkorie de l'image du Groupe p concernant un
théoreme précis. Notre hypothese est que la rhétorique a double face,
historiale et siructurale, d'Alberti exhibe une tension épistémologique
qui n'est pas absente de la rhétorique icono-plastique du Groupe p.
Cette homologation n'a évidemment rien d'explicite et il faut des
arguments convaincants pour la justifier. Reprenons les termes de cese
double tension : d'une part, pour Alberti. tension entre i'kistorial
(matiere ou plan de contenu : abondance, variété. mouvement) et le
sbuch<ml (forme ou plan de l'expression : cimnscription, composition,
remplissage par la couleur) ; d'autre part, pour le Groupe p. tension
entre l'iwnique (maiiere ou plan du contenu : imitation, ressemblance) et
le plastíque (forme ou plan de l'expression : stylisation, abstraction, sans
renvoi référentiel). La rhétorique albertienne est globalement motivée par
la mise en eche d'une histwia L'hlstorül est ce que le peintre uoit dans
la Nature. L'acte de peindre est un acte d'icontsation. Toutefois, le peintre
n'est capable d'iconiser que par la mise en oeuvre de techniques
plastiques (dans la rhétorique du Groupe p : forme, texture, ligne,
couleur) et/ou sbuciuraies (dans la rhétorique d'Alberti : circonscription,
composition, remplissage par la wuleur). Qu'on n'en doute pas : ce qul
est homologable, ce ne sont pas tant les termes substantiels (de
l'historial et de Piconique d'une part, et du stmctural et du plastique de
l'autre), mais la tension dans ces deux couples. le fait que la relation
rhétonque eUe-méme est une relation mmme si, une reiation d'analogje
ou dliypotypose : le plastique est présenté m e s'il 6tait iconique. le
stmctural, comme s'il était historial.
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slearer 3sa.u 'xuamanb@o~o~[?x ampd 1r.s ' p o $ s { q , ~no a n b ~ o ~anb
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3sa.a ' a o ) w luamanuassa $sa - ri a d w s np anaa 'wqw.p aria -
a?haIar s u o snou~ ~ anb uogqnmro~alqnop q suep 'anbuq?qi u o n q a ~
q IS '(69 : 9 6 ~ 1waqnr) IWS?P a1 uo.nb saluqqmass= rssne sa5'.em!
sap annpo~d3 p e s uo 'ar?nm q SUEP p m w a1 md w v n e q ? sau1.10~
sap a m a s al sues a q m 'anb G a p 13un inof un 71.q~ua ~ q y u ~ . p
w.1 !S a01 e p 7-w.p uav w : awa?i axw smp (sqmilon) a s m d
np laanoa 7nej II m '1~021 m - ame^ q s v $sa rmolsry,~
anb a- 'snmo~oddv.pallns el e 'qlaqw ronblnod jsa.3 .aIn$eN
g ap sa~uamddesal laylpotu ' ~ a & o ~lnej n 'pqquassai peppe.1
avuar mod ,sanbnseId s a m q sap saauuo~ardsalan- sap m s $nowed
suoiaro~d!nb snou pa.3 lmmmqa aa ap a5'essam a1 aaaddiu
as u 0 '?f!guog.l 'a3urqquiassal e1 'UM?D?!UI!.I $ua!exnJslp ñ slmea
la snpol[odv . a m aa ap ampaano ua g13 Ls{ma 3 a ~ esnyonodv,~
uallaqua.1 y 'uolsn~auoaap asrnB ua 'Jueisur un suouaaax
La rhétorique de I'image :quand Alberti rencontre le Groupe p 153

concept of the 'creative act' and the 'creative moment' or his vision o í the
'relationship OS the müst to the work of art', is entireiy peripheral P (Katz 1978 : 24).
On ne peut pas plus sous-estimer le statut épistémologique de la conception
alhertienne de Part.
4 Albero told the painter that he should prepare himself to carry out his S most
capacious and # highest 8 task : to paint history. As his many complementaq
referentes to histoda and its Italian eciuivalent storiaor istoriareveal. Alberti had in
mind a carefully composed pictm. in which a suhstantial number OSc h m c t m -
ideailv nine - a~peared.
.. He told the painter how to plan histories in advance.
where to fmd appropriate subjects for them, how to avoid ermrs of taste, and how
to set his aesthetic goals. The term became central in Alherti's work. A close
examination of what it meant to Alberii reveals exactiy how he Med to translonn
the exisüng language and praciices o1 art. In doing so he drew on a n existing. if

.
inchoate. Sorming of new and more precise term - one carefully craffed to embody
a particular aesthetic program (Grafton 2000 : 127). Graiion analyse en détail la
notion de historia (124-133). Masaccio, Donatello et Uccello sont panni les peintres
preférés d'Alberti, mais ses principes picturaux semhlent introduire les grands
Zénies de la fin du Quattrocento. Manteena. Botticelli. Bellini ...
5 ;~lbertifollowed ~ i i n t i l i a n through
, m i c h of his work. point by point, in order to
produce an introduchuy work on pInting as thorough, consistent. and complete
a s his ancient forernnner's ...The ancient writers on oratory had set out to produce
what they c a k d a good man skilled in speaking (bonus hamo dicendipe&ts), a
man both irained in effective political speech and equipped with hlstorical and
moral h i n h g , one who spoke well 2nd wisely. Alberü, simila&. drew up a manual
for the traiuing of a bonus pingendi peritus. and in it discribed ihe art. its
practitioner. and his education in full detall a IGrafton 2000 : 1171 ; the anaiogy
behveen rhetoric and painting l...] gave Alberti much more than an attractive
conceit to work with. It also provided him with an intellectual Sramework and a
formai vocabulaiv. These enabled him to discuss. in an orderlv and convenient
way. many problems of representation that would otherwise have been difficult
even to fonnulate in words - and to describe, in general and abstraci tems. the
mncrete úmovations of the arosts he h e w (118).
.
. citation concemant ces trois techniques : Nous avons divisé la
6 Voici une longue
peinture en trois parties et cette division. nous I'avons tmuvée dans la nature eUe-
meme. En effet, puisque la peinture s'efforce de representer les choses visibles,
notons de quelle facon les choses se présentent a la vue. Tout d'abord. lorsque
nous regardons quelque chose, nous voyons que c'est une chose qui occupe u n
lieu. De Sait. le peintre cirmnscrira ce lieu et appellera cette maniere de tracer le
contour dn terme approprié de eirmnscription. Toute de suite apres, la m e nous
. .
d le coms retarde est constitué de tres nombreuses surfaces Qui se
a ~.~ r e nQue
combinent entre elles. Et ces réunions de surfaces. I'artiste, en les assignant
leurs Heux. les nommera justement composition. Pour flnir. le regard nous permet
de discerner plus distinctement les couleurs des surfaces : la représentation de ce
Sait. en peinture. parce que cette demisre tire des lumieres toutes ses différences,
nous I'appellerons W s justement réception des lumieres a (Alberti 1435 : 1451.
1.54 Herman Parret

Alberti. Leon BatUsta


1435 De lapeiniwe [DePirtural. iraduciion francaise de Jean Lauis Scheíer. Paris :
Macula Dédale, 1992.
Bianchi Bensimon, NeUa
1998 Unicité du regard et plumlite de la uoix : essai de lecture de Lean Battista
Alberi P&s : Resses de la Sorbanne Nowelle.
Chastel. Andr€
1982 Art et hwnmisme i %reme au tenps de Laurent Le Magnifique. Pms : P.U.F.
Graiton. Anthony
2000 h n Batüsia Alberli Master Buüder ojthe ItalIan Renaü-sance. Camhridge,
Mass. : H a d University Ress.

Katz. B w
1978 Leon Battista Alberti and the Humanist Theow .of
. the Arts. Washington :
UnWersily P ~ s o1
s America.
Panza, Pierluigi
1994 Leon B&ia Alberti FUosoj?a e teoeorle deli'arte. M i o : Guerini Studio
Sémiotique versus rhétonque ?

Jan Baetens

La couleur, richesse du p d t e , est si coüteuse


que la plupart s e bornent au dessin ou B
l'esquisse et deuiennent d e s hommes de
sciaice
H.D. Thoreau. JoumaL 1852

Un conflit nécessaire
11 convient de le rappeler : sémiotique et rhétorique, fut-elle générale,
ne sont pas faites pour s'entendre w simplement D. Dans un certain sens,
les deux approches ou disciplines sont meme faites pour s'exclure
mutuellement, du moins dans une certaine tradition, rhétorique
davantage que sémiotique peut-etre, qui sera celle suivie dans ces
pages'.
Paul de Man, dans un article fondateur, s'étonnait deja de voir les
sémioticiens francais, c'est-a-dire stmcturalistes n, mélanger sans trop
de problkme ce qui pour lui relevait de la grammaire d'une part et de la
rhétorique d'autre part. Pour de Man, ce mélange est problémaüque, car
i1 joue implicitement au profit de la grammaire et au détriment de la
rhétorique. Dit autrement : dans la perspective sémiotique de type
strncturaliste, la rhétorique est ohligée de s'aligner sur la grammaire,
elle n'a de place que dans la mesure ou elle se plie a la logique de l'autre.
Précisons un peu ce point, qui est capital.
156 Jan Baetens

Pour de Man, on le sait. la grammaire était avant tout une extension


de la logique :
A un niveau tout i fait naif. nous avons tendance a concevoir les systémes de
grammaire comme teudant 5 I'unlversaütk et comme étant simplement génératifs.
c'est-a-dire capables de produire une W t é de versions B parUr d'un seui modele
(iequel peut déterminer des transformations aussi bien que des dérivations) sans
I'intervention d'un autre modele qui puisse déranger le premier. Nous envisageons
donc le rapport entre grammaire et logique. ie passage de la grammaire aux
proposltions, comme relauvement non problématique [...l. La grammaire et la logique
se tiennent dans un rapport dyadique de soutien inentamé Ide Man 1979 : 28-29].

Or, dans la mesure ou la sémiotique a l'ambition de faire une


grammaire D des faits rhétoriques. quelle que soit du reste la déhition
qu'on en utilise, elle transfo~lneinévitablement toute rhétorique en une
forme de grammaire.
Or, la vraie rhetorique, qu'on la rattache au charnp tropologique ou
aux techniques de persuasion, releve pour de Man d'un autre ordre.
d'une tout autre épistémologie :
La rhétonque suspend radicaiement la logique et ouvre de vertigineuses possibilités
d'aberration référentielle. Et. bien que ce geste nous éloigne sans doute un peu de
h s a g e commun. je n'hesiterais pas a identifier la potentialité rhétorique ou figurée
du langage avec la litterature elle-meme (de Man 1979 : 32).

Si peu orthodoxe qu'elle soit, la définition du fait rhétonque que


donne Paul de Man, me parait fort stimulante : s'il est possihle de
décrire les formes du fait rhétorique en termes de grammaire et de
logique, le fait rhétorique se distingue surtout par sa force qui, elle,
défait la grammaue comme la logique.
Schématiquement, la these de Paul de Man serait des lors la
suivante :
Sémiotique = gmmmaire = logique
US
IHeméneutique 7)= rhétorique = littérature
Autant le dire d'emblée : 11 ne s'agit pas de faire ici une lecture de la
déconstruction de Paul de Man (par exemple Mieke Bal 1999 : 13-32),ni
de multiplier les témoignages qui vont, chacun a leur favon, dans le
meme sensa, mais de commenter un probleme fondamental : comment
éviter la ~normalisation~sémiotique du fait rhétonque ? e, puis de pointer
u n enjeu non moins fondamental : comment le fait rhétorique permet-il
de repenser la sérniotique ? 8 .
S6miotique versus rhbtorique ? 1S7

Le premier point parait insoluble, du moins a premiere vue. Mais


p o u m que la rhétorique soit définie. ainsi qu'il anive dans les travaux
récents du Groupe p. comme I'élément évolutif de la sémiotique, comme
I'élément dynamique. de rupture. qui force le systeme sémiotique a se
remettre en cause et A se transformer, il devient possihle de concwoir de
nouveaux rapports. mobiles mais fructueux, entre sémiotique et
rhétorique. Au lieu d'appartenir a deux temtoires distincts, a deux
épistémologies incompatibles, voire franchement contradictoires, elles se
présentent plutot comme deux principes qui se combattent et s'enri-
chissent simultanément.
Pour le second point, qu'il ne s'agit pas de résoudre en inversant
platement les rapports de force entre rhétorique et sémiotique3, je
voudrais m'éloigner un peu des théories de Paul de Man. pour me
toumer davantage vers les recherches en sémiotique visuelle. 11 me
semble en effet que cette discipline multiplie les avancées qui permettent
justement de donner a u fait rhétorique une certaine place dans
I'ensemhle de la pensée sémiotique. Pour le dire autrement : c'est du caté
de la sémiotique visuelle que s'effectue une sorte de révolution culturelle
(enfin : épistémologique), dont un des effets les plus heureux est la
reouverture des S formes sémiotiques a la e force 8 rhétorique. Comrne
sémiotique verhale et sémiotique visuelle ne sont plus de nos jours deux
sémiotiques cloisonnées. mais participent de la meme a compétence
symbolique générale B , qui dépasse les mécanismes particuliers a
i'ceuvre dans une sémiotique particulikre, comme le sont la sémiotique
iconique ou la verbale n (Édeline & Klinkenbeg 1996 : 7).il est tout a fait
justifié de s'appuyer sur la sémiotique visuelle pour réinterroger la
skmiotique verbale, puis la sémiotique tout court. C'est la démarche que
je voudrais suime ici, la perspective choisie étant celle de la place du
rhétorique (au sens fort que lui donne Paul de Man) dans le sémiotique.
Certes, la sémiotique visuelle n'est pas un bloc homogene, et souvent
elle commet exactement la meme 8 erreur n que la sémiotique
structuraliste traditionnelle, a savoir la réduction du rhétorique au
grammatical. Cette éviction du rhétorique domine méme souvent dans
les sémiotiques visuelles de i'image publicitaire et, plus généralement.
dans les sémiotiques visuelles qui ne distinguent pas entre un Corpus
artistique et non-artistique [entre a rhétorique n et * grammaire 8. pour
parler comme de ManY. 11 va sans dire que, du point de vue de la
sémiotique structuraliste. cette confusion ne pose aucun probleme. Pour
une sémiotique soucieuse de rhétorique, elle est évidemment fatale.
Nulle vraie rhétorique, au sens de Paul de Man, ne peut sérieusement se
158 Jan Baetens

penser a partir d'un type d'image dont l'enjeu est toujours, qu'on le
veuille ou non, d'imposer un sens unique. Qu'une image publicitaire soit
riche ou complexe. ne l'empéche jamais de tendre toujours au meme but
(vendre et plaire, pour paraphraser les classiques). 11y a la, a mon sens,
un sérieux avertissement : il ne faut pas qu'une sémiotique visuelle soit
trop pres de I'image publicituire (cf. par exemple Forceville 1996, quels
que soient du reste les mérites).
Outre le Traité du signe uisuel du Groupe p (1992),qui se manifeste
du reste autant comme une rhétorique que comme une sémiotique, ou,
plus exactement peut-etre, dans le sillage de ce travail essentiel,
j'airnerais signaler ici deux pistes de réflexion capitales.

Sémiotique du signe, rhétorique de l'écran


La premiere, que représente exemplafrement la pensée sémiotique
d'Anne-Marie Chnstin et de son équipe a Paris VII, conceme la mise en
question du signe comme a unité 8 sémiotique de base. Réfléchissant sur
le statut de l'écriture comme a image 8 , cette sémiotique conteste
violemment certains principes clés de la sémiotique structuraliste,
comme la primauté du signe d'une part et l a division des faits
sémiotiques en un systeme composé de niveaux hiérarchiquement
articules d'autre part. On sait qu'au m siecle, o11 a redéfini les rapports
entre pensée, parole (comme extériorisation de la pensée) et écriture
Icomme extériorisation de la parole). Or la critique de ce modele
logocentriste s'est surtout intéressée a la mise en question de la
m6taphysique de la présence (laquelle sigmt3e essentiellement la priorité
accordée a la pensée par rapport la parole, et de ceile-ci par rapport a
l'écriture), théorisant la pensée comme écriture et le signe comme trace,
sans pour autant s'intéresser a la dimension proprement visuelle de
I'écriture. Dans les milieux des historiens et anthmpologues de l'écriture,
on s'est montré beaucoup plus sensible a cette visualité. et la réflexion y
a porté avant tout sur une nouvelle approche, non pas des rapports
qu'entretient la pensée avec la parole d'une part, avec I'écriture d'autre
part. mais des rapports entre écriture et image, afin de casser plus
radicalement encore les préjugés (alphabétiques et partant
logocentriques aussi, si l'on veut) pesant s u r I'écriture. La thése
essentielle de ces chercheurs e s t que l'écriture releve de l a
communication visuelle, d'une part, et que celle-ci differe
fondamentalement de la communication verbale, d'autre part. Bref,
Sémiotique versus rhétorique ? 159

l'écrifure est littéralement image (beaucoup plus littéralement que dans la


déconstmction, ou la trace est certes pensée comme espace-temps. mais
de manike encore tres abstraite).
Considérant l'écrit comme une image. la sémiotique de Christin se
veut une pensée de l'écran : l'élément principal n'est plus le répertoire de
signes détachés et indépendants de l'observation, mais les relations qui
s e tissent a l'intérieur d'un champ circonscrit et qu'il convient a
l'obsemateur d'interpréter plus que de décoder a l'aide d'une logique
exteme (cf. Christin 1995. 2000 & 2002).
De telles idées aident la sémiotique visuelle, et la sémiotique en
général, a se rééquilibrer du coté de la rhetorique. La pensée de l'écran,
c'est-a-dire du support. évite en effet ce que la sérniotique stmcturaliste
a de figé. tout en précisant bien le cadre. méme littéralement. a
l'intérieur duque1 s'effectue le geste rhétorique de l'interprete. 11ne parait
pas absurde de dire que la sémiotique telle que l'envisage Christin met
un t e m e a la combinaison traditionnelle des modes de signif~anceque
Benveniste appelait sémiotique w et N sémantique n5, pour mettre en
valeur la force du sémantique, non plus comme simple ajout a u
sémiotique, mais comme principe d'inquiétude et de brouillage d'un
sémiotique trop dominant. Que les nouvelles sémiotiques, par exemple la
sémiotique tensive de Fontanille & Zilberberg (1998), soient égdement.
et radicalement, des sémiotiques de l'énonciation, ne peut d'ailleurs que
reniorcer llmpact et l'intéret des idees d'Anne-Marie Christúi.

Pour une lecture infrasémiotique du plastique


Le second phénomene que Je voudrais ici mettre en lumiere est la
prise au sérieux du fait plastique (c'est-a-dire, dans la tenninologie du
Traité du signe uisuel, du non-iconique ou du non-figuratif). La
(reldécouverte du plastique comme objet sémiotique a part entiere. et
non plus seulement comme pur adjuvant des au'mes objets sémiotiques.
eux mieux reconnus par la sémiotique traditionnelle, que sont l'icone ou
la figure, n'acquiert cependant toute son importance que si on anive a le
séparer réellement du poids de l'iconique ou du figuraíií, qui menacent
toujours de ramener le plastique a un r6le de faire-valoir. Pour la

. .,
sémiotique visuelle de Bal & Biyson (1991). par exemple. tout élément
plastique est virtuellement infrasémiotique c'est-a-dire susceptible
d'étre integré a une lecture pleinement sémiotique (inévitablement
figurative), laquelle est appelée par le méme mouvement a devenir
160 Jan Baetens

suprasémiotique 8. c'est-a-dire narrative. Dans une polémique acerbe


menée dans les colonnes de la revue Critica1 Inqufry, I'historien de I'art
James Elkins (1996) s'est insurgé contre I'un et l'autre de ces
progmmmes de recherche, plaidant a la fois pour le mainiien du statut
insignifiant r (purement plastíque, dans la terminologie du Traitél des
lignes, taches, couleurs, etc., et pour le refus d'inféodation de ces mémes
éléments a la logique suprasémiotique du récit. Et on a sürement déja
compris de que1 coté va ici notre syrnpathie...
Or, c'est non seulement a u niveau de la surface (sur ce plan,
I'analyse du plastique s'inscrit dans la meme mouvance que la pensée de
I'écran), mais aussi au niveau du a parcours génératií n qu'il est possible
de faire fructifier I'idée d'un plastique indépendant D (c'est-i-dire.
I'autonomie absolue du plastique étant bien siir une vue de l'esprit, un
plastique suffisamment independant pour brouiller rhétoriquement
I'empire du sémiotlque]. Le refus du modele verbal a permis non
seulement de créer une place, dans les structures profondes, pour le
s e n s non verbal. voire non verbalisable, mais aussi e t surtout
d'envisager d'autres trajets génératifs, ou les images ne son1 pas des
figurativisations a d'axes sémantiques verbaux, mais des structures
diferentes, ni verbales, ni iconiques [méme si par la suite ces structures
peuvent se figurativiser et se verbaliser), mais. ne füt-ce que provisoi-
rement, plastiques. Ici encore, la contestation rhétorique du sémlotique
pourrait trouver des liew d'accroche.
L'idée de ce n niveau de base * plastique correspond parfaitement a
ce que nous révelent de nombrew témoignages d'auteurs sur I'écriture
comme transposition d'une domée spatio-visuelle. Dms une lettre a son
éditeur, Michel Láy,Baudelaire par exemple évoque une préface future
a ses textes ou il commenterait [un peu a la maniére de Raymond
Roussel 7) ses procédés et méthodes. Or le poste présente le travail
d'écriture en des termes étonnamment plastiques :
[...I que la phrase poétique peut Mter [et par E elie touche a I'art musical et i la
science mathématique) la Ugne horizontaie, la Ligne droite ascendante. la Ligne dmite
descendante : qu'elie peut monter a pic vera le cid, sans essoulliernent. ou descendre
perpendiculairement vers ienfer avec la vélocité de toute pesanteur : qu'elie peut
suiwe la spirale, décnre la parabale. ou le zigzag figurant une série d'angles
superposés (Baudelaire 1983 : 183 : cité In Gullentops 20021.

De maniére plus théorique, le témoignage de Baudelaire et de tres


nombreux autres écrivains, qui tous pointent la base visuelle de
I'écriture, a donné lieu a un important courant critique qui envisage le
S6miotique venus rhbtorique 7 161

texte comme réplique verbale d'une forme spatiale B. voire d'un


véritable diagramme P géométrique (Mitcheli 1980 : 539-567). Dans ce
contexte. l'exemple le plus cité est le dessin de Tristmm Siun@ et qui
représente le trajet narratif. tout de combes et de digressions, du roman
lui-méme6.
Ici encore, cette conception plus a rhétorique B. en I'occurrence plus
visuelie et surtout plus spatiaie du parcom g&nerat&n'est pas absente
de bien d'autres formes de reriexion sémiotique contemporaine. Sous
l'intiuence des recherches cognitivistes. la notion d'vnagerie mentale @e
modele * que l'on construit a partir de la perception du monde. qui est
premi&e) se substitue a cene de stnicture sémantique profonde (les
quelque vingt axes sémantiques fondamentaux auxquels la skmiotique
r&a de r a m e w le monde). et c'est en termes également visuels que I'on
pense les transitions graduelles du plus généml au plus singulier. On ne
passe pas d'une stmcture profonde verbale a une structure de surface
visuelle : on part au coniraire d'une structure profonde sensorieue. et
partant visuelle, que I'on precise et facome ensuite par I'ajout de
perspectives supplémentaires, le langage n'étant qu'un des moyens
d'effectuer ce iravall du sens [qui est done aussi un travall d'iconisation,
car ce qu'on recherche c'est la ressemblance entre les ilgures du monde
sensible et les stnicturas shiotiques qui s'en éloignent)'.

Une rhetorique i l'aeuvre


Essayons malntenant d'iilustrer un peu cela. au moyen d'une lecture
de Gioria Lopez de Thieny Van Hasselt (1999).
Pourquoi avoir choisi cette ceuvre 7 D'abord parce qu'il s'agit d'un
m h g e texte / image, ou il est clair que les deux sémiotiques n'arrlvent
pas ti se maitriser l'une I'autre, mais fonctionnent a u sein &une
compétence symbolique plus généraie. Cette compétence fonctionne a
deux niveaux : d'abord I'unité (l'ensemble des images qu'on voit), ensuite
le récit (le sens des unités ne devient pertinent qu'au niveau du rédt). Le
texte comme I'image devraient s'épauler, toutefois l'effort heméneutique
s'y embarrasse, et I'on sent fortement la tension enire texte et image, qui
n'anivent jamais a se réconcilier vraiment, ni au niveau de l'unit.5 (qui,
tout en étant iconique. se d,- retombe en plasticité), ni au niveau
du récit lqui, tout en relevant du parangon moderne du récit, puisqu'il
s'agit d'un polar. change de nature et devient une xtíiexion sur la genese
et I'interprétation des images) : l'impact du rhétorique, qu'il faudra
162 Jan Baetens

détaiiler plus loin, se situe deja la. 11 est important de souligner, dans la
sémiotique traditionnelle, I'interaction unité / récit, car le récit
fonctionne souvent comme une machine a a iconiser ce que l'image a de
plastique : en imposant l'ordre du récit a I'image, on efface souvent ce
que l'image a de plastique. et I'on tend ainsi a soumettre la force
virtuellement rhétorique du plastique a la grammaire et a la logique du
récit (le suprasémiotique, on l'a vu. sert de vocation et de levier a
l'infrasémiotique).
De maniere plus schématique :
sémiotique :
s i s e verbal + signe visuel lniveau 1) = récit verbo-visuel lniveau 21
rhétorique :
divers brouiilages de ce schéma
Mais cornment se fait sentir, de maniere plus concrete et pratique,
l'impact du rhétorique dans Gloria Lopez ? J e me limiterai ici a deux
observations.
D'un &té, les dessins obeissent parfois a un mouvement itérm a
une machine a uariations : au lieu de progresser, I'histoire fait du
surplace, et le lecteur est invité a parcourir de longues séries de
variations s u r u n méme dessin (généralement le portrait de la
protagoniste). Dans Gloria Lopa, de telles séries ne sont pas destinees a
peciser le personnage. mais au contraire a l'efacer : il n'y a pas d'eiTet
cumulatif (au contraire : la série fonctionne vraiment comme syntagme,
et non pas comme paradigrne ; on est invité a la parcourir comme une
serie, ou chaque nouvelle occurrence tend non pas a enrichir, mais a
corriger la précédente : en tout cas. il n'y a pas de combinaison D
possible des lectures paradigmatique et syntagmadque, d'ou le grand
impact rhétorique de ces séries).
De l'autre, le principe de I'effacement / émergence du dessin passe
du systeme narratif des variations a la forme meme d u dessin.
puisqu'aux moments les plus intenses du récit. l'image tend a l'abstrac-
tion, voire au vide (le cadre devient noir ou blanc. un peu comme un
fading au cinema). Or, ce qui est interessant, c'est que cette trajectoire
se parcourt dans les deux sens : de la figure au vide et vice versa, ce qui
transforme aussi le statut du récit (le récit de Gloria Lopez n'est plus le
récit raconté a l'aide d'images. c'est celui des images memes : de leur
émergence d'un fond indifférencié et/ou de leur retour a ce meme fond
indifférencié, comme si l'ceuvre voulait nous faire assister au parcours -
Sémiotique versos rhbiarique ? 163

génkatif S du visuel m h e , au lieu de nous rendre présente a l'esprit le


parcours génératif * du récit). Qui plus est, cette mutation du récit
affecte la lecture de chaque image (c'est-a-dlre de chaque case), A
laqude on va appliquer la méme lecture générative : loin de considérer
les cases c o m e les maillons d'un récit, le ledeur va les doter d'me
a profondeur S génétique, et les compléter soit par les versions plus
iconiques qu'on peut en imaginer, soit par les versions plus plastiques
qu'on peut non moins en imaginer. Et ce qui rend les choses plus
intéressantes encore. c'est que ce mouvement contmlit celui décrit plus
haut : ici, l'image est manifestement désyntagmaiisée. alors que plus
haut, dans le s y s t b e a variations, elle était visiblement syntagmatisée.
Le choc des dem. qui me parait au ccew m h e de Gloria Lopez, est une
nowelle fflustrationdu coníüt entre sémlotique et rhétonque qui était id
mon point de départ.
Dans Gloria Lopez i'impact du rhétorique consiste a dissoudre,
d'abord les deux nSeaux sémiotiques des images d'une part et du récit
d'autre part, puis le rappor! sémiotique entre ces deux niveaux, oii le
niveau supérieur du rédt est gén€ralementconvoqué pour donner sens A
ce qui resterait de non sémiotique dans l'image. Ce que fait Gloria Lopez,
c'est exactement l'inverse : le livre suggére que L'image agit de fqon
rhétorique, qu'elle résiste a la stmiotique [que ce soit celle de
l'iconisaiion ou celle de la mise en k i t ) : i'image reste plastique, non
flgurative. et elle refuse toute mise au pas a u nom du récit : elle
redevient. si l'on veut, muette. Ou c o m e le dit le rhétoriden James
Elkins, au bout d'une longue et dure polémique avec la sémiotique
.
visuelle de Bryson & Bal : e Pictures, it appears. are properly mute
objects that have no stories to tell, no messages, no ñxed fabuh. They
say nothing clearly - or else, in the best case, they clearly say nothing D
(EIldns 1996 : 591).

Notes
1 Tous mes remerclements a Jack Past [Universlte de Maashicht). Jan van h o y et
Dirk de Geest ( U m s l t é de Leuven). qul m'ont aldé A penser et r e p s e r une toute
premi* version de ce texte. Un grand mercl aussi a tous les particlpanis du
colicque iUrblno, dont les r e m q u e s critiques m'ont permis de formuler avec plus
de da& ce que j'avais dlt d'abord de maniZre moins nuancée.
2 a Une auhP disclpllne nouvelie, née de la IinauisUque. a recouvert pour une pari le
champ de la rheiorlque. mala en s'en d&&quant nettement : lauansCrniotiq~. Son
p3x fondatew en France,Algirdas Julien Grelmas [mort en 19921, Favait %i roriglne
écartée pour deux ralsons : d'une part paree que la rhétorlque décrivait un usage
'uo-~ : s w 'anm? a í ñ w ! , ~ ~ 6 6 1
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aná'uel e1 ap uori3uoj auos p! luasod as Inb saaralqoid ssa? 'mflo3sm al md
ypuaiiua 1- mb aa3uquW ap anbm-ds apom q s m p s u o w snou ' a n b n w
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isa mb a3ueyrUars ap awm al a S s q p anbnolrnas a? ~wn=.iap 3 n 1 3 m 3 . s
apom al 'iled aun,p an61mivu-s apom al suoladdv snou anb 'aauwj!t@s
ap qaugsrp sapnu xnap aqqmm a* q n : a n m m uonlugap q p! suoladdw
'PW mal m s
iapod inad uo.1 anb (auiaum aar v b a m w s a i w n 1uam%f al asar np ?ros
anb pnb '&yBu p s8d 1sa.u anansci anbnornw q ap aupeniop a1 suep aaUanQu!,l
luop (0661) m n q u e 2g~ amnioo soapnqmas sap a n o p s 131 aswd ay p
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anb1d.Qanlisv un PIileus a> '(ti. 9661) S r J q u a w JPN-"1. )a aullap.3 eplreU
uops . ~ i , b n o p pnr 1018s a y ~ a u i pinb dnbmaw ¿I isa.? 'au#psrsd r.il un suea E
'(69 : 6661 pne41aK s m a383Ua apmd q ap anbwdma
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a!qdow uos ap ?a s a n b m w q e n e sas ap zuaumpuadapw 'anbpoaaqx q anb
srop 'a%3uq np anbgaualm a m aun suep d p w d sas la-aerua $@pqm
aubnop?s el anb mmd ' p d aqnqp 13 - a [ T a i q ~ u x u qsqom np 'anasiaApn
uoqs awod ' u o n e ~ m sel ap a1q8spaaug8 apwrg aun ammoa $muas?zd
as anbno- $a[oxd a[ anb sao~w'- u ~ q u a a r n 3 m . lap anblp~rnrainmm5 np
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w d a p ne J U B M I ~apuaplxw lwmanbrd.Q uondaium aun - amowp np la-
Sémiotique versos rhétorique ? 165

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En altérant la rhétorique

Sbmir Badir

Flatter ne profite pas a celui qui l'écoute, dit mon maitre vénéré.
Suime est toujours trahir un peu. Critiquer n'est pas discemer. Variante
de ce précepte : U ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. J'ai fait
miens les deux premien enselgnements avec un enthousiasme suspect :
cela cache mal la diíñcuité que j'éprouve a m'accommoder du troisihe.
Aussi, h a n t la réponse fournie par le Groupe p a la critique, acerbe,
faite autour de Rh&wQw génémle par Beme Kuentz, qui en regrettait le
manque de cohérence théorique, j'ai pris pour moi. e n guise
d'avertissement de ce a quoi je ne devals pretendre dans cette étude, la
réplique suivante : Regarder les choses de trés haut et se réclamer de
positions théoriques impeccables, c'est aussi reporter indéfiniment le
travail a plus tard B [Groupep 1970 : 216)'.
En effet, voila bien le problkne. Pour ma part, je conünue a croire
que la réflexion théonque et le travaii d'analyse peuvent étre menées de
front, et meme gagnent-elles a l'étre. Je dis cependant de fmnt S, et non
de concert B. car ce ne sont pas seulement quelques dysharmonles
passageres que leur voisinage provoque. Ce que la coexistente de la
rénexion et de l'anaiyse permettent de manifester, ce sont les enjeux de
dénition &une discipline, et cela conceme a la fois la place de celle-d
dans l'organisation des connaissances et sa propre évolution historique.
C'est, si l'on refuse i'idée d'une limite naturelle au domaine couvert par
la rhktorique. mettre en place un * front mouvant m (expression
empmntée A Kuentz 1975 :4).
168 Sémir Badir

Et, certes, il faut alors se résigner a sortir de la place, et ne pas se


préoccuper du travail qu'il y aurait a y faire. Pour mettre en jeu la
définition de la rhétorique, il est nécessaire d'opter pour une position
d'altérité. J e chercherai ainsi a me positiomer comme un étranger, qui
ignore les bonnes mceurs et ne parle pas correctement la langue
allogene, comme un hérétique, qui suspend la transcendance (Le. les
axiomes et jugernents a prionl et exclut toute rnédiation, en ce compris
les méthodes. enfin comme un idiot, &tresimple qui n'a aucun savoir a
défendre ni pour le défendre2.et j'esptre que, a un titre ou a un autre,
on voudra bien me trouver fréquentable.

