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MARIETTE Lola

1G8

DISSERTATION

Peut-on appliquer à Alcools d'Apollinaire ce mot que Rimbaud lance dans son
recueil Une saison d'enfer : « Il faut être absolument moderne » ? Pensez-vous
que cette déclaration puisse caractériser le recueil ?

« Il faut être absolument moderne » affirme Arthur Rimbaud, célèbre poète


français. C'est ainsi dès le début du XXe siècle, que Guillaume Apollinaire est perçu
telle une figure majeure de la modernité poétique. Il passe quinze années de sa vie à
écrire son recueil Alcools jusqu'à sa parution en 1913. L'auteur révolutionne la
poésie : il cherche à s'extirper de la poésie traditionnelle en reniant les unités et la
forme des poèmes classiques du XVIe siècle. Il invite le lecteur à regarder le monde
d'une autre façon. Cependant, nous sommes tenus de nous demander si l'on peut
caractériser ce recueil « d'absolument moderne » ? Dans un premier temps, nous
analyserons l'aspect moderne du recueil. Puis, ses caractéristiques toutefois
traditionnelles. Enfin, nous nous intéresserons à la corrélation qui s'établit entre
tradition et modernité poétique.

La déclaration de Rimbaud, « Il faut être absolument moderne » caractérise


l’œuvre Alcools d'Apollinaire. En effet, ce recueil de poèmes est considéré comme
l'un des chefs-d'œuvre de la poésie moderne. L'auteur est un poète en avance sur son
temps, qui a exploré de nouveaux thèmes poétiques. Il évoque de nouveaux sujets
dans la poésie. De ce fait, il s'intéresse au thème de la ville qui s'inscrit en tant que
modernité poétique. C'est un thème non abordé en poésie auparavant. Ainsi dans
l'entièreté de son recueil, il fait l'éloge de Paris. Il décrit la ville tel un lieu de liberté,
où tout est possible. Apollinaire admire « La Ville Lumière » et notamment sa Tour
Eiffel. Pour lui, elle est le symbole pur de la modernité. Prenons l'exemple du poème
« Zone ». Dans celui-ci, la ville est très bruyante : « la sirène y gémit » (vers 19).
Cependant, Apollinaire l'a sublime et l'embellie. Si pour certains il s'agit d'un point
négatif, le poète aime ces différents bruits. Pour lui, ils donnent une impression de
« vie » et apportent du charme à la ville de Paris. Par ailleurs, il rompt avec l'image
qui représente la ville comme un espace vulgaire et en fait le lieu d'un paysage
extraordinaire. L'auteur s'intéresse au monde qui l'entoure. C'est pourquoi il utilise
aussi le thème de l'aviation, par exemple. Dans « Zone », il inscrit le nom du premier
aérodrome au monde « Port-Aviation » (vers 6). Ainsi, ce sujet relève également de
la modernité puisque c'est totalement nouveau à cette époque. C'est la même idée
pour l'industrialisation ou encore l'urbanisation.
La poésie moderne d'Apollinaire provient également de la forme de ses
poèmes. Il abandonne la ponctuation dans tout ses textes. Les vers sont alors libres,
le nombre de syllabes n'est plus fixe. De plus, il n'y a plus systématiquement de
rimes. Dans le deuxième poème du recueil, « Le Pont Mirabeau », on remarque cette
absence totale de ponctuation. Apollinaire effectue ce choix pour permettre au lecteur
de lire le poème comme bon lui semble. Il peut donc faire des pauses où il le souhaite
et rajouter de l'intensité dans sa lecture où il le décide. En outre, on retrouve une
certaine musicalité avec le refrain présent à quatre reprises : « Vienne la nuit sonne
l'heure / Les jours s'en vont je demeure » (première apparition aux vers 5/6). Cet
effet sonore provoque une impression de vie au poème. En effet, l'auteur se
démarque des autres poètes du fait qu'il souhaite oraliser ses poèmes. De surcroît,
Apollinaire joue également sur la taille de ses poèmes. Il peut écrire des poèmes très
courts comme par exemple « Chantre ». Il ne possède qu'un seul et unique vers.
Mais, il écrit aussi des poèmes longs tels que « La Chanson du Mal-Aimé » avec plus
de 450 vers. Enfin, dans la structure de son recueil, Apollinaire a fait en sorte de
créer une boucle avec le premier poème « Zone » qui répond au dernier
« Vendémiaire » .

D'après ce développement, on peut affirmer que le recueil Alcools


d'Apollinaire est moderne aussi bien sur le fond que sur la forme. A présent, nous
verrons que l'auteur use tout de même de certaines caractéristiques de la poésie
traditionnelle classique.

