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FICHE SYNTHESE-LES FLEURS DU MAL, CHARLES BAUDELAIRE

 Le recueil est une véritable descente aux enfers

Baudelaire n’a pas découpé son recueil en sections juste pour nous faciliter la lecture. Il n’y a pas non plus
d’ordre chronologique. Le poète a véritablement réfléchi à la structure de son recueil afin que cette
composition ait un sens.
Le recueil dessine l’itinéraire de Baudelaire, le cheminement de son âme qui vit une véritable descente
aux enfers.
Dès le premier poème qui ouvre le livre, « Au lecteur », Baudelaire nous dit que le monde est un enfer.
Ensuite, la structure du recueil va explorer cet enfer :
 Dans « Spleen et Idéal », il décrit son déchirement entre ces deux états philosophiques. Tous ses
élans vers l’Idéal sont annihilés par le spleen, cette profonde angoisse existentielle.
 Dans « Tableaux parisiens », il tente de se rapprocher de l’autre dans la ville, mais cette tentative de
rapprochement aboutit à un échec. Baudelaire met en avant le sentiment moderne de solitude dans
la grande ville.
 Dans « Le Vin », il se tourne vers les « paradis artificiels » : l’alcool, la drogue.
 Dans « Fleurs du mal », il décrit le vice et la débauche qui mènent au dégoût de soi-même.
 La section « Révolte » exalte Satan, mais Baudelaire nous montre que pactiser avec le diable est
inutile.
 Dans « La Mort », Baudelaire dépeint son aspiration à mourir. La mort est présentée comme l’ultime
remède, le secours suprême.
La composition des Fleurs du mal retrace ainsi la descente aux enfers de Baudelaire.

 Explication du titre

Le recueil Les Fleurs du mal eut trois titres successifs :


 « Les Lesbiennes » en 1845 ce qui faisait référence à Sapho, poétesse grecque qui enseignait les arts
à des jeunes filles sur l'île de Lesbos, dans la mer Egée.
 « Les Limbes » en 1848, lieu où se retrouvent les âmes des innocents qui sont morts sans avoir reçu
le sacrement du baptême.
 « Les Fleurs du mal » répond au projet poétique de Baudelaire : extraire la beauté du mal,
transfigurer par le travail poétique l'expérience douloureuse de l'âme humaine en proie aux
malheurs de l'existence (Baudelaire dit : « tu m'as donné ta boue, j'en fais de l'or ").
Le mal fait référence à quatre types de mal :
 mal social (être déchu)
 mal moral (goût pour le crime et le sadisme)
 mal physique
 mal métaphysique (âme angoissé car il ne croit pas en Dieu).
Le titre est une célèbre figure de style, un oxymore qui désigne la double postulation qui existe en tout
homme, vers Dieu et vers Satan. Cette incompatibilité entre les deux termes met en place la dynamique
d’une poésie déchirée entre ses contradictions où l’être est à la fois fasciné par le bien et par le mal, où il
n’y pas d’espace neutre entre les deux.
Ce titre, est presque un jeu de mots, qui annonce le rire grinçant du poète maudit.
 La sélection « Spleen et Idéal »

La section « Spleen et Idéal » est la section la plus importante du recueil, du moins quantitativement
puisqu’elle regroupe à elle seule davantage de poèmes que toutes les autres sections réunies.

La composition de la section
Nous pouvons distinguer plusieurs étapes dans « Spleen et Idéal » :
 Dans les premiers poèmes, Baudelaire exprime ses aspirations en tant qu’artiste, son culte de la
beauté et les difficultés de sa condition de poète. Un célèbre poème illustre bien ce propos :
« L’albatros ».
 L’Idéal vers lequel tend Baudelaire s’incarne également dans l’amour auquel une quarantaine de
poèmes sont consacrés.
 La rencontre amoureuse reste un échec. Elle promet un bonheur qui ne se réalise pas. La création
artistique constitue également une souffrance pour Baudelaire qui ne parvient pas par l’écriture à
immortaliser les moments d’Idéal. Ces nombreuses désillusions donnent naissance au spleen.
 Les poèmes relatifs au spleen se situent à la fin de la section « Spleen et Idéal » : cette position
traduit la victoire du spleen, des désillusions, de la souffrance sur l’idéal.

Spleen et idéal : définitions


Définir le spleen baudelairien peut s’avérer difficile. Il s’agit avant tout d’une souffrance liée à un
sentiment existentiel d’inadaptation à l’homme dans ce monde : reportez-vous au poème qui clôt la
section « Spleen et Idéal »: « L’horloge» et à sa fuite inexorable du temps.
L’Idéal
Dans le langage courant, est idéal ce qui atteint le plus haut degré de perfection. Pour Baudelaire, les
apparences du monde sensible, autrement dit la réalité qui nous entoure, ne seraient que le reflet, la pâle
copie d’un monde invisible qui nous est inaccessible, une sorte de l’au-delà idéal, où tout atteindrait sa
perfection.
Le terme d’Idéal désigne donc ce monde invisible, inaccessible certes, mais que le poète est parfois
capable d’entrevoir, dans les méandres de sa mémoire, dans son imagination, dans un ailleurs exotique,
dans une femme, dans un parfum, une chevelure.