Horizons épistémologiques
Pour commencer de me conformer a cette simplicité souhaitée,
j'exposerai tout de go le plan d'ensemble de ma réflexion, quitte a n'en
pouvoú donner par la suite que des morceaux grossierement découpés,
car ce genre dintervention se préte assez peu aux formes chirurgicales, a
moins de planer trés haut au-dessus des choses, ce queje ne souhaite
pas faire, comme on l'a compris.
J e pars d'un rapprochement entre I'élaboration, dans les années
soixante-dix, du rhétorique et de la connotation. D'abord, le rhétorique,
en tant que spéciíicité objective décrite par la rhétorique, émerge au
meme moment ou I'on élabore comme objets linguistiques les effets de
signuication dits connotatifs a . Ensuite. on a pu chercher a englober
l'un de ces concepts par l'autre et vice versa. C'est ainsi que pour le
Groupe p les sens connotatifs résultent de procédés rhétonques parmi
d'autres3. tandis que pour Kerbrat-Orecchioni (1977 : 91) les sens
rhétoriques ne forment qu'une partie des cas de connotation. Enfin, et

.
surtout. les sens comotatiís comme les sens rhétoriques se mesurent a
un autre sens, dit N dénotatif * ou de degré zéro 8, a d'autres dmes, dits
dénotatifs B ou essentiels n.
Plus globalement, les travaux portant sur le rhétorique et sur la
connotation ont suscité un désir d'articulation entre les descriptions
linguistiques et les études littéraires. Cette ariiculation fait aujourd'hui
l'objet de réévaluations approfondies au sein des études de sémantique
de textes. La notion de connotation, jugée désuete, y est presque
totalement écartée et le r6le des figures dans I'interprétation du
rhétorique, minimisé (fe renvoie ici aux travaux de Rastier 1987 : 42 &
119-122, pour une critique de la connotation, et 2001 : 133-166, pour
En altbrant la rhbtorique 169

un examen du rhétorique et des ihéories du double sens.). Connotations


et Jigures rhétoriques auraient contre elles le défaut majeur de dépendre
des théories du double sens. Et a l'enconh-e des théories du double sens
deux principaux reproches reviennent réguiikmnent : elles aboutissent a
des descriptions trop statiques ; elles rendent compte de maniere
inadéquate des normes de langage.
Toutefois, si rhétorique et wnnotation wnvergent lors de la période
stnicturaliste, le tracé de leur fréquentation réciproque se distend au fur
et a mesure qu'on remonte dan8 leur histoire conceptude.
L a connotation tient son origine de la loglque scolastique ; eile pase
ensuite a la logique de Port-Royal. puis a la phflosophie anaiytique
anglaise et fait son apparition dans le champ des sciences du langage
dans la premiére moitié du XX siede, ap& un cm&& en psychologie
expérimentale, d'abord avec Blwmñeld, puis avec Hjelmslev (cf. Garí-a-
C u d n 1991). La critique littéraire s l attache a travers les développe-
ments &une science des signes. la s6miologie. inaugurée en France par
Greimas et Barthes. L'histoire de la connotation témoigne ainsi &une
ratiocination sur le sens et sur les rapports entre le langage et le monde.
Elle est le dépositaire de toutes les formes de raisonnement e t de
signification qui s'bcartent d'une adéquation réaiiste primaire des mots
aux choses. tout en en renforqant d'ailieurs le privilége. Inessentiel,
secondah. ajouté. conceptuel. affectif, le sens connotatif s'oppose a un
sens, dit nominatif a. S réfkentiel a. r désignatif v , u dénotatif r, qui est
univoque et qui lie, moins par convention que par ordre et raison
naturelle. le mot a une ei une seule unité du monde. Certes, des 101s que
les langues ont falt i'objet d'études particuli&es, i'adequation du mot
avec la &ose est darenue touJours de plus en plus difncile a rnaintenir.
La connotation, voyant son n3le s'enrichir et se diversifier au fur et a
mesure des obstades rencontrés. n'a pas molns puisé dans son origine
logicienne une force suíñsante pour les surmonter tous. Ce qui revient &
dire que la connotation, par son histoire et juqu'a sa grande popularité
dans les th6ories structuralistes, est l'une des manifestations
exempkdres de i'expansion d'une pensée monologique, descriptiviste et
rationaliste, juque dans les zones les moins propices a ce régime de
savoir - dans l'étude de la littérature. des expressions affectives, des
mythes, des phénomenes Idéologiques, parmi d'autres choses.
Tout au contraire, la rhétorique concourt des son origine a une
appréhension Utt&aire du monde. Je rappelle au pas de course qu'elie
constitue chez les Grecs un savoir technique, et non u n savoir
sp6culatif. 11 est vrai que chez les Romains, la rhétorique n'est plus
170 Semir Badir

seulement un moyen utile pour parüciper a la vie politique mais qu'elle


devient un but en soi (une théone). stimulant un art de vivre et de
penser. Sautons les sikles. Dans le poeme d'Henri #Andel¡, La batailie
des VI1 arts r, écrit en ancien franqais vers 1240, elle se range du cbté de
la Gramrnaire d'orléans dans le conflit qui oppose celle-ci a la Logique
de Paris. Logique l'emporte haut la main, abandonnant a Grammaire et
Rhétorique un simple r6le propédeutique. Grammaire et Rhétorique
restent néanmoins coníiantes dans les générations futures pour que leur
soit restaurée une place privilégiée, ce en quoi on pourrait considérer,
dans un premier temps. qu'elles ne se sont pas trompées, puisque
Pétrarque viendra bient6t redynamiser l'idéal littéraire [cf. Bird
1976 : 80-97). Mais, a long teme, c'est bien le r6le propédeutique qui
sera consacré par la modernité. réduisant la rhétorique a ce qui en elle
est le plus aisément scolarisable. a savoir les figures. Pendant deux
siecles, ceux qui en seront les descripteurs e t les théoriciens
soumettront la rhétorique a une opéraüon de logicisation du savoir. 11ne
fait pas de doute que le Groupe p contribue lui-méme a cette manceuvre.
11 cherche a formaliser le mécanisme rhétorique en le décnvant par des
opérations logiques et pariicipe de ce fait au mouvement plus généml
que sont les * sciences humaines n, grace auxquelles l'aliénation des
littéraires face a l'idéologie scienüste s'est considérablement accme.
Voila, grands traits, brossé l'horizon de ces recherches. Les
questions d' a épistémologie 8 , ou de théorie critique, doivent trouver a se
situer dans une compréhension historique des pratiques du savoir. Cette
compréhension regarde dans les deux directions du temps : vers le
passé, elle rattacbe l'évolution d'une discipline a ce qui a suscité son
émergence ; vers le futur. eile se demande si les changements théoriques
conduisent a des mutations épistémiques. La connotation et le
rhétorique se rejoignent mais elles n'appartiement pas aux memes
traditious : la connotation appartient B la tradition logicienne qui sert de
fondement aux sciences modernes ; le rhétorique découle d'une
formailsation récente de la tradition herméneutique et encyclopédique.
L a question qui se pose est de savoir si cette conjonction est un accident
plus ou moins evitable ; ou si au contraire elle annonce la possibilité
d'une reunion des deux iraditions épistémiques. J e crois comprendre
que dans le chef de Jean-Marie Klinkenberg. qui, avec son comparse
Francis Édeline, poursuit les travaux du Groupe p, la rhétorique et. par
dela, la semiotique sont des lieux ou le savoir pourrait s'unifier,
subsumant les deux tradltions (cf. la lecon inaugurale de J-M.
Kiinkenberg a la chaire Francqui 1995-1996, notamment ce sous-titre
éloquent : Connaissance rhétorique et connaissance scienüñque : une
base commune S, 1996 : 16).
J e voudrais a présent revenir sur deux notions clés de cette présen-
tation de la rhétorique : d'abord. sur le rhétorique, puis sur le degré zéro.

Le rhbtoriqae
Parler du rhétorique, au masculin substantivé, ce n'est pas n k s s a i -
rement parür a la recherche d'une essence, mmme voudrait le dénoncer
Kuentz. Si je dis que le froid s'est abattu sur nos régions, je n'invoque
pas nécessairement la colére d'un dieu Froid. J e parle de réalités
climatiques sous le biais d'une représentation abstraite. De la meme
maniere, parler du rhétorique, c'est s'efforcer d'embrasser dans une
représentation conceptueue la diversité des procédures rhétoriques. Bref,
c'est procéder ti une réduction, et cette réduction n'a nul besoin d'étre
ontologique (elie ne conduit pas a une essence), ni méme phénomé-
nologique (elle n'assigne pas a u rhétorique un domaine) ; elle est
seulement épistémologique.
Réduire, en outre, n'est pas restreindre. Et c'est lire bien mal
Rhétorique généraie que de m i r e qu'on n'a la entre les mains qu'un
traité des flgures. Dans Rhétorique genérale, la partie qui traite des
figures s'intitule Rhétorique fondamentale ; il y est question
précisément d'abstraire des figures rhétoriques, dont l'inventaire sem-
blait jusqu'ici un bric-i-brac hétéroclite, un petit nombre d'opérations
loglco-sémantiques capables de les générer. Ces opéraüons déiinissent
bien le rhétorique, a tout le moins une structure spécifique a u
fonctionnement des íigures. Mais c'est la seconde pafie qui justifie le
titre de l'owrage. encore s'intitule-t-elle elle-méme. plus modestement.
Veis une rhétorique générale B, par quoi eUe indique que le titre retenu
pour l'ouvrage commet une synecdoque généralisante, peut-&e imposée
par l'éditeur - ce ne serait pas la premiere fois ni la demiére qu'on
exagéreralt un peu la marchandise, la Bible ayant montré l'exemple. La
seconde partie de Rhétorique généraie, donc, montre que les opérations
rhétoriques peuvent s'appliquer non seulement aux textes littéraires,
mais également a d'autres types d'énoncés ünguistiques, parmi les plus
répandus dans la société, tels la réclame et le slogan, ainsi qu'a d'autres
types de mmmunications, a d'autres sémiotiques, tels le cinema ou la
conversation. Jean-Marie KJhkenberg a remarqué que c'est B tort qu'on
a souvent confondu I'écart, qui est a u principe des mécanismes
172 Sémir Bsdir

rhétoriques, avec l'exception. Le rhétorique est tout sauf exceptionnel.


C'est la partie créative d'un s y s t h e sémiotique : celle qui permet de
faire évoluer celui-ci par la production de nouvelles relations entre
unités et donc (puisque ce sont les relations qui fondent la nature des
unités) par la production de nouvelles unités 8 (Künkenberg 1996 : 17).
La rhétorique générale n'est donc certainement pas restreinte, car elle
s'étend a bien des domaines, et meme n'est-eile pas élargie mais be1 et
bien genérale, car il n'y a pas de domaine qui soit par elle théoriquement
privilégié.
Cela étant dit. 11 est vrai que la nouveUe rhétorique n'accomplit pas
le programme de la rhétorique antique, et qu'en comparaison de celle-ci.
comme le Groupe p l'a toujours reconnu. elle se limite a l'elocutio. 11 faut
toutefois se demander pour quelle raison elle le fait. Ce n'est pas, la
encore, a cause d'une restricüon qu'elle s'imposerait. L'autonomisation
de l'elocutio n'est pas un retranchement. C'est une manceuvre qui vise a
réorienter l'ensemble de la rhétorique a partir de cet axe objectiviste. Sa
réduction est celie d'un expérimentalisme en laboratoire qui ne se coupe
d u monde des discours que pour répondre de lui a u moyen de lois.
Cuiwntio, la disposltio, l'actio et la memoria sont en fait intégrées dans
I'elocutio comme autant de moments logiques : úiventio est le moment de
création, a partir des disponibilités du systeme sémiotique visé ;
dispositio coincide avec le moment de négociation avec les autres unités
du systeme ; elocutio représente le moment d'objectivation du phéno-
méne ; actio, le moment ou l'énoncé rhétorique, sous la responsabilité
des lois sémiotiques générales, interpénetre avec la réalité sociale ; et
memoria. le moment ou i'ohjet rhétorique est intégré dans le systhme et
susceptible de réutilisation.
Autrement dit, la nouvelle rhétorique opere a mon s e n s u n
changement Cpistémique. La rhétorique romaine visait la maíirise d'une
technique pour une fmalité théorique (la sagesse), la nouvelle rhétorique
est d'abord théorique, et trouve ensuite a s'appliquer. Ce renversement
est conforme a celui opéré par les sciences modernes. 11 permet de
rompre avec le mentalisme dorninant encore a la fm des années soixante
dans la philosophie existentialiste, le commentaire de textes et les études
stylistiques. Le structuralisme, a u programme duque1 souscrit la
nouvelle rhétorique. aftirme la volonté de rapairier les études litteraires
dans l'orbe de i'épistérné, qui exprime l'ldéal des sciences, et rompt avec
l'antique ideal de la paedeia. Ce renversement a un prix : pour éviter la
C h q b d e mentaliste, la nouveile rhétorique doit se rapprocher dange-
reusement de la Scylla logiciste. Elle s'est d'ailleun montrée seduite par
les UbeUes que le logicisme a produit a répétition pour imposer aux
savoirs humains des modéles intégrationnistes. Ce fut d'abord le
pragmatidsme4, ensuite, le souvenir du pérll mentaiiste étant devenu
lointain. le wgnitivisme (cí. r Cognition. sens et figure de rhétorique a,
KUnkenberg 1996 : 1-24).De fait. la pragmatique intégrée et les súences
cognitives découlent toutes deux du programme épistémique de la
philosophie analytique (pour une argumentation, voir Rastier 1990, a
propos de la pragmatique ; et Rastier 1991. a propos des sciences
wgnitives). Le formalisme logique, sans doute g* sa mallhbflité B
I'air du temps, est ainsi devenu l'unique paradigme remnnu pour tout
savoir. La nouvelle rhétorique trahit l'ancienne rhétorique, non pas en la
restreignant, mais en adoptant ce principe d'intégrationnisme. La théorie
genérale du Groupe p, bien que ses applications circonscrivent un
champ de recherches effectives, est d'une puissance d'explication
susceptible de wuvrir l'ensemble des phénomhes sémiotiques. On peut
avoú un apercu de cette pulssance par les travaux que le Groupe p et
ses membres individuels ont wnsamés au domaine visuel (cf. Groupe p
1992) et au domaine de l'epistémologie et de la pensée scienüilque (d.
Groupe p 1994 & Künkenberg 1996).
J e ne cherche ni a affirmer ni a infirmer le droit de la nouvelle
rhttorique A prétendre a cette généralite. J e pointe seulement le
changement épistémique que ses propositions impliquent. Rompant avec
le programme ancien, la nouvelle rhétorique ne s'est pas intégrée dans
un nouveau pmgramme de recherches. qui, concemant les Lettres, n'est
pas encore d é f d (et ne le sera sans doute jamais, pour des misons
précisément épistémiques), elle s'est bien plutot inspirée des modéU-
sations logicistes successives pour présenter elle-meme des modéles
intégrés de recherches. C'est peut-étre d'ailleurs IA que le logicisme
connait des modes propres de perversion. La nouvelle rhétorique, a
l'instar de la sémiotique d'obédience greirnassienne, de la sémiotique
peircienne, de la linguistique pragmatique ou des sciences cognitives,
parmi bien d'autres. propose un progranme de recherches qui. au lieu
de s'articuler avec les autres en assirnilant des choses glanées i gauche
et a droite, les wncurrence en connaissance de cause, ou coexiste avec
eux dans une ignorante réciproque relative. avec pour potentiel une
généraüté théorique d'appiication et une extension maximale d'analym.
L'impulsion de cette perversion a pan-épistemique aura d'abord été
donnée au sein des sciences sociales. a travers la systémique, elle-méme
dérivant du projet d'Otto Neurath pour une a Science Uniíiée n.
174 Sémir Badir

Degré zéro
Le second point théonque queje voudrais aborder vise le concept de
degré zéro. La non plus les critiques n'ont pas rendu justice au Groupe p
de leurs intentions proclamées ni des outils conceptuels qu'ils ont
utilisés pour les mettre en ceuwe. 11s ont d'ailleurs souvent critiqué
Rhétorique génémle conjointement au Uwe de Jean Cohen Structure du
lungage poétique. Or. si les deux livres ont d'indubitables points
communs en t e m e d'objets [la poésie) et de représentatious épistémo-
logiques (qui sont celles de leur temps. c'est-a-dire. pour faire vite.
structuralistes), ils différent sensihlement par le niveau de technicité
conceptuelle et le registre de discours, lequel se montre volontiers
épidictique chez Cohen.
En ce qui concerne le concept de degré zéro, les arguments
théoriques liminaires de Rhétorique générule (1970 : 35-38] ne doivent
pas &re tenus pour de simples précautions oratoires, meme si. dans les
chapitres ultérieurs, on peut regretter quelques formulations mala-
droites - sans doute peut-on y voir une des limites du travail a six
mains, qui présente par ailleurs bien des avantages. J e regroupe ici en
deux ou trois massiís ces arguments.
Le degré zéro a partir duque1 la figure rhétorique est interprétée est
un degré zéro contextuel, localisé dans un genre textuel. un registre
discursif ou un type de communication. Sur d'autres désignations
envisageables. l'expression de degré zéro a I'avantage de pouvoir réunir
l'ensemble des bases d'identification et d'interprétation du rhétorique,
classées ici par ordre décroissant de généralité : systemes linguistiques
(lexique, grammaire), normes culturelles, genres et topoi littéraires
(intertextuels ou idiolectaux) et régularités intratextuelles (isotopiesl.
Comme on le voit, les prescriptions retenues pour l'étabüssement du
degré zéro sont multiples et diversifiées. La théone présentée dans
Rhétorfque générale n'est certes pas. comme Kuentz cherche a l'en
accuser, * une résurgence de la théorie classique du 'sens propre' 8
(1971 : 112). Le Groupe p n'a pas besoin de soutenir l'existence, et je ne
sache pas qu'il I'ait jarnais fait, d'une langue quotidienne, ordinalre ou
pédestreE.Le malentendu semble venir du fait que, chez les détracteurs
de cette notion, le degré zéro soit entendu comme base de pmduction de
la figure rhétorique, comme si le créateur d'une figure de rhétorique
écrivait avec la conscience d'un tewte littéral potentiel, aiors que chez le
Groupe p le degré zéro integre seulement les conditions d'interprétation
de la figure.
Du reste, le Groupe p donne volontiers comme synonyme a I'expres-
sion de c¿qrézéro le terme de n o m . C'est préciser qu'ii ne saurait &tre
question d'énoncer en tant que te1 le de@ zéro d'une figure. Ce qui se
donne dans une interprétation, ce sont des occurrences de degré zéro, et
non le degré zéro lui-meme. Qu'on s'en assure par un exemple, et
prenons-le, pour changer, parmi les métaplasmes. Soit le titre d'un
ready-made de Marcel Duchamp : I L.H.O.O.Q. r. Tout d'abord, ce iitre
se dome pour un acronyme. Qu'on ne puisse le littérallser ne gate en
rien le fait qu'il soit interprété comme tel, en fonction des normes
d'usage de la ponctuation. La connaissance de I'ceuvre de Marcel
Duchamp permet d'en assumer I'aspect cryptique et laisse ouvert. non
formulé, le degré zéro d'un te1 acronyme. 11 n'est d'ailleurs pas
impossible qu'un historien de I'art finisse par trouver dans le corpus des
textes dada un áioncé conforme a I'acronyme duchampien. Mais c'est
une auire interprétation qui s'impose ordinairement. La norme invoquée
est alors celle du mode de fabrication des métaplasmes dans les textes
dada. Le titre de Duchamp devient un rébus alphabétique. Par
transcodage, le degré pequ du m€taplasme peut &bedomé comme un
énoncé franpis : Elle a c W au cuL Tmisiemement. selon une norme
interne a I'ceuvre du peintre, a savoir que Duchamp emploie souvent la
langue anglaise pour les titres de ses ready-made. un transcodage
Ilngulstique, basé sur des équivalences phonétiques, peut surgir : look,
dont la sgnification au regard du tableau - ce que le Groupe p appelle
i'kthos de la íigure - est lnduhitablement éloquente. Que1 est ce tableau
en effet ? un porbit de Mona Lisa avec des moustaches et une petite
barb~cbe.Ceci nous conduit a une quatrihe occurrence de degré zéro
de L.H.O.O.Q. " : la Jmnde, métaplasme par cubstitution complete ;
c'est une norme générique - celle du remake - qui permet cette fols de
déterminer le degré zero par l'lntertexte des tiires d'ceuvres picturales.
On peut donc trouver au moins quatre occurrences de degré zéro de
L.H.O.O.Q. S, et I'une d'entre eUes n'est pas littéralísée. Chacune de ces
occurrences a pnvilégié une ou plusieurs normes qui entrent en jeu
dans l'interprétation de la ilgure.Aucune, cependant, ne detient la vénté
d'un a sens propre x vis-A-vis de I'ceuvre de Duchamp, car ce n'est pas de
la production de I'énoncé qu'elle saurait répondre.
Le hen établi entre degré zéro et norme permet également d'articuler
avec plus de précision rhétorique et mnnotation. Cette articulation
apparait clakement au détour d'un exemple domé par Kiinkenberg dans
le contexte d'une mise au point sur l'&art et la norme :
umuqym ne sauamer xnwa$el s a q s ap alqmou w a a un pra+no[~.s
xueaol SOI- &ap xne.nb s l p m ' m u a s s a sarnas sal $uau1a~1sn1axa
:uaguoa nlosqe oi?z aBap a[ [nas '1~201ai?z ? ~ 6 a pla nlosqu o q z
?~6apaqua *sed 'a+mssala+u! luamurawq q - a l p ' u o n a ~ 6 r paqne
aun,p (doq s?s au ar 'aycal-d al quama1d~sno) aseq e[ 7uos sn.nb
m d Jsa.2 's~wuassasaups sal 1anbona.p awad e1 spuard a[ !S sren
'mqouum neahw
ne axpua~dy p o s 'uon~soddored 'samrou sanne sal anb +pr,[ mmquoa
ap loar mod $=lrrl,~ swom ne $ d e aseqdered aQrruap e[ 'S s m q o p p
s a q s S ap : ? p q ' a salpapnu sarnas B ap $ Q ~ W 'aluawnba swom
no snld u o 3 ~ap j $uammamdde la '+uamap3? alred uo.1 no 'qm@1?6
m i @ ~ o ~s m ~ tp (aar?m
~ sed 'Juag as ri adnoi3 al allanbel uonou
aun sed 3sa.u [anuassa au@s B 'luemamap nv '.?:lxaldrad a u p ~ a a
aun'p q ~ ~ nlwadmouq
ld la a$ueqep s?4 sed )-red am au aseqdered
FJ '(S&: 0~61) a arnoaslp ne uoueaglu$ls alnw dnm atusar np la*
s m mwpddns sed l m o d au uo.1 anb sam* sap wp-?-+sacaD *sodo~d
sou p sIanuassa s a q s ap a.nb uo-1-aspyd +wmaInas : u o u m p
alqqFraA ap sed a n o 4 au uo 'sIaguassa sarnas saa 'S xne.~?$.s a q 6 n
sal luauuanuoa m o u saqne sal anb s p q 'e qanuassa s a q s sa[
'aln~?u?6a n b p q m suep uo-$!1 'alqmassw !nb ' a @ a ~ e m B awou
q 3sa.a ! a@?p~rdase~daun ladrwao P saqne sap .xarpir)ap as a l q m
amiou a w u a a aun 'd a d n o l ~al lnod 'anb slojalno+ l e a p a 11
. q g ~ w ~$al spa l d ~ p t u+uapassamiou sao 'aaddw
le.[ al amuioa ' a w m puenb q a s la 'aqlsAs amo3 !nb uonqa~d.ra$tg
lnaI asoda1 sananbsal ms samrou sap aIqmasua.1 uaFq 3sa.o 'am?$sLs
un mod samam-salla sanua: alla p a p l n e s au a p a l un,p s a r n 3 ~
sq amaro3 L a n b q a q ~a q d s u ao q o p lnad anb .anbm?v
amalsKs a1 ~ ~ e x o u u oneanru
a iuama$!3rldxa xemmou (~961) apoui
q ap au+qs@ 'pml s n ~ dSUE srou 'uo~qouuo3p a m u a q w uogmol
9un.p a3lom.I ~ U O Pl m e uo .(w61) aEkq1 ap anbFrww 8 ap:nm.s
aIarn.1 anb la 'aqqpnqnd o$oqd aun,p uogqouum e1 aun1103 saqlrea
led ajuaap f e ~ aS ? ~ m n q ml ,I anb alnop sues :uawnos as u 0
%puomnp amlwmam aun aionuar mb 'alqpodsrp apom un.p el: &.S IJ ~ u a m ~ n u
ap luoJsnys ap u a h p u o a mi wleq liosua no 'lua)a$uv,p a u w -el ap ialns
un B 9-7 Ua 1AqWf 'W 4 3 mmelJPaJPas ~ ~ n aqorI&u?x
od PJ'4lmOgaUQIJ
mi 'sem?p s a ap
~ nuah u 3 ')?soddns anb~rnouaqes$~p@sm md ? i p g q c ~
aun no uo»eu aun lauimou y 'salnllna ap alqmou suep 'aauepua aun llon u0
En altérant la rhétorique 177

en fonction des possibilités du vocabulaire B (Groupe p 1970 : 36). Or ce


sont ces degrés zéros locaux qui correspondent aux normes auxquelles
j'ai fait référence précédemment. Qu'est-ce alors que le degré zéro
absolu ? Et quelle est sa fonction dans la réflexion théorique ? J'ai
l'impression que le Groupe p avance sur des ceufs, rnais beaucoup plus
loin tout de mérne qu'ont eu l'habitude de le faire les poéticiens
contempomins, et meme un certain nombre de iinguistes :
On peut également concevoir le degré zéro comme cette limite vers laqueiie tend,
volontairement, le langage sciuitifique. Dans cette optique, an voit bien que le critere
d'un te1 langage serait I'uniuocité. Mais on sait aussi S quels effartsde redéfinition des
t u n i e s une teUe exigeme conduit les savants : n'est-ce pas convenir que le degré zéro
n'estpas contenu dans le langage te1 qu'il nous est domé 7 [...1 Le degré zéro absoiu
serait alors un discours ramené a ses semes essentiels (par une démarche métaün-
guisaque, puique ces semes ne sont pas des especes lexlcales dlstinctes) (Groupe p
1970 : 35-36).

Les critiques n'ont pas tenu cornpte de ces remarques importantes. 11


me semble pourtant qu'elies apportent un démenti patent a la soi-disant
implication d'un langage pedestre sous-jacent. Le degré Gro absolu n'est
pas une nonne. C'est une limite asymptotique.
A partir de la, on retrouve deux grands développements théoriques
de la tradition stmcturale de la iinguistique. D'une patt, le degré zéro
absolu reconduit la théorie saussurienne de la valeur, et évoque ce
qu'ailleurs j'ai appelé une e ontologie négative u de la sémiosis (cf. Badir
2002). Dans cette optique, l'expression de 8 semes essentiels B serait a
prendre au pied de la lettre : ils parücipent de l'essence de la langue,
c'est-A-dire qu'ils en instaurent une zone ontologique, certes nécessaire,
mais en tant que telle étrangere aux savoirs positifs. D'autre part, le
degré zéro absolu exige une positivisation hors des formes de la langue,
dans un métalangage. Le degré zéro absolu fait pendant aux degrés
zéros locaux exactement de la méme maniére que, dans la glossématique
hjelmslevienne, la métasémiotique et la sémiotique connotative consti-
tuent les d e w sémiotiques symetriques dans lesquelies se réalisent les
formes dénotatives. - J e n'en dirai pas plus la-dessus, pour ne pas
soliiciter abusivement la théorie contenue dans Rhétorique générale.

Topique et dynamique
Mais je poursuivrai avec un dernier point de rapprochement entre
rhétorique et connotation qui mettra a nouveau en rapport le projet
théorique de la nouvelle rhétorique avec la glossématique.
Les figures de rhétorique peuvent étre appréhendées selon deux
points de w e - et, dans le discours théorique du Groupe p. ces deux
points de vue sont effectivement présents. D'une part, les figures de
rhétorique se distinguent des nomes et s'offrent alors au moyen d'une
classification raisonnée. D'autre part, les figures de rhétorique
explicitent des prockdures de changement dans les rapports entre les
unités d'un systéme linguistique, le rhétorique dans sa généralité
pouvant aiors étre considéré comme le principe dynamique du systeme
(et c'est ce sur quoi insiste Klinkenberg dans ses demiers écrits, en
mettant en relation rhétorique et pragmatique. rhétxique et cognition).
Or, dans la glosdmatique. deux roles, tout B fait similaires aux dew
approches du rhétorique que f e vlens d'évoquer, sont assignés & la
sémiotique connotative. On se rappelle que chez Hjelrnslev il y a deux
concepts qui désignent le systeme d'une langue (ou les sysemes, et c'est
la prédsément le probiéme dont lew dualité rend compte) : le schema en
déñnit i'analyse. tandis que les no= servent de descriptions. Eh bien :
aux normes, la sémiotique connotative offre une hiérarchie, dans
laquelle la n m e denotative sera considé& comme la premih (si on
était dans I'ordre de I'analyse. mais on ne i'est pas, on aurait pu dire
comme essentieiie n) ; par rapport au schéma, la sémiotique connotative
est employée A contr6ler le principe d'homogénéité postulé dans I'anaiyse
et A en relativiser le résultat (c'est-B-dire, B ne pas faire coincider la
sémiotique dénotative avec la langue). Dans ce cas, la sémiotique
connotaüve n'v ajoute S rien ; d e dhultiphe et hétérogénéise. Bref, elle
rend compte du dynamisme du systeme.
Pour employer des termes plus genéraux. on voit bien que dans la
théorie de la nouvelle rhétorique, - mais c'est vrai aussi de la
sémiotique connotative dans la glossématique, et sane doute également
vrai de beaucoup de problhatiques issues des théories sixudurales ou
sixucturalistes -, il y a une tension entre ce qu'on peut appeler une
topique, c'est-A-dire une organisation spaualisée d'unités sémlotiques. et
une dynamique, qui régit plut6t. quant i eiie. les relations entre les
unités, en y rendant possibles les changements historiques et les
différenciations psychologiques et sociales7.
Dans les travaux structuralistes, il semble que la topique a trés
souvent précédé la dynamique. Cela participe de ce que J'ai appelé le
mouvement de positivisation et d'objectivisation dans les sciences
humaines. La finalité &une topique, en effet, c'est de fournir une
description. Or ce sont bien des enjeux descriptifs que rencontraient
avant tout les travaux d'obédience stmcturaliste : ceux-ci avaient
I'ambition de présenter des descrlpiions plus raisonnées. systématisées,
dans des domaines du savoir ou la taxinomie, voire le simple répertoire,
tenait lieu jusque la de savoir positif. Mais la strudure ne peut pas
éviter de partager avec la taxlnomie et le répertoire les m b e s lacunes,
qui sont celles des topiques et de leurs spatialisations, a savolr qu'eile
encourt le blgme d'&tre jugée trop statique. Et quand a ce défaut s'ajoute
la conirajnte de la fonnalisation ou de la logicisation, la stmcture risque
fort d'etre considérée comme indüment universalisante et généraiisante.
C'est bien la critique majeure qui est revenue si souvent dans les
comentaires de Rhétmique généraie. Cette critique, bien qu'elle n'ait
guere montré d'arnénité, est plutot consiructfve que desiructive, c'est-a-
dire qu'elle pointe un état de la nouveiie rhétorique, et non la déhition
meme de son projet théorique. Dans nombre de travaux récents. les
membres du Groupe p ont développé l'analyse dynamlque de la
rhktorique, en mlnimisant les nécessitts topiques, ou en en suspendant
certaines fadités.

J e me résume. J'ai commencé par l'exposition d'une these


concernant les temnts épistémologíques de la nouveiie rhétorique. Par
son anuage structwdiste au sein des sciences humaines, la nouvelle
rhétorique a répandu le mode de pen& logíciste dans un domaine qui,
par tradition, est étranger a ce mode de pensée. Dans la suite de mon
étude. j'ai moins cherché a démontrer cette these qu'A démonter la
caricature qu'eile est devenue dans I'esprit des détracteurs de la nouvelle
rhétorique. Que ce soit a propos du probleme de l'abstraction du
rhétorique ou a propos du statut des normes dans la topique descriptive,
les effets d'essentialisme. de statisme et d'universalisme ne sont pas
intrimQues a la théorie présentée par le Groupe p. Ce sont plutbt des
tentations. historiquement situées, dans lesquelles le Groupe p est
moins tombé qu'on ne veut le penser et dont ses membres, dans les
années quaire-vingt-dlx. se sont efforcés de canaiiser la s o m , afin d'y
échapper tout A fait. L'universalisme du sens et l'essentialisme du
rhétorique sont bien plutot des Ilmites, au sens oii ils servent d'agents
réactlfs pour la réilexion théorique, et dernierement pour les réíiexions
plus particuli&ement épistémologiques, que contiement les travaux du
groupe.
Ce que permet de faire voir plus aisément le rapprochement
entrepris avec la connotation, elie qui appartient B une tradition de
180 Sémir Badir

pensée toute différente, mais qui est conternporaine de la nouvelle


rhétorique dans le stmcturalisme, c'est a mon sens les deux choses
suivantes : primo, que lorsque le Groupe p, répondant aux principales
critiques adressées a la nouvelle rhétorique. s e tourne vers la
pragmatique puis vers les recherches cognitives au titre de cadres de
référence, il poursuit ses travaux dans un prolongement normal, a tout
le moins régulier, pour nombre de problématiques abordées par les
théories stmcturales ; secundo, que la nouveiie rhétorique s'est ainsi
développée au prix d'un renoncement au projet encyclopédique de la
rhétorique ancienne, qu'elle a remodelé selon l'épistéme des sciences
modernes (certains peuvent dire qu'eiie l'a a défiguré x, mais c'est la un
jugement de valeur qui ne sied pas a l'étranger et a I'idiot). Des lors. je
doute que la nouvelle rhétorique soit a m h e de réaliser la fusion entre
les deux idéaux gnoséologiques mentionnés, l'épistém2 des sciences et la
paedeia des Lettres.

