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Le poète doit-il nécessairement tremper sa plume dans la boue ?

Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur Les Fleurs du mal de Charles
Baudelaire ainsi que sur des lectures personnelles.

mouvement logique : certes le poète PEUT tremper sa plume dans la boue...mais pas
nécessairement

1) Le poète trempe sa plume dans la boue...

A. La mélancolie comme signe de l’inspiration poétique Dès l’Antiquité, la maladie


mélancolique est liée à la faculté poétique. Le délire poétique aliène l’âme du poète et le rend
comparable à un fou. L’idéalisme platonicien renforce cette idée : le poète est
mélancolique car il a, sous le coup de l’inspiration divine, la révélation lacunaire et
épisodique de l’idée du Beau. Le christianisme ne fera que renforcer cette conception idéale
de l’existence d’un absolu. Un texte de Baudelaire le rappelle : « C’est à la fois par la poésie
et à travers la poésie […] que l’âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau ; et
quand un poème exquis amène les larmes au bord des yeux, ces larmes ne sont pas la preuve
d’un excès de jouissance, elles sont bien plutôt le témoignage d’une mélancolie irritée, d’une
postulation des nerfs, d’une nature exilée dans l’imparfait et qui voudrait s’emparer
immédiatement, sur cette terre même, d’un paradis révélé » (Baudelaire, Notes nouvelles sur
Edgar Poe). La mélancolie, signe du génie – On peut en revanche parler de « dolorisme
romantique » dans le sens où, par l’intermédiaire d’une analogie entre le Christ et le poète, la
souffrance devient le signe d’une élection puis d’une assomption artistique : « Rien ne nous
rend si grands qu’une grande douleur / Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et
j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots » (Musset, Nuit de mai). Voir aussi «
Bénédiction » (I), la fin des « Phares » (VI) et le dernier vers de « La Vie antérieure » (XII)
dans Les Fleurs du Mal. On peut également citer « L’Albatros » (poème ajouté en 1861).
Dépassement et modernisation de la mélancolie dans et par l’angoisse – Le spleen
baudelairien peut être considéré comme un renouvellement d’importance : le spleen, ce n’est
déjà plus la mélancolie issue de l’Antiquité, c’est l’angoisse de l’homme face à la modernité
et à la mort (sans la consolation du tombeau chrétien) ; voir les « Spleen » (LIX à LXIII) dans
Les Fleurs du Mal (voir aussi les poètes du spleen après Baudelaire : Laforgue, Cros,
Corbière, Maeterlinck).

B) La poésie moderne : tout dire, tout montrer : le beau et le laid


La démocratisation de la poésie Voir « Réponse à un acte d’accusation » de Victor Hugo (Les
Contemplations) : avec l’avènement de la démocratie, la poésie doit renouveler son style et
son sujet pour toucher un public populaire beaucoup plus large, avide d’une littérature qui
parle de lui et de son époque.
Exprimer la totalité de la vie : le sublime et le grotesque, le beau et le laid
C) La poésie : un processus alchimique
La poésie est une faculté magique de production de beauté Baudelaire : « j’ai pétri de la boue
et j’en ai fait de l’or » (Bribes). « Une charogne »

2) Le poète est un artisan des mots et un démiurge (ou autre possibilité :


2a + 3a puis 3b-c)

A) La poésie de célébration De même que l’ode a toujours concurrencé l’élégie, la poésie a


toujours été aussi bien tournée vers la célébration que vers la déploration (mise à part la
période romantique évidemment). À l’inverse de Baudelaire, on ne peut donc réduire le
registre lyrique à une tonalité (élégiaque en l’occurrence). On peut même considérer que les
plus belles réussites de la modernité poétique ressortissent plutôt à une poésie de
l’enthousiasme cosmique et universel. – La célébration amoureuse : poésie de la
Renaissance et la célébration amoureuse (Ronsard Quand Vous serez bien vieille, du Bellay,
etc.), la poésie surréaliste et l’éloge de la femme (Breton, Eluard, Aragon, Desnos). – Une
poésie du bonheur : Hugo (la veine fantaisiste : les trois premiers livres des Contemplations,
Les Chansons des rues et des bois, L’Art d’être grand-père), Verlaine (La Bonne Chanson,
Amour, Sagesse). – Une poésie de l’affirmation : Rimbaud (Illuminations), Char (Fureur et
mystère). – Une poésie de la célébration du monde : Claudel (Connaissance de l’Est),
Saint-John Perse (Éloges), John Keats (Ode à un rossignol). – Une poésie des choses :
l’éloge des objets (Ponge, Parti pris des choses), Guillevic (Étier).