 « Tableaux Parisiens »

Dans cette section, Baudelaire fait une nouvelle tentative pour se libérer du spleen. Cette tentative
consiste à s’intéresser aux autres et surtout aux plus misérables aux plus déshérités.
Aujourd’hui, faire des poèmes sur la ville vous semble peut-être un sujet assez banal. Pourtant au XIXe
siècle, c’était quelque chose de très nouveau et de très moderne.
Baudelaire, en puisant son inspiration dans la ville, s’inscrit à contre-courant du mouvement romantique
qui puise son inspiration dans la nature.
Pour le poète, l’artificiel, dans le sens de ce qui n’est pas naturel, ce qui est produit par l’homme, est
supérieur au naturel. C’est dans l’artificiel qu’il trouve sa source d’inspiration.
Ce thème de la ville est nouveau pour le poète puisque cette section n’existait pas lors de la première
publication des Fleurs du mal en 1857, elle fut rajoutée en 1861.
Le rapprochement des plus démunis
Dans l’ensemble de la section, le poète fait le portrait de vieillards, des vieilles femmes, d’aveugles, de
prostituées, de mendiants. Il peint la détresse physique et morale des plus déshérités.
A travers ces portraits, il montre sa compassion, sa sollicitude à l’égard des plus démunis. Il met en avant
une forme de solidarité invisible. Par exemple :
 Dans « Les aveugles », Baudelaire ressent une forme de communion avec les aveugles qui ne
s’aperçoivent pas de sa présence.
 Dans « Les petites vieilles », il accomplit une ode aux vieilles femmes.
Surtout, Baudelaire révèle la beauté de ces personnages en mettant en évidence la différence entre l’être
et le paraître.
 Dans « A une mendiante rousse », il fait l’éloge de la beauté d’une mendiante.
Il met en contraste l’apparence de ces personnages et leur beauté cachée, invisible.

La solitude dans la multitude


De cette tentative de se rapprocher des plus démunis ressort toutefois un sentiment de solitude.
Ce sentiment de solitude est double :
D’une part on ressent la solitude des plus démunis : les mendiants, les vieillards et les vieilles femmes que
plus personne ne regarde hormis le poète.
D’autre part, Baudelaire se dépeint comme un poète solitaire qui observe la foule mais qui en est exclu. Le
poème « Le cygne » peut se lire comme une allégorie du poète qui éprouve un sentiment d’exil dans la
grande ville.
La solitude et la misère que Baudelaire observe et dépeint le renvoient à sa propre misère, à sa propre
solitude.

Pourquoi cette section s'appelle « Tableaux Parisiens » ?


Les personnages de « Tableaux parisiens » sont dépeints de façon très visuelle : il y a beaucoup de
précisions concernant les formes, les couleurs, les attitudes des personnages, ce qui apparente chaque
poème à un tableau.
Surtout, les personnages constituent des allégories de Paris : la mendiante, les petites vieilles, les aveugles,
la passante, les courtisanes…Les poèmes de « Tableaux parisiens » s’apparentent à une série de tableaux
qui illustrent chacun un aspect de Paris.

 Les particularités de l'écriture Baudelairienne

Le recours au contraste
La poésie de Baudelaire s’exprime à travers de violents contrastes. Le poète allie des images
habituellement contradictoires : le désir sensuel et la décomposition de la chair (charogne, remords
posthume), la laideur et la beauté, le spleen et l’idéal.

Les synesthésies ou la théorie des correspondances Baudelairiennes


Afin de bien appréhender cette caractéristique du style baudelairien, il est recommandé de se reporter au
poème « Correspondances ».
Baudelaire distingue deux types de correspondances :
 Les correspondances verticales : la réalité qui l’entoure est composée de « symboles » que seul le
poète peut déchiffrer et qui lui permettent d’entrevoir le monde invisible et immatériel de l’Idéal. Il
existerait ainsi une communication secrète entre le monde matériel visible et le monde invisible de
l’idéal, ce sont les correspondances verticales.
 Les correspondances horizontales : c’est l’idée que le monde qui nous entoure, malgré son apparent
désordre et son chaos, possèderait une profonde unité. Ces correspondances horizontales se
traduisent concrètement chez Baudelaire par le mélange des sensations qui semblent se fondre, se
fusionner entre elle, c’est ce que l’on appelle des synesthésies. Lisez le poème « Correspondances »
et vous verrez que les parfums, les couleurs et les sons se répondent ».

 L’accueil du recueil

Desservi par sa mauvaise réputation (consommation de drogues, dettes, écarts amoureux), Baudelaire voit
son recueil Les Fleurs du mal censuré lors de sa parution en juin 1857.

L’œuvre a été plusieurs fois censurée


Le 20 août 1857, Baudelaire et ses éditeurs sont jugés et condamnés pour « outrage à la morale publique
et aux bonnes mœurs ».
Le tribunal exige de l’auteur une amende de 300 francs et la suppression des six poèmes suivants : « Les
bijoux », « Le Léthé », « A celle qui est trop gaie », « Femmes damnées », « Lesbos » et « Les
Métamorphoses du Vampire ».
Ces poèmes sont accusés de contenir des passages ou des mots obscènes, portant atteinte à la morale.
La seconde édition des Fleurs du ma en 1861 est amputée des six pièces condamnées mais enrichie d’une
trentaine de nouveaux poèmes.
Ce n’est qu’à la troisième édition en 1868 que Les Fleurs du mal rencontre un succès général.
Mais il faudra attendre près d’un siècle afin que la justice annule la condamnation du recueil en 1949.

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