Notes
1 D'abord paru en 1977 dans Pcéüque. le texte dM est extait la citation est in&ré,
en guise de postface. dans I'édition de poche de Rhétorique génmale (1982). Le
Groupe p réagissait ainsi notamment aux articles de Piare Kuentz 1971 & 1975. A
noter que Pierre Kuentz aMit anticipé la réaction du Gmupe p. puisque dans le
second de ces articles. ii écrivait : Tant que 'm marche'. on avance : nous vemns
bien. disent-ils. ce qui nous arréte e t reconnaitrons ainsi les limites de notre
domaine. La frontiere est ou f i t la terre : pnnis terrae, fmistere. Laissez-nous
cultiver notre i d i n des figures I 1 Cette modestie souvent amessive ne doit m s
faire Ulusian. e e s t une po<tique de la recherche qul s'affume &si. 11 est esse'tiel
d'en faire apparaitre les presupposés. car rien n'est moins neutre que cette
prétendue niktralité 8 l ~ u e i t z19+5: 51.
2 L'étranger, I'héréiique et I'idiot sont les paraphmses de i'autre pesentées par Jean-
Michel Lnngneaux dans le contexte de la société grecque antique lcommunication
o d e , juúi 20021.
.
3 Ce sont des cas de méta~lasmesa suhstitution comolete. Par exemole.. cuider est le
métaplasme de penser avec eflet de sens connotatíí : Yarchaisme'. Le Groupe p
considere plus glohaiement que toute sponymie est métaplasmique Id. 1970 : 93
- .591.
PI .,.
4 Cf. les velléités de ionction entre la rhétorique des figures, d e tradition
=.uuctunlisic. ri h rhitonq~irde I',rgiiinenrnttot~.aililirr n la pracmauqiir de. son
origlnr. .lean-M;irir Klinkeiil~rgftsit <Ircellrs-ci driix m u r s l...) de plus en plus
&daires au sein de la pragmatique. (1996 : 206).
5 Du reste. I'hypothése de la langue ordinaire est soutenue dans u n k e n t ouvrage
de sémantique [cf. Nomand 2002). On ne dira donc pas que la question soit
entendue. ni mCme qu'eiie sait devenue obsolete parmi les linguistes - que du
contmke. me semhle-t-U.
6 Perpludté qu'on tmuve auasi chez Saussure quand il aborde la quesiion de la
valeur. De la valeur d'un terme. en eñet, Saussure n'explidte jarnais ce qu'de est :
d e cst. tout simplement.
7 La distinction entre toplque et dynamique a été proposte par Freud, dans
Me?tnpsychologie, alln dé &ondre~de r e k e s conbadfction; de rnodtllsation
e n k sysiemes conscient. précoiirient et inconscicnl. Freud hit runarquer. et cela
m. . ".. ..
est la plus @ossi&re, mais aussi la plus commode r . tandis que la nprésentation
dvnamiaue est a la plus waisemblable. mais elle est moins snuple. moins f a d e a

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Rhétorique multimodale »
Essai de définition

Nicole Pignier

L'hétérogénéité au eaeur du sens rhétorique


Jusqu'au début du XX' siécle, on a distingué quatre parties dans
I'art du discours : l'inventio, moment rhétorique qui s'attache aux
thémes et aux arguments, la disposüio, recherche de I'ordonnancement,
I'elocutio, liée au style, et enfin I'actio, maniere de faire vivre I'énoncé,
entre autres par les gestes et la voix De cet hkritage. la sémlotique -
verbale puis visuelle - a retenu la notion de systeme, qu'elle a
développée : la rhétorique est ainsi un mécanisme propre a chaque type
sémiotique s'organisant en sous-systemes (plastique-lconique pour le
visuel. selon le Groupe p, ou encore textuel-discursif pour le verbal,
selon Fontanille). Ainsi, dans í'Yaité du signe visuel. Pour une rhétorique
de i'image (1992). le Groupe p s'attache d'abord a isoler des systemes de
signes distincts mais conjoints dans les énoncés. afin d'y repérer les
unités s u r lesquelles portent les opérations rhétoriques teiles
l'adjonction. la suppression. la jwtaposition, le retour en arriere, la
coordinatlon. condensation, amplification, similarité. contiguité,
déplacement, etc. Pour le systeme plastique, ces opérations posient sur
des unités de couleur, de forme, de support, de cadrage, de cadre. de
texture, pour le systeme iconlque, ce sont Irs motifs. les messages. les
isotopies. Le sémioticien questlonne alnsi les rhétoriques spécifiques
(parler en effet de S rhétorique r en général ne veut rien dire) il'muvre
184 Nicole Pignier

dans l'énoncé pour en trouver la fonction de signification : comment


chaque opération appliquée a chaque unité s'integre-t-elle en tant que
signe a un sous-systeme, et comment chaque sous-systeme compose-t-il
avec les autres ensembles de slgnes présents dans l'énoncé ? La
démarche consiste B partir du parüculier pour aboutir a la recompo-
sition globaie de l'énoncé. Dans son Inhodudion a i'ana'yse de i'image
(19931, Martine Joly fournit un exemple pédagogique de cette démarche
théorique. Pour le dlscours verbal, on se souviendra notamment que
dans Sémiotique et Littérature 11999). Fontanille montre comment
certaines figures composent le c6té textuel ou plastique d'un énoncé
pour assurer sa cohésion (segments ouverts ou fermés, rimes, rythmes).
comment d'autres, telles les isotopies, constituent le discours dans sa
cohérence, et comment, uime, la signification advient de la congruence,
aillant cohésion textuelle et cohérence discursive.
Cette synthese cavaliere entend attirer I'attention s u r deux
notions absentes de la rhétorique classique.
Du point de vue du parcours théorique a suiwe, il y a d'abord celle
de la pluralité des rhétoriques qu'il convient de poser et de décomposer
comme systemes pluriels de signes autonomes a analyser, d'abord
séparément pour aboutir a i'assemblage des unités constituées comme
signes (la signification ne pouvant étre abordée que par résolution
progressive de la composition giobale de l'énoncé). Loin de se limiter au
repérage, & l'inventaire et au classemcnt des procédés. on montre les
spécificités des systemes de signes et de leurs sous-systemes, on
cherche des principes objectifs, non de projection de sens sur des
procédes repérés, rnais de reconsiitution progressive du sens, en voyant
cornment l'ensemble fait systeme, induisant telles significations
possibles ou actueiies. Jean-Michel Adam et Marc Bonhomme (19971 ont
clairement insiste, a propos de l'argumentation publicitaire, s u le choix
des procédures rhétonques et particulierement des figures en fonction
des effets de sens a constmire. A propos d'ilne publicité pour la voiture
Manta, par exemple. i'usage de la synecdoque et de la métonymie
conditionne une saisie' inférentielle, ou mode de connaissance
scientifique de I'objet. tandis que la ligue rnétaphorique condltionne une
saisie symbolique, par connotations et investissement imaginaire u
[Adam & Bonhomme 1997 : 128-1291, les deux lignes s'integrant a la
totaüté énoncée pour faire systerne. 11 ne s'agit donc pas d'imposer le
sens d'emblée, ni de l ' e t e r comme sens unique, mais de montrer les
mécanismes qui ouvrent une diversite de significations. selon les co-
énonciateurs, la situation d'énonciation, etc.
La deuxiérne notion, pendant de la premiere mais qui nous place
cetk fois du &té de la figure dans l'énoncé, est ceUe de son héíén@&W
W e n t e , plus particuliérement l'hétémgénéité des saisies possibles
qu'une figure propose : fl n'y a de sens rhétorique qu'en usage. que dans
une praxis arrachant les procédés la théorie pow leur attribuer un
mode de saisie spéciííque. On se souvient des pages que Jacques
Geninasca consacre a l'énumération : fl souligne l'usage a analytique 8
que Stendhal en fait dans la définition de la sderie du Pére Sorel, au
début de Le Rouge et le Noir, usage conduisant a une saisie
inférentielle nl, purement informative, alors que, a u début de La
Pwu de chagrin. Balzac. via Raphaa. figure déléguée du lecteur, voit et
dome a voir dan^ un tableau confus, le magasin d'antiquites, avant de
le soumettre a une vision totakante s. Cet usage c synchrétique * de
l'énumération,
bloquant bute pmahilité de prcduction du sens propre B la ratlonalité pratique. de
nahire inférentielle. incite l...]
le lecteur B o p k r un saut quaiitaüf : l...]
il pasaera, le
lemps de sa lecture du moins. d'un croire r¿gl par la concepUun posltlilste e1
réfhntielle du 1ang.igr B la vérili! du discoitrs imprrssif Iücninasca 1W : 66-67).

11 n'y a significatlon rhétorique que parce que I'usage des figures les
positionne dans une forme cultweile par rapport a d'autres formes de
vie. Ainsi. i'usage de I'énumération dans la forme de vie cubiste Were
bien de l'usage positiviste : les énoncés cubistes portent en eux cet M,
et cette hétémgénéité fait sens.
L'hétérogknéité inhérente aux figures tient aussi a la diversité
complémentaire et non exclusive de ses matériaux ou modalités
visuelles, verbales, etc. Ainsi, Godard d i d t : S Mot et irnage, c'est cornrne
chaise et table : si vous voulez vous mettre a table, vous avez besoin des
deux i (Godanl 1993 : cité in Joly 1993 : 101).Chaque iangage agit avec
l'autre pour faire advenir le sens. il n'y en a pas un qui soit
hiérarchiquement inférieur ou supéneur a l'autre. De plus en plus. la
rhétorique est multimdaie au sens oii d e se compose de sons, images.
mots. Nous aurons i'occasion d'y revenir avec les specificitésde l'écriture
multimddia sur Iniemet.
Par aüleun. les instantes énonciatives sollicitent souvent les figures
parce que les mots. wmme les images, sont hétérogénes aux rwüa : üs
ne singent pas le réel, et ont m&ne la réputation de maintenir l'écart
entre ce que l'énonciateur veut dire et ce qu'fl dit, entre le mot et la
chose a Misir, entre l'énonciateur et le co-énonciateur. La figure cherche
tant8t réduire l'écart, tant6t a I'élargir. Si Jacqueline Authier-Revuz
186 Nicole Pignier

(1984) et Marilia Amorim (1996 : 100) ont précisé la question de


l'hétérogénéité constitutive des langages, Fontanille a , quant a lui.
montré celle de tout énoncé figuratü. A la suite du Groupe p, il rappelle
que la superposition des figures constitue l'énoncé en strates et non en
linéarité, ce qui amene a
imaginer. pour rendre compte de la coprésence de plusieurs couches figuratives, une
straafication du dlsmurs. voire une polyphonie, dont chaque voix prendrait en charge
une des strates figuratives du discoun (Fontaniile 1999 :92).

Fontanille, dans une analyse de la syntaxe rhétorique et figurative


d'Alcools d'Apolhaire, souügne que la pluralité des muches figurativa
correspond a la pluraiité des instances énonciatives. Plus précisément. le
J e n se caractérise par les tropes décrivant les états de chose tandis que
le Tu n se fonde sur un régime figuratif des tmpes décrivant les états
d ' b e , les figures de dérision assurant le passage d'un régime poétique a
l'autre. L'intéret est alors de regarder l'évolution, d'un poeme a l'autre,
des corrélations plus ou moins inverses ou converses entre les diverses
couches figuratives.
Un schéma heuristique émerge alors. La présentation des figures en
termes d'actants posiiionnels : une source (degré c o n p de l'énoncé) ; une
cible (degré percu de i'énoncé) : une distance entre la source et la cible
Wobstacle, qui constitue une énigme a résoudre)'. Source, cible. contrble,
ces actants positiomels mettent en exergue I'orientation du discours,
ses opérations de focalisation. Ainsi, la figure a pour constituants
syntaxiques la confrontation étape de mise en présence de la source et
de la cible, la domination, moment ou l'instance du discours, prend
position par rapport a ces deux grandeurs et assume clairement l'une
d'elles. la résolution, maniére dont l'instance d'interprétation tralte la
cohabitation de deux grandeurs4.
Hétérogénéité des langages et des modalités, hétérogénéité des ins-
tances énonciatives et des couches figuratives, hétérogénéité des formes
de vie des figures convoquées dans l'énoncé, hétérogénéité des modes de
saisie qu'elles construisent. selon leur usage, hétérogénéité des actants
positlonnels. Devant ce constat. on ne peut pas soutenir l'unicité du
sens de la figure, l'exclusive force ceniripéte de l'énoncé se figeant en un
sens déterminé et actuaiisé. Cela d'autant plus qu'il convient de prendre
en compte l'hétérogénéité des situations d'énonciation et de co-
énonciation :
En tant qu'énoncé. le texte produit par quelqu'un et adresse a un auire dans une
situaiion domée, est individuel. unique et non repmauciible Ce póle ne le relie pas
aux élkments reproductibles d'un systeme, mais aux autres textes (non
reproductlbles)en u n rapport dlcdogique. Ce pole ne se W&leque dans la chaine des
tuteaet c'est E que se tranre le sens (Amorim 1996 : 128).

Pourtant, Pimrerse, l'énoncé rhétorique comme systeme annule par


lui-m&ne la t h b e d'une force centrifuge dominante ou le sens ne serait
jamais stabilist : 11 n'y aurait alors plus de sens, les choses seraient
ineffables. l'interprétation totalement subjective et la rhétorique
insaisissable. Nous souhaitons montrer en quoi les praxis des Bgures de
rhétorique font évoluer leurs roles, leurs propriétes et comment, en
retour, cette évolution fait émerger une nouvelle forme de vie culiurelles.
Nous proposons, en reprenant la tb&e de Joly et d'Adam & Bonhomme
(cf. Joly 1993 : 75), de voir en quoi les figures de relonitio sont indispen-
sables, dans un énond, A l'inwntio mais aussi a la dispositio et A I'actio.
Comment les figures posent-elles, dans l'écriture multimodale. le
probleme de l'hetérogénélté Inherente a l'énoncé et/ou tentent-elles de le
résoudre 7 Inévitablement, se pose la question des méthodes d'analyse.
Nous proposerons quelques pistes de rétiexion sur ce point.

Regard sur qoelques praxis socides des figures de style


Si les usages sociaux puisent dans le réservoir figuratlf, c'est
pourtant bien ieux que revient le mérite de le faire évoluer. 11 y a
quelques années. notre these sur le renouvellement du romanesque
(comme catégorie discursive devenue hdépendante du genre du roman)
portait sur i'analyse des écrits épistolaires intimes iénonciation réelle
de philosophes-amants, au XVIII' siecle. Leur usage des figures de style
y suggérait certes l'art de bien parler. et, a travers lui. un ethos, des
valeurs, un type d'acte persuasit mais aussi et surtout l'inscription d'un
certain rapport au monde, d'un certain rapport entre ce vers quoi le
locuteur est en tension (sa uisée) et ce que Les autres, les choses lui
donnent saisir (salsle).Globalement, par exemple, dans les lettres de
Diderot a Sophie Volland, l'accumulation constitue le lieu d'expression
d'un certain ennui, &une présence minimale du sujet au monde. avec
une saisie étendue mais une visée restreinte, tandis que i'exclamation
inscrit une p&ence -ale du sujet au monde (aspiration et attente
constituant une visée forte, manifestation du monde et des autres a
saisir dans l'étendue). Dans la correspondance de Julle de Lespinasse
188 Nicole Pignier

avec le marquis de Francueil, la pause révele des moments d'absence


maximale du sujet dans u n monde qui ne donne rien a saisir et ou
i'instance d'énonciation ne vise rien. Ces moments de vacuité s'opposent
a des instants de plénitude que la métaphore. le crescendo donnent a
sentir au correspondant. Expression de l'etre, les figures y integrent un
acte de langage de I'effectuation, de la réalisation de l'étre et, par leur
fonction pathétique, sont liées en méme temps a l'acte de langage de
type incitatif, provoquant des réactions chez le correspondant. Ce travall
exploratoire nous a suggéré deux roles majeurs des figures : le premier,
conventionnel, est a la fois élocutif et argumentatif (acte de langage
persuasif et incitatif). tandis que le second, portant sur l'etre (acte de
langage de I'effectuation) et la présence a u monde, inscrit u n e
modulation d'états d'ame et d'états de choses : il est esthésique. Le
premier r6le est intentionnel, le second tensif, le premier porte sur le
sens stabilisé et voulu, le second s u r l'émergence du sens (pour
l'énonciateur comme pour le co-énonciateur) au cours de l'énonciation.
Les figures de style, qui d o ~ e n at sentir autant qu'a percevoir les
maniéres d'etre a u monde. y font advenir des rapports a u monde
impressifs. évolutifs mais aussi symboliques et esthétiques qui font des
correspondants des énonciateurs sensibles et romanesques. R6le
intentionnel, reproductible et stabiiisé du sens, dans les actes persuasif
e t incitatif. rñle tensif e t discours de la présence. d a n s l'acte
d'effectuation de l'étre.
Dans un tout autre contexte littéraire. Fontanille a montré l'impor-
tance de ce demier r6le dans l'usage de la métaphore chez Proust.
Véritahle moyen de saisie du monde, elle relWe d'une logique impressive,
esthésique, bousculant les connaissances et perceptions stabilisées du
monde. imprégnées du corps propre, eiies agissent de corps mental a
corps mental. entre énonciateur et co-énonciateur. Pierre Ouellet (2000)
insiste particulierement sur ce rBle phenoménologique de la métaphore
comme lieu de saisie unique, spécifique, esthésique, proprioceptif du
monde. Pour lui, le r6le conventionnel, stahiiisant. représentatif, d'une
figure est topique, le second, singulier, trouhlant. d'un sens en devenir,
est eidétique puis esthétique. En effet, au-dela de la présentification du
phénoménai souvent dysphorique de l'absence, la lettre tend vers une
résolution euphorique vía le pouvoir cohésif du rythme qui permet, selon
Geninasca, n un nouveau principe d'ordre supérieur a celui qui semhlait
régir l'ordre des choses [et qui vient] inverser le sens des tensions
accumulées 8 (1997 : 78). Ces considérations notent aiors la présence de
trois fonctions hétérogénes des figures a l'ceuvre dans certains types
Rhbtorique « multimodale » 189

d'actes de langage, au-dela d'un genre spécifique. Ces usages ont amené
certains sémioticiens a penser une rhétorique du sensible e t de
l'esthétique dans un discours de la présence.
D'un autre cote, et plus en amont dans l'histoire récente de la
sémiotique, les énoncés publicitaires, entre autres, ont renouvelé les
fonctions hédonique et argumentative des figures via leur hétérogénéité
langagiere visuelle, verbale, sonore. L'approche théorique en a été
renouvelée et, dans le meme temps, elle a fait évoluer les énoncés
publicitaires, visant maintenant a mettre en place des mondes
paradoxaux et non a mimer le réel. gu'en est-il aujourd'hui des
nouveaux usages des figures de style dans les rhétoriques plastique et
iconique des énoncés multimodaux sur Internet ? C'est de ceci, et plus
précisément de la fonction des figures dans la poésie multimodale, que
nous souhaitons traiter.

Eécriture multimédia : une aventure dynamique de la figure


Nos propositions s'appiiquent a un poeme multimodal d'une arüste
quéhécoise, Huguette Bertrand6. Sur son site, elle a créé un applet poé-
tique (programme informatique). Le posme Sombre le uent forme un bloc
de texte bleu que l'on devine, fondu dans l'arriere-plan noir de la page
web : a gauche de la page, face au poeme. on entr'apercoit une nuée
bleue. Parcourant l'espace par mouvements circulaires et en diagonales
croisées, une boule lumineuse vient soulever la nuée et des mots du
texte et accaparer l'ceil. Seuls les mots et les fragments de nuées passant
devant la boule deviennent visibles, mais de maniere discontinue et
épbémere puisqu'ils dépendent du tempo de la boule. L'ensemble vit au
rythme d'une musique passant en boucle, ressemblant a une berceuse.
Si nous ne pouvons mener une analyse complete de la page weh et de
son insertion dans le site, nous résumerons en revanche les statuts et
les fonctions rhétoriques de l'image dynamique de la boule lumineuse en
tant que figure de style.

Statuts du chiasme multimodal


Au nom de quelles opérations la boule lumineuse constitue-t-elle
une figure de rhétorique ? Tout d'abord, par son mouvement en
diagonales croisées, eile établit une dynamique spatiale : les ascen-
dances / descendances diagonales dessinent un chiasme visuel.
Ensuite. les opérations apparitions au premier plan / disparitions dans
190 Nícole Pignier

l'aniere-plan de l'énoncé visuel et de l'énoncé verbal forment un chiasme


en profondeur spatiale. Edm. ces deux premien couples d'opérations en
générent un troisiéme : la mise en tension continue, par des mpproche-
ments / éloignements discontinus. du texte verbal et du texte visuel :
tour a tour. l'attenüon de l'intemaute se concentre sur une zone conden-
sée sur le poeme puis sur l'image, la condensation s'intégrant a un
déplacement perpétuel. Les opérations condensations/déplacements se
fondent sur des rapprochements / éloignements de deux ensembles
opposés spatialement.

Fonctions de lafigure multimodale


En parcourant l'espace dans un mouvement croisé, récurrent en
boucles, la boule lumineuse esquisse ce que nous pouvons identifier
comme un chiasme aux sommets arrondis et a l'aspect itératif. Aprés
avoir analysé ses statuts. nous cherchons désormais a wmprendre ses
fonctions. De nature dynamique et visuelle, la figure s e caractérise
par les róles suivants.
1) Son r6le de cohésion syntaxique : le chiasme assure une conti-
nuité spatio-temporelle entre les unités, tandis que la musique assure
une continuité dans le temps. en revenant en boncle elle aussi. La boule
lumineuse et la musique sont des unités autonomes mais wnnexes a
toutes les parües : ce sont des liants, des agglomérats'. Le chiasme vient
surdétenniner la récurrence des couleurs entre le poéme et rimage
visuelle des nuées. Róle de cloture et de récurrence, il assure une
stabilité cobésive mais en meme temps, l'onentation des mouvements du
chiasme se faisant dans u n ordre aléatoire. il assure une force
centrifuge, une certaine instabilité fuyante. Les formes diagonales et
fuyantes rappeuent celles de l'image de gauche tandis que la position
croisée rappelle celle des mots du poéme soulevés par la boule. Par
exemple,
poame
Je ne suis que le ueBt
Abandonné aux tempetes
Envelappé de m a l e e
Dénudé par I'instant
J e ne suis que tempPte
Abandonné par le veni
La matiere dénudée
M e transporte dans rinstant
Je ne suis que maii&e
Dénudée par le vent
Je transporte lea tempetes
Et poursuis lea instante
Je ne suls qu'm instant
Dénud€vlrtuel
J'abandonne les tempetes
Et fe sombre dans le vent

Le texte verbal se fait alors image visuelle, et l'image. texte. La figure


multimodale lie le verbal et le visuel. Ainsi que le precise Jean-Fran~ois
Lyotard, c'est par la figure rhétorique innovante, plastique, qu'un
discours pourra entrer en communication avec les images qui sont
reputées lui &treextérleures. mals qul justement relevent pour leur
organisatlon de la méme matrice signiflante que lui.
2) Son r61e de cohérence dlscursive : il dome a voir et a viwe par
mouvements oculaires l'isotople du mouvement en tension entre stabilité
et instabilltk: cette lsotopie se prolonge avec le motü du tourbillon
dessiné par les nuées flottantes, dans l'image de gauche. On a en outre,
la création d'un réseau de classes avec les termes du pdme soulevés par
la boule : 'dénudé' ; 'instants' : 'tem@tes' : 'vent' : 'suis' : 'transporte' ;
'matlere' ; 'abandonne' ; 'suls' ; 'instant' ; 'enveloppé' ; ]e'. Ces termes
appartiennent aux classes lexlcales suivantes :
- la personne : 'Je' : 'me' ;
- le temps : 'lnstants' :
- l'espace-matiere : 'temp&tes'; 'vent' :
- les mouvements :Yransporte' : 'abandonne' : 'enveloppé' : 'dénude' :
- I'adion ; 'poursuis' ; 'sombre' ;
- l'existence : 'suis' ; 'sombre' = 'Je ne suis plus'.
L'isotople du mouvement entre stabilité et instabüité et le motif des
nuées mouvantea sont repris et complétéa par lea classes de mots qui
mettent en valew des acteun, des actants, des adions, des types de
mouvements en tension permanente entre deux poles, entre deux forces
cohesives et dispmives. On remarque :
- les tensions entre Fidentité d'une instance qui peut dire re' ; 'me' ; et
I'absence d'identlté stabie de cette instance qui se p l d s e : 'Je' =
I'espace-matiere :'tempetes' ; 'vent' ; 'Je' = le temps : 'instants' :
- les tensions entre les mouvements par paires : /'transporte' ;
'abandonne'/ : /'enveloppe' ; 'dénude'l ;
- les tensions entre les adions : poursuis' ; '~ombre';
192 Nicole Pignier

- les tensions entre Pexistence : 'suis' ; et la non-existenee 'somhre' =


'je ne suis plus'.
3)Son róle de congruente : le chiasme vient assurer I'orchesiration
entre, d'une part. la textualité ou plasticité de la page web empreinte
d'un dynamisme entre cohésion et dispersion, stabilité et instahüité, et,
d'autre part, l'iconicité fondée sur la tension permanente entre ouverture
et fermeture des mouvements, des actions, de l'existence et de l'identité.
4) Son r6le d'orchestration modale et énonciative : lien spatial
unissant toutes les parties, le chiasme est aussi récurrence en boucle,
comme la musique, et, a ce titre, forme un lien entre les modalités
verbales, visuelles qu'il réitere et sonores. II constitue un noyau
organisateur, a la fois visuel et sensori-moteur de l'hétérogénéité
sensonelle. 11 est une forme synesthesiques stahilisante et orchestre la
multimodalité. En outre, il harmonise les différentes instances énoncia-
tives l'aeuvre dans la realisation de la musique d'une part, de l'applet
d'autre part. du poeme, des logiciels servant a composer les images
visuelles, etc. Sous I'orchestration cinétique du chiasme, l'hétérogénéité
énonciative se transforme en un s e d énoncé. non pas homogene car il se
compose de plusieurs organisations sémiotiques, mais pas hétérogene
non plus car ces organisations foment, pour l'intemaute, une totalité
sémiotique et non pas une pluralité d'unités. Le chiasme récurrent
accorde les voix entre elles, permettant d'appréhender la page comme un
tout porteur de signification en méme temps qu'il dédouhle l'instance
d'énonciation poétique : l'instance verhde est en tension avec I'instance
dynamique non-verbale. Cette stratification du discours constitue une
épaisseur polyphonique qui divise, du coup. i'internaute, en tant
qu'instance co-énonciative verbale opérant une saisie poétique
traditionnelie et instance co-énonciative dynamique, opérant une saisie
originale et ludique.
5)Son rble esthésico-symbolique : en réponse a son clic sur la page
d'accueil du site, l'internaute appréhende ce poeme multimodal comrne
un tout gestaliique, une forme dynamique structurée. vivante, un corps
multimodal. grace au chiasme récurrent. Mais en méme temps cette
figure vient brouiller les cartes d'une lecture ordinaire. En effet, les
différents publics que nous avons amenés sur cette page weh ont tous
reconnu une totalité synesthésique, a te1 point que la lecture d'unités
distindes en est interdite : le chiasme en boucle de la bode lumineuse
et la récurrence musicale, liants spatio-temporels, font ohstacle a une
l e c b e linéaire du poeme, a une lecture de gauche a dmite de la page,
dissérninent le poeme et I'image. L'ceil ne choisit pas son mouvement, ne
retrouve pas une pratique ñxée par I'usage mais est tout entier absorb-5
par le mouvement.
Du point de vue des modallsations, la figure confronte un Vouloir
h. par réílexe et habitude, a un ne pas Pouwir üre et B un Devoir suivre
la musique et le mouvement. La forme totaiisante de la page ne permet
pas un verbe de vue du iype scruter, examjnw, qui correspondrait a un
point de vue pluralisant (ce que i'on fait quand on lit un poeme avec
attention), mais a un composé entre la fixation, la focalisation (cf.
Oueliet 2000) sur une unité (la boule) et la contempiation de I'ensemble
dynamique, multimodal, puisque le chiasme assure une globalisation
spatio-temporelle. Le mode de saisie de la page, a la fois selecuí et
totaiisant, impose une visée intense, une tension forte, et, au debut, il se
caractérise par une saisie cognitive et symbolique faible inversement a
une saisie esthésique forte. Cet impératif m- provoque, avant toute
interprétation, un effetdectif soit négaüf (si les tensions exercées par le
corps textuel sont insupportables pour l'intemaute) soit posiüí (si elles
stimulent celui-ci avec euphorle). On a atfaire a un wrps i corps non
entre des états affectifs d'un auteur (d'ailleurs, Phétbrogénéité des
instantes énonciatives met en pérll la notion d'auteur), mais entre le
poeme devenu corps autonome, ten58 et le corps de i'internaute qui
subit des tenslons. On a une commnnication de corps éprouvant a corps
éprouvé, sans débrayage possible, Pintemaute se trouvant contraint
d'épouser le mouvement ou de quittw la page. La ternporaiité du poéme
n'est plus celle de la successivité de la lecture mais celle de
I'immediateté, de la co-présence qui a m h e I ' d a se mouvoir en méme
temps que ia matiere lumineuse, au m h e rythme. Le corps du poeme
multimodal impose, via le chiasme, une co-présence, dans I'immédia-
teté : I'intemaute ne voit plus. n'analyse plus ; il est avec le corps
multimodal. 11 mire a son contact en recevant ses tensions dans une
dynamique spatio-temprelle. Cette communication ne se réduit pas au
simple décodage de signaux par voie cognitivo-perceptive nS, mais
correspond a une analogie entre le dynarnisme du corps figuratif et
visuel observé et le mouvement de l'oell de l'internaute.
On se rend compte ici que. loin d'unir simplement des unités sur le
mode de la jonction, comme on a pu le voir avec son r6le de cohésion
texbelie, le chiasme récumnt provoque des tensions et affections en
donnant au poéme une totalité, un corps synesthésique qui s'impose a
I'autre c q s , celui de l'intemaute. D'un corps B Pautxe, la figure de style
étudiée provoque des effets émotiomels en exercant sur le corps de
i'internaute &une part, sur son dynamisme d'autre part, ses propres
.aJua?s!xa aun.p uollnIona.1 'aauals!xa.l ap asoyd~omelamq a ~ u o s e i
a-od a1 : asoq&omq?ur a1 ap a!dqos!,l sed ainssa ?aiauio1í&.~ rr ag as
anb s!ns au aC u awdxa.nb aaua?spra,[ i n s aioqdeue.1 led aamsse au?s
q 'suonrsoddo.p 'sa@!s ap auialsLs u n na%8uel u n slole a1go.s 12.a8ep
-uoqeZe~np asua?swa.p apoui un lua~uosrri!nb vqlan a w $ a1 $a saanu
sap anansv a8~uq.l$ualsatI ,anb!ureuñp auisqys np assed as auiaod
al 'TarrraluI poddns SJOH 'asodm!.~ appoui!llnui anjssaidm; a!sps q
la amaod np aqer*pro a!sRs el w u a uos~mduioaaun 'lugod as u 3
q l e ~ s a 9'sdros a m o s auiaod np 'a$nmalw.I ap
sdroa a1 led n- np 'uo~e!suauadxa.~ap anp-v-~sa.s'ia~ura~d np rassed
as luennod au arsRs ap apoui amaxnap a3 'anb!loquiñs smd ' a n ! s s a ~ d ~
'a,qsual anb@o~ aun 1 s nsps e auuop as 'anb!s?y)sauñs airisqya al ew
'auraod al 'an!sual la a n b w u i ( p a n ~ 0 a1m o s s&o> 'anblpnl larqo
'IILI : oooz a!uuoq=awl a8=8ue1ap
-auíi!s
a m o j ua 'ap ap ailoj 2w.p 'ay ap auuoj a q p uoneswi31o.~isa aniqliCr a? l.--]
al Inod uows '!auuoqvq m sed isap aui* a-j ["'l'ammh np '!rq md '1n1 w q i
luap ana 'laxa.[ f p uonoura.? 'siuawnnoui ap 'sauuoj ap 'sal?nem ap lp?j a8e8rq
un ua ' n 9 u o s ano) un ua snquoisrp ap .sapo3 ap uorslancq red suoRoma,pa M d
un lolnld ua!q sw 'suone~poiola le!aa aaua al!sualul a m , p alq!s!h?~duon-axo
aun
'aamnp aun la oduial u n aqua asueuralv aun luamalnas sed l s a p a u i m
al anb 's!uuoqasaIy ;luaH sabe 'la33a ua s n o u - s u o l a d d e ~.?a[ns u n
la asnaqunl alagen aun 'luauiaAnour u n : sluauial? s ~ o aqua q aqo?a?p
la aalada~aquosuai e[ i n s aapuoj 'luernlaruls amqliCI u n ms aapuoj
a%d '21 ap u o q q u a s a ~ d aaun
~ Enqsuoa p mu anbnoqrnñs a!s!es el ap
y anblpnl alos uos m d an~ssa~dm! a!sis al ap so3 .e.(e a@Iai '!nl '~?EJ?U
~sadse.7.lansw la leqian alqmasua u n iasodtuoaai lnod al!ouiaui el
i n s amdde's $a a8ed e1 ap a a ñ e p q a1 'uogeu8aiduq.l lauuad 'aria 'aainp
a1 'anb~~oqmñs la a ~ r l m o sajsjas alno? e alsqsqo ve3 apldei odurai
al !S 'laga u 3 -anbqoqmís arsps aun e anb!samsa no a~!ssa~duq a!sps
aun.p a8essed a1 ~ a u u a d'aprder ~uatuanqeIaiodma? uos 'ame aamp
es 'Jge~a~! padse uos led aasualsem ' a ~ n 8 gq ap ?$!leioduial g
.anbqoqurñs $a anjssardm!
a!sps alqnop aun la anb~loqurñsla an!l!u%os a!s!as aIqnop aun anua
'qaM a8ed el e ~ o d d e redr a6víiv~quia.puo!l!sod aun ?a ,,a6wñw~q?p
ap uo!$!sod a u n a q u a alneula?u!.l a8ellad rnb a 3 .arepom!llnm
uoneqsayslo la (a8euq / apa?] a n b ~ s s e puonesyua8.10 aqua suo!sua?
Nous remarquons aussi un chiasme syntaxique assurant un air de
f a d e : il assure les croisements entre mowements émis, subis par des
acteurs qui inversent leurs positions interdationnelles. On a donc une
représentatlon d'une exlstence en perpétueiie métamorphose, croise-
ments entre mouvements de cohésion (S enveloppé ; a poursuivre a) et
de dispersion de l'etre (e dénudé : a abandonné ; a sombré n). Le
moment fort du poéme se situe a la simphe 3. ou les choses bougent.
dans la cohésion comme dans la cohérence : vaine tentaUve d'action du
eje B sur le monde qui aspire a nouveau le je n. L'image n'est pas la
pour illustrer le poeme mais pour le faire voir autrement et,
réciproquement, le p&me permet de voir I'image autrement. L'un est
métaphore de l'autre. Une décomposition - meme sommaire - des
unités diverses nous fait accéder a la signiñcation de la totaiité formée
par I'image et le texte verbal.
Dans le p o h e seul, on part dime saisie cognitive pour aborder la
saisie symbollque puis s'imprégner de la saisie impressive. Sur support
Internet. le systeme d'oppositions caractéristiques de tout langage visuel
et verbal s'estompe, et se substitue a lui une épaissew toute plastique,
faite de texture, de mouvements et de rythme, de tensions : de
différences, dirat Lyotard. La dimension Bguraie fait sortir le texte de
son carcan arbltratre, intellectuel, pour le faire renaitre, par procédés de
Condensations / deplacements ;rapprochements / éloignements : ascen-
dances / descendances, sous la vitaiité du désir, du domé sensible. 11
ne s'agit plus seulement de reconnaítre des unités ünguistiques mais de
rechercher des événements plastiques. libidinauxl'. G& a la Bgure.
on n'est plus dans le visuel. le langage ici comunique avec la danse m irradiant ses
frtquences et ses amplitudes dans le corps du lecteur l...].Les grandes figures
linguistiques, de discours. de siyle. sont I'expression, en plein milieu du langage,
d'une dispition de kxp&ience. et le fantasrne est la matrlce de ce déwupage. de
cette -que d&mrmais B tout ce qui amivera dans i'ordre de la réaüté et
dans I'ordre de I'expression. Ces figures. ainsi. flgurent une figure premiere
(Lyotard 1971 : 2491.

