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commentairecompose.fr/le-spleen-de-paris/ Par
Amélie Vioux
I – Le contexte
La condamnation des Fleurs du Mal en 1857 (pour outrage à la morale) laisse Baudelaire amer et
assombri.
Tout en trouvant le courage de remanier Les Fleurs du Mal, Baudelaire poursuit son travail de
critique d’art, publie Les Paradis Artificiels en 1860, et se tourne vers le poème en prose.
Contrairement à une idée reçue, Baudelaire n’est pas l’inventeur du poème en prose.
C’est la lecture de Gaspard de la Nuit (1841) d’Aloysius Bertrand qui lui a inspiré l’idée de
cette forme poétique.
Cette forme d’écriture, nouvelle au XIXème siècle, ouvre une voie à la modernité poétique
et sera reprise par des poètes comme Lautréamont, Rimbaud (19ème sècle) et Francis
Ponge dans Le Parti pris des choses par exemple (20ème siècle).
La continuité entre les poèmes n’est pas narrative : chaque poème correspond à un tableau, une
rêverie, un portrait ou une anecdote.
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Le but de Baudelaire est, dans chaque texte, de saisir la beauté fugace, éphémère et
d’approcher une vérité.
Les poèmes en prose du Spleen de Paris évoquent les déambulations du poète dans les rues de
la capitale.
Comme dans la section « Tableaux parisiens » des Fleurs du Mal, Baudelaire est fasciné par les
individus qui incarnent la solitude dans la multitude.
Baudelaire observe Paris et ses habitants et en tire une galerie de portraits touchants qui
symbolisent la pauvreté et l’insatisfaction.
Par exemple, l’enfant riche, dans « Le joujou du pauvre » , regarde avec fascination un enfant
pauvre jouer avec un rat : l’enfant riche incarne une envie et une insatisfaction que les biens matériels
ne peuvent combler.
Les rêves d’exotisme, déjà présents dans Les Fleurs du Mal, sont repris dans Le Spleen de
Paris avec des poèmes comme « Un hémisphère dans une chevelure » ou « L’invitation au
voyage » .
Mais c’est l’ivresse au sens large qui permet de s’évader. Dans « Enivrez-vous » , Baudelaire
écrit :
« “Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir
l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous
enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.”«
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IV – L’écriture : des poèmes en prose
Les poèmes du Spleen de Paris sont en prose, une forme poétique nouvelle au XIXème siècle.
Un poème en prose ne contient ni vers et ni rime. C’est donc un poème libéré des
contraintes poétiques traditionnelles.
On peut s’interroger sur le choix de Baudelaire de se tourner vers les poèmes en prose :
♦ Est-ce un choix guidé par la déception et l’ironie face à une société incapable d’apprécier la
poésie (Les Fleurs du Mal ayant été condamnées) ?
♦ Ou, au contraire, la réécriture de nombreux poèmes des Fleurs du Mal dans Spleen de Paris
(comme « Un hémisphère dans une chevelure » , réécriture de « La chevelure ») marque-t-
elle pour Baudelaire un aboutissement poétique ?
Il traduit mieux la vie intérieure du poète et ses déambulations dans la ville de Paris.
C’est ce qu’il évoque dans sa préface :
« “Qui est celui de nous qui n’a pas, de ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose
poétique, musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée, pour s’adapter
aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la
conscience ?” » .
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