Dans son recueil Alcools, Apollinaire écrit toutefois des poèmes traditionnels.
Même si il est en recherche de renouveau et de modernité, il n'oublie pas certains
principes de la poésie classique. Alors, il utilise le genre littéraire du lyrisme. Ce
genre littéraire permet d'exprimer ses sentiments personnels. Le lyrisme est
directement lié à la poésie traditionnelle. Il l'emploie dans plusieurs de ses poèmes
tels que « La Chanson du Mal-Aimé » . Dans cette œuvre, l'auteur exprime son
chagrin amoureux. Il relate son amour impossible envers Annie Playden, une
gouvernante anglaise rencontrée en Allemagne. Dans ce poème, Apollinaire incarne
le mal-aimé, il écrit « l'amour est mort j'en suis tremblant » (vers 11). Le poète se
décrit, et évoque tout son malheur. On le remarque également avec l'emploie du
pronom personnel « je ». De surcroît, il chante aussi les saisons et surtout l'automne.
Avec cette seule et unique saison, il exprime toute sa tristesse et sa mélancolie. Cette
période de l'année représente l'état d'âme du poète. Dans le recueil, nous pouvons
citer les poèmes « Automne » ; « Automne malade » ou encore « Les Colchiques ».
En outre, Guillaume Apollinaire réemploie des thèmes traditionnels
classiques comme la mort ou la fuite du temps. Dans ce recueil, le poète est
régulièrement perdu et sans repère. Il demeure autour de ses amours impossibles
envers Annie Playden, qu'il retranscrit dans la section « Rhénanes » ou avec Marie
Laurencin dans le poème « Marie », par exemple. Dans ses poèmes, il évoque des
souvenirs douloureux qui s'accompagnent souvent de l'image de la mort, voire du
suicide. A plusieurs reprises, Apollinaire utilise la figure de la noyade pour
représenter son désespoir. Dans le poème « La Loreley », la nymphe rejoint son
amant dans le fleuve : « Mon cœur devient si doux c'est mon amant qui vient / Elle se
penche alors et tombe dans le Rhin » (vers 35-36). Ici, il s'agit d'une métaphore de la
part du poète, lui qui est prêt à mourir par amour. De surcroît, l'évocation de la fuite
du temps est omniprésente dans cette œuvre. Il la représente au travers de l'élément
de l'eau. Dans le second poème « Le Pont Mirabeau », la Seine qui passe sous le pont
Mirabeau évoque le temps qui passe sans arrêt, et qui est inarrêtable : « L'amour s'en
va comme cette eau courante » (vers 13). Chez le poète, le temps est source de
fatalité et fait preuve de tonalité tragique.

Ainsi, bien que son recueil Alcools soit assimilé à un recueil poétique
moderne, il contient toutefois des éléments traditionnels dans sa structure et dans ses
différents thèmes abordés. Pour finir, nous verrons l'alchimie entre renouveau et
tradition poétique.

Apollinaire est un poète aux deux visages. Il allie parfaitement la modernité à


la tradition dans ses œuvres. Néanmoins, il demeure sous l'influence du passé. En
effet, il évoque des thèmes traditionnels comme la tristesse, la mélancolie, l'automne
et d'autres... Ces thèmes sont caractéristiques du mouvement romantisme du XIXe
siècle. La saison de l'Automne est la saison romantique par excellence. Il en est de
même, pour les thèmes de la nostalgie et du temps qui passe. Ces sujets sont
important aux yeux de l'auteur et on les retrouve beaucoup dans sa poésie.
Apollinaire est aussi sous l'influence d'autres poètes. En effet, le titre de son recueil
Alcools fait écho à l'ivresse. Auparavant, elle été assimilé à Charles Baudelaire pour
sa section « Le Vin » dans son recueil Les Fleurs du Mal. On retrouve également
l'influence de Verlaine, dans la section « A la Santé ». En effet, celle-ci fait référence
aux poèmes écrit par Verlaine, lorsqu'il était en prison. Apollinaire y évoque sa
solitude : « Nous sommes seuls dans ma cellule » (VI, vers 7).
Guillaume Apollinaire est certes un poète, mais il est aussi un visionnaire. En
effet, il cherche à changer la vision du monde et le regard sur les objets. Il est lié
d'amitié avec des artistes tels que Pablo Picasso ou Max Jacob. En 1908, la toile de
Picasso, nommée « Les Demoiselles d'Avignon », révolutionne la peinture du XXe
siècle. Apollinaire dit des peintres cubistes qu'ils sont la manifestation artistique de
cette période, la plus élevée. De ce fait à l'image d'un peintre cubiste, le poète
mélange ses différents poèmes, thèmes et techniques pour créer une œuvre cubiste.
C'est ainsi que réside toute la modernité de son recueil. Enfin, Apollinaire offre un
pont avec l'ancien et le nouveau. Il ne se qualifie lui-même ni d'absolument moderne
ni de traditionnel. A propos d'Alcools, il dit : « vous le classerez dans l'école
poétique qui vous plaira, je ne prétends faire partie d'aucune, mais il n'en est aucune
également à laquelle je ne me sente attaché ». En somme, l'innovation poétique
d'Apollinaire n'est pas en rupture complète avec la poésie antérieure, mais il s'agit là
d'une continuité.

Pour conclure, nous pouvons dire qu'il ne faut pas être « absolument
moderne ». En effet, la poésie traditionnelle n'est pas un frein à la modernité. Nous
avons vu que modernité et tradition peuvent s'allier à la perfection si cela est bien
équilibré. C'est le cas de Baudelaire, Apollinaire et encore d'autres poètes. Si
toutefois ils gardent une grande place dans leur cœur pour la modernité, nous avons
vu qu'ils usent également des principes de la poésie traditionnelle. L'adverbe
« absolument » possède un sens trop important pour être appliqué au recueil
d'Apollinaire.

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