On observe ainsi un cheminement inverse d'accbs au sens. entre


l'énoncé comme texte Usible, visible, et I'énoncé comme danse multi-

.
modale. La boule lumineuse, dans son parcours, conduit le lecteur a
vagabonder sur la page, c o m e le monde conduit le je a errer dans
I'univers avant tout. Mais il convient d'accéder, dans la durée de la
lecture multimodaie, a la saisie sémantique. En det. l'adjectif dénudé
virtuel r indique le rapprochement entre le I je D dénudé et L'intemaute
np alp) n s u q sdroa un 'ams~owuñpun a%m!,l y P aqiaA ne weuuop
ua ajnemqq,1 ap 66103 a[ qoAnouq la qoAnom p3sne s@m (jsnoq wqa
a r o q dq ~ ap
~ a p ) unpbpnb y a s o p anb~anb1mspd arpw 'wpd
'lnad ?!pnJ? a1dmaxa.1 'sasragp s?jrun sap uouauorsrp ua 'uo~auoruoa
ua aqlaur Juamalnas ap u j g .anbnoqds-oalsawsa a n b w a q ~aun
uonuane J ~ ap Mjssne apoduq 'a~!s.~naqpno anbww anbvcqaq~
aun.p jjos 'a~~anlxaj no anbgsqd anbpoaaq~aun,p nos saAnnlgsuoa
amuroa s a ~ n ? Jsaa
~ lapuaq?~dds.papodmr 1r.s : iujod larmald
' s a m a aP
?LEA sndroa un 1alpw.p a m s y snor 'sappoqlnrn al& ap sas& sap
anbvo-?~awaidde aun mod IWEQap sas?rgod&q.px m a s s a ~ m l n s
suo!sn~auoa sal la- y ~ u q p snou
q - ~ueslgnswsapaa uomueqa?
! - aalpnl? anb!meuKp aln8y e l ap suor~auojsajualajjjp sa?
s w e d m n o mod arlsaqcuo.1 syw ? ~ l a u a B w qap
, ~w-3 W el 'ap
juauraqnv ,sanbqoqmKs la ~ a m ~ ~ lsa4plauou?-<u
dtq y saAuepuou?
~ O sal A aqua asxanuoa uogelarroo s ~ o e p ñ 11 .anblloqmKs alsres
aun p 2apaaae.p $amad 'ad& am?m np suoge!mu?-oa sap jue~?u?;i
$a sa4ssa~dmXIOA sap jueua~o~d 'anbpsuñp a+ el ' u o g ~ ~ ~ d ~ , p
sdmq anb~anbe l d e 'sanbnoquu(s XJOA sal aaae 'ampal q ap p q ? p
ne 'abIanw uogq?noa ua p o s sailjssa~duquogej~uou?-03p uogepuou?
1s 'anbsjnd aalnp ap mnurlwm u n l e d anlosy uo!sual 'sallajmld
s?l!lepom aljua 'a8ed el 8 lnap~Oj01daun juesslurnoj s a ~ ~ a l l n l d
sa~nepuou?-o:, la sangjslauou? q o aqua ~ uolsual ap allej qsa a113
'lauraltrl W d n s al p d anb a p 'aoua8nma ua u o g e y aun xzq?ga~
as Xuap laidde y a suep 'atqur a a .(anbnoquú(sja anblsaigsa ar?wem ap
71p ampd al anb aa ap uo~e!auap+dxa,ljre~qnmua1w.l) juamAnom
a1 red nur s d ~ o ala (juammewuoa 1aPnoq ~ l o p u06 .amaod n s
lapame lnod l a n b ~ p~ropqnmualtq,T) $uawannom ap aamos s&oa aqua
'uo!sradsp la uojs?qoa q u a uolsuaL .apnwp la ?ddolama jsa a a[ S
a( 'auxwd a[ suep 'ammo3 'sasoqa sal 's~omsa1 aqgemds~p*a a q ~ d d e
jle~a'- anb luq ua 'apoq q 'uoplnd?~ja u o g a q e q u a '+q~osqe
psa a$newul,l slanbsat suep a n a n m w a a [ ap suomqrnq sal P a u r d
np ar x a1 g p anb a i aqua ?~n$an.qsamsg&ouros! un la1 e u 0
'a.r@.lap asoqdromqm er ap 'auennom q ap ardopsj.~uou
w u a w d x a ua lauuop juau a u q k q ' u lanvu. apuom un suep sgd
Rhétorique << multimodale » 197

chiasme sur support Intemetl. Cela. pour répondre a des types d'actes
de langage qui se veulent de plus en plus incitatifs et persuasifs pour
faire ensemble (corps textuel-corps de l'intemaute), en co-présence pour
faire en sorte que ce ne soit plus le lecteur qui aiile vers l'énoncé mais
que ce solt l'énoncé qui vienne a l'internaute. Les différentes strates de
figures composeraient alors non seulement différentes instances
énonciatives mais aussi diverses instances co-énonciatives. Elles se
composeraient d'une temporalité spécifique modulant, orchestrant les
relations inverses et converses entre les voix et les modes de saisie ; elles
se composeraient de modalités (Devoir : ne pas Pouvoir ; Vouloir ;
Savoir ; se mouvoir) aux effets émotionnels. En fait. la rhétorique
multimodale peut non seulement attribuer plusieurs fonctions i une
figure mais aussi en faire un condensé de plusieurs figures tradition-
nelles : le chiasme dynamique est a la fois récurrence (gace a son aspect
temporel), analogie (on a observé un chiasme syntaxique), hyperbole
(dans sa durée illimitée), ~ythrne.
La complexification de s a constitution, de ses fonctions, de sa
temporalité. de son corps textuel montre la nécessaire mise en place
d'une grammaire de la rhétorique esthésico-esthétique. On ne peut pas,
pour rendre compte de ce nouveau type de Rgures du discours, se limiter
au schéma heuristique proposé par Fontanille pour étudier les figures et
leurs effets aífectifs : la figure en tant qu'énigme sémantique ne sufit
pas, elle est aussi énigme énonciative et co-énonciative. On n'a plus
affaire a un seul modele d'acteurs sémantiques et d'actants positiomels
soiirce / cible / contrüle mais i la co-présence, dans le méme champ, de
divers acteurs : les instances énoncantes, les instances codnoncantes,
les diverses strates figuatives de l'énoncé devenant tour tour source /
cible / controle. 11s'agit donc de rendre compte, certes, des interrelations
entre la figure et les autres figures de l'énoncé, mais aussi des
caracténstiques des instances énonciatives et co-énonciatives. Ainsi, le
chiasme aurait une double orientation dynamique : mouvement
ascendant-diagonal / descendant-diagonal. il permet de mettre en
mouvement des uniths formant alors une totalité en tension entre
stabilité et instabilité, entre cohésion et dispersion. La source de
perception est alors saisie par cette musique dynamique et voit s a visée
orientée. Le chiasme met en tension plusieurs unités qu'il éloigne puis
rapproche de la source perceptive. Cette mise en tension dynamique crée
un choc sensoriel qui amene la source perceptive ise mouvoir et
s'émouvoir pour percwoir avec un point de vue intense et étendu. dans
la durée. Nous nous placons alors du c6té de la réception, considérée
198 Nicole Pignier

non plus comme réception passive, mais comme co-énonciation


interactive.
Pour cela, nous proposons les critéres de questionnement suivants :
la figure de style tensivo-aííective travaille notre mode d'appréhension
esthésique des choses, selon :
- son nombre de sources dynamiques :
- la position de sa ou de ses source(s1 par rapport a l'ensemble dans
lequel elle prend place ;
- la qualité ou l'intensité du flux ;
- l'orientaüon unidirectionneiie ou diffuse, anguleuse, etc. ;
- l'étendue du flux :
- le lien logique (complémentaire,opposé, etc. entre les sources) ;
- sa durée et son tempo ;
- son aspect;
- ses valeurs modales :
- la répartition de ses moments forts ou faibles (rythrne) ;
- son role d'agentlvité et/ou de passivité sur la source perceptive :
- le ou les pointls) de vue qu'elle implique.
Ces critéres sont issus de la sémiotique de la présence, elle-méme
inspirée de la sémiotique visueile. C'est bien entendu son usage en
discours qui permet de définir completement la figure. De maniere
généraie. on peut tout de meme l'appréhender comme un moule que la
mise en discours viendrait utiliser afin de donner au discours un corps
tensif.
Le deuxieme point méthodologique est l'orientation de I'analyste :
par ou aborder les discours multimodaux, et les figures de style qui les
constituent ? Nous retiendrons le point de vue du lecteur. du consom-
mateur, de i'intemaute, comme corps sensible et perceptif, qui appré-
hende des pages web, des amches, des discours c o m e totaiité sensible
et perceptive et non comme découpage entre telle et telle modalité
sémiotique. Comment les discours se donnent-ils a saisir ? Comment
font-ils sens en relation avec une nécessaire visée ? Fontanille, dans une
communication récente au séminaire de Tours e Du traitement d u
discours dans des recherches en communication u , souligne que les
confrontations des sujets aux discours de tout genre sont de plus en
plus nombreuses, hétérogenes, mais aussi de plus en plus rapides dans
des conditions spatio-temporelles pas toujours idéales. A l'ére de
i'lntemet, la plupart des sujets ne cherchent pas souvent a découper,
analyser en détail : ce n'est done pas en partant du décorticage unité par
unité que l'on se positionne en phase avec les processus sensori-
Rbétorique multimodale » 199

perceptifs a l'ceuvre dans l a communication. 11 convient des lors de


m e t t r e e n place une d é m a r c h e intégrative q u i a d o p t e l e s m o d e s
d'appréhension des sujets, les supports de communication comme point
d e départ d e l a sémiose. 11 s'agit de faire l'hypothese des ensembles
signifiants, d e modeles interpretatifs de I'ensemble pour dissocier
ensuite. D a n s ce cadre, l'hétérogénéité modale, énonciative. réceptive
etant de plus en plus présente, il convient d'en comprendre l ' o r c h e s h -
tion. d a n s les énoncés multimodaw.

Notes
1 Voir Fontanüie 1998 : 37-38 : n La orésence, aualité sensible par acellence, est
innr premICrr. amictilnii<>n sioijorique <Ir la peri.+.piion.L'ntTcct qiit nous ioiirhe.
rcttc uirenaitc qul iaractedsr riutre relotion aii monde. r-i I'allairr de la vi* 1..1 :
I,i position. I'étrniltie et la i1rianiilC carar1i.l-i\eni rti rcvanrtir les iiilliles et lc
conienii du donuiiic dc prninenr?. r'est-A-ilirr la sdsic. La prisence cngag duiic
les deux op&ations séiotiques élémeniaires dont nous a 6 n s déjl fait &t : la
viaée, plus ou moins intense. et la saisie, plus au moins étendue. r L'actant
positionnel a I'origine de k c t e de ubée e t la some, celui qui est saisi : la cible.
Dans un cas comme dans iautre, un aciant de rnntnile se place entre la source et
la cible.
2 Jacques Geninasca (1997) oppose un mode de connaissance du monde
< inférentiel 1 au pratique (fondé sur une logique cognitive. scientifique.
S

informative) a un mode de saisie 8 totalisant n. < semantique (fondé sur une


connaissance symbolique et esthétique des dioses). Par aiileurs. Fontanille nomme
le premier mode, scientiíique 2 ou cognitif r [fondé sur une rationalité

.
S

inlormative 8,) le second, x symbolique r. esthétique x (rondé sur iine rationalité


mythique ,l. Dans un carré s&ioti&ne, il montre l& relations contraires entre ces
deux modes et ajoute que la saiiie n technique 8 cst le complementaire de la saisie
cognitive 8 . tandis que la saisie impressive 8 . r esthésique fondée sur une
rationalité 8 hédonique 8 est complémentaire a la salsie z symbolique r. Pour ne pas
entrainer de confusions. nous uülisu'ons la terminoloeie de Fontanüle. aui meten
v

valeur les positions contraires, contradictoires et complementaires des divers


modes de connalssance du monde lcl. Fontanille 1998 : 232-2231. --.
3 La vivacité. Peficacité #une figure de rhetorique dependrait alors de la plus ou
moins grande capacité de raclant conedle a fonciionner comme un obstacle : en
toiite figure de rhétorique, une enigme nous attend ( F o n W e 1999 : 98).

. .
4 Fontanille foumit un exemple de métaphore 11999 : 101) : a cette femme est un
champ de blé 8 : source blonde ou catégorie humain s. cible chamo de blé n ou

.
rniCgorii \.<.<étal.. contriilr : disiarig c entre Ics deun rni6godvn . confru~iwuon
ciiirc díux r?iecorirs dlsiinci<s.dotitinnuon i l l l i rPsulre de in tiosirion ~.
adoptée par l'énonciation, qui assure en quelque sorte un contenu sensible et
perceptiw

intuitif l'une des isotoples Icelle du végétall grace a une transformation


analogique : du m h e coup le domaine source et le domaine cible échangent leurs
propnétés. Le végétal et I'humain peuvent interagir, étant devenus des actants
ap p . 1 iuamapn! )so a p n 8 y u o ~ s u a u ~uqp .qa 'salouos .sanbnde18 suonls
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suonlsodsueq no m u q n m a d ' s y ~ s u a qred iuapaaord
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UON r :als?rns1uds q ap u o n w p 81 Wule iuaspard (6 : 1002) P ~ n % wWPW 8
'ZP-IP : 8661
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Pour une rhétorique de la graphie
dans les messages artistiques

Inna Merkoulova

Cette étude s'intéresse au fonctionnement des figures - l'hypo-


typose, la synesthésie, l'ekphrasis, la rnétonymie... - au niveau de
l'organisation graphique des ceuvres littéraires et musicales du X X
siecle. Plus précisément, dans le cadre #une sérniotique de la présence
et de I'empreinte, on s'efforcera de montrer que les effets visuels d'une
surface imprimée créent une dimension rhétorique parücniiere.
Comme disait H. von Hofmannsthal. 8 il faut cacher ce qui est
profond. 0u ? A la surface x (Hofmannsthal 1947 : 118). Ainsi. on
cherchera a tirer les conclusions sur un organisme (une ceuvre littéraire
ou musicale) a partir de son épidenne, tout en tenant compte &un
noyau B ou d'une structure 8 plus profonde : les expressions et
comecteurs métalinguistiques n'étant que c la trace visible et observable
d'une activite sous-jacente et permanente, qui afíieure aux moments
critiques, ou pour satisfaire des objectifs stratégiques " (Fontanille
2001a : 2).

Micro-niveau du syntagme rhetorique : figures de la graphie


Lorsqu'on regarde la page écrite d'un texte littéraire - les dizérents
caracteres, les blancs et les moyens de la disposition spatiale -, on
comprend que les procédés de la mise en page possedent une valeur
visuelle et plastique qui se superpose a leur valeur a verbale D. En
204 Inna Merkoulova

i'absence de morphologie stabie pour ce type des signes, leur étude ne

.,
peut se faire que dans le cadre d'une théorie énonciative qul les présente
a deux niyeaux : d'abord, au niveau grammatical et stable puis, au
niveau des x exposants S, pour reprendre la formule de Hjelmslev.
L'approche énondaiive permet également de placer ces signes dans
la pkriphérie du systeme de la ponctuation, a la frontiere avec la
typographie. Ainsi, le systeme de la ponctuation se divise en centre et en
périphérie. avec deux classes des signes : centraux Iprincipalement les
signes de segmentation) et périphériques (moyens visuels). La peilphérie
du systeme reflete la tension entre le code et i'énonciation b sémiotique S
et sémantique B. au sens de Benveniste).
La théorie énonciaüve présente le systeme de la ponctuation comme
le lieu de dialogue entre deux sémiospheres : verbale et visuelle (Lotman
1999 : 38). En outre, eUe permet de s'interroger sur le statut mEme de
i'écriture : double statut sémiotique. L'écrit en quelque sorte r gere le
verbal et le visuel en introduisant une tension entre les deux. L'interac-
tion entre la sémlotisation verbaie B et la sémiotisation visuelle " sera
d'ordre temporel : selon Édeline, par exemple. c'est le m&meceil qui
déc& les messages écrits et les dessins. 11 faut donc qu'fl dispose de
deux programes différents : le programme TEXTE et le programme
IMAGE x (kdeline 1999 : 202). Le moyen pour passer d'un régime a
i'autre sera la vibration :voit / ne voit pas.
Selon Fontanille. pour que la dimension de la modélisation soit
activée (cette dimension est 'de m h e famille' que la dimension rhéto-
rique). 11 faut et fl sumt qu'une dehiscence quelconque apparaisse dans
le discours, un débrayage interne qui puisse faire place a l'exercice de la
réiiexlvité (le dlscours a pour objet le discours) r (Fontanüle2001a : 22).
C'est justement gAce B une déhiscence entre deux strates du signe
graphique périphérique (Usible / visible] que les italiques, les blancs ou
les a l i n b sont susceptibles de marquer les figures telles que i'hypo-
typose. la synesthésie, l'ekphrasis, la métonymie, etc.
Dans son ouvrage consacré a la rhétorique, Reboul place I'hypo-
typose parmi les figures de la pensée. c'est-a-dire celles qul r ne
déplacent pas des mots mais les ldées 8 et qui concement le dlscours
en tant que te1 : phrase ou suite de phrases 8 (Reboul 1984 : 55).
L'hypotypose, dlt-il, r fait comme si son objet étalt présent, au pomt
qu'on cmit voir ce qu'on entend #.
Selon Bonhomme, on remarque une figure en ce qu'elle transgresse
les lois de la communication ordinaire 8 (Bonhome 1998 : 11). 11 s'agit
ici des maximes griciennes de qualité (dire la vénté). de modaiité (&re
Pour une rhétorique de la graphie dans les messages arlistiques 205

clair) et de relation (parler a pmpos). Comme le souligne Bonhomme, les


transgressions des figures sont montrées par trois Spes d'indices : co-
textuels (ruptures internes a I'énoncél, contextuels [décalage entre un
énoncé et une situatlon) et paraverhaux Iintonations et mimiques a
l'oral). Si on applique le dernier point de cette typologie a notre
prohlématique. c'est-a-dire a l'énonciation écrite. on verra que les
moyens graphiques de la mise en page (désormais : MEP) ont pour
vocation de signaier B la présence d'une figure et de .: déclencher chez
le récepteur divers calculs interprétatifs pour la résoudre.
Tournons-nous a présent vers quelques études de cas.
Le roman de M. Toumier Eléazar ou la source et le buisson fait un
véritahle effet de présentification du mot de l'Autre (la Bible) (voir
annexe 1).
Le roman se compose de deux textes : texte d' a accueil 8 (histoire du
pasteur) et texte 8 accueilli n [mot biblique) qui l'influence et 1' r habite n.
L'interaction entre les deux textes se traduit par différents degrés de
prise en charge énonciative auxquels correspond l'opposition des
caracteres. C'est justernent le processus de a l'hahitat d'un texte par un
autre que nous interpretons comme la figure de I'hypotypose. Dans
l'exemple montr6, nous pouvons distinguer trois étapes de la séquence
rhétorique (selon la typologie de Fontanille 1999 : 99) : d'abord, la mise
en présence (la confrontaiion) des deux grandeurs dans le corps du texte
(les italiques insérés dans les caracteres rornains). Ensuite, l'assomption
(la domination) d'un grandeur par une autre (la comparaison : Califomie
L.. ] comme une terre fertile). Enfin, I'acte d'interprétation (résolution)
accompli par le personnage (Californie = Canaan. caracteres romains).
La derniere phase montre que I'application glohale de la séquence
rhétorique aboutit iune résolution sémantique et pas seulement
graphique et visuelle et fait apparaiie des contenus d'interprétatlon. Le
sujet se trouve amplifié, son identité se construit a u cours de l'acte
d'interprétation. lorsqu'il se compare avec Moise et son propre voyage
avec I'Exode :
Telie était la révélation qu'eut Eléazar sur le destin de Moise l...]. 11 ne regardait plus
avec les memes yeux les &treset lec choses qui avaient été toute sa vie Icf. annexe 1 :

Précisons pourtant que la citation du texte biblique en italiques reste


a mi-chemin de l'hypotypose car elle n'est qu'un simulacre (ce serait une
vraie hypotypose si on avait un i fac-similé B d'une Bible).
206 lona Merkoulova

La synesihésie sert a entremeler deux ou plusieurs sensaiions en


vertu d'une anaiogie entre eiies. D'aprés la typologie de Bonhomme -
figures simples / iigures dérivées - la synesthésie est pla& parmi ces
demieres, c'est-a-dire celles qui Integrent plusieurs figures simples
autour d'une dimension commune supplémentaire. Ainsi, les transferts
de sensations peuvent se greffer sur la métaphore, par exemple : une
couleur chaude = W E plus TOUCHER Nous avanwns ici l'hypothbe
suivante : l'organisaiion graphique, le corps du texte, tout comme les
éléments lexicaux. est apte a transmettre la Qure de synesthésie (ou
plutot les effek de cette demiére s'organisant en une figure).
Dans la nouveiie de Ch. Bamche Les Brfmts eperdus, par exemple.
m observe la co-existente de deux sous-textes (cf. annexe 2). Mais ici le
prlncipe de base est diíferent : le texte accueilll m n'habite pas le texte
d'accueil mais le Méchit et le m e n t e . L'italique répond bien a cette
&he métadlscursive en marquant la distance temporelle (le passé).
L'italique produit un dédoublement de la voix de l'énonciateur. 11 se
trouve double au moment ou il utllise I'itaiique. son énonciation prend la
forme d'un autocommentaire. Mais prendre une distance temporeiie
pour se commenter, pour distinguer sa pmpre voix du passé (= monde
de la musique) de cene du présent (= surditf : I'éloignement que j'en ai]
ne signifie-t-il pas d'introduire une figure rhétonque. notamrnent la
synesthésie ? Parla des ordres sensoriels confondus, des sensations en
mouvement qui compensent le son ?
Le personnage de la nouvelle peut W e comparé avec un patient du
psychologue Luria. C. ou le clauecin des sens Lorsque ce demier
8.

écoutait la musique, 11. sentait son goiit r, en revanche. ce qu'ü n'a pas
senti sur la langue lui restait inaccessible. La surdité du personnage de
la nouvelle fait que ses sens S se touchent B (Louria 1995. dté par Szendy
2001 : 35). I'ouie cede la place ti la vue, la capacité d'entendre, a la
perception visuelle :
Ce qui me msie du concert qui suivit i'enregistrement 7 La Jubflationsur les vlaages,
le geste patemel de fon Krause. intmduisent mon Wre dan8 la confrae des
grands artistes 1...1
Mon Wre a jou6 comme jamais. J'ai v u la surprise naiire sur les traiis des deux
hommes qui ne s'etonnent depuis longtemps. I...I Des p l e m calmes (d.annexe 2 :
147).

Le son et le mouvement visuel sont liés par un mouvement : le


mouvement sonore provoque le mouvement de la physionomie, par
l'intennédiaire d'un mouvement dectif e.
Pour une rhétorique de Ir grapbfe dans les messages srtistiques 207

On peut donc qualiAer la surdité du personnage comme une énigme


en attente de réuélation : P€non&teur attend le moment synesthésique,
loi-sque ses sens vont se toucher et se compenser. Compmns touJours
avec C. : < C. était touJours en attente de quelque chose. d'un grand
événement. [...1 11 'voyalt' cet événement et I'attendait m (Luria 1995 :
302).
La derniere phrase met en évidence les Liens entre la figure de
synesthésie et sa manlfestation graphique dans le texte : l'événement du
toucher des sens est montré visuelíement, comme une présence plus
forte. grace B l'emploi de I'italique. De cette maniére. la distance visuelle
répond a la définition de la synesthésie telle que la dome Szendy : a La
synesthésie c o m e toucher a soi c'est peut-éire avant tout une añaire de
distance. Piutot, plus t6t que I'uniti ou la proximité. Une distance de soi
a soi " [Szendy2001 : 49).
La forme graphique que la synesthésie prend dans le texte de la nou-
velíe fait de cette figure rhétorique S une figure-agument (Bonhomme
1998 : 681, c'est-&-dired e qui par son expression signale la pr&ence

.
d'un autre sens, #un autre univers sémiotique. Citalique ouvre une
fenktre a l'intérieur de la représentation narrative : une fenétre s'ouvre
sur le a sentir B fondamental, sur I'exp.5ienc.e ou tous les sens sont en
mowement et oii ils se fondent en un seul * vécu 3.
Les moyens graphiques peuvent servir de points d'intervention pour
passer &une couche énondative a une autre. Chez Saumont (OH LA
MER EST TELLEMENT BLEUE). par exemple, la disposltion spatiale des
caract&es donne au lecteur un choix entre plusieurs direciions de
lecture. Les signes péripheriques représentent ici un aspect m cognitif
(repréaentation)de l'intervention du lecteur, A la différence de l'aspect
8 pragmatique n (manipulation physique dans le cas de l'hypertexte

numérique) (cf. annexe 3). La structure hypertextuelle de la nouvelle


manifeste clairernent le dwlacement métonymique.
L'ensemble des moyens visuels (le gras correspoud au titre, les
italiques a la ltgende de la photo) font une breche dans le texte pour
accéder a un autre univers sémiotique. Cette fonction répond bien a la
vocation de la métonymie qui o p h des décalages de signifcations
entre deux ou plusieurs termes contlgus a l'inttrieur d'un domaine
notiomel (8onhome 1998 : 11).
Dans le texte de Saumont il y a une adualisation * de la photo
[mais pas de réaüsation concr&) en ce sens que le Utre (en gras) et le
commentaire (en italiques), comme genres verbaux, ne fonctionnent que
208 Inua Merkoulova

par contiguité avec une image, dont I'ahsence est converüe en présence
actuelle mais invisible. Le deplacement métonymique entre deux parties
contigués d'un meme ensemble peut étre présenté sous la forme
schématique suivante : photo-titre + commentaire.
Le déplacement métonymique symbolise une nouveiie physique et
une structure de l'hypertexte-papier (= album de photo). Ainsi. les signes
périphériques servent de points d'intervention pour passer d'un univers
sémiotique (verbal) a I'autre [visuel).
Engendré comme simulacre de l'album (une représentation avec le
changement de genre : album-nouvelle). le texte devient un dérivé de
I'hypotypose qui assure la présence lisible d'un S p e de discours ou de
réalité a l'intérieur d'un autre type de discours. Nous proposons de le
considérer c o m e un cas parüculier de I'ekphrasis. Dans notre exemple
ce n'est pas seulement une description d'une ceuvre d'art, mais un
modele codé de discours qui décrit une représentation [...l. Cette
représentation est donc a la fois elle-méme un objet du monde, un
theme a traiter. et un traitement artistique deja opéré, dans un autre
systeme semiotique ou symholique que le langage x (Molinié 1992 : 121).
Les éiéments graphiques entrent dans ce modele codé et repré-
sentent donc un autre systeme sémiotique en donnant au texte de la
nouvelle une temporalite et une spatialité spécifiques que Édeline
appellerait une chronosyntaxe. Cette demiere entend S des effets déli-
berés de crainte, de désir, d'ennui, de distraction, de surprise, de
déception : c'est une vie en miniature u (Bonhomme 1998 : 441. Une vie
de texte en miniature, dirons-nous.
Chacun des effets évoqués possede aussi des traits d't?nallage, figure
reposant sur l'instabilité des références déictiques. On voit bien. par

.
exemple, que les déictiques graphiques B (les italiques, les gras. les
alineas) sont bien I'usage des formes décalé par rapport i la valeur
usueile 8 (Kerbrat-Orecchioni 1980 : 88) qui représentent le je comme un
auire (le dédoublement du sujet dans le cas de I'autocommentaire a quoi
correspond l'opposition des caracteres), ici comme un aüleurs (présentifi-
cation matérieiie ou ici sigmñe a cet endroit d a m le texte).
Si on passe maintenant a i'étude de l'organisation visuelie de la
partition musicale, une question se pose : est-ce que la notation conven-
tionnelle est descriptive ou prescriptive par nature ? Autrement dit, est-
ce que les éléments de la notation servent d'instructions a exécuter la
musique ou bien d'informations s u r les événements sonores, leur
agencement. leur interaction ? Et comment ces éléments de la notation
peuvent-ils marquer les figures rhétoriques ?
Pour une rhétonque de la graphie daus les messages artistiques 209

Cécriture musicale a été d'abord notée alphabétiquement par les


Grecs, mais ces signes sont tombés en désuétude. Au début du VII'
siecle, l'archev5que Isidore de Séville écnvait : A moins que l'homme ne
s'en souvienne, les sons périssent car ils ne peuvent étre couchés sur le
papien (Etymoiogianun: 111, 15).Puis ont été imaginés les e neumes r -
altérations de pneuma, souffle, émission de voix - pour le plain-chant
monodique, vocalisation sans paroles émise d'un senl souíiie, dans la
liturgie cathoiique. A cette époque (IX-2 siecles) l'écnture courante et
I'écriture musicale n'étaient pas dissociées et les neumes étaient
représentées sous forme de losanges disposés au dessus du texte &m
d'indiquer la hauteur de la voix (neumes).
Ultérieurement sont apparus : la portée, initialement de quatre
lignes, puis de cinq ; les conventions d'écriture des notes : blanche,
noire, croche, double croche ; celles des silences et des signes de clés.
11 est a noter que la recherche de précision dans la notation des
hauteurs et de l'inflexion chromatique (par exemple, deux formes de la
lettre b pour désigner le si bémol et le si bécarre - b rotundum / S rond B
et b quadratum / carré n qui évoluera vers le diese) coüicide avec la
premiére musique polyphonique écnte (avec son souci inevitable des
relations harmoniques verticales). En outre, comme le montrent les
analyses comparatives contempomines, les signes de noiation sont de
méme nature que les accents ou les signes de ponctuation sur la iigne
écrite du texte (Catach 1994 : 57).
Au cours de l'évolution, les systemes de la ponctuation et de la
notation musicale se différencient selon leur ohjectif (organisation
graphique du texte verbal ou du tissu musical]. D'ou le fait que les
partitions de la musique dn XXc siecle (tonale ou dodécaphoniqne)
peuvent contenir en meme temps des éléments de la ponctuation -
notation ancienne (neumes)et des signes de ponctuation au sens propre
du mot. Nous y reviendrons.
On trouve des indications de mouvement et de dynamique des la
notation du plain-chant, mais la notation logique du tanpo n'a déhuté
qu'aux XVP-XVII' siecles, avec l'apparition des indications italiennes du
type allegro, largo, etc. Au XIXs siecle le gout de la virtuosité et de
l'expression crée u n besoin accru en ce qui concerne la notation de
l'articuiation, du phrasé et des nuances expressives : les compositeurs
utiüsent beauconp plus fréquemment les marques du type staccato [ . 1,
les accents et les lignes tenuto I - l. Au début du XX' siecle, les
compositeurs néoclassiques (Stravinsky, Hindemith) cherchent a
minimiser l'élément de l'expression personnelle dans la musique. Leur
210 Inna Merkoulova

démarche a abouti a une notation sobre et méticuleuse des changements


de dynamique et de tempo [comme dans les oeuvres de Stravinsky) et a
des approches objectives comme l'utilisation des bandes magnétiques
enregistrées [Stockhausen) ou le recours au hasard pour décider de la
direction et de I'emphase d'une oeuwe (certaines pieces de J. Cagel.
En dehors des notations d'avaut-garde (musique électronique,
notamment), les moyens plus traditionnels de la notation ont comu une
évolution progressive, émanant en partie de nouveaux modes
d'utilisation des instruments conventionnels et de la voix.
Les parütions musicales des auteurs contemporains (Shnittke 1999 ;
Shandor 2001) que nous présentons ci-dessous donnent l'exemple d'une
notation conventlomelle syncrétique : a coté des notes proprement dites
(notes-s. selon la terminologie de Tarasti) on y trouve les notes-gestes
(notes-g indiquant la position des doigts : 114 215) et ce que nous
pouvons appeler les éléments de la ponctuation :
- périphériques : mentions des intitulés affichés (titres, dédicaces,
épigraphes) (ex. : Shandor : Pour A. Shnittkel, notations d'expression
en différentes langues (pmsionato, sornbrement, n e m etc.)
- centraux (meme fonction mais une autre forme visuelle que celle de
wais n signes de ponctuation 1 : un crescendo correspond au point
d'exclamation, un signe de 8n de tact correspond au point, et ainsl
de suite.
On remarque en méme temps I'absence de certains signes du centre
de la ponctuation, comme les guillemets. par exemple. Les guillemets
n'ont pas d'analogue exact en musique, ce qui pose le probleme de la
citation musicale [Goodman 1978 : 166). Le discours musical, tout
comme le discours verbal. peut citer un autre discours ou un au!x texte
mais cette citation ne sera pas marquée graphiquement. 11 en va de
méme avec les paraphrases ayant pour base un fondement sémantique.
Nous pouvons dire que le probleme de la citation a une nature
métalinguistique : il s'agit de la m a d r e dont la musique se distancie de
ce qui passe et se passe en eUe ( B n i ~ e 1996
r : 2491.
La partition de Shandor sert ici d'un exemple remarquable : dans la
partie du piano de la symphonie n"12 est insére un fragment d'un
prélude de J. S. Bach (volume 1 du CBT. pr. n016).Le principe de I'orga-
nisation graphique est le meme que l'utilisation des polices dans les
textes verbaux : les notes sont plus grandes (comme si eUes étaient en
gras), la source (pr. no16) est mentionnée au haut. 11 s'agit d'une
redondance purement visuelle : en plus de la différence du style et de la
tonalité (tout de suite reconnaissable a I'ecoute), le texte musical est
Pour une rh6torique de la graphie dans les messages artistiques 211

commenté / marqué au niveau graphique. Tout se passe comme si dans


le texte d'un roman ou d'une nouvelle on insérait une lettre ou un
docurnent fac-similé. Cette inserüon a une nature synesthésique : en
superposant les moyens graphiques sur le tissu sonore, le compositeur
met l'ceil dans l'oreiUe (JJ. Rousseau, cité in Parret 2002 : 129).
B

Corganisation graphique onginaie chez Shandor est un des procédés de


l a tendance plus genérale dans la musique contemporalne : l a
polystylistique opposant les temps musicaux sous forme de collage
(Schnittke 1994 : 145).
Ln cornposition visuelle de la parütion de Shandor se construit donc
selon les memes principes que les textes littéraires cités ci-dessus, et
nous y dégageons les m%mesfigures rhétonques : I'hypotypose (présenti-
fication de Mot autoritaire de l'Autre - de Bach), l'ekphrasis (description
métalinguistique du prélude - redondance visuelle), l'éuallage (effets
d'instabilité discursive).

