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Le poète et critique d’art innove également en faisant entrer des thèmes prosaïques en
poésie comme la ville ou le quotidien.
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Problématique
Automne
(Premier tercet)
Apparaît alors la figure centrale du poème : « “un paysan cagneux / et son bœuf ”».
Ce couple banal et humble – le paysan et son bœuf – peut sembler cocasse. Il participe
cependant d’une poétisation du quotidien au cœur de l’esthétique d’Alcools, où la
familiarité et le raffinement se conjuguent. L’adjectif rare « cagneux » représente bien
cette synthèse entre le prosaïque et la poésie.
Le premier vers en alexandrin évoque le départ du paysan, une fuite peut-être. Ce départ
suscite un effet d’attente chez le lecteur, qui peut envisager un poème narratif.
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Le deuxième vers surprend néanmoins par son incohérence syntaxique, le deuxième
hémistiche n’ayant aucun lien grammatical avec le premier.
L‘enjambement du vers 2 sur le vers 3 brouille encore une fois les frontières entre les
vers.
L’adjectif rare « vergogneux », qui signifie « réservé » attribue à cette paysannerie une
pudeur humble, conforme à l’imaginaire populaire.
(Deuxième tercet)
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L’enjambement vers le vers 5 restitue aussi la marche boiteuse et incertaine du
paysan endolori par l’amour : « “chantonne / Une chanson d’amour et d’infidélité” ».
Et cette chanson en effet « “parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise” ». La
coordination « et » construit ici un zeugma car la proposition relative « que l’on brise »
s’applique aussi bien à la bague (objet de l’amour) qu’au coeur (organe de l’amour). Ce
rapprochement cocasse entre l’objet et l’organe de l’amour fait déchoir l’amour,
ramené au statut de simple objet brisé.
Dans Alcools, c’est tour à tour l’homme et la femme qui trompent ou déçoivent. Le
pronom indéfini dans « on brise » montre combien chacun peut infliger ou subir la
trahison.
(Distique final)
Le passé composé (« “a fait mourir” ») insiste sur le caractère révolu de cette action :
l’été est bien mort, l’automne règne, faisant régner la mort de l’amour.
Le lyrisme mélancolique de ce distique fait bien du poème une élégie. L’alliance de deux
vers (distique) correspond d’ailleurs au vers gréco-latin caractéristique du genre
poétique de l’élégie.
Le dernier vers, « “Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises” » reprend le
premier vers, dans un effet de boucle et d’ouverture. Le mystère du brouillard se
maintient, tandis que le paysan et son bœuf se résument désormais à « “deux silhouettes
grises” ».
4/5
Nous avons vu que dans ce court poème élégiaque, Apollinaire modernise la
traditionnelle évocation d’un automne mélancolique.
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