La poésie est exaltation du monde : L’enthousiasme poétique est un état qui permet de tout
rendre poétique. La poésie ne se définit ni par ses sujets ni par son style, mais par l’état
lyrique qu’elle transporte. C’est une vision du monde unique : Baudelaire parle de la poésie
comme d’une « magie hyperbolique » ; le poète lyrique, « en vertu de sa nature », propose
un monde « apothéosé », « hyperbolique », caractérisé par une « ardente vitalité spirituelle
». Le poète est en proie à un « état exagéré de la vitalité » qui transfigure de façon «
carnavalesque » tout ce qu’il touche. Il affirme la vie, et cette affirmation transfigure
poétiquement tout ce qu’il traite : « la lyre exprime en effet cet état presque
surnaturel, cette intensité de vie où l’âme chante, où elle est contrainte de chanter,
comme l’arbre, l’oiseau et la mer » (Baudelaire, « Théodore de Banville »).

B) Exprimer une vision du monde par l’imaginaire et l’imagination simplement capter


des instants dans leur totalité (cf Valéry : “sensation d’univers”)
Cette conception considère que le langage poétique doit proposer une autre vision du monde
que celle que fournit la prose et la raison. C’est dans ce sens-là que l’on parle de nos jours
d’un film poétique, de la poésie de la vie (au sens de fantaisie). Sans aller jusqu’à cet
appauvrissement dommageable pour la poésie, le surréalisme a su renouveler la poésie en lui
rendant son rôle de création d’univers imaginaires, en appliquant les principes
baudelairiens d’un gouvernement de la poésie par l’imagination, « reine des facultés »
poétiques (voir dans Les Fleurs du Mal : « Parfum exotique », XXI ; « L’Invitation au voyage
», XLIX ; etc.
- ref surréalisme , evasions sans fuite= comme dans invitation au voyage, les nuits
rhénanes
C) La poésie comme adhésion au monde par le langage
La poésie symboliste a montré que le langage poétique était un langage différent de la prose :
c’est un art de la suggestion plus que de la signification ’cf « Harmonie du soir » cf Mallarmé
: « je pense qu’il faut, au contraire, qu’il n’y ait qu’allusion. La contemplation des objets,
l’image s’envolant des rêveries suscitées par eux, sont le chant » (Réponse à l’enquête sur
l’évolution littéraire). Dans ce même texte, Mallarmé refuse la vertu poétique à l’acte de
nommer pour lui préférer la suggestion : « suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce
mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet ». ou encore s’effacer,
observer le monde et donner la parole aux objets : Ponge

3) La poésie comme expression et communication La poésie, comme tout acte de


communication, vise à transmettre un message, c’est-à-dire un contenu d’expression à
l’intention d’un destinataire. Ainsi, le créateur prend plaisir dans sa création, mais il n’oublie
pas qu’il s’adresse à un lecteur qui donnera du sens à ce qu’il a écrit. Si ce plaisir a été
accompagné par un véritable travail d’élaboration poétique qui l’a objectivé dans le poème,
alors il y aura transmission d’une émotion, il y aura plaisir esthétique et non plus seulement
plaisir créatif.

A. Expression de sentiments personnels : Le principe du lyrisme : l’universalité de


l’expression – Le plaisir de la communication, de la communion, de la compréhension.
Voir « Au lecteur » (Les Fleurs du Mal), voir la préface des Contemplations de Victor Hugo.
– Nécessité du lecteur : « tout ce qu’on obtient par rupture, détachement et négation, on, ne
l’obtient que pour autrui » (Char, Préface aux Poésies de Rimbaud, Gallimard). La
communication d’un plaisir poétique Le plaisir de transmettre un poème, de produire un
état poétique : « Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. Les poèmes
ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente
se consume pour recréer un délire sans passé. Leur principale qualité est non pas d’invoquer
(variante : « évoquer »), mais d’inspirer » (Eluard, « L’Évidence poétique », dans Donner à
voir).

B) La poésie a aussi une fonction démonstrative


La poésie didactique – La poésie cosmologique : Du Bartas (La Semaine), Scève
(Microcosme), Queneau (Petite cosmogonie portative). – La poésie philosophique :
Voltaire (Poème sur le désastre de Lisbonne). . La poésie morale – La poésie de
consolation : Malherbe (« Consolation à Monsieur du Périer »). – La poésie d’exhortation :
Ronsard (les poèmes épicuriens). La poésie politique – La poésie polémique et satirique :
Ronsard (Les Discours), D’Aubigné (Les Tragiques), Hugo (Les Châtiments). – La poésie
engagée : le surréalisme, la Résistance et la guerre : Eluard, Aragon, Desnos, etc. La poésie
mystique – Recherche du mystère du monde (tentation orphique) : – Poésie de l’expérience
intérieure : Rimbaud (voir la lettre du voyant : tentation prométhéenne), Michaux et
l’expérience de la mescaline (La Connaissance par les gouffres).

C) La poésie-action : Ambition d’une poésie qui change la vie : « la Poésie ne rythmera plus
l’action ; elle sera en avant » (Rimbaud dans sa lettre dite « du voyant »), d’une poésie qui
soit effective, performative, injonctive, utopique (voir la poésie de René Char), d’une poésie
qui modifie en profondeur son lecteur : « Poésie, la vie future à l’intérieur de l’homme
requalifié » (Char, Le Poème pulvérisé). Dans La Parole en archipel, Char écrit que le but de
la poésie est « la venue d’une réalité sans concurrente ».

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