Macro-niveau du syntagme rhétonque :la page comme figure de


l'empreinte
Nous avons montré que les effets visuels il'intérieur de la page (au
micro-niveau) représentent les figures rhétoriques qui fonctionnent 3
parür du basculement des modes d'existence entre le langage verbal et le
langage a plastique P.
Au macro-nivcau. les éléments visuels suscitent concr6tement un
mouvement incessant entre la représentation verbale ou la notation
conventionnelle et toutes sortes d'expériences sous-jacentes (senso-
nelles, synesthésiques ...1. Cette activation d'un aniere-plan non-verbal
et incompletement sémiotisé (proche de l'expérience et des phénomenes
sensibles sous-jacents) est le contenu dont les éléments visuels et
graphiques sont l'expression. Sur la page (littéraire ou musicale) toute
entiere nous retrouvons alors une macro-figure de l'empreinte
réunissant i'occurrence matérielle, d'une part, et le concept artistique,
de l'autre (Fontanille 2001b : 105).
Dans les termes de la sémiotique de la présence. la page est un
corps ou plutot une partie du corps (la peau) qui garde les traces
d:interactions avec d'autres corps, d'une expérience dont 11 ne reste
qu'une empreinte : il s'agit de R la totalité des 'souvenirs'. de
stimulations, interactions et tensious rques n (Fontanille 2001b : 1051.
Les moyens graphiques de la MEP qui agissent s u r la surface
212 luna Merkoulovs

ü'Inr3cription qui est la page m t e sont les a points d'épaisseur ou de


densification discursive. Ges polnts-18 jouent le r61e des
fen€ires dan8 i'espace dmiotique 8 (Lotman 1993 : 301, des rnoyeas
pour passer directement de i'exprewim au wntenu.

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i Toumier. Michei, Elármr ou L a Source et ie Bulsson Paris : Gallimard. = Folio.
1996 : 101.
l...] ébranle tout de méme par les muveilles qu'il entendait mnter sur cdte Cdüomie.
il eut recours A son pmcédt habituei : fl ouvrlt sa Bible au h a s d pour tmuver la
lumiere qu'ii cherchait 01le hasard - ou plutót la Providence - voulut qu'U tombiit
sur ces lignes de I B d e :
Je suis descendu pow aWurer mon peupie des mains des Egypíiens eí pnir
lefairenumierdans unetmjrtueetspacieuxoUmuienilelaUetiemleLLepaysde
'Canann.
11 fut aussitBt frappé par la similitude Mdente des mots Canaan et
C u y a . Et n'éaii-ce pas mmme d'une terre f e d e et spcieuse ou couknt le lait et
le miel que inut le monde autour de lui parlait de cette muvellleuse Caüfornle 7 l...]

2 Baroche. Charles. Les h


fnntsé p d t s . Paris :Juüiard, 1998 : 147.
1) iza mots qui mentioment un autre untvers sémiotique Oa musique. les sons. les
titres des pi&cesmusicales) :
'sapuomm! S M sal
~ apua~d ap afmp p m i d ~anb
. ~ 3sa.a 6.1op ng .asoqo anblanb
ap a d na e ñ qqq .%uauem21rila.a amrow anbwa aun ' q p xne w llene n
iCiaw nlpmw,p aaipuaq e1 sa[aals -1 rnod q ~ @ n eOoml nom 'war : 01.11 mow
'nom uom amp a p q w nt 'onwq %lpummm pwmod '(M mamo0
un lnod aipuaid a1 sed 2nad u 0 'at?adlre$ aun rnod l y d Jsa [lom] nolu
anb u 0 ,, sanbmu m y q s c d ua aldwñlOsp apw al ms n w : 0.u 4 0 ~
.s$n<n spald sap e a[la.nb ~ F S'@m d asasola a w j ' ~ p q e p~ a m m anbndxa
d
e m y y .(lom) nopd ~ e asvd otoqd aun 'smnmu pq uoumw la odDd : u .
, oaow
'OZI :E661 'PWP!'
:smd ' m o q o ~ n sim 'mma.ucucmmm xm VIHO ,vvuomnw 6
r'12, sed al J a n hbe~q
npuunb 2nd iii?ñon r-1
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ap iuauralqnopap a1 iau&lnos rnod awuaoae %uelred2as. al anb s)om sar (E
: ["'] 6Bqv n i q p p A sal 'uuwmrps ["']
: ['-1 q a h sap wq a[ ~ w p b sp
a p d m q q sanbsnrq sas [.-1
: [..1ol al?UU'JPBUi"'l
Peut-on parler de métonymie iconique?

Marc Bonhomme

Introduction
Sil est un domaine pour lequel le probleme des relations inter-
Semiotiques se pose avec acuite, c'est bien celul de la rhétorique. Celleci
peut-de &e générale et englober dans un méme champ des systemes
sérniotiques cüíiérents, ou n'existe-t-il que des rhétorlques spécifiques,
chacune étant délirnitée par le systeme qui wnstitue son objet d'étude ?
Ce problbe de rouverture ou du cloisonnement du domaine rhétorique
se révele avec l'une des composantes priviié@éesde ce dernier : celle des
figures, intrinsequement liées a l'elocutio, a savoir P la mise en forme
expressive de tout discours, v e m ou non verbal. De fait, il existe une
abondante iíttérature sur la question de la transposition de la notion de e
figure n (concept essentiellement linguistique pour la tradition rhéto-
rique) B des swotiques non verbales et principalement visuelles, ceües-
ci nous intéressant plus particulierement dans cet article. Cette
littérature concerne surtout des figures comme la métaphore. l'eiüpse ou
l'antithh, avec des positions tranchks. D'un CM, on observe le camp
des antitranspositioonnistes,hostües a i'extension des @res a l'irnage.
Pensons i Metz (1977 : 253) pour lequel cette extension risque de n'etre
qu'un plaquage arüñciel et une entrepfise d€sesp€rée 8 . D'un autre
&té, on remarque le camp apparemment plus fourni des transpwition-
nistes pour lesquels l'extrapolation des figures verbales a Pimage ne pose
pas de cas de conscience. Parmi ew. on peut @terDolle (19791, Kerbrat-
Orecchioni (1979). Serre-Floersheim (1993) ou Gervereau (1997). Entre
ces deux posiiions, on relhe la conception plus nuancée de théoridens
comme Klinkenberg (1993) pour qui. si Pimage renferme eñectivement
des figures rhétoriques. l'extension aveugle de la terminologie linguis-
tique celles-ci ne manque pas d'etre problhtique.
Dans ce débat, une ñgure pourtant importante comme la métonymie
parait rester a I'arriere-plan, m&me sl plusieurs analystes ont fait
quelques suggestions sur Pélargissement de cette Egure a l'image, qu'ils
se placent dans une perspecüve généraie (Cocula & Peyroutet 1986) ou
quUs se setonnent dans te1 ou te1 systeme visuel : fllmique (Jakobson
19631, publicitaire (Durand 1970 ; Eco 1972)'... Dans cette étude, nous
nous proposons d'approfondir leurs séflexlons encore sucdnctes sur le
statut intersémiotique de la métonymie, en nous appuyant sur un
corpus homogene : celui verbo-iconique de la publicité, et en tentant de
répondre a une question a priori simple : peut-on transposer la notion
llnguistique de métonymie D a I'image ?

Mhtonymie verbale et refonctionnalisation du discours


11 convient tout d'abord de définir ce que nous entendons par
métonymie verbale n , dans la mesure ou cette definition détermine les
conditions d'exúapolation de cette @ r e a IYmage. Nous envisageons la
métonymie verbale non pas dans l'acception globaliste de Jakobson
(1963) qui conduit a une confusion entre métonymie et combinatoire
syntagmatique du discours. ni dans l'acception de la tradition
rhétorique, fondée sur des catégorisations thématiques disparates (voir
les métonymies du contenant, de la chose ou du maitre dans Fontanier
1821). Mais nous défendons l'idée d'une approche fonctionnelie de la
métonymie. De ce point de vue, nous la d€nissons comme la Egure qui
assure des refonctionnalisations discursives entre des termes contigus
au sein d'un univers notionnel. sans que ces refonctionnalisations
n'outrepassent les limites isotopiques de ce dernier. Plus exactement.
produisant des saiiiances récurrentes et peques comme exempiaires la
surface du discours. ces refonctionnalisations résultent de transferts
coréférentiels entre les róles sémantiques profonds qui structurent un
univen notionnel et dont le graphe ci-ap& représente les prlnclpaux :
Peut-on parler de métonymie iconique? 217

C
1
a
1 Composanies dywniques
d
b
cause I %urce hoces Fifet But
r
(agent) (action) (pmduit)
e 1
1 I
Temps MaWre

Les róles sémantiques profonds représentés sur ce graphe assurent


tanti3t le cadrage circonstantiel (lieu, temps), tantot la dynamisation
...
actantielie, centrale (cause, source, proc.9 1 ou péripherique (instm-
ment, m a t i h ) des umivers notionnels en question. Par aílieurs, autant il
existe de transferts entre ces roles sémantiques profonds. autant ils
engendrent des métonymies verbales possihles. Les transferts
métonymiques les plus fréquenis dans les énoncés publicitaires sont les
suivants :
- m e x i o n du lieu sur le produit :
(a)Le Raialson a des senteurs de noisettP.
- connexion de la matiere sur le produit :
b)A Meg&e, Mont d'Arbois. Investir dans la pierre, c'est mieux.
- connexion de l'agent sur le produit :
(c) Emmenez Séguéla en vacances. Déja 100 000 exemplaires
vendus.
- connexion du but sur le produit :
(d)Louez vos week-ends. Locations OrionJ.
- connexion du temps sur le produit :
(e)Le temps Longines est a quartz. Avec le fini suisse.
- connexion de l'effet sur la source :
(4 Achetez le piaisir. Ferrarl, BMW,Jaguar. JKL.
- connexion du produit sur le proces de l'agent :
(g)Arbellisez-vous :Arbell habille mieux vos pieds.
218 Marc Bonhomme

De la métonymie verbale P la métonymie iconique ?

Une homologie cognitivo-interprétafive


Quand on observe certaines images publicitaires, celles-ci
présentent, au sein des configurations qu'elles mettent en jeu. des
refonctiomaiisations isotopiques par contiguité homologues a celles que
nous venons de décrire pour le langage. Homologues, en ce que leur
ressemblance se situe non pas au nhreau manifeste des codes langagier
et iconique. foncihment hétérogenes comrne on le verra plus loin, mais
a leur niveau cognitif préconstniit (restituable par l'interprétation) ou
l'on peut postuler l'existence de matrices rhétoriques génériques qui
sous-tendent les divers domaines sémiotiques et qui sont susceptibles de
générer des figures aussi bien dans l'image que dans le langage*. Ainsi,
au lieu d'&tre actualisées sur des ledmes et des énoncés, les refondion-
nalisations isotopiques affectant les images publicitaires sont
perceptibles a travers des agencements ñguratifs dont la topographie
singuli- crée des saillances iconiques parüculierement remarquables5.
Par exemple, on peut interpréter une connexion de i'agent sur le produit
- et une refonctionnalisation agentive de ce demier - dans une image
pour le wbbky Baiianünes : on y voit un montage ofi Stewart Spence,
tomelier chez Bailantines, est transfkré dans l'une des bouteffles de
whisky qu'il coniribue a produire, ne faisant qu'un avec ceUe-ci. De
meme, si l'on reste dans i'univers notionnel du whisky, il est facile de
constater une connexion isotopique du lieu sur le produit - et une
refonctionnalisation locative de ce demier - dans une image Aberlour
montrant un paysage écossais inséré dans une bouteille et épousant ses
formes. Ou encare, si l'on prend i'univers notionnel de la Woodwatch
Tissot. on conjecture aisément une connexion isotopique de la matiére
sur le produit - et une refonctionnalisation matériakante de celui-ci -
dans i'image publicitaire représentée : un arbre a l'aniére-plan s'y
transforme peu peu; a travers huit &tapesintermédlaues, en boitier de
montre au prernier plan (fig. 1).
Quand on qultte l'univers notionnel des monires pour celui des
parfums. il est possible d'inf- une connexion isotopique du but - ou
de la cible humaine - du produit sur cela-ci. ainsi refonctiomaüsé par
son utilisateur escompté, dans une image Paco Rabanne.
Sur un autre plan. une teile homologie cognitive (que l'on peut
qualifier de métonymique S) entre le langage et l'image publicitaires est
mnfirmée par la kéquente interaction de ces deux systemes sémiotiques
Peut-on parler de métonymie iconique? 219

dans la construction de la figure. Tantot une 8 métonymie iconique n fait


écho a une métonymie verbale. C'est le cas dans une publicité pour les
conserves Hero. On y découvre, au niveau de I'accroche, une métonymie
langagiere Lieu => Produit (S Du jardin dans le bocal S ) . ensuite
visualisée par une N métonymie iconique B de meme nature: I'image nous
montre un coin de potager (avec des carottes, petits pois ...) déplacé
figurément dans un bocal Hero. Tantot la métonymie émerge dans la
liaison du texte et de i'image. Ainsi en est-il pour une annonce des
Brasseries de France visant a promouvoir la consommation de la biere.
On y lit un slogan : a Pack de biere r non métonymique en soi, associé a
une image représentant un champ d'orge en train d'etre moissonné. elie
aussi a priori non métonymique. Dans cette annonce, la métonymie nait
en fait du dkcalage fonctionnel entre ce que dénote le slogan (a savoir le
produit-théme de la publicité) et le dénotatum suggéré par l'image (la
matiere premiere de ce produit : I'orge). Un te1 montage intersémiotique
révéle en fm de compte au lecteur un transfert Matiere => Pmduit au
sein de I'image et une refonctionnalisation matérialisante - orientée tres
positivement - du produit dénoté. Tant6t encore, dans une interaction
plus faible. I'image foumit les indices utiles a I'interprétation d'une
métonymie verbale. Par exemple. dans une annonce Diadennine, le texte
et l'image mettent en scene le meme univers notionnel : celui des
produits de soin. Cet univers notiomel se trouve refonctiomalisé par un
transfert métonymique Effet => Prodult-Source dans le slogan (S La
beaute entre vos mains n). transfert que i'image permet d'élucider en
montrant une jeune femme tenant un pot de Diadermine entre ses
mains. Inversement, le texte peut receler les indices d'une métonymie
iconique n, c o m e dans I'annonce Paco Rahanne deja vue. Le slogan v
Pour homme (réitéré sur le flacon) y éclaire, au niveau du ledeur, le
transfert iconique. par contiguité notionneile, de I'uüüsateur-cible dans
le produit representé.

Le problime des codes linguistique et iconique


Sil est possible d'établir une certaine homologie cognitivo-interpré-
tative entre les métonymies verbales et ce qu'on pourrait considérer
c o m e des S métonymies iconiques B, la situation se compiique quand
on se place au niveau des codes linguistique et iconique eu-memes.

.
Comme on le sait. ces deux codes sont de nature tres différente :
dominante e analogique de I'image us dominante E digitale x du
langage6 : flou syntaxique et sémantique de I'irnage (privée notamment de
220 Marc Bonhomme

connecteurs ou de morphemes grammaticaux et réfractaire a l'abstrac-


tion) contre la relative précision syntaxico-sémantique d u langage;
douhle arüculation (au sens de Marünet 1967) douteuse pour I'irnage.
alors que celle-la est inherente a u langage' ... Une telle hétérogénéité fait
qu'on constate tres peu de rapports formels entre les métonymies
verbales et ce qui nous apparait c o m e des métonymies iconiques *.
Sur le plan de leurs configurations, les métonymies verbales se
manifestent par des traits linguistiques qui ont été a s s a bien décrits
(voir Le Guem 1973 ou Bonhomme 1987). En particulier. elles suscitent
des distorsions syntagmatiques dans le développement des énoncés, que
ce soit par des eiüpses (cf. c : r Emmenez [le dernier livre del Séguéla en
vacances *), des transferts de fonctions syntaxiques (cf. d : a Louez vos
week-ends .la ou une agrammaticalité dans la détennination (cf a : Le
aRenaison~[...] 8 ) . De meme, les métonymies verbales se traduisent par
des incongruences sémantiques dans la comhinatoire isotopique du
discows, suite a diverses ruptures classémiques (comme en f : * Achetez
[t COMMERCIAL, t CONCRET] le plaisir 1- COMMERCIAL, - C O N C W B).
A cela s'ajoutent des ruptures typographiques fréquentes (tels les
guillemets en a : Le 'Renaison' l...] a) qui révelent un décrochage
métadiscursif dans la trame du discours et qui guident le lecteur vers
une réception tropique. Au total, les métonymies verbales donnent lieu a
des marquages récurrents assez nets dans la ünéarité des énoncés, ce
qui explique en paNe leur interprétation non prohlématique. CeUe-ci est
encore facilitée par l'orientation sémantico-syntaxique généralement
claire des métonymies verbales, due a I'éclairage et a la force inductnce
de leur co-texte. Ainsi, dans I'exemple c, la seconde phrase : e 100 000
exemplaires vendus indique précisément qu'il ne s'agit pas d'emmener
Jacques Séguéla lui-méme en vacances, mais son dernier livre - et donc
qu'il faut Yiterpréter <i Séguéla comme u n transfert métonymique allant
dans le sens de l'auteur sur l'aeuvre (ou de I'agent sur le produit).
A cette configuration linéarisée, aisément délimitahle et relativement
prévisihle des métonymies verbales s'oppose la cofiguration heaucoup
plus oiiverte et davantage instable des fl métonymies iconiques e. D'une
part, a u lieu d'ohéir a une structuration linéarisée, celles-ci se mani-
festent par leurs configurations ensemhlistes sur la surface de la page,
meme s i elles s e décomposent en unités figuratives. ce qu'on peut
constater avec une image-logo Cuir Center (Q.21.
En soi, la relation Animal-Canapé n'est pas forcément évidente a
interpréter, en raison du déficit de l'image en marqueurs logico-
sémantiques. En fait, la connexion métonymique Matiére => Produit de
Peut-on parler de métonymie iconique? 221

ce montage iconique ne devient explicite qu'8 la lecture du texte m i é


( 8 Vous ailez trouver a Cuir Center le plus grand choix de canapés en

buíüe, de style ou contemporains B)~. Remarquons que cette connexion


-
crée B la différence de la métonymie verbale - un &et d'hypotypose
du a la monstration immédiate et surprenante de l'anfmal-matiére sur le
pmduit. D'autre part. loin d'etre canalisées par des structures signi-
8antes Umitées et plus ou moins stabilisées, les * métonymies iconiques
présentent des c o ~ t i o n pmtéiformes,
s explorant toute la panopUe
des relations topographiques specifiques a l'image: superposition
suggérant un transfert de la matiere sur le produit dans l'lmage-logo
Cuir Center que Ton vient de voir ; inclusion révéiant un transfert du
Ueu sur le pmduit dans I'image Aberlour : métamorpbose de la mallere
en produit dans l'image Wmdwatch Tissot. Mais aussi substitution d'un
agent - ou d'un Africain type - au iieu désigné.8 sawir le continent
africain, dans une image Air Afrique" ; ou encore arcimboldesque"
indiquant une connexion Lieu-Produit dans une image pour les vlns de
Corse(a. 3).
En outre, l'indétennination stmcturale des u métonymies iconiques 8
est d'autant plus grande que (i) une m&merefonctionnalisation
isotopique peut s'effeduer par m e n t e s con@urations iconiques. Par
exemple, la connexion de la matlere sur le produit se traduit par des
superpositions (Cuir Center), des métamorphosea (Woodwatch Tissot) ou
encore par une subsütution. comme dans une annonce Lieblg qui nous
montre un bceuf dans une casserole a la place du condiment dont il
constitue la substance premiere. Inversement, (ii) une mtme
configuration iconique peut recouvrir différentes refonctionnalisations
isotopiques. Ainsi. l'inclusion laisse apparaitre des bansferts du iieu sur
le produit (Aberlour), de I'agent sur le produit [Ballantines) ou du
but / cible sur le pmduit (Paco Rabanne).
De plus. loin d'etre clairement orientées, les métonymies
iconiques B permettent souvent des interprétations réversibles. Si l'on
revient sur Pannonce pour les vins de Corse, cene-ci présente-t-eiie un
lmnsfert du lieu (la Corse] sur le pmduit [le raísln) ou du produit sur le
lieu ? Par contre, la métonymie verbale associée en position d'accmcbe
(8 LWe vigne . ) nous indique indéniablement que ce transfert s'efíectue
du produit prédicat sur le lieu, pivot ihématique de l'énoncé.
Ces différences assez radicales de conñgurations entre les méto-
nyrnies langagieres et les a métonymies iconiquw B expiiquent la dissem-
blance fréquente de leurs réaiisations Rgurales. Soit une annonce pour
la promotion de la conserve pame dans Le Poúit IRg. 4).
222 Marc Bonhomme

.
L'accroche verbale i Ouwez l'appétit y développe un transfert de
l'effet sur la source :
Boites éveiiier Appétit -> Appétit => Boites,
lequel contraste avec la formulation standardisée du slogan au bas droit
de l'annonce : Ouvrez les boites r. En raison de son c a r a c t h abstrait.
ce transfert de l'effet est quasiment impossible a représenter sur l'image
qui, elle, actualise une autre métonymie suggérée par la position
incongrue de l'ouvre-boite : celle du produit contenu lgousse de petits
pois) sur son cadre - ou lieu - contenant boite]. Par ailieurs, du fait de
leur dimension ensembliste, les c métonymies iconiques B offrent une
polysémie beaucoup plus grande que les métonymies verbales, celle-ci
aümentant leur flou catégoriel. Ainsi, paralliilement a son orientation
métonymique incertaine, l'image pour les vins de Corse peut encore étre
interprétée comme une synecdoque (connexion Partie-Tout) ou comme
une métaphore (analogie de la grappe avec la Corse). selon l'adage
fréquemrnent revisité par la pratique publicitaire : a Qui s'assemble se

.
ressemhle , l a . Surtout, on voit mal comment on pourrait trouver
l'équivalent verbal de certaines métonymies iconiques B. Prenons une
image publicitaire pour les conñtures Vivis (fig. 5).
Comment rendre par le langage l'imbrication des refonctiomali-
sations isotopiques que cette image visualise en une seule saisie? Celle-
ci combine en effet une double substitution de la source végétale (ie
fmit) au pmduit (le sucre) et au cadre spatial Oa boitel de ce dernierIg,le
tout reposant en méme temps sur une ressemblance d'essence métapho-
rique entre la source-fmit et le cadre-boite.

Conclusion :La relativité du eoncept de « métonymie iconique »

.
Au t e m e de ces quelques réíiexions, revenons a notre question
initiale : Peut-on parler de c mdtonymie iconique ? La réponse a cette
question dépend en fait du niveau d'analyse auquel on se place.
Si l'on envisage les d e w extrémités de la communication verbale et
iconique. a savoir leurs univers notionnels sous-jacents et les effets
interprétatifs suscités par leurs coufigurations rhétoriques, il parait
évident que le langage et l'image s'appuient en commun sur des matrices
fonctiomelles profondes (ou des scripts) a stnicture contigue. De plus, a
partir de ces matrices préconstmites, le langage et l'image opiirent des
refonctionnalisations énonciatives, a la fois saillantes et typiques, qu'on
peut identifier comme metonymiques. Avec cependant u n certain
nombre de particularismes dont nous avons donné un aper$u.
Peuton parler de métonymie iconique? 223

Par contre. si I'on se situe a u niveau des codes linguistique et


iconique eux-memes, I'hétérogénéité de ces derniers rend l'extension de
la notion de e métonymie a l'lmage davantage problématique. Cela
d'autant plus qu'étymologiquement e n grec, A la différence de la
metaphore qui signiíie simplement /Transposition/ a I'ongine", le t e m e
de .r métonymie r est tres marqué linguistiquement : Metonumia :
IChangement de nom/. Certes, en suivant la position de Barthes
(1964b).on peut considérer que la iinguistique englobe la sémiologie et
qu'ainsi il est légitime d'exhpoler a l'image les concepts Ilnguistiques.
Mais une telle démarche revient a subordonner les sémiotiques non
verbales i la suprérnatie du langage, ce qui pose des p m b l b e s quant
l'idée que Ibn se fait de la sémiosis humaine. D'un autre c6té pourtant,
ces sémiotiques non verbales présentent des réalisations figurales qu'il
faut bien dénommer e t pour lesquelles la création #une nouvelle
terminologie serait fastidieuse. C'est pourquoi, dans l'état actuel de nos
réflexions, nous nous en tenons a u n compromis provisoire, e n
proposant d'utlllser la dénomination de * métonymie iconique entre
gdlemets, Mnnme nous I'avons fait durant cette étude".Avec cetk idée
qu'une rhdtorique généraie ne peut s'établir qu'au niveau des structures
cognitives sous-jacentes e t des effets interprétatifs des systémes
sémiotiques décrits. Mais non au niveau de leurs codes pour lesquels
des rhétoriques spécinques s'irnposent'".

Notes
1 Jakobson voit notamment une gamme de gros plans synecdochiques et de
montages métonymiques dans les füms de Griffith. J. Durand fait de la
métonymie icouique en publlcité une 6gure par substituiion reposant sur une
relaiion de diñmnce lee qui est contestable. puisque la plupart des thmridens
s'entendent sur le fait que la metonpie wnstitue une 5gwe leotopique. et donc
du a m€me 4. guant Eco, il situe la métonymie au niveau tropologlque de
l'image publlcitaire. Ainsi lorsqu'une boite de produits alimentaires est po'ésentee
a travers l'animal auquel eUe est dcaiinée.
2 11 s'aglt &unvin des Cotes roannaises pmduit a Renaison. dans la Loire.
3 Cet exemple répolid au processua suivant :
huer Maieon [pour]Week-cnds -> Weekends => Maieon.
4 Idenüñées sous diverses formes. ces mamces génériques ont entre autres retenu
l'attaiiion du Groupe p (19701. de IaUnan & Gaspamv 119791 ou de Lalroff &
Johnson (1985). Contentons-nous de cita ces deux derniers qui s'intémsait plus
spéd8quemeut 6 la métaphore : r La m6taphore dest pas seulement quesiion de
langage mais aussi de structure meptuelle. Cette dernlere ne conceme pas
seulement l'intellect, elle met en jeu toutes les dimenslons naturelles de ~ t r e
224 Marc Bonhomme

experience. qui englobent certains aspects de nos expériences sensorielles : la


couleur. la forme. la texture. le son. etc (248).
5 Ces saillances pmviernent le plus souvent de distmions sur les scripts visuels,
mémorisés par tout un chacun. qui régulent la reconnaissance des scénogaphies
iconiques lors de la lecture &une image. Notre notion de a script visuel recoume
en uartle les m ..e s . du Groupe . u . 119921. a savoir les catégories
.
- mentales stables
qni favorisent la borne identificaiion d'une représentation iconique.

.
6 Selon la temiinologie wlgaride par le courant de Palo Alto. le langage est prion-
tairement digital 8 , en ce qu'il s'articule sur des structures conventionnelles.
oppositives et linéaires. L'image est majoritairement r analogique x , en ce qu'elle
fabriaue a son niveau unemimesis.de realité. motiveé 6 a r l'obiet a k e l l e2 .

represente. hécisons cependant que cette conception référentlelle de l'image.


largement commentée par Peirce ou par Moles. peut poser des dilficultés, dans la
mesure ou le signe visuel est d'abord un ohjet construit qui développe sa pmpre
dwamique (cf. Groupe U 19921.
7 le flou iyntaxico-sé&&lque de l'image coulribue a sa plurivalente informative,
selon ses contextes de réception. Pour les débats sur la double articulatiou
improbable de l'image. volr -&o (19721, Baticle (1985) ou Cocula & Peyroutet
119861.
8 La grammaire des cas de Fillmore (1968) rend bien compte de cec transferts de
fonctions syntaxiques. AUisi, dans I'exemple d susmentionné, on assiste c i un
déulacement du cas temoorel sur le cas obiectif.
9 ~ e - t e x t eexerce alors laAfonctiond'ancraie de Barthes (1964al. laquelle aide le
lecteur a chaisir le bon niveau de perception et d'intellection de l'image.
10 11 s'agit en fait du musicien camerounais Manu Dibango représenté dans une
vision en plongh. la tele baissée, le bras gauche plaqué sur le c o m . I'avant-bras
drot replié en-hauteur sur le cou, et dontl'aspect gé"éral ofie une ressemblance
avec la carte de I'Airique.
11 Du nom du peintre itaüen Giuseppe Ardmboldo (1527-1593) qui Sillustra notam-
".
ment par ses a tetes composées faites d'assemblages de vegétaux. d'animaux et
d'obiets. L'arcimboldesaue d é h i t la conshuction d'unités fieuratives de second
nn.rnii :i pailir d'iiilii?s fq!irati\.rs de pwinirr iiivcaii.
19 Une <les~ ! i n d r sr m r l t n s l i q u e dci mttuiivmirs imlii~iues proditites par la
publiciri rsl rli eff~rqu'ellcs s'accoinpagiient I;icil?iiii.nr d r procnsus nlialo-
.
gii[ue+.selo" 1' osrillauon i,ii:tonyiiiico-mriapl.unqur chPrr . Rosol.~to
i I19i4l
13 La substitution Fruit 1 Sucre e s t induite ipártir de la seconde partie de
I'accmche I< Notre sucre nait des fruits VI et du montage iconique du bec verseur
sur le h i t Ce montage permet également d'inférer la substitution Fruit / Boite.
14 Voir sur ce polnt la Poétlque 11457 bl d'histote.
-
15 SLgnalons que. dans san article sur les métaDhores de la m é t a ~ h o r e(19931.
Klinkenberg s e heurte aux memes difficultés que nous lorsqu'il s'agit de
dénommer les figures . iconiques d'aspect métaphorique A cette fin, il opte
B.
. pour
.
la solution des périphrases techniques, tout en reconnaissant ieur risque de
lourdeur.
16 Notre corpus publicitaire est recueilli depuis 1981 panni les rnagazines suivants :
VSD. Le Progres. Jorrrs de France. IA m a r o . Mane-Claire, Le Point. L'Hebdo.
FranceSoir Mugazlne.
Peut-on parler de mktooymie iconique? 225

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Serre-Ficmsheim,D.
1993 Quand les images wusprennent au mot P& : Editions d'Organkaiion.

1 Publiclté Woodwatch nsiot.


2 Image-logo Culr Center.. .
3 Publicité Llle m e IA.0.C. de Corse).
4 Pubiicité O u m i'appétit (Eloii Métal Promotion).
5 Publicité Vhis.
Peut-on parler de mktonymie iconique? 227
228 Marc Banhomme

VlVlS PUR FRUCTOSE


NOTRE SUCRE NAiT DES FRUiTS.
Image rhétorisée des corps sexués sur papier glacé

Agries d'Izzia

Le cadre de la démarche
L'objet de la présente wntníution est de proposer une méthode de
lecture des images rhétorisées des magazines.
11 convient toutefois de rappeler le cadre des travaux qui m'ont
amenée 6 l'élaborer : 11 s'agit h e étude oh j'ai vouiu démontrer la
persistance des transformations de la féminité et de la masculinité
énoncées par les apparences physiques, ainsi que leur articulation aux
éxolutions de la société. Mon objectif était de penser la différence des
sexes selon un modele en phase avec P u hypercomplexité des sociétés
mcdemes a (CS. Morin 1994 : 53-66. 129 8r 1351. Aussi ai-je pmposé un
modtle permettant a la fois de dévoiler i'ensemble des possibles
immanents de la féminité et de la masculinité énoncées par les
apparences, et de saisir leurs variations dans le temps. Le mod61e doit
en eflet étre apte a úaduire la variété de i'idenüté sexuée et ti servir une
penske de la liberté et de la dignité humaines, en autorisant un
approfondissement de i'individualisation des normes idéales de féminité
et de mascuiiniti. Il est figuré par le spectre. teme que nous entendro~m
au sens physique (comme celui du spectre de diñhction de la l u m i é ~ .
produisant l'arc-en-ciel). En effet, S nous demeurons de chair t (d.Le
Breton 1999 : 7, 19 & 223) et notre corps est le modele de notre
construcüon du monde (cf. Cassirer 1972 : 161) et de nos relations aux
autres. C'est le mouvement qui préside a l'existence de ce spectre : il est
e ouverture de l'infini rassemblée dans une forme n et concoit la féminité
et la masculinité comme N des ceuvres ouvertes et mobiles n (cf. Eco 1965
: 9-37). Mais leur pluralité ne peut étre considérée seulement comme un
jeu abstrait de composition / décomposition / recomposition de la
féminité et de la masculinité. car elle prend source dans la complexité
tant de l'individu que de la société, qui sont a la fois interpretes et
créateurs de ces ceuvres x (cf. Eco 1965 : ibidem), ceuvres charnelles.
C'est ici que ce spectre s'ancre dans une réalité historique et sociale qui
vient lui donner forme et limiter ses possihles.
Pour e n démontrer l'existence, j'ai choisi d'analyser les
représentations sociales de I'apparence physique des personnages
masculins et féminins, représentations acceptées et diffusées par la
presse. Ces représentations supportent les signes normatifs et idéaux de
féminité et de masculinité comme aussi leurs transformations. Plusieurs
titres de presse ont ¿té sélectionnés, au long d' S années tests n échelon-
nées de 1947 a 1997, ce qui représente un corpus de prés de 30 000
pages. Pour comprendre le sens social des transformations des registres
des signes de la sexuation, j'ai, pour chaque période considérée, rapporté
les résultats de cette premiere analyse a l'état des cinq a ordres sociaux S
qui foudent une société et rendent compte de sa composition bio-
sociale (au sens ou l'entend E. Morin). ainsi qu'i celui des pensées de
I'ALtérité et de 1'Altérité sexuée. 11 a été saisi a u travers des
représentations de ces magazines et des méta-analyses du contexte
social - analyses des analyses produites sur le reel par les chercheurs
en sciences humaines -, afin de réduire les distorsions entre les
représentations sociales de la presse et la réalité sociale (cf. d'Izzia
2001a), et pour permettre de lire les images rhétorisées : le contexte
social détermine en effet les signifiés des signes visuels iconiques et
plastiques, au travers de la définition / idenüfication du référent et du
me.
Cette recherche a été menée sur deux pérhdes. De l'apres-guerre a
la fin des années soixante, il s'agissait d'établir l'existence du spectre et
de montrer que sa mohilité s'expllque par un * lien isomorphlque stmc-
tural n (cf. Levi-Strauss 1974 : 99 & 231-2321 avec les évolutions de la
société. Cexamen de la deuxieme période, située trente ans apres, a mis
en évidence les formes que revétent ce spectre ainsi que sa mobiiité.
L'analyse revele en effet un spectre en tension. Ce demier subit des
mouvements paradoxaux : un mouvement de polarisation, de schize, de
fragmentation des signes de la sexuation, lesquels connaissent
Image rhktorisée des mrps sexuéa sur papier glacé 231

simultanément un mouvement d'intensification inédit. 11s traversent,


selon les lois de l'isomorphisme, les formes corporeiies, Sénonciation de
la féminité et de la masculinité par les apparences et les ordres bio-
sociaux n, ainsi que les p&es de l'Aitédté et de 1'Altérité sexuée. Une
tension qui indique a la fois une tendance a leur rigidiíication et une
mise en question contre-démocratiquede cette rfgidiflcation.

Comment üre les images sur papier glacé ?


Les grandes Ugnes des résultats de la recherche ont été: exposées
précédemment (cf. d'Izzia 2001b). J e m'attacherai ici a expliquer la
methode de lecture des images utilisée.
L'analyse des corps s m é s dans l'image de prerse
il a tout d'abord fallu élaborer des outils pour d é a k les apparenm
physlques,et leur sexuation.
Comme M. Mauss l'a monw, la f€minité et la rnasculinité n o m -
tives s'expriment visueilement par un rituel qui codifie. le plus 8ouvent
de manikre inconsciente, les pratiques et les techniques de marquages
corporels, et les composantes de I'apparence physique. M. Mead a
démonw la a variabilité * de leur sexuation. L'enracinement charnel du
sociaJ modele ainsi le corps et transforme son essence : il n'est plus
peau, chafr, sang, 11 est .: pensée du monde 8 , a chair du monde B ; la
chair est I'enroulement du visible sur le corps (MerIeau-Ponty 1964 : 191
& 3021, corps sexué. C'est ce visible qu'il s'agissait d'analyser a partir
des images des magazines.
Mais ce queje vois en regardant une apparence physique sur une
image de presse, d'autres pasomes peuvent ne pas le voir. De la meme
maniere, pour explorer le monde et s'y repérer, deux personnes ne
pnviiégient pas les mémes modalités perceptives. 11 fallait donc que fe
guide le regard du lecteur par mes phrases. Mais rapidement. les
deacriptions et les métaphores verbales se sont révélées insuWsantes
pour décrire les apparences physiques. Eiles abandonnaient le travail a
la subjectivité de ma propre perception visuelle. La question devenait
alors : comment objecüver des taches et des traits. en noir et blanc ou
en couleur. disposés sur papier glacé et représentant des a p p m c e s
physiques d'hommes et de femmes ? D'emblée, en posant cette question,
j'inscrivais dans ma démarche I'idée qu'une image de corps sexué est
comp& de signes icono-plastiques dont les signi6és entretiennent des
interactions complexes (Gmupe p 1992 : 51).
Les schkmes corporels. - Pour résoudre la dimculté, j'ai d'abord
analysé les formes des silhouettes corporeUes, parce que ce sont eUes qui
président ti la sexuation des apparences. Mais ces silhouettes apparais-
saient selon des cadrages, des angles de prises de vues et des niveaux de
pmfondeurs de champ diff6rents. Pow comparer entre elles les strates
chronologiques de mon échantillon, il a des lors faliu que j'emprunte un
outil aux peintres : j'ai mesuré les dimensions des corps représentés en
les rapportant a celles de la téte.Pour comparer les rondeurs des formes
corporelles, un rapporteur m'a permis de mesurer leurs angles
d'ouverture. J'ai ainsi pris conscience que les silhouettes observées

a schemes *, des .
étaient engendrées par des matrices corporelles, forgées par des
principes dynamiques d'organisation 8 (Panofsky
1979 : 141,caractérisant la société d'une décennie domée.
Cette wnstruction abstraite d'une forme englobante du corps sexué
ne rel&e pas seuiement du simple silhouettage, et donc d'une rhetorique
du type du signe iconique. Car Pintérieur de ces formes les détermine
aussi. U semble procéder plut6t de la recherche d'un r é f h t du signe
iconique, celui de la silhouette idéale d'un corps sexué, exlstante a une
période donnée, d'un .r designatuun 8 actualisé : puisqu'il possede des
caractéristiques physiques.
Les signes uisuels de la senration - 11 fallait lire aussi les slgnes de
la sexuation des personnages représentés. J'ai des lors défini des
indicateurs corporels et analysé leur sexuation a travers le u travail des
apparences physiques B observable sur les images, énoncé dans les
teKtes, et que j'ai comparé a celui qui est mis en oouvre dans le contexte
social.
Les signes iconiques et les signes plastiques président a la
production et a l'identification des signes visuels de la sexuation de
maniere a la fois indtpendante et articulée. ii s'agissait donc d'identifler
les mes. ou les classes, de signes iconiques de la sexuation. Ceci dolt
en effet pennetke de vériñer la nature de la relation entre un signíñant
d'un signe iconique de la sexuation et con référent : un membre de cette
classe. Dans cette démarche. il s'agit de tenir compte des signes
plastiques, en particulier de la wuleur et des formes des signes visuels
de la sexuation.
Les échanges de signes de sexuation et les transformations des
reglcb-es de la sewuatia - Munie de ces outils, je me suis attachée a
décoder la maniere dont chaque société é n o n d t dans ses magazines les
nomies idéales de la féminité et de la mascuiínité.
l m g e rhétoriséedes wrps sexues sur papier glad 233

.
J'ai idenMé les réactuabations des slgnes visuels de la féminité et
de la masculinité dites 4 traditionnelies en mettant au jour les signes
qui énoncent féminité et mascullnlté de m a n i h spédfique. düférenciée,
u schizée P. Puis j'ai recherché comment ces signes de sexuation
pouvaient ou non s'échanger. Ces tchanges s'opkent soit de manibe
univque - il fallait alors idenmer comment les personnages féminins
acceptent des signes de masculinité et réciproquement - soit de
maniere réciproque pour comprendre quelles formes pouvaient prendre
les fgures de la ressemblance B. le Lieu du meme (au sens oii
I'entend Sibony 1991 : 11) sur les images ou apparaissent des couples
ou des groupes mixtes de personnages et jusqu'ou ces échanges sont
p&sibles.
L'miyse des images surpapier glacé
Cependant, je me suls rapidement rendu compte que les outlis que
je venais de forger laissaient h a g e dans l'ombre. Or elle participe
pleinement la construction des représentations de la sexuation
énoncée par les apparences, a celles des ordres bio-sociaux et des
pensées de i'Altérité sexuée.
J'ai des lors dü déplacer la perspective, faire porter I'analyse des
corps sexués sur l'image qui les représente, et ainsi ttre attentive a la
mise en scene des corps dans I'image. L a démarche ne devait pas toute-
fols s'arrtter la. Par exemple, il a fallu analyser le fond. les couleurs, les
lumíeres, les flgures, la position, la dimension, I'orientation des formes
corporelies, il a fallu prendre en compte les rythmes d'apparition des
images, la segmentation des pages en difiérentes zones d'images, ou
encore la sérialisation des pages et leur hiérarchie.
Je n'irai pas plus avant dans la description cette lecture des images,
souvent cornplexe. pour m'attacher a un aspect de cette lecture : la
rhétorique des images des corps et la rhétorisation des images
présentant des coips.

Rhétorique de l'image du eorps


A partir de 1957. on rel&e dans les magazines étudiés des images
présentant des coips rhétorisés. et, plus généraiement, une importante
rhétorisation des images. Ce mouvement se renforce en 1967, et, en
1997. prend une forme particuli&e.
Pour étudier ce mouvement de rhétorisation, j'ai étk guidée par
Barthes, lequel posait l'existence probable d'une rhétorique commune,
1s no (au-wdns un ,ad,Q-snos un ' a w un 'a~gua-msaun '34ua
-snos aun 'anansy ??nua aun] slanspl s a m s sap J u a q un l a q p
~req3qle.saauauwadw,l S! ~aq3laqaa.1 I! '~1p~uama4nv
wonsanb ua saslw s ~ o luaw? p slansu sau8ls sap s u o ! ~ e ~ n a m
knanb a L Jualajy un 'adh un 'anbruoa! ~ueylu$lsun 'am?mroJ
un 'auqmoxp un m s 'aldmaxa led : Jeua-q aauacqpaduq aq7a3
sanansu s ? l m sap uonauaarcdas ap n e a m lanb e aqua~dmoaap -
:7mod ama
sau3ís saa ap quam?I? slanb m s p 'anb!uoa~ a@s un,p no anbnsqd
au@ un.p neanN ne agnpold feJa aauauq~adm!.~ !S .I!OAES ap -
: ~less18e.sn.nb WP Jsad . ~ m Z o ~ w a pw a p
ana3 Ians!n np alB?~ananb y la aauauryadm! aun 1aam ap (assald
ap sa%m~sap mod ~uammapsuo:,smoCno~Jsa,a la) a]slogap n e sa$mul,p
mnapnpard al pnsm np n e a w lanb a q m q 3 a ~le.[ '(~axn~eu alawads
un ammoa alaq~adsaa non e auuop s@ar @!a06 a- un.p no ?mas
s&oa np lap- almpads a1 srnornq a~uasydmb) assa~dap a-
aun ms aaqlnpad lpz$? a3-e aun'nbsq nsuor, ?Gap un %am h d G a p
un aqua m?un ?gRuapr 'a3'eun ua qua-da1 xnepos samaql sap
no sdrm sap iueiuasyd sa%uil sal la s a m sap ms sdrm sal ? s ñ p
q o ~ esydv 'ams!qdrouros~,~ ap sro1 sal ~ e íom
d uops aapoddns anbeol
'aunao.1 y x n e l n p w s snssaard sap a311~1oduq.la g t m l ua I W a m
apuojard anb@o1aun.p apamd ayUJem?p w a 3 'allanw anbFro~?g~ el e
alegla a n b p q q s q ap asLpm.p snssaaard saI13depe,p s ~ a ~uo.rn d
'S sanbuo$?ql ap sain$g sap no saloqqaur sap le~a-3 nealqq r un srrep
s?sn?ylruls 'qqIns?i s n a q . ~ q m nnp uonqnaqn?.p $a uogvanl~nqs
ap sluamala slua~ajjrpe uo!?eqldde,~ alpnla Ir xuop 'uol?exnm~ad
el 'uog3uofpe-uo!ssa~ddns el 'uorpuorpepi?.l 'uojssa~ddnsel : a saIq
-uauIepuoj suor~e~?do a~Ienbap JqInsy a1 JUOS s a n b l ~ q ? q.sa&g,
~
sal * anb 1 s pua~dde ~ snou 'anbgsínZull uor~e3!unmmoa ap apom
ne s w w g sed ~ u o sau saIoqq?m sal anb Juan rnb 'd adno~g
.-m
sal sno7 aIqe3~1ddealw?u@ anbpolaq~aun,p a3uap!xa,T q q e i ?
y 1anqwuo3 e la '(E* : ti913 saqlrea) s+s~rol?q~sa8euq sal aslaneq
ínb mas ap arngs.4~al x aquml ua awam e aapw J U O . ~s11 . w q ? q . ~
I
aBml.1 ap la S ~ S ! I O J ~ ~sdroa sap ainpa1 ap rnaíaw anb@olopoql?m
lnno un lasmar ap a~;[fq!ssod e1 -dde 71e~iuo,m p b 'pnqfl au@s
np mp a7v.yq6 anLqiqw inopns 'd a d n o s ~np x n e ~ e qsal $uos
a 3 .anbnw@q uoQm!unmuoa e1 ap $3 arn$maua]1alnas q ap aFiemde.1
ammoa anbllo~aqsel slno[nol ma!eauas?ld aql nd re.[ anb salxal
sal sleyy '(EV : ~ 9 6 1u) a%uql e la ain~e.~ug el e 'a* ne a~dmaxaJed
~ m ' v
P sv PEZ
lmage rhetmide des corps sesu& sur papier ghci 235

elie perturbait une articulation des signes visuels attendue qui forme
le corps, celie de I'image présentant ce corps, ou la représentation
visuelle d'un contexte social, ou encore si I'impertinence modíñait le
sens et la logique de l'image ;
- de montrer quelle opération de rhétorique était a I'ceuvre dans
l'énoncé oti une impertinence éiait identiñée, quelles relations cette
opération étabiiasait entre degré pequ et degré concu :
- d'établir ensuite si cette impertinence altérait l'expression ou le
contenu h e image ;
- de comprendre enfin que1 effet cette rhétorisation de I'image
produisait sur le sens social de I'image.
Certes, j'ai coum le risque de conserver une terminologie provenant
de la rhétorique verbale, notamment pour décrire les kopes visuels. Par
exemple. j'ai uüiisé le teme de métaphore visuelie. J e voulals en effet
faciliter L'acces a ma démarche á des non-sémioticiens. Dans ces
conditlons. j'ai d a décrire avec la plus grande précision possible les
processus d'altératíon de l'lmage, notamment les modes de relation qui
combinent l'opposition In Praesentia us In Absentia avec la présence
d'éléments visuels Conjoints et/ou Disjoints. et décrire les wmblnaisons
d'opérations renwntrées dans les é n o n h visuels.
Par exemple une image publicitaire presente un couplage In
Praesentia Disjoint. Cependant, on peut a la fois l'assimiler a une
métonymie vlsuelle - car la silhouette du personnage féminin au
premier plan est aussi contenue dans le flacon de parfum, et cette
silhouette alnsi englobée contlent du parfum d'un ros6 a la chaíeur du
sable - et la comprendre c o m e une méiaphore visueile, car la femme
est commuée en parfum et le parfum en femme. De plus on repere
I'éqWent d'un subtil métalogisme visuel, i d une inversion logique : la
traine de la robe de la femme-parfum se répand a ses pieds. alow que le
paríum se répand logiquement par le col de la bouteiiie : or celui-ci est
obturé par une chwelure-casque d'or.

Rhétorisation des images et teehniques de I'image


La rhétorique de l'image photographique est ariiculée a l'evolution
des techniques.
L'analyse montre par exemple qu'en 1967. on parvient a produire un
effet d'allongement des corps f&nininsen utilisant notamment, et parfois
a I'extreme, la contre-plongée, laquelle transforme l'enaemble des
dimensions corporelles, des jambes en particulier. Celles-ci subissent
une bomothétie qui les font apparaitre dans une dimension géométrique
djfférente de celle de la réalité.
En 1997. la numérisation de l'image permet d'ampüfier un effet que
Barthes avait déja évoqué en 1964 : N (la techniquel foumit les moyens
de masquer le sens construit ou I'apparence du sens donné t . En
masquant le travail rhétorique et en naturalisant le spectacle artificiel,
elle renforce l'emprise des modeles idéaux. Ainsi, le caractere byper-
longiügne des corps féminins (38% environ) est essentieliement obtenu
gráce a un travail numérique. Mais en contrepartie s'est développée une
compétence de la réception : les lecteurs ne sont pas dupes. Un arücle
leur explique d'ailleurs le processus : trois photographies montrent l'état
d'un visage de femme qui a subi u n travail de rajeunissement d'au
moins 30 ans : celle de la femme S avant B. celle qui est remaniée par un
travaii sur les apparences, et celie ou elie est transformée par le travail
numérique.

Rhétorique générale et mutations sémiotiques


Les travaux du Gmupe p m'ont permis de prendre la mesure d'une
rhétorique visuelle affectant la logique des corps et de l'image pour
mieux jouer avec les signes de féminités et de masculinités, ainsi qu'avec
les représentations des ordres bio-sociaux.
Les images visuelles rbétorisées peuvent modifier les formes décrites
par la grammaire des corps. et ainsi jouer avec les signes visuels de la
sexuation. Elles participent i la modification des registres normatifs de
la féminité et de la masculinité énoncées par les apparences. Par
exemple, en 1967, une image énonce le discours de la ressemblance
d'une facon tout a fait inédite. Elle met en ceuvre un couplage iconique
In Praesentia Disjoint avec un corps qui ne mele pas visuellement les
signes corporels féminin et masculin : l'image juxtapose deux corps, i'un
féminin et I'autre masculin, corps paríaitement identifiables dans leur
dlfférence sexuelle. Elle est en puissance porteuse de la représentation
d'un individu pluriel, fait d'une association intime et tensionnelie de la
féminité et de la masculinité, r qui donne les instmments de la civilisa-
tion te1 Fam aux deux &es jumelles et de deux sexes djfférents *,
figure mythique des Barnbara (cf. Balandier 1985 : 34-36).
La rbétorisation des images peut aussi infiécbir leurs sens sociaux
en jouant sur les représentations des ordres bio-sociaux.
Image rhktorisée des corps sexuks sur papier glacé 237

Par exemple, en 1957, on rencontre dans un magazine masculin une


des premikres synecdoques visuelles produites par un cadrage
spécifique. La photographie focalise la vision du lecteur sur le ventre de
l'homme et suscite l'impression d'un corps masculin plus rempli et plus
rond qu'en 1947. Ce cadrage rapproche le regard du lecteur du corps de
i'homme : il entre dans la mne de proxémique de l'intimité, que l'on situe
entre 15 et 40 centimétres (cf. Hall 1971 : 148).
En 1967 les images rhétorisées et la rhétorisation de la nudité des
corps féminins participent a la création d ' a une nudité provocatrice
(Descamps 1972 : 301, indicairice d'une e montée de l'ordre du désir
sexuel n, et créent de nouvelies normes visuelles de la nudité. Ainsi pour
énoncer la nudité d'un corps, des objets peuvent remplacer le vétement :
un bouquet de fleurs prend la place d'un slip : un empilement de
chaussures, en treillis, celle d'une robe trouée sur la peau nue. La
nudité e t le vétement sont ici dans une relation de couplage In
Praesentia Conjoint. La nudité d'un corps féminin peut étre supprimée et
remplacée par un signe visuel de la nudité. Par exemple par un signe
plastique : deux seins sont dessinés sur un tee-shirt en coton blanc. La
nudité e t le vetement sont ici dans une relation de couplage In
Praesentia Disjoint. Les vetements des personnages féminins peuvent
5tre fendus. hachurés. Par exemple, I'espace du tissu est interrompu
entre la robe et les bas en lamé, laissant apparaitre une parcelle de
corps dénudée qui éveille l'idée de i'intégralité du corps nu : une sorte de
synecdoque visuelle des corps nus.
En 1997 ce type d'images rhétorisées est identifié pour la premiére
fois sur des personnages masculins. Par exemple, une partie de la tenue
vestimentaire d'un mannequin masculin est supprimée et un rideau
d'étoiles dessinées est ajouté (fig. 1). Ou aux postures des corps de
personnages masculins déhanchés, a la rhétorisation de la nudité qui
montre et couvre la chair nue avec des pantalons moulants, des
manteaux ouverts sur des torses dénudés glissant des épaules, se
surajoutent la segmentation d'une des pages en diptyque et la
sérialisation de ces deux pages de publicité : le tout formant un
triptyque qui éveiiie i'idée &un strip-tease masculin.
En 1997, des représentations d'identités sexuées apparaissent en
force. de maniere inédite, et affectent les images rbétorisées d'une
intensité nouvelle. Parmi celles qui présentent des femmes-nature B
certaines mettent en ceuvre un processus rhétorique similaire a celui
que le Groiipe p décrit pour le centaure : une figure de rhétorique par
incoordination, non réversible et non hiérarchisée (1992 : 302). Ainsi.
une femme-oiseau u a des bras qui tiennent lieu d'ailes presque
déployées (fig. 2) ; une c femme-pieuvre N a le visage et les épaules
mouchetés de pois noirs, d'arabesques, dessinés s u r s a peau,
semblables a des ventouses : couplage de signes icono-plastiques.
Ce processus atteint son acmé avec une énonciation de la ressem-
blance si intense que des signes d'animalité sont utilisés pour la rendre
étrangere : les tetes de te1 couple sont ceiies de véritables oiseaux.
Une image de l'etre-homme x , énoncant le pouvoir géniteur
masculin, joue sur une série de personnages disposés sur une meme
page par ordre décroissant : une opération d'adjonction, comparable a
celle que le Groupe p met en évidence dans le cas des poupées russes
(1992 : 305). Mais ici les hommes sont de plus en plus jeunes. et liés par
une méme couleur : le bleu ; une dominance chromatique qui peut ici
etre interprétée comme un signe de la masculinité traditionneue, d'une
luminance intense qui peut dans ce contexte prendre la signification
&une lurniere de vie. Cette image peut évoquer la filiation continue, et
l'engendrement des hommes par les hommes, un des themes récurrents
de la pensée de l'identité masculine (cette pensée d'Aristote est citée in
Badinter 1992 : 107 ; le theme de l'éternel masculin est soutenu par
Mosse 1997). S u r u n e publicité appartenant a u n e série de
représentations d'hommes violents, la violence se retoume contre e w :
un personnage se bat avec son ombre (fig. 3). 11 s'agit d'une relation de
rhétorique In Praesentia Disjoint : un couplage complexifié par un
métalogisme visuel n. Une impertinence se manifeste a u niveau
logique : on ne peut chercher a se battre avec son ombre, et l'ombre n'est
pas censée réagir aux coups.

Conclusion
Les apports de la rhétorique visuelle et des théories du Groupe p a la
sémiologie visuelle ont été déterminants pour mener a bien cette
recherche. fondée sur une méthode de lecture des images de magazine.
Mais je n'ai pas épuisé les questions posées par le travail. II semble que
le sens de ces images soit également relié au contexte social par les 101s
de llsomorphisme sttuctural. Un champ de recherche s'ouvre donc ici,
ou doivent se déployer les ressources d'une socio-sémiotique et d'une
socio-rhétorique visuelies.
h a g e rhétorisée des corps sexués sur papier glacé

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éi¿ 1997 : 138.
2, P-phie de Mickael mOmpson, in Vcgue,mars 1997 : 37.
3 Photographie de Jean-Paul-de. in L'O&ieZ Hommes 13 119971 : 4< de
wuverture.
a a s N w X uou
la a~qiennyuou ' u o ~ ~ o o ~ u !
md a n b v q p q ~ap am8u : z 3~
W'P ~ 0 % OPZ
Trompe-l'ceil et pikge visuel
Pour une rhbtorigue de I'accommodation du regard

Odile Le Guem

Wang wmmenca par teniter de mse le bout de I'aUe d'un nuage pod sur une
montagne. Puis ü ajouta ila surface de lamer de peiites rides qui ne faisalent que
rendre plus profond le sentiment de s a serénité. Le pavement de jade devenait
sinmli&ement humide. mais Waw-Fe, - ahso~bédans 6a winture. ne s'aoercevait Das
qu,ii h*t as& dans reau.
Le m e canot gmssl sous les cou~wde ~hinceaudu uelnire m u ~ a l malntenant
t
tout le premier pl& du rouleau de S&. Le bmit d e n & des ramess'&levasnudain
dans la distance, rapide et vif comme un battement d'alle. l...]
Et lIdngl aida 1; maiire a monter en barque. l...]
- Ne cmins nen. Maiire. m u m m le disdple. l...] Ces guis ne snnt pas falts
p u r se perdre a l'intérleur d'une pelnture.
Et U ajouta :
- L a mer est belle, le vent bon. les olseaux marins fmt leur nid. Partons. mon
Maiire. p u r le pays au-d& des flots.
- Parto118. dit le vieux minire.
Wang-FO se saisit du'go~vemail.et Ung se pencha sur les mes. La cadence
-
des avirons emnllt de noweau toute la @alle. fume et rémill&e wmme le bnilt d'un
cceur. l...1
-
Le rouleau a&& Dar Wann-F6 resiait wsé sur la table hasse. Une bamue en
occupalt tout le premier plan. EUe s'eloignait peu B peu. laissant dem* eUe un
mime slllage qul se refennait sur la mer Immobtle. l...] le siliage s'eliaw de la surface
déserte, et le peinire Wang-Fa et son disciple idng dispanuent B jamais sur cette mer
de lade bleu oue Wam-Fa venait d'inventer.
~ ~ ~ u u l t e ~ o u r c eNouwlles
n a r . orientales. Paris : Gallimd, 1963.
242 Odile Le Guern

Un festin de couleurs que nous prenons pour la table servie u, telle


8

est la joUe formule uOisée par Gombrich 11987 : 3451 pour évoquer une
Nature morte d'Henri Fantin-Latour, peinte e n 1866. Si nous la
reprenons en introduction de cette réflexion s u r le trompe-l'ceil, les
pieges visuels et les formes de rhétorique qu'ils présupposent. c'est
qu'elle suggere la nécessaire action conjointe des deux plans, de
l'expression et du contenu. pour réaliser cette captation du regard du
spectateur dont nous voudrions faire le centre de notre propos, et qu'elle
jette une passerelle entre les deux par la métaphore d u festin,
nécessairement emphatique dans la perspective rhétotorique qui sera la
n6tre. Pourtant, Gombrich cite, quelques pages plus loin, la célebre
phrase de Maurice Denis : * se rappeler qu'un tableau - avant dZtre un
cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote - est
essentieliement une surface plane couverte de couleurs en un certain
ordre ascemblées w (1987 : 3491, phrase qu91 commente en soulignant
l'impossible simultanéité des deux processus en réception : 8 Mais
comment poumns-nous voir en meme temps le cheval de bataille et la
surface plane ? l...] Comprendre le cheval de bataille, c'est oublier
pendant u n moment la suface plane. Leur présence simultanée est
impossible x (ibiciem). On peut également ivoquer a cet endmit les mots
de Jacques Fontanille reprenant Panofsky :
Le premier enjeu d'une representation picturale est de falre oublier le support
maténel. E. Panofsw fait remarquer que * la notion de supporl matériel du tableau se
trouve completement chassée par ia noiion de plan iransparent 8 : il va de soi qu'i
I'inverse, tout projet esthetique qui vise a réduire la part de la reprksentation aboutit

.
a son stade ultime a exhiber ce support matériel. Ce serait alors i'equivalent des
isotopies < scripturales ou u métaceripturalec dans le texte littéraire moderne
(Fonianille 1989 : 82).
S

Si l'action des deux plans, de l'expression et d u contenu. est


conjointe en production, elle sera disjointe en réception, l'accommo-
dation du regard du spectateur s'inscrivant dans une tension entre les
deux, selon qu'ii sera plus ou moins victime de l'illusion référentieiie ou
contraint de démonter les mécanismes iconiques qui l'enferment dans le
piege visuel, selon qu'il s'en tiendra a l' e espace figuratif 8 des acteurs et
de la représentation ou tentera d'articuler l'espace topologique du t i -
bleau et " un espace des relations spatiales et des opérations abstraites,
ou espace 'ilgnrai' P (Fontaniile 1989 : 801,qui gere la compodtion, selon
qu'ü s'implique comme n acteur virtuel * dans la scene représentée ou
comme N sujet cognitü du regard. ordonnateur des principales relations
spatiales B (id. : 84).
La natore et le lien de I'iconieit6
Sil est commun de due que l'image figuraüve traditiomeiie repose
sur le principe de la ressembiance, de l'analogie entre I'objet représenté
et sa représentation, et d'envisager l'impact de l'iilusion en termes de
degrés d'iconicité, il faut rappeler cependant qu'eiie reproduit essenüelle-
ment, non pas les caracteres de l'objet, mais plutot certaines conditions
de la perception de cet objet. Les bords iatéraux d'une table ou d'une
route sont paraliéles. ils ne convergent dans la distance qu'en fonction
du point de vue d'un sujet de perception. L'iconicité de l'image se
situerait donc davantage dans le fait qu'elle thématise un regard porté
s u r un objet ou un ensemble d'objets représentés, qu'elle révéle un
processus de lecture d'une référence d o ~ é eune, forme d'énonciation de
la réceptfon fondée s u r l'appréhension de cette référence par les
capacités sensonelles de la vision. Gombrich a posé cette opposition
entre les caractéristiques des choses et leur 8 apparence n'. Envisager des
phénomenes relevant de l'iüusion référentieile et du irompe-l'ceil nous
place, non pas du caté de l'objet de perception, mais du caté du sujet
percevant, et ceci d'autant plus fortement que la reconnaissance de cet
objet repose sur un horizon d'attente constitué par le savoir préaiable
dont nous disposonsz.
Par ailleurs. Gombrich ajoute que la perception comporte une sorte
de rapport d'un sujet a son prédicat : vou, c'est vou quelque chose 'situé
la-has' (1987 : 324). Interpréter une image revient donc 5 comprendre
une situation. De l'espace de représentation A l'espace représente3. la
mise en situation du motif devient signe de la mise en situation de
l'objet. De cetie mise en situation ou contextualisation et des rapports de
proportion que l'objet entretient avec les autres éléments qui I'entourent
dépend l'évaluation de la taiiie de l'objet et de la distance qui le sépare
du sujet observateur. Gombrich parle a j u s t e titre d' " identification
localisée s. Ce sur quoi insiste moins l'auteur de L'Art et l'ülusion. c'est
que de cette mise en situation dépend aussi ceiie du spectateur dans un
espace qui lui est propre mais que la construction de I'espace de
représentation va tenter de rejoindre. Abolir les frontieres entre l'espace
spectatoriel et I'espace représenté4, te1 est le défi que prétend relever le
trompe-l'mil. II s'agit de suggérer une possible contiguité entre ces d e w
espaces, voire méme un englobement de l'un par l'autres, de les unir
dans une forme d'identité" de nier finalement la mpture d'isotopie
quimplique forcément le caractére ffctif de toute représentation. c Tous
les soins sont apportés pour effacer les traces d'une démarcation entre
244 Odile Le Gnern

ce qui est simplement peint et ce qui est constmit d'éléments réels, et


nous ne cessons pas d'appliquer a I'un comme a I'autre les memes
normes d'ínterprétation 8 [Gombnch 1987 : 326). Pour parvenir a ce
faire-croire, qui va jusqu'a donner a u spectateur l'illusion qu'il peut
appliquer a la représentation les memes principes de réception que pour
la vision directe. l'image, ne pouvant pas montrer le vrai. dewa prendre
le parti d u vraisemblable, non pas le vraisemblable des choses
représentées, mais celui d'une situation, c'est-&-dire de la mise en
relation de ces choses entre eUes et de ces choses avec le spectateur pris
dans I'espace qui est le sien. Si iconicité il y a, elle est bien dans ce jeu
avec la vraisemblance. dans le regard du spectateur. qui s'accommode
des conditions de réception de la représentation e t de sa mise en
situation.

Les lieux d'ancrage d'une rhétorique de I'accommodation du


regard
L'inventaire des éléments qui interviennent dans la négation du
caractére fictif de l'image et participent au trompe-l'ceil dépasserait sans
doute les limites de cet article. Nous n'en retiendrons que quelques-uns.
L'univers de référence proposé par I'irnage doit etre en accord avec les
données spatiales' de I'espace spectatoriel. En ce sens. il doit cortes-
pondre a un univers d'attente, montrer ce que le spectateur pourrait
s'attendre A voir au-dela du mur qui supporte le tahleau ou la fresque.
Cela releve du contenu. Plus importants sont les faits d'expression, car
ils nous engagent dans le décryptage d'un vkritable projet rhétorique. Ils
concernent essentiellement le traitement de la lumiere, celui de la
perspective et des rapports de proportionnalité entre objets réels et
objets représentés. lié aux problemes des limites de la représentation.
Ces faits, s u r le plan de I'expression, participent a la modalisation
cognitive de l'espace représenté en trompe-I'ceil en termes d'accessibilité
[cf. Fontanille 1989 : 55 sqq). Mais cette possibilité d'accéder ne se
limiterait pas a une possibilité d'observation (pouvoir observer) mais
véritablement a d o ~ e I'impression
r tout a fait fictive d'une capacité a
accéder et a entrer dans I'espace repesenté.

L'impact de la lumiere et de l'ombreportée


11 s'agit ici d'une lumiere non pas interne a la représentation mais
issue du hors-champ, c'est-a-dire d'un lieu arnbivalent, a la fois espace
de référence non sélectionné par i'opération de cadrage en prcductions et
espace du spectateur en réception. ii va sans dire que cette lumiere, qui
rel&e de l'éclairage comme &et de sens et qui repose sur les propriétés
vectorielles de l'espace D (Fontanille 1995 : 31). pour nier la frontih
entre i'espace represente et celui du spectateur. pour opérer cette
conJonction des deux espaces. nécessaire a I'illusion, doit sirnuler un
meme point d'origine et &e orientée de la meme maniere. 11 suiüt pour
s'en convaincre de se souvenir de ces tres nombreux portraits oti le
cadre peint revele un bord intérieur tour i tour lumineux ou ombré. Si
i'on y ajoute l'ombre portée de leur silhouette en arriere-plan, i'effet de
présence des personnages representes n'en est que plus saisissant [cf.
Gombrich 1996). La lumiere est un ingrédient nécessaire B l'émergence
du trompe-l'ceil. m& elle n'est pas suíñsante. 11 faut de plus imaginer
ces porbalta disposés dans une plece de telle maniere qu'ils semblent
éclairés par la lumiere du jour provenant d'une fenetre voisine. La
vectorialisation opérée par la lumikre semble ahsi identique, de l'espace
représenté a l'espace spectatoriel. Du coté du non flguratif, si l'on
observe les dallages en mosaique de certaines maisons romaines, les
agencements de losanges en trois tons sont lus comme des cubes. tantot
concaves. tantot convexes, les m b e s zones claires semblant étre la cible
&une lumiere dont la source serait tour a tour située a droite ou a
gaucheg. L'espace de la mosaique. doublement orienté, se presente
comme une syllepse visuelle, qui propose virtuellement deux
vectorialísations. Chaque accommodation du regard n'en actualisera
qu'une seule. Cela dit si on envisage le pavement in situ, il est possible
que l'ambiguité disparaisse, d& lors que les ouvertures distribuant la
lumiere sont toutes disposées du m€me c6té de la piece. L'illusion
tridimensionnelle poum alors foncblonner et le regard ne tombera pas
dans le pige visuel, qui consiste a ne privilégier aucune interprétation, a
n'en exclure aucune, & s'engluer finalement dans l'ambiiité perceptive.
faite de cette tension entre deux vectoriallsations possibles de l'espace.
Si l'investissement figuratif des formes permet souvent de localiser la
source lumineuse de maniere univoque. c'est surtout la
contextualisation de la représentation qui leve toute ambiguité. De cet
englobernent de l'espace représenté par et dans l'espace spectatoriel et
de cette vectorlalisation univoque resulte l'abolition des frontiéres qui
séparent réalité ontologique et représentation, et une déictisation de
l'espace : le spectateur situe les objets représentés les uns par rapport
aux autres et se situe lui-meme dans la scene représentée wmme acteur
virtuel.
246 Odiie Le Guern

Quant a i'impact de la construction perspective. associé B la prfse en


compte des limites de la représentation et des Mérentes manifestations
concretes dont elles font i'objet, il est parfaitement illustré par un
surprenant tableau de Claudio Coello, dessus d'autel de la sacristie de
l'Escurial intitulé La Sagrada Forma, peint sur toile en 1690 (lig. 11. 11
peut en effet plonger le visiteur de l'Escurial dans une grande perplexité
quant la présence ontologique de l'espace représenté qui lui est
proposé. Si le cadn est habitueliement objet mobllier, fl peut &e aussi
immobilier, comme les piiiers qui encadrent le dessus d'autel et qui
appartiennent bien a l'espace architectural qui recoit le tableau. Et pow
mieux asseoir i'iiiusion de réalité qu'il veut d 0 ~ e ar la scene repré-
sentée, Coello reprend, a i'extreme gauche du tableau, comme pour
intrcduire le décor en enñlade, le motif architectural du piiier. Ainsi,
cette scene pourrait se dérouler dans une église étrangere a notre
univers de réception, qui devient, par I'artifice du trompe-I'mil, un
prolongement de ceiie. bien réeiie. dans laqueiie nous déambulons et qui
recoit le tableau. La relatlon qui existe entre les deux espaces serait une
simple relation de contiguité. Pourtant le tableau raconte le transfert,
d'un autel a i'autre de la sacristie méme dans laquelie nous nous
trouvons. d'une hostie autrefois profanée et qui aurait laissé échapper
quelques gouttes de sang. La cérémonie eut lieu le 19 octobre 1684. Le
tableau devient alors ce miroir, un peu magique. qui renvoie le
spectateur B l'univers de la réception en lui dévoilant les événements
passés qui s l sont dtroulés. Entre contigult6 et identité, le statut du
tableau hésite entre signe indiciel et signe iconique. Mais, dans une
perspective tensive, la contiguité des espaces peut aussi etre lue en
termes d'ideniité et le décalage temporei. qui révéle i'identité de lieu, en
termes de contiguité. Le jeu de miroir ne c e s e de nous re.nqw P nous-
memes, spectateurs, tout comme le point de vue et la perspective
décentrée adoptés par Coeiio pour représenter la scene : nous avons
beau nous décaier sur la gauche. jamais nous ne parviendmns nous
situer dans i'axe de cette piece qui s'ouvre devant nous. mais qui ne
ssoEre que parüellement a nos regards, comme si les iignes de fuite de
cette construction perspective décentrée n'avaient d'aum fonction que
de nous ramener vers le pilier de droite qui appartient bien a
l'architedure de la sacrlstie et donc a i'espace spectatoriel. Coello nous
i n t d i t i'accbs a cet univers dans lequel i'iilusion pempective semblait
pourtant nous inviter.
Concernant plus particulierement Iimpact de la limite, il faut tenir
compte des différentes manifestations de la a bordure * (cf. Groupe p
1992 : 377 sqql, selon qu'elle est prise en charge par la représentation
ou reste un objet autonome, selon qu'elle releve du cadre-objet 8
(Aumont 1990 : 108) ou qu'elle est un objet détourné de sa fonction
p r e m i h au proflt de celle d'encadrement, c o m e ce peut &e le cas
pour des éiéments d'architecture. Stoichita montre bien cette ambiva-
leuce du cadre dans la relation qu'il instaure entre la représentation et le
spectateur : a tandis que le cadre effectif d'un tableau a pour fonction
d'operer une césure entre l"art' et la 'réaiité', le cadre peint sert. quant a
lui, a obscurcir cette limite n (1999 : 91). 11 est tout de méme paradoxal
qu3unmeme objet, un cadre, puisse rempk des fonctions antagonistes,
selon qu'il se manlfeste c o m e objet ou mmme représentation d'objet, et
que de i'objet au motif, s'opére un te1 retoumement de fonction, alors
que l'on s'attemdrait & le lire comme redoublement de la clbture. mmme
figure emphatique de la limite. Et I'on est a la limite de la contradidion
si l'on garde en mémoire ce que Stoichita écrít en eñet quelques pages
plus haut :
Le eadre de tout tableau étabiit l'identite de la fictlon. DoMer un tableau. en plus
de son cadre réel. un cadre peint slgnitie élever la fictlon i la puissance 2. le tableau
cadre peint s ' h e deux fois comme rep-tation : il est l'image d'un tableau
(Stolchita 1999 : 881.

Mais. on le voit bien dans la formulation proposée, Stoichita envisage les


deux formes de cadre en relation syntagmatiqne ou de m-présence avec
des objets ou des représentations d'objets dont la fonction premiere est
d'encadrer. Si. au contraire, cette co-présence concerne des objets
empruntés a u domaine architectural, détournés de leur fonction
premiere pour assurer l'encadrement, si dans ses marges la représenta-
tion picturale duplique la voiite ou le pilier de l'espace spectatoriel,
l'iliusion du tableau comme plan transparent a quelques chances de
fonctio~er'~. Le statut ontologique du cadre, son existente r&Ue en tant
qu'objet ou son caractere fictif du fait de s a prise en charge par la
représentation, importe moins que la destination premiere de l'objet qui
fait ofñce de cadre. Une marquise en bois doré, qu'elle soit réelle ou
pefnte, nous met en présence d'un fait d'image et court-clrcuite tout
projet de trompe-l'ceil. Mais la représentation de la bordure a l'avantage
d'expliciter une situation d'énonciation particuli6re.
Tout amme la représentation des encadrements Rels [...l. cene du cadre pietural
transforme un morceau de contexte bnit en peinture. La seule mais non mofns
grande difference M e dan8 le fait que, taudls que le padre de fenetre ou de porte
248 Odile Le Guern

dévoiie le contexte de la genese de I'ceuvre. la représentation de la comiche x ou de


la. hordure >. [...l meten image une portion du contexie de i'exposükmde I'aeuvre. Les
deux méthodes sont cependant apparentées par le contact établi, dans un cas comme
dans l'autre. entre la situaiion d'émission du message pictural et la situation de
réception de ce meme message.
Dans les tableaux a cadre de porte. de fenéb-e ou de niche. le spectateur est
appelé a wir Pimage i iraven les yeux de I'artiste / émetteur. 11 est placé dwant la
situation émission. Dans les tableaux a cadre feint, c'est Le peinire qui se dédouble en
se mettant lui-méme let son ceuvrel dans la situation de réception. Dans les deux cas.
les limites de I'image sont forcées. Les r6les respectifs de I'artiste et du regardant sont
aupposés etre, d'une maniere ou d'une autre, interchangeables (Stoichita 1999 : 88).

C'est sur cette possibilité d'échanger leur róle que repose cette forme de
complicité entre le peintre et le spectateur. cet accompagnement d u
spectateur par le peintre, aux frontieres de I'illusion représentative".

D'un paradoxe i l'autre, ou du plaisir d'etre trompé


Le paradoxe que nous avons souligné plus haut 5 propos d u cadre,
dans le passage de i'objet réel a I'objet représenté, concerne aussl le
traitement contextualisé de la lumiere et la constmction d'un espace
perspeetif délfmité. Et le paradoxe s'oppose 5 I'opinion commune. C'est
pourquoi 8 lill soliicite le spectateur, i'auditeur ou. de maniere genérale,
le récepteur, d'une maniére plus forte que la norme. Tout paradoxe est
une question de techne. II pousse le récepteur a vériiler la validité de
l'assertion e t a démonter le mécanisme qui l'a rendue possible B
(Stoichita 1999 : 360'21.Les faits formels que nous avons évoqués, s'ils
plongent immédiatement le spectateur dans i'illusion, ne l'accompagnent
pas jusqu'au bout et le détoument plus durablement vers une démarche
de type méta-iconlque. Ainsl, on l'a vu pour le tableau de Coello,
I'illusion ne résiste pas a u test du mouvement. a u déplacement d u
spectateur devant la représentationt3. L'accommodation de son regard se

.
trouve aiors inscrite dans une temporalité aspectuaiisée. Entre G iden-
tification énoncive e t identification énonciative n, i'implication d u
0

spectateur comme acteur virtuel d a i s a I'espace fguratif u proposé par le


dispositif narratif du tableau pourra etre immédiate mais éphémere et
cédera le pas une impiication plus durable en tant que 8 sujet cognitif
du regard B dans 8 I'espace figura1 )I (Fontanille 1989 : 92'41. Si la visée
immédiate d u trompe-i'czif releve d'un faire-croire en une possible
conjonction de deux espaces, i'espace représenté et I'espace spectatoriel,
en niant toute rupture d'isotopie. spatiaie ou temporelie, entre les deux,
la représentation ne résiste pas longtemps á I'épreuve de la véridiction,
et l'on apercoit tres vite les limites de la métaphore du plan trans-
parent15. L'invenion des valeurs de vé-rité, qui donne le faux pour vrai,
cede le pas devant une rhétorique du faux-semblant. qui installe le
spectateur dans l'entre-deux qui sépare le vrai du faux ; dans un
vraisemblable, qui le rend disponible a u démontage des mécanismes
iconiques qui I'avait d'ahord trompb. Autre paradoxe : cette forme de
rationalisation de la lecture de l'image n'en releve pas moins d'une
rhétorique des passions, car eiie participe de I'émotion esthétique. Plus
parüculihement dans le cas du trompe-l'ceil, elle semble bien relever du
genre épidictique'" qui permet au peintre de montrer son habileté, car il
s'inscrit dans une démarche réflexive et non exclusivement transitive : ce
qui releve de la fonction poétique en production et d'une démarche méia-
iconique en réception peut regagner le devant de la scéne et n'a pas a se
faire ouhlier a u profit de la seule fonction référentielle.

Conclusion en coutrepoint
Le peintre propose, sur un plan, un espace tridimensionnel fictif
compatible avec l'espace de réception. Cette compatibilité de forme et de
contcnu suggére la contiguité, voire Ildentité des deux espaces et suscite
de la part du spectateur une implication immédiate dans l'espace
représenté ou figuratif. jusqu'au moment ou celui-ci percevant la
superchcne ne s'engage dans une appropriation différée de l'espace de
représentation ou espace figural. Les deux espaces sont alors disjoints et
leur relation releve de I'altérité. Et I'on peut la suite de Pascal qui
écrit : Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration pour la
ressemhlance des choses dont on n'adrnire point les originaux I 8 (2000 :
5511, s'insurger contre cette rhétonque picturale et lui préférer d'autres
siratégies d'appropriation de cette gramrnaire de fimage que constitue
l'espace flgural. 11 en est ainsi pour certaines lithographies d'EscherI7.
S'éloignant des réaiités observées. eUes tkmoignent d'un agencement de
l'espace représenté rendu possible uniquement paree qu'il est fait de
représentation, alors meme qu'Escher utilise de maniere rigoureuse le
mde perspectif, sans transgression aucune. Cet espace-la cst immédia-
tement percu dans son étrangeté comme paradoxal et engage le
spectateur dans une démarche méta-iconique sans le marchepied de la
séduction engendrée par le trompe-I'ceil. Ainsi. avec Beluéde?re, Escher
nous propose une construction spatiale et architecturale tout a fait
250 Odile Le Guern

impossible : au niveau du premier étage, les colomes du premier plan


soutiennent les voütes de I'arriere-plan et celles de I'arriere-plan, les
voütes du premier plan. La structure abstraite, a l'origine de l'estampe,
est mise en scene dans la représentation fmaie, par i'intermédiaire du
personnage de gauche assis sur un banc, qui tient dans ses mains un
cube dont les aretes ont été permutées, structure abstraite investie
sémantiquement par le motif architectural du belvédere. Dans Concaue
et conuexe, c'est un étendard qui visualise les formes géométriques a la
base de la construction d'un espace aussi paradoxal. entierement
construit autour d'un changement de point de vue dont témoignent deux
poulies, a gauche, et a droite, deux Iézards. Escher nous propose en fait
une composiiion bipartite autour d'un axe central vertical. Chaque
partie. gauche ou dmite, trouve sa cohérence par rapport a un point de
vue donné : plongée ou contre-plongée. 11 y a compatibilité de voisinage
immédiat a I'intérieur de chaque partie, gauche ou droite, de la
lithographie, pour des surfaces qui manifestent a u contraire une sorte
d'incompatibiiité syntaxique des que l'on adopte une lecture discontinue
ou globale de I'euvre. Le regard du spectateur est engagé dans une
remise en question permanente de ce principe d'unicité du point de vue
qu'il adopte pour appréhender l'espace reconstruit par l'estampe. Ce
principe de décomposition de I'image est encore plus complexe pour L a
Relatiuité. L'ensemble de la lithographie (íig. 2) apparait comme un
espace totalement paradoxal jusqu'au moment ou l'on s e déclde i
réorienter l'image et a I'envisager zone par zone. Ainsi apparaissent des
zones de cohérence. qui ont la particulanté d'étre discontinues et, donc,
de ne pas simplement se juxtaposer mais plutót de se superposer
partiellement. Cette superposition entraine l'étrangeté : les escaliers
peuvent etre montés ou descendus s u r leurs deux faces (dessus /
dessous), ils peuvent étre montés et descendus sur la méme face dans
un déplacement de meme orientation. Cette superposition attribue aux
éléments d'architecture une double fonction et une lecture en syiiepse :
11s sont sol ou paroi, plafond ou paroi. Escher propose une mise en
forme inédite a u niveau de l'expression d'un répertoire qui lui est
familier depuis longtemps. Si l'architecture est en elle-meme une
stmcturation de I'espace, sa représentation dome a Escher I'occasion de
visualiser une réflexion sur l'architecture de la représentation': en
jouant des reperes qui organisent nos espaces de référence et I'espace de
l'image. Escher construit des espaces paradoxaux, dome un lieu au non
lieu, moins par un travail s u r le contenu que par u n travail s u r
i'expression et surtout sur la maniere dont il utilise la perspective pour
engager une negociation inédite entre un contenu tridimensiomel et le
support plane de la représentation, négociation dont la visée est
diamétralement opposée au projet illusionniste du trompe-l'eil. Les
images d'Escher exhibent, de maniére rénexive, une démarche méta-
iconique e n manipulant une grammaire que des images plus
traditionnelles nous avaient habitués a oubller pour entrer dans le jeu
de l'illusion référentielle. Elles se présentent comme des c pieges
xisuels *, qul empnsonnent le spectateur. Celui-d ne peut s'en remettre
qu'l la mobllit&de son regard, a ses capacites d'accommodation. Le
mouvement n'est pas a l'intériew de la représentation wmme dans une
ceuvre nibiste, mais il s'impose au spectateur pour redonner l l'espace
représenté ou fguratif une cohérence logique, qui reste interne a
l'euvre : il n'est jamais dans le projet d'Escher de traduire une
quelconque forme d'accessibilité. Si cette cohémce n'était pas entamée
par le mouvement de son propre corps devant l'ceuvre en tmmpe-l'ceil,
on ne peut en dire autant de la compatibilité des deux espaces, l'espace
représenté et l'espace spectatoriel : tout déplacement du spectateur
mmet en cause cette apparente accessibilité de l'espace en trompe-l'oeil.
Et c'est par cette rernise en cause que le spectateur peut s'approprier les
M e s de l'espace ñgur?il, espace de représentation d'une image fixe que
i'on ne peut S comprendre 8 que par le mouvement et le dynamisme de la
lecture qu'on y projette.

Notes
1 La mani&e dont Gombridi uüüse le mot ne nous semble pas contmdictolre avec la

.,
distinction reprise par J. Fontanille I entre l'apparence actuelle et rapparaitre

.
vntuel ou potenuel entre ce que le sujet va essayer de reimuver aans i'apparence
et r qui lui a et€revéle dans I'appamtbe 11989 : 229-301.
2 8 Ce n'est donc vas en Min que la Derspective
. . dispense ses plus wnvaincantes

.
iüusluiis lorsqu'elle peut s'oppuyer siir des connaissanccs ou des expectatives
solidcment enracinées dans l'cs~ritdii spectatciir (Cornbrich 1987 : 3'25.261.
3 Ou de i'nspace R g d a hs&ce figiratifS, pour reprendre la termlnologle de
Fontaniüe.
4 Ou r enbe I'espace énonciallfet l'espace énondf s.
5 Les frontiBres de l'espace enond sont m e r i i e s . par la prCsence du Spectateur,
en Umites de l'espace Cáiondation : le M t a t 'ñguratlf de la mise en commun
des deux espaces est donc un engiohemeni de I'espace &wncé por Vespace d ' h -
cioii~r~de I'o- par l'obseivant (Fontanllle 1989 : 561.
6 Cette identité pouvant aüer Jusqu'a I'effet spécuiaire que nous retmunma dans un
tableau de Coeiio évoqu€plus bas.
7 La temporaiite. quant a elle, doit Ctre non marquée.
'k8611 q a s l m a m n n p ?*a lom ap nal a? 81
.(SEP-SZ?: mz spa 81xl1xlw 19 b o w ul sonqnd ?al IWZ 'sa%m v
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lnEJ a o n b y ,matlpnti,l v uaw apuemap au w.1 no asnm aun suep mgam as y
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x a n b o q qepi sap ualq ap 6 a p sap ~ W B I X Isal ?uaurno!nb la a n b q q
Q W I ~s w p sap ~ suep ~a3e8ua.sap 'sa$esñmd sap no sulp=í =P w m ? e . p
??ua~]le mb auuosrad sleuuoo au ap .enbusti oarq don a a q p apad no awq
aun ms zau al ?as83 1um as mb qwsrp sap rra,q v aC íuamanauuoarad 81
'166-86: 6661). duepre;iar,np uorllsod el suep '$uamamq 'wla!a1 la n q w
al soep 1ue13e w w p ap 1mals)Jads nsl I I P W ~m1 mb a i p a 1 nEapFi amgulq
np man =-?a-3 a1 an- 81w!qs .p$arua ap ~ ~ J I .m P 3 a~ ap sodad v VI
.aismuolsnm a w m a p a7nq ap aqu05ua.1 mb a i
'anb@o[ a3uaqqm waa ap ]uameq*p nne 'uoulsodmo~el suep luamannom al ?m
-mpaqm ua 'ams5qm al arqgsuoa anb uou~.40um.1ISWa @ w u .(%E : ~ 8 6 1 )
qapqmog lpaa ,i auiqw aauai?qoa aidard 8s apm8 spm ' r n a E p a apuoar
np wuaww sal m e p m w w . p a- nealqq al ' u o n d ap suoa&mp
snou pueno .rn%mp sed luannad au qarqo saa lqw woddw sal la qwad s i a k
sap amo3 e[ 'anq g ms 'anbqnd -'ds!p uo1snW.l '?wurannom q w o m nv
'larqo.nb tuel ua a u $ ~ ? pas srem
awm-m1 anb aoqa aqne e sed aionual au nvalqqei a1 : mlsueq sed uou ?a . .
p r a d un +maa.l-admoq al anbspd alqmm u m ?-?ssnod 'sea suep ' ~ s a
m p d a l '(1~3.1ap w n n 'anileiluado3 'm 8'98 x 99 'ano1 ins aanq 'S¿-OL~T
a p u o d y~ anqnd np apnmdr.1 aapucdaanoa 1jop ' s a q sap aqáZh6 p b apl)rs,l
ap a?-- ?laliqeq,I v . : alueA1ns aqluem ti1 ap ampdxa qawqmw anb a 3 11
.am%eiuñsno samm sav un.1
ap uogtis-a w u E[ ap qdmm iueual w inus)uas?ida 4 & uou no a$rerp
ua spd asa a,nb nolas ylqo-arpea np a m i w q uolas 'salqlssod sanb!pm8qu&
suon'dposse sal salno? rn%swua 'q+1dmoa s n ~ da s L p m aun lncd '?wpnEJ 11 01
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d lana un qn0b.s 'qw y 6
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1999 L ' I n s i a W n du tablwu. Geneve : Droz.

Illustrations
1 Claudia Coello. La Saorada Forma 1690. huile sur toile. dessus d'autel de l a
Sémiologie et rhétorique du discours musical

Nicolas Meeus & Jean-Pierre Bartoli

Autant l'analyse du discours verbal parait devoir se placer


résolument au plan du contenu. autant l'analyse du discours musical
apparait constituer le lieu privilegié d'une réflexion sur la forme de
l'expression. En effet, parce qu'eUe n'est que partiellement détenninée
par une référentialité exteme et que la référence mondaine, lorsqu'elle
existe, n'y joue qu'un r6le accessoire, la forme du contenu musical est en
genérai assez nettement isomorphe au plan de l'expression. Lorsqu'elle
ne renvoie pas au mondain, la musique parait souvent ne pouvoir
renvoyer qu'a eUe-méme - non pas qu'eUe ne soit qu'un signifiant sans
signifié, comme on l'a dit parfois, mais que rien. hors la référence
mondaine, ne permet d'y disünguer le signifié du signifiant.
La musique, dans ces conditions, est-elle une sémiotique ? Est-elie
un langage 7 Tout l'indique, des lors que l'on admet l'hypothese glossé-
matique de l'autonomie de la sémiotique, des lors que l'on admet que la
signification, dans le cas d'une sémiotique autonome, ne peut se réduire
a une référence mondaine. La musique se trouve dans une situation
comparable ?t ceUe de la littérature, pleinement signifiante mais dont la
sigmfication premiere n'est pas et ne peut pas se situer dans la référence
au monde réel'. La musique, comme la littérature, est une sémiotique
pure, un systeme clos, indépendant de la substance de son expression
et, surtout, de celle de son contenu. De meme que la signification du
discours littéraire. au dela de son message mondain. réside en quelque
sorte dans son r étre langagier. de méme en musique il existe
potentieliement deux niveaux de signification : l'un, accessoire, qui
wntient la référence au mondain, l'autre. essentiel, qui réside dans la
musicaiité elle;m&me.

Un des mérites indéniables du développement de la néo-rhétorique


structuraie r depuis les années soixante est d'avoir forgé des outils a
méme de détacher la classique rhétorique pragmatlque de son lieu
d'origine - le iangage verbal - et d'avoir de ce fait établi les fondements
d'une rhétorique généraie I. trans-sémiotique, comme l'attestent les
textes désormais célebres sur la rhétorique visuelle de Roland Barthes et
du Groupe p. Or, a l'exception des recherches historiques sur l'esthé-
tique baroque et sur les nombreux traités qui ont lié intimement aux
XVII' et XVIII' siecles YAffektenlehre aux figures de la rhétorique
classique - on pense évidernment aux fameux traités de Burmeister et
de Mattheson -, la musicologie n'a pas jugé que son terrain d'expé-
rience devait profiter du renouveau de la rhétorique contemporatne. Ceci
est d'autant plus paradoxal que, par sa nature méme. l'art musical rend
particuliérement efficaces les opérations constitutives de la
communication rhétorique.
Le texte qui suit tentem d'abord de mettre en lumiere des caractéris-
tiques formeUes du discours musical. en particulier le fait qu'il est
articulé sur plusieurs niveaux. comme le discours verbal, et que ces
niveaux possedent les propriétés qui constituent l'essence m&ne d'un
l l e ~uni*
langage ou d'une simiotique : relatiom d l s t r i h ~ t i ~ ~ eentre
d'un meme niveau et relations d'intégration de CRS memes unités dans
celles de nlveau sup?rieur. Ces propriétés, articulation, distribution et
intégration, sont les conditions nécessaires d'une rhétorique musicale.
On reprendra ensuite quelques éléments de la description du phéno-
méne rbéiorique propode par le Groupe p pour montrer succinctement
comment ils peuvent s'appliquer a la musique2.

Sémiotique
Les niveaux d'articulation du langage verbal sont nettement
différemciés.En particdier, le fonctiomement des nlveaux supérieurs a
la phrase est absolument difíérent de celui de la phrase elle-meme. Cette
différentiation n'existe pas en musique ou. au contraire. on a noté
depuis longtemps la récursivité des fonctionnements d'un niveau
Sémiologie et rbétorique du diseours musical 257

l'autre. Cette caractéristique particuliere de la musique la situe bien


entendu dans une position particulitrement favorable a I'analyse du
discous : si celie-d est bien celle des niveaux d'articulation supérieurs
la phrase. alors le métalangage musical en a une expérience plus
ancienne que la sémiologie du iangage verbal. Depuis le XVIICsiMe au
moins. l'articulation musicale a ¿té décrite comme une multiplicité de
niveaux, désignés par des termes que le jargon musical empruntait, pour
la plupart, a la philologie, B la théorie du langage ou B la rhétorique
ancienne :cellules, motifs, phrases, périodes, sections. mouvements, etc.
D'autres concepts essentiels de la linguistique modeme ont éte
pensés tres tot en théorie musicale. On pense en particulier a celui de la
structure profonde. qui a été ddéveloppé, en musique, Vienne des les
années vingt. par un ihéoricien qui reste méconnu en France et en
Europe continentale. Heinrich Schenker (cf. Meeus 1993).11 est
parUculi&ement intéressant de noter que la simcture pmfonde. 1'Ursatz
la c stmcture fondamentale e, comme i'appelle Schenker, est deuite par
lui essentieliement comme une structure du discours lui-méme. du
niveau de l'ceuvre entiere, meme si elie peut se manifester aussi, en
raison de la i-ecursivfté des fonctionnements musicaw, a des niveaux
d'articulation plus localisés (voir Schenker 1993 : 93-96).Une fois
encore, la situation de la musique est ici beaucoup plus favorable que
celle du langage verbal, oü il faut distinguer une structure profonde de la
phrase, celie de la syntaxe chomslyenne, et imaginer hentuellement,
par exemple avec le carré sémiotique de Greimas, une improbable
structure pmfonde du discours.
Une autre notion essentielie de la théorie schenkérienne est c a e de
S pmlongation (Meeüs 1993 : 46-47),dont l'analyse du discours verbal
commence seulement prendre la mesure. La notion de prolongation est
une conséquence logique de celie dkne articulation en ~ v e a u x in-és :
un tlément d'un niveau donné s'analyse comme prolongé par des

.
déments secondaires a un niveau inférieur. C'est ce que Roland Barthes
appelie noyaux et N cataiyses n ;on y reviendra.
Ces quelques points peuvent etre fllusirés au moyen d'une breve
analyse du Prélude en ut majeur du premier llvre du Clavler bien tempért?
de Bach, dont on trouvera la partition en annexe ; cette analyse est
entierement redevable a celle que Schenker et quelques-uns de ses
disciples avaient publiée en 1932-1933.U faut attirer d'abord I'attention
sur une pathologie de cette piéce, ires lisible ici. qui sans &e rare n'est
pas extremement fréquente : ce Prélude s o d r e d'hyperisotopiea. Les
symptomes en sont manifestes : Bach égrkne, durant 32 mesures sur
258 Nicolas Mees & Jun-Pierre Bartoli

35, 64 énoncés h e meme &@re melodico-iythmique, un arpege de 8


notes articulé en 5 + 3 :

qui peut s'exprimer graphiquement de la mani- que voici :

Cisotopie est rompue L la mesure 33, ou la courbe de la figure


mélodico-iythmique se transforme, s'ailonge, se raientit puis s'arete :

La rupture d'isotopie. dans ce cas. a pour r6le manifeste de préparer


et de dCclencher le processus de cloture de la piece : c'est ce qu'on
appelle en musique la cadence - c'est-&-direla chute - finaie. C'est un
éIément d'encadrement de i'ceuvre, un marqueur de son achkrement un
moyen de son objecthration. rendant possible sa perception comme un
objet d'art
La pr&mce d'un élément d'encadrement f d arnbe évidemment L
s'interroger sur la présence syméhique d'un éiément Mtial. Celui-ci est
moins immtdiatement manifeste, parce qu'il s'integre dans I'hyper-
isotopie généraie, mais 11 est tout a fait remarquable. il consiste en les
quatre premieres mesures, quil convient d'examlner attentivement.
On notera d'abord que la quatrikme mesure est identique a la
premiere : cet ensemble de quatre mesures se irouve de la sorte lui-
meme encadré. Tout le passage se reduit, en quelque sorte. a une
omementation de l'accord d'ut majeur énoncé a la premiee mesure et B
la quabieme. Ce caractere d'omementation peut &e mis en évidence
par une représentation graphique du passage (ci-dessous). L a
succession des arpeges dessine cinq lignes superposées. Chacune
d'entre elles subit une idexion. coit vers la note voisine supérieure (les
trois lignes, les trois c voix supérieures), soit vers la note voisine
inférieure (les deux voix inférieures). C'est ce qu'en jargon musical on
appelle a broderie r : chacune des cinq notes de l'accord d'ut majeur qui
encadre ce passage est brodée e. L'iniiexion se fait, sulvant les cas,
durant les mesures 2 et 3 (voix 1, 2 et 4),ou durant la mesure 2 ( v a 3),
ou durant la mesure 3 (volx 5).
2-
m
*N

"P;;
Hi

Do-
SI 1 ; .

11 faut rapprocher cette situation de la description que Roland


Barthes fait des unit€s fonctionnelles du récit : m certaines, ecrlt-il,
constituent de véritables chamieíes du récit [...] ; d'autres ne font que
'remplii I'espace nanatif qui sépare les fondions-chamikres : appelons
les premiéres des fonctions cardinales (ou n o y d et les semndes, eu
égard a leur nature complbtive, des catalyses 8 (Barthes 1966 : 15).Les
a c h a m i h s x, ici, ce sont les accords d'ut majew par lesquek le passage
débute et s'ach&e : les broderies sont des catalyses, des remplis-
sages B, elles effectuent une a prolongation a' ; l'accord prolongé d'ut
majeur forme en ouire un noyau de niveau suf neur, ici le noyau initial
de cette piece en ut majeur.
La superposition déphasée des cinq broderies des mesures 2 et 3 e t
plus particuii&rement,des voix 3 (mesure 2) et 5 (mesure 3) induít des
accords caractéristiques : les catalyses sont 8. la fois mélodiques et har-
moniques. Ce sont successivement do-mi-sol-do-mi, accord de tonique
(T) : dc-ré-la-ré-f, accord du deuxieme degré (sous-dominante, S) ;
si-ré-sol-ré-fa. dominante (D); eníin a nouveau do-mi-sol-do-ml
tonique. Ensemble, ces quatre accords forment ce quYizhak Sadai
appelle un cycle fonctionnel r (Sadai 1980 : 25-26),le paradigme d'une
phrase tonale bien fomée, aügnant les quatre fonctions B primordiaies,
T4-D-T, de la m&ne maniiYe qu'une phrase verbaie bien formée digne
sujet, verbe et complément. On est en présence h e norme syntaxique
qui, wmme c'est généralement le cas des regles de grammaire, parait
bien affectée &une valeur semantique : ce qui est en jeu dans la
succession de ces quatre fonctions, c'est l'affirmation tonale. Toute
permutation des quaire accords aurait pour effet de dlrninuer le sens
tonal et, accessoirernent. d'introduire un &et de style. en i'occ-ce
un effet archaisant5.Si la succession des fonctions tonales fait sens ici,
ce sens, il faut le souügner une fois encore, est absolument isomorphe a
l'expression. 11 faut signaler par ailleurs des maintenant que la
successlon paradigmatique T+&T est aussi celle qui régit le Prélude
entier. comme on le vena dans un instant, de sorte que les quatre
premieres mesures apparaissent comme une premiere présentation
a b e é e de toute la p i h .
L'accord d'uí majeur, tonique, qui fait l'objet de la prolongation des
q u a h premiaes mesures, se retrouve, une octave plus bas, la mesure
19. De la mesure 4 a la mesure 19, la basse parcourt une ligne
descendante continue, marquant une nouvelle isotople pour ce passage
qu'il faut lire wmme une seconde prolongation de l'accord de tonique,
un nouvel élément d'artlculatíon de 16 mesures. L'aboutissement de la
ligne descendante est marqué, rnesures 18-19, par la projection &une
note sous la iigne continue de la basse. Le m&mephénombne s'était
prcduit deja aux mesures 10-11, articulant la descente en deux unités
de huit mesures.
On isole assez aisément un autre groupe de huit mesures. de la
mesure 24 a la mesure 31. caracténsé en particulier par l'immobiüté de
la basse, qui tient une seule note. sol la dominante. Les quaire mesures
qui précedeut, de 20 a 23, sont plus difficiles ; elles ne seront pas
détaillées ici. sinon pour dire qu'il s'y trouve u n cas curieux de
suppression - apparente ou reelle. Durant une bonne parüe du XIX'
s i d e , on a pensé qu'il manquait une mesure entre les mesures 22 et 23.
La suppression supposée s'etablit ici par rapport a une syntaxe tonale
jugée d o n normale D, du m h e ordre que celle, indiquée plus haut. qui
régit les quatre premieres mesures du hélude, mais qu'on ne pourrait
commenter plus longuement sans avoir a évoquer des considérants par
trop techniques pour ce qui nous occupe aujourd'hul. Quoi qu'il en soit,
cet oubli r supposé de Bach a été corrigé, dans plusieurs éditions
anciennes. par i'ajout d'une mesure apocryphe. Les quatre demiéres
mesures du Pfilude, eniln. effectuent la rupture M e de l'isotopie ; elles
sont constniite~sur un do tenu &La basse.
Le plan générai du M u d e peut se décrire comme dans le tableau ci-
aprés, qui réduit La piéce en ne moutrant, en deux llgnes superposées,
que la mélodie supérieure et la ligne de la basse. Chaque carré
représente une mesure. Les points cardinaux sont indiqués en noir, les
éléments de cataiyse en grisé. On distingue aisément les éléments qui
viennent d'étre commentés :
- la prolongation inltiale de l'accord d'ut majeur et la rupture
d'isotopie terminale, qui constituent les éléments d'encadrement de
i'ceuvre :
- la descente de toute une &ve i la basse. pariieuement doublée par
la mélodie supérieure. articulée en son milieu c o m e a sa ñn par le
mouvement cadentiel de la basse ;
- la pédale de dominante, prolongation de la dominante. et sa
préparation par la prolongation de sous-dominante, complétant la
structure générale TS-DT (le moment de la suppression supposée
est indiqué par le signe 7).
On apeqoit en outre des éléments qui n'ont pas encore été décrits :
- la carnue généraie en éléments de quatre mesures [sauf pour la
prolongation initiale, qui peut éire comprise comme étirement de la
premiere mesure) :
- la poursuite de La descente de La mélodie supérieure jusqu'au ré [au
moment de la pédale de dominante) puis jusqu'au do (a La cadence
M e ):
- la reprise des derniers éléments de cette descente (rPdo) a l'octave
supérieure dans les deux demieres mesures, comblant l'attente
implldte du mi de La prolongation initiaie ;
- enfin, i'artículation génémle sur les accords T et D et sur la descente
mi-va)-ml-ré-do, qui constituent les éléments essentiels de la
structure fondamentale prédite par la théorie schenkérienne.

Le Prélude en ut maJeur apparait, dans cette desuiption. fortement


mticulé sur plusiem niveaw intégrés et selon des normes gmmmati-
d e s qui sont ceUes du langage tonal. Toute musique, mutuiis mutadis.
est construite de la sorte. L'artícuiation y est porteuse du sense,support
des effets de style et, comme telie. condition d'une rhétorique musicale.
Considérons maintenant une ceuvre dont le pouvoir de surprise et de
séduction pamit particulierement N éloquent B. 11 s'agit du mouvement
ñnai du Quatuor op. 33 no2 en Mi bemol majeur Mob. lII/381 de Joseph
Haydn, écrit en 1781. On sera paxücuii¿.rement attenüí a la ñn de la
piece qui cl8t ce quatuor, dont i'exemple musical est reproduit m-conh.
lnutüe d'ajouter que dans les wnditions usuelles d'un con& la iln de
ce mouvement est suMe par les applaudissements du public.
Haydn a soigneusement m&nagece q u est de prime abord une
b o ~ blague
e
- .
: a p e s son édition et ses p r e m i h exeCutlons, le quatuor
en quesiion a été sumomme La Plaisanterie a cause de cette Bgure
conclusive completement hors no-. IleíTet sur l'auditoire en wndition
de concert est assez peu variable : quelques applaudissements appa-
raissent au miiieu du d e m i b e sflence puis s'arr&tent aussitat apres la
reprise des musiciens et, bien sw, le coup d ' d réprobateur de certains
auditeurs qui cmient en savoir plus. Ensute, le déeami complet satsit
le public. Parfois, quelques bribes d'applaudissements fiapparaissent
dans l'avantdernier silence, mais plus permnne n'ose applaudir ap&
les demieres notes jou6es par le quatuor - ce qui finit évidemment par
provoquer les rires lorsque toute l'assistance réalíse, en voyant les
musiciens se lever ou regarder l'assistance d'un air goguenard, que
i'ceuvre est en fin de compte achevée.
Sémiologie et rhétorique du diswurs musical

Adagio Presto

Exemple. Haydn. Quahtorap. 33 d 2. en Mi bémd majeur. Hob. üi/38.N.m 141-fui.


En réaiité, cette figure, loin de constituer seulernent une innocente
plaisanterie, parait extremement significative : elle met en jeu des
relations sémiotiques d'un mffinement non négligeable. Eiie manifeste a
Pévidence une situation par essence rhétorique puisqu'elie engendre un
écheveau complexe d'interp~étationsqul viennent se supeiposer les unes
aux autres et, surtout. elle implique & ce titre une étroite interaction
entre I'émetteur (le compositeur et les interpr&teslet le récepteur (le
public). Pour démontrer ce propos, on se référera a la desctiption des
quatre étapes de la @re rhétorique propode par Jean-Marie -en-
berg dans son Précis de sémiotiqw génémle (2000 : 344-347). Le tableau
1 en présente un résumé aussi fldele que possiole, mals qui ne saurait
se substituer & I'exposé complet dans le texte original.

Étape 1 WPW
Roductícm et re* d'une isotopledans un énoncé. (sosapmiueünn
Tout el€meut &un éncmcé est inscrit dam le conteirte aéé par lncombe h
les éiements qui l'ont précedé. [Cesl 6léments prolettent une i'émettew]
certaine attente au-devant d'eux-m€mes : cette attente peut elre
eomblée ou d-e par les é h e n t s sunrenant r .

Rupture de la chaine isotopique lallotopie) e t reperage de


I'imperünence v ainai engendrée.
$tape 3 w wwu
Interpr6tation preliminaire de la figure : déterrnination de lson repémge
I'isotopie et de l'allotopie puis superposiiion au degri: percu. incombe au

.
im@ par l'honcé, Id7 un contemi compathk avec le reste du
mntexie l.de@ conw 1 d.
récepteurl

.et,pe4
$tape finale de Ilnterprétatlon : perception entiere e t
interprétaüon mmpI&tede la Bgure rhétorique (supeqosítlon du
d e conw 1 au degré perp : ide@ conw 2 -1.

T a b h u Les quaire éiapes de iapiuimtion de laJieure rhétorkpe

Le s c h h a 1 tente de représenter, sans I'aide de la parütion mais


avec les out& présentéa par iüinkenberg, le fonctimement rhétorique
du passage composé par Haydn. L a ligne située en haut du schéma, faite
de cases grisées interrompues par le blanc de la page. symbolise, de
gauche i drolte, le dkroulernent musical de la conclusion du mowement
dont on h u v e plus haut la partition (exemple 1). Les intervalles enire
les cases grisées représentent les silences. Leur largeur est proportion-
Sémiologieet rhétorique du discouri musical 265

nelle B leur dwée. On remarquera la longueur du dernier silence avant


la dernlkre intervention sonore. Cette ligne alternant le grlse [musique)et
des espaces blancs (sflences) représente en quelque sorte ce qui releve
du degré percu R .

Sdiéma Fomnnement duprocessus rhébnique de lafui du Quahior op. 33 n" 2 de


Joseph Haydn (de la m 141 c i lafrn).

Les cases grisées sont marquées des lettres A, B. C, D, qui


représentent les quatre phrases constitutives du theme entendu dans
cette conclusion. U s'agit du mfrain d'un mouvement dont la forme est
celle du rondo : il est donc le plus important de la piece. c'est en
quelque sorte le protagoniste principal puisque, conformément aux
normes stylistiques de la structure rondo employée. il réapparait
réguüerement h t le long du morceau comrne le fait le refrain &une
chanson. De plus, Haydn s'est arrang6 pour multiplier son apparition
plus que de coutume : jusqu'au moment représenté par le schéma. le
pubUc l'a deja entendu six fois, ce qui est assez considérable pour un
mouvement aussi bref (environ bis minutesl. Averü ou non. l'auditeur
simplement accultwd ne peut que l'avoir remarqué et en aMir saisi le
statut, fút-ce intuitivement. 11 ne peut qu'avoir percu. ou seulement
ressenti, la fonction syntagmatlque respective de chacune de ses
apparitions selon l'ordre dans lesqueiiea elles s'enchafnent et selon les
éléments mdlodiques et harmoniques qui, dans le cadre du langage
tonai, leur attribuent u n sens clairement déflni (sens S musical I
s'entend). La phrase A est manüestement consimite comme une section
initiale, les deux phrases B et C fonctionnent comme des pmirmgations
symétriques appelant une continuation et la phrase D comme une
conclusion tout aussi symétrique (d'ou l'abréviation concl. située au-
dessus de la case qui correspond).
266 Nicolas Meeus & Jean-Pierre Bartoli

Du fait de ces principes, i'auditeur perqoit donc naturellement le


déroulement de i'isotopie sémantique du refrain. S'lnspirant de symboles
utilisés par Leonard Meyer pour rendre compte dn phénomene
c d'implicatbn - réalisation x (Meyer 1973)'. on peut représenter par une

fleche vers la droite l'instailation &une isotopie et le processus supposé


de sa poursuite, autrement dit i'attente qu'elle engendre. La suite du
trait, repris plus loin a droite, représente la poursuite effective de
i'isotopie. L'ensemble ainsl constitué illustre le déroulement redondant
des unités présentées la suite. qui confirme le processus de bonne
continuité isotopique. Le point d'interrogation qui suit un séméme
marque le moment ou apparaissent les premiers indices (au sens
commun) qui pennettent de donner un sens homogene a une séquence.
La répétition du mot qui exprime le sémeme en marque la conikmation
(cf. le déroulement normal du theme de refrain en haut a gauche).
Toute la partie inférieure du schéma représente donc ce qui, dans la
figure rhétorique ici présentée, incombe au récepteur. Le changement de
ligne correspond a une nouvelle étape d'activité perceptive. Lorsque au
concert arrive le passage ici représenté, l'auditeur sait - selon des regles
établies par les usages. auxquelles s'ajoute la connaissance inter-
textuelle du répertoire des rondos de son temps - qu'il se trouve
probablement d a n s l'un des derniers refrains et que l a fin du
mouvement approche. C'est pourquoi fapparition du premier silence, sil
est relativement abmpt, ne forme pas un événement absolument
inattendu : elle semble Eire le signe initlal, un peu raide mals nuliement
aberrant, de ce qui peut se révéler la fin du morceau. C'est la suite des
événements qui viendra ou non confumer cette hypoihhse (d'ou le point
d'interrogation).Lorsque les musiciens entament la partie adagio (au lieu
de se lever et de saluer), i'auditeur percoit une premiere impertlnence
qui vient interrompre i'ébauche de I'isotopie de la < fin >. Sur le schéma,
les éléments allotopes sont représentés par les deux points
d'exclamation. Aussitot l'élément imperünent relevé. l'auditeur réévalue
le signal sonore et 8 superpose au degré perqu. imposé par l'énoncé, un
contenu compatible avec le reste du contexte 3 (Kinkenberg 2000 : 346).
Pow le public acculturé, le tempo lent des musiciens et la nature des
accords qui s'enchainent alors peuvent etre compris c o m e le point de
départ d'une * coda B. c'est-a-dire un bref épilogue musical qui vient
apposer un point f m l au mouvement. Cette formule conclusive réactive
donc i'hypoth&se de la fin du morceau, lorsqu'un nouvel élément
impertinent vient de nouveau la comprometire. L'auditeur entend cette
fois la phrase A, immédiatement interrompue par le silence suivant.
Stmiologje et rbétorique du dimm musical 267

Autrement dit i'isotopie du re- qui s'enclenche une seconde fois est
immédiatement troublée par un nouveau silence aiiotope. Lorsque
surviennent la phrase B et le silence qui suit. de la méme longueur que
le préc&ient, il se pmduit alora un phénomhe tres proche de ce que le
Groupe p (1977) designe par la rkéualuation proversive d'unités qui
semblent manifester d'abord une incohérence de sens. L'impression
premiére d'allotopie. pmvoqude par le silence apr& la premiere phrase
du r&ain, est conigée par i'adjonction de la deuxiéme phrase puis du
silence qui suit. Ces éléments qui s'associent au premier permettent
d'indexer celui-ci au champ sémantique iniüai : pour l'auditeur. il s'agit
bien du démulement du re-, mais chacune de ses phrases constitu-
tives est désormats espacée par une portion toujours égale de silence.
Lorsque la phrase conciusive du refrain D intervient. la question de
la fin de i'ceuvre se pose a nouveau. L'hypothese de l'amorce de cette
isotopie est d'autant plus puissante que le sflence est cette fois
beaucoup plus long que les précédents. C'est dora que Haydn dispose
un nouvel élément dotope. le retour de la phrase initiale du theme (A).
Le silence, cette fols déñnitif. provoque la demiere impertinente du
mouvement - et non la moindre ! Rendant Impossible toute reeoaluah;on
proversiue, ce silence final implique une réévauratlon rébospectlue : a ce
point. i'auditeur (surtout i'auditeur A i'oreiüe exercée) peut réexaminer
en effet I'unité A a la mesure de ce qui vient de se passer et prend
conscience du tour de force réalisé par Haydn : depuis le début, ladite
section contenait en elle a la fois les caract€ristiques mélodiques et
harmoniques d'un début de theme mais tout aussi bien ceiies d'une fin
(une cadence parfalte)". Mais ayant. entre autres procédwes, multiplié la
présentation du theme complet, Haydn a su avec une parfaite m-trise
dissimuler le deuxieme sens de cette phrase jusqu'8 la fin de la p i h . 11
a soigneusement prémédlté le décalage qui devait inexorablement
s'instaurer dans l'entendement musical de son auditeur entre un degré
percu et un degré concu. La figure ne peut donc exister sans la
coopération entre lui et les musiciens qui la jouent &une part et le
public d'autre part. Elle s'articule sur la potentialité du double sens de
certains ses éléments. Les unités musicales ici dlsposbes par Haydn
obligent l'auditoire a ne pas se satisfaire de ce qui est primitivement
entendu et 8 le réexaminer constamment a l'aune des unités qui
surgissent par la sutte. Ici s'instaure un va-et-vient répété entre
i'appréhension par le récepteur d'un degré pequ problématique et une
remontée résolutive vers le degré concu. Cette interactlon faite de
compiicité souriante entre Haydn. ses interpretes et son public est la
preuve maniíeste de la puissance rhétorique mise en mvre, puissance
indéniable quand on pense que l'aeuvre a plus de 220 ans.
Une des vertus essentiellea d'une étude rhétorique de ce type est de
pouvoir penser d'nne maniere eiñcace l'interaction entre les partenaires
de la communication musicale. On notera qu'a la différence de plusieurs

.
collegues musicologues qui se sont frottés aux wncepts de la rhétorique,
nous n'avons fait appel ici a aucune figure topique venue de la
rhétorique littéraire : ni antanaclase, ni oposiopese n'ont paru ici indis-
pensables ... D'autre part, on ne doutera pas que les opCrations
rhétoriques exposées par le Groupe p des Rhétorique génémle (1970),
semblent parfaitement applicables au domaine musical. Suite a l'établis-
sement de phénomenes normatifs soigneusement disposés par Haydn
lui-m&metout au long du mouvement, les pmédures rhétoriques de la
6n de son quatuor reposent par exemple sur les principes d'adjonction
(de silences), de substitutiou, et de suppression (a l'extfime fui).
Mais du cdté des S o-des a - autrement dit : des 5gures et de
leur typologie -, le transfert automatique des catégories issues du
langage verbal vers le langage musical implique au préalable des
précautions qui rel¿vent de la question de la référenüalité en musique.
Le Groupe p classe les figures linguistiques en quatre familles selon
deux dichotomies simultanées : la premiére entre le signiíiant et le
signiñé - ou plutót entre l'expression et le wntenu -. la seconde, pour
dire vite. entre le niveau du mot (ou unités inférieures) et celui de la
phrase (ou unites supérieures). Du cbté de l'expression. les métaplasmes
qui jouent sur l'aspect sonore et graphique des mots (ou unités
inférieures) et les métatares qui jouent sur la dispositton fomeile de la
phrase (ou unités supérieures). Du cbté du contenu. les métasédrnes
qui jouent sur l'aspect sémantique des mots (ou unités inférieures) et les
métalogismes qui jouent sur la valeur référentieiie et logique de la
phrase.
La question rapportée ici A i'exemple de Haydn est éclairante. De
toute évidence. nous sommes placés devant des figures rhétoriques que
l'on ne peut distsibuer aisément dans cette typologie. Un premier réflexe
consisterait & les assimiler ii des figures de type métaplasmique ou
métataxique, considémnt qu'aucune référence ne semble aRieurer. Nier
toute présence de signlflés serait cependant remettre en cause l'idée
méme que la musique est une sémiotique et, partant, un langage.
Pourtant fl y a bien dan6 ce quatuor, comme dans le domaine verbal,
profusion de sens implicites et explicites et superposiiion de niveaux
articulés entre e&. L'unité A, comme les trois autres, est bien une unité
de sgniihtion. Par ses éléments constltuants (eux-mémes potentielle-
ment sign&mts). elle est ainsi capable de signiüer le début d%i theme,
et accolée aux autres unités (B,C, D) elle est la partie d'un niveau
d'ordre supérieur lui-méme signifiant (un theme). Cm celui-ci est lui
aussi une des unites d'un trolsieme niveau de niveau supérieur [le
refrain d'un rondo]. Par aiueurs. la petite unité A se révele capable, une
fois isolée et entourée de slience, de produire une autre signiñcaiíon et
de s'intégrer a i'etablissement d'une autre isotople.

Autant que la poésie. pour ne pas dlre plus puissamment encore, la


muslque développe en paraiiele deux types de referente. L'une qui
renvoie au monde extériew, selon des procédures diverses d'accdtu-
ration : aux passions. aux senüments, voire a des éléments concrets :
Pautre, plus s@c@quementmusicale, qui se renvoie a elle-mwe et dont
nous espéxons avoir mieux expiicité quelques principes de fonctlon-
nement. 11 s'avere en tout cas que ces deux types paralleles de
signiflcatlon musicale - faute de mieux, q u W n s la premiere d'exo-
skmantique et la seconde d'endosemantique - ne laissent pas d'évoquer
la dichotomie entre le sgne iconque et le signe plastlque exposée
magfstralement par le Gmupe p dans le Traitk d u sgne ulsuell19921.
Cm nous ne doutons pas que i'étude de c I'endorhétorique n musicale et,
plus généralement Pétude de la sémiotique interne du langage musical
- indépendante des références extemes qu'on peut par moments lui
attribuer - puissent etre l'un des terrains privilégiés de la sémlotlque
généde.

Notes
1 Voir m e s 1963 : 264 : i on s'apepit que la iitthture n'est que langage. et

encore : langage second. sens parasite. en sorte qu'eüe ne peut que connoter le
rkl, non le dénoter .[...l.. DrMe
. de toute tntnsitivité, wndamnée se sieniRer sans

.
cessc eUe-riifule au moment ou eUe ne voudrait que signüier le monde # : et riirorc.
D. 268 : la force d'un s m e (ou piutbt &un systtinr (le almes] nc d-id
&n caractere complet tpr.&nce akomplle $4signieant eid'un sg&l. L.3 mais
ws de

bien pluiñt des rapports que le algne entrettent avec ses voisins (r&is ou vimielsl
.
].L : ea d'autres termes. c'est l'attentton donnée a I'oganisation des signiaants qui
fonde une Wtable critique de la slgniacaüon. beaumup plus que la décowerte du
signlflé et du mpprt qui i'unit i son signiaant s.

.
2 Ce texte a son origine dans deux communicationa faltes le 13 julliet 2002 au

.
colloque Sémiotique et Rhétorlque générale n. a u Centra Internazionale di
Semiotica e Linguistica, la premi€re par Nicolas Meehs, Semiologie du discours
270 Nicolas Meeus & Jean-Pierre Bartoli

musical S , la seconde par Jean-Pierre Bartoli. Réflexion sur les condttians d'une
rhétorique musicale B.
3 Le phénomene est du méme ordre que celui qui est a I'ceuvre dans cette phrase de
Rabelais citée Dar le GrouDe u : Omnia clochn clochabüis In clocherio clochando.
clochans clochciivo elachaGf&it clochabüiier clochantes (1977 : 451. Concemant la
dehition du concent d'isotooie et son ada~tationau domaine musical. voir Bartoli
2000.
4 Schenker insiste sur le fait que le mbl6me essentiel de la musioue. art du temus.
est d'inscrue ses elements constiiukfs dans la durée. C'est le seni qu'il faut d o i e r
au mot prolongauon n (qui. de surcroit, était chez lui un néoloejsme : le mot est
assez con&un en francais. mais pas du tout en ailemand). La prilongation s'op6re
i d sur deux niveaux : d'abord, dans la mesure 1 lou la mesure 4). i'etalement de
I'accord sous forme d'un aqege (la figure isotopiquel répete est une pmlongation
elémentaire : ensuite. les broderies de chacune des notes de I'accord induisent
deux acmrds nouveaux qui engendrent une prolougation de niveau supérieur. sur
quatre mesms. A un niveau supérieur encore, toute la piece apparait c o m e une
-
nmloneaüon de I'accod d'ut maieur. c o m e on le verra dans un inctant.
5 Telie qu'elle est décrite ici. la phrase pamit regie exclustvement par la succession
des accords. c'est-a-dire par I'harmonie. 11 n'est pmbablement pas inutile de faire
remarquer que la n o m e applique par Bach est aussi conirapuntique :la syntaxe
inversée, en particulier, ne résout pas correctement la septieme du II' degré. la
regle de résolution de la dissonance appKtient, cela va presque sans dire. au
contrepoint tonal et l'absence de résolution qui rwulterait de i'inversion ne ferait
qu'accentuer le cmctere archaisant
6 Voir note 1 ci-dessus. On se sowiendra aussi que Benveniste défmit le sens 8
comme la capacité d'une unite a intégrer u n e unite de niveau supérieur
.
(Benveniste 1962 : 127).Voir aussl M e e h 2002.
7 Bien oue seules ces fleches soient emnmntées a Mever. on constate une sineuliere
convergente de m e entre ses préoccupations et les notres.
-
8 11est impassible d'expliquer cela cans proceder a l'analyse technique de la figure en
question. Les musiciens notemnt qu'au-dessus d u baiancement T-D-T. la celluie Ici
nommée * A * contient a la fois u n motif niélodique conjoint ascendant du Uoisieme
au cinquieme degré (sol lab, sh) qui est plut6t celui diin incipit et le motiíconJoint
descendant de la mediante a la tonique (sol. fa. mh) qui est typiquement
.. . celui
d'une conclusion cadentielle.
9 D'alileurs. ne peut-on pas parler aussi bien de métalogismes n a propos des
figures présentées 3. i'instant par Haydn dans son quaiuor 7

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2000 Recis de sén&tlquegénér& Paila : Seuil. = Points.
Meeus, Nimias
1993 Helnrfch Schenlcer. Une Wndmüon Liege : Maniaga.
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1973 Ea.~lainingMusic. Essays and ExpiomtIon Chicago : U n m i y of Chicago
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1980 H m n y 61 its Systemtf and Phenomendogícal Aspxfs. Jerusalem :Yanetz.
Schenker. H.
1993 L ~ : Mardaga.
' libre. Liege ~
S- Bmm est chercheur quaiiíié du F.N.RS. a 1Vniversité de iiege. Ses
recherches actuelles portent s u r l'histoire e t l'épistémologie de la
sémiouque. 11 est I'auteur de Hjelmslev (Belles-Lettres, 2000) et de
Saussure. L a langue et sa repdsentntion (L'Hannattan. 2001). 11 a dirigé
avec H. Parret le recueil P&s- de la volx mulim. 20021 et participé
au Cahier de I'Heme Ferdinand de Sausswe (2003).

JAN B ~ Nenseigne
S a l'institut d'Etudes C u l t u d e s de la KU Leuven. 11
s'intéresse p&cuii&ement aux relations entre textes et images, qu'il a
surtout étudié dans le domaine des parallttératures (bande dessinée et
roman-photo). 11 a publié recemment : Ciose readlng New Media.
Analyzlng electrontc Uterahire (co-diection avec Jan van Looy. Leuven
University Press. 2003) : Le goüi de la forme en Wature. *es et
leciures & contraintes. CoIloque de Cerisy (co-direction avec Bernardo
Schiavetta N&is. 2004) : Romans a contrairúes (Rodopl, 20051, ainsi que
Viure sa vie. Une novellisation en uers d u j i l m de Jean-Luc Godard
limpressions Nouveiies, 2005).

Jkm-m~m;i s u es1 professeur a I'lJnivemllé de Pails Sorbonne (Paris


IVI. iI rst I'auteur de L'Harmonle chssirriie et romantioue 11750-1900).
éléments et éuoiution (Mlnerve, 2001) et prépare, avec N. Meeus, u n
Vocabulaúe de I'anaiyse musimle.

m c BONHOMME est professeur de Linguisiique franqaise i I'Unlverslté de


Beme (Suisse), agrégé de grammaire et docteur d'État 6s Lettres. Parmi
s e s ouvrages : Linguistique d e la métonymie [Peter Lang. 19871,
L'Argumentatfon publicitaire (Nathan. 1997. avec J-M.Adam) et Les
Figures clés du üiscours (Seuil, 1998). 11 a egaiement publié divem articies
e n rhbtorique. e n analyse du discours et en histoire de la langue
franmse.

JACQUES Fommue es1 pnifesicur de sémlotlque a L'Univenitk de 1.iiiioges.

.
membre senior de I'lnsutut Uiiiversitaire de Fiance lchaire de Siniotiauel
et dirige le Centre de Recherches Sémiotiques v. 11 est aussi responsable
des Nouveaux Actes S6miotiques. coiiection éditée par Fulim. Parmi ses
ouvrages : Les espaces subjectiYs [Hachette) : Sémlotlque des passwns.
Des états de choses a u x e t a t s d'hme (Seuil. avec A.J. Greimas) :
Sémiotique d u visible. Des mondes d e lumfere (P.U.F.) : Tension et
signfiation [Mardaga, avec C1. Zilberber9, : Sémbtíque et iittérature :
essais de (P.U.F.) : Sémiotique du discours (Pulim) : et Séma &
Soma Lesfigures du corps (Maisonneuve et Larose).
AGNESD'IZZIA poursuit des recherches en sociologie et en sciences de la
communication. Elle a publié " L a double distorsion et ses effets (Actes

.
du colloque SDMIO 2001. Limoges. 2001) : R Féminités. masculinités et
Altérités sexuées : mouvements perpétuels (DWF, Rome, 2000).

JEAN-MARIE KLINKENBERG, qui e n ~ e l g n eles sciences d u langage a


I'Universite de Liége, a publié pres de cinq cents travaux en sémiologie, en
rhétorique et en linguistique (depuis Rhétorique généraie, 1970, rédigé
avec le Groupe p, traduit en une vingtaine de langues. jusqu'a un Piécis
de sérniotique générale. 2000). 11 préside I'Association internationale de
sémiotique visuelle. Également spécialiste des cultures francophones. i1
est membre de I'Académie royaie de Belglque.

ODILELE GUERN,maitre de conférences a I'université Lumiere-Lyon 2,


enseigne l a sémiologie générale e t l a sémiologie de l'image. S e s
orientaiions de recherche concernent plus particulierement la peinture,
mais a u s s i la mise e n espace d e I'ceuvre d'art. les problemes de
médiations qu'elle souleve aupres de publics spécifiques (non-voyants) et
par I'utilisation des supports multimédia.

NICOIAS MEEÜS est professeur a 1'Universitéde Paris Sorbonne (Paris N) et


responsable d u Centre de rechercbes x Langages musicaux r
(~-.crlm.~aris4.sorbonne.fr). Parmi ses publications! Dictionnaire des
facteurs d'instruments de musiaue en Wallonie et a Bmelles (Mardaga. -
i 9 8 6 , en collaboration), ~ e i n r i c hSchenker : Une introduction i ~ a r d a ~ a ,
1993). Théories de La modalité a u Moyen ge et a la Rmaissancee (CNED,
Institut de Vanves, 1997).

~ N N AMERKOULOVA
est chercheur a I'lnstitut d'études slaves de I'Académie
des Sciencec de Russie (Moscou). Elle est I'auteur de Pour une sémio-
linguistique d e I'écrit [Moscou, 2004) et d'articles abordant les rapports
texte-image. Elle est aussi la traductrice de deux ouvrages : du russe vers
le francais : L'explosion et la cultwe, de J . M. Lotman (2004) ; et d u
francais vers le russe : Sémiotique des passlons. Des états de choses aux
états d'm.d'A J. Greimas et J. Fontanille (2004).

TIZIANA MIGLIORE est collaboratrice a I'IUAV (Universlté de Venise).


Spécialiste de sémiotique visuelle. elle est I'auteur de Un dizionario di
miroglfii la paraitre). Elle a égaiement édité une anthologie italienne des
textes du Groupe p (Argomentare il ulsibtle. Performance dell'immagine
nella retorica del Groupe p).

HERW P A est ~professeur émérite de I'Université de LDuvain (Leuven).


Derniers ouvrages en f r a n ~ a i s: L a u o u et son temps (2002). L'esthétique
de la communication (19991, L'esthétique de Kant (1998). Temps et discours
119931. Le sens et ses MtérogCnbités (1991). Le sublime du quotidien
(1988), Prolégornhes Li la thkorie de I'énonciation. De Husserl ¿¿ la
pragmatique (19871, Les passlons. Essal sur la mlse en dlscours de la
subj&ité (1986).

NICOLE RGNIER est chercheur, enseignante et consultante en siratégies de


communication multimédia. Elle est Tauteur de Penser le webdesign,
modeles sémiotiquespour lespmJets m - (CH-ttan. 2004). Eiie
e s t également memhre d u Centre de Recherches Sémiotiques de
I'Université de Limoges. Ses recherches actuelles visent a définir une
sémlotique appiiquée a la communication mulíimédia, et notamment &
I'utilisation stratégique des types de webdesign en fonction des
problématiques de sens a traiter.

FRANCOIS RASTIER, directeur de recherche a u Centre national de la


recherche scienti5que (Paris), a enlxeprls l'élaboraiion &une s.hantique
interprétatlve uniñée, du mot au texte. étendue au corpus. Son projet
intelleduel se situe dans le cadre générai &une sémiotique des cultures.
Outre trois cents vlngts articles, fl a publié notarnment Sémantique
inierprétaiive (P.U.F..1996). Sérnannque et recherches mgnüiues (P.U.F..
20011, Smcmdcsfor Desertptions IChicago. 2002, en mllaboration], A& et
sciences du terte (P.U.F., 2001). 11 a co-dirigé en particulier H d n e u -
tique :sciences, tertes (P.U.F., 1997). Une irúnxiuction aux sciences de la
culture (P.U.F.. 2002).

G O w SONESSON est I'auteus de Pictorlal mncepts (1989). consacré a la


sémiotique visuelle et en partlculier au déhat sur la nature de I'iconicité.
d'un manuel d'introduction A. la sémiotique de I'image, Bildbeiydelser
(19921, ainsi que de nomhreux amcles. il est directeur du Dépwtement de
sémlotique, a l'université de Lund. ainsl que membre fondateur de
I'Association internationaie de sémiotiquevisuelle, dont fl est actueiiement
le secrétaire général. Depuis 2004, il est également vice-secrétaire
générale de 1'Associationinternationaie de sémiotique, WS/IASS).

Fucvio VAOLIO, spéclaliste en analyse sémiotique et rhetorique des


langages non verhaux (expression corporelle. langage visuel e t
cinématographique, langage musical), enseigne a I'Université Anáhuac
(Melcique]. 11 est également directeur créatif chez Acceso 2000. une
compagnie spéciaüsée dans la recherche qualitatlve en communicaiion
organlsationnelle et puhlidtaire. Il est I'auteur de ?héorie et practique de
i'lmagepublicüaire (21paraitre en 20061..
Qu'on la définisse mmme la science des signes ou cmme la
discipline qui a le cens pour objet, la sérniotique souffre d'un discrédit :
elle ne s'intéreswatt qu'aux h n c é s et leur mode de fonbionnement
interne. II est vrai que, des les origines, eHe a suivi I'exemple de la
Inguistíque et volontairement réduit son champ de juridiction ; &le a
ainci 6ri~éune vériteble muraille w u r s b r e r les codes d'un e&, le
monde et adeurs de Ifírutre. .

Mais il s'agissalt la d'une sépar strumentale,


rnéthodologique et provisoire. Et qui ne caurait faire oubl'ier ceci : que le
cens vient du comherce wec le monde, et qu'il a un impad sur le
monde.

La sémiotique a mor¡ : dle a retrouvé le chemin du monde. Elle


M%au@urd'hui voir que le sens émerge de I'expér'ence. Et qull oriente
aussi I'abimn.

Se réorientant vers le savoir et le faire, la sémiotique r e m t r e la


rhétorique. Une discipline qui, depuis I'antiquité, étudie comment le sens
se met en scene dans des digcoun sociaux. Ou plutat la sérniotique
retrowe la rhétdique. Car, des les années 60, W e s avait pointé la
modernité de cette discipiiie réputée poussléreuse. Et d& cette époque
certaines équipes de chercheurs, comme le Groupe M, waient introduit
des préoccupations esthétiqws, soao-communicationnelles et
cognitives d a s une théorie dmiotique qui, jusque la, était res&
surtout formelle.

Plus de trente ans aprb Rhétorique de ITmage et RhébriQoe


gédrale, sam dwte es-il temps d'examiner en q w i sémiottque et
rhétorique ont partie n k e s s i m t liée, et de célébrer a n o w w leurs
MKeL

En wuuemire : André Fbotte, Le baval de t'herbe. Praírie d'écriture.


Pour m r i momaS
2091, red.rnigw mi& sur papier, 64 x 56

Univcrsité
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