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Les colchiques
1 Le pré est vénéneux mais joli en automne
2 Les vaches y paissant
3 Lentement s'empoisonnent
4 Le colchique couleur de cerne et de lilas
5 Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
6 Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
7 Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

8 Les enfants de l'école viennent avec fracas


9 Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
10 Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
11 Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
12 Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

13 Le gardien du troupeau chante tout doucement


14 Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
15 Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

Quelques éléments pour construire votre introduction. (qui, je me répète doit être courte et rapide)

Guillaume Apollinaire : 1880/1918 d’origine polonaise naturalisé français en 1914. Poète de la modernité.

Le poème Les colchiques appartient au recueil Alcools. Ecrit en 1912/1913 il suit dans le recueil La chanson du mal-aimé. Il exprime l’amour déçu d’Apollinaire pour Annie
Playden, jeune gouvernante anglaise rencontrée en Allemagne. Il s’agit d’un poème lyrique/élégiaque.

Tous les grands thèmes lyriques figurent donc dans ce poème : l’amour, la mort, la fuite du temps, la nature, mais loin d’être un simple tableau pastoral il évoque l’amour-
poison, celui qui tue à petit feu le poète.

Proposition d’axe de lecture :

Comment Apollinaire modernise-t-il le lyrisme traditionnel et le topos classique de la femme-fleur ?

Mouvements :
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Le poème compte 15 vers, disposés en trois strophes successives : un septain, un quintil et un tercet. On constate une lente dégradation au fil des strophes qui laisse
néanmoins apparaitre 3 mouvements qui correspondent à 3 tableaux...

▪ Vers 1 à 7 : Le décor : scène de pâturage où fleurissent des colchiques, plantes toxiques de l’automne, couleur des yeux de la muse.

▪ Vers 8 à 12 : La quotidien pastoral et ses enfants turbulents (et inconscients ?)

▪ Vers 13 à 15 : Le départ du troupeau, l’abandon du pré (et de l’amour)

Lecture linéaire

Titre Le mot colchique, de genre masculin, vient du nom propre Colchide ou Colchis, qui est le pays de Médée l’empoisonneuse dans la mythologie grecque. Avec le
titre le contexte est posé : Automne (saison des colchiques), lieu champêtre, fleur belle mais toxique. On retrouve le champ lexical du poison (donc de la mort)
dans cette première strophe.
v.1 Ce premier vers est un alexandrin avec césure à l’hémistiche qui met en relief l’opposition « vénéneux » / « joli » Nous sommes en automne, saison de la
mélancolie, le temps des fleurs flétries.
v.2 Le vers 2 est un hexasyllabe. Apollinaire rompt donc avec la tradition poétique de l’alexandrin. On remarque que les vers 2 et 3 forment ensemble un alexandrin
et qu’ainsi on pourrait reconstruire un sonnet. Le poète dans un souci de modernité a déconstruit son sonnet.
« Les vaches » Utilisation d’un lexique prosaïque, apoétique, absent dans le lyrisme traditionnel… (poète comparé à une vache ! Ironie, sarcasme d’Apollinaire
envers lui-même ?

Noter la liaison obligatoire « z’y paissant » 😉qui ralentit le rythme et peut évoquer la lenteur de la vache. Assonances en [an] qui accentue le sentiment de
longueur, d’inaction.

v.3 « S’empoisonnent » crée une rupture avec la description d’un espace bucolique paisible. (On retrouve ce verbe v7) L’adverbe « lentement » évoque une mort
progressive et non brutale, le lent travail du poison.
v.4, 5,6 L’évocation du colchique (connu pour être toxique) fait écho au lexique du poison vu aux vers précédents « vénéneux » ; « s’empoisonnent ». On remarque
l’absence de ponctuation, comme dans tout le recueil, mais également le rejet v5 « y fleurit » (formulation classique et lyrique)
Construction en miroir yeux/colchiques. V5/6 : répétition anaphorique de « comme » qui accentue la comparaison entre la fleur et la femme. L’idée que la
beauté peut être dangereuse voire fatale… Apollinaire détourne le topos très classique de la femme – fleur (cf Ronsard)
On peut parler ici de synecdoque ; « tes yeux » renvoie à la femme aimée. On pourrait voir également une insertion de blason des yeux, ambigu néanmoins.
(Presque un contre-blason ? car faire l’éloge des yeux de sa muse en évoquant ses cernes est … comment dire ?)
« Violâtre » comporte un suffixe péjoratif.
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Rappelons que le violet est, avec le gris, la couleur du demi deuil au 19eme siècle. La passante de Baudelaire, elle, était en grand-deuil…

v7 Changement dans l’énonciation « tes yeux » v5 et v7 (épanalepse) : le poète s’adresse à la femme aimée et évoque sa propre souffrance « ma vie » v7)
lyrisme.
Comparaison entre le lent empoisonnement des vaches et celui du poète. Les deux destins se superposent.
v.8 à 10 Le monde sonore et cacophonique de l’enfance avec son lexique : « fracas », « harmonica » l’ouïe est sollicitée (jusqu’à présent seule la vue l’était).
Contrairement à la passivité du 1er tableau, on a ici un monde en mouvement avec ses verbes d’action : « viennent » v8, « jouant » v9, « cueillent » v10
Les enfants sont vêtus de « hoquetons », mot populaire et désuet. C’est le monde du quotidien.
Les enfants sont pleins de vie et semblent inconscients du danger, peut-être comme le poète avant d’être frappé par l’amour et la désillusion… On peut aussi
faire une autre lecture de cette scène : les enfants en cueillant les colchiques protègent les vaches de l’empoisonnement.
v.11et 12 « Comme des mères, filles de leur fille » v10/11 : impression d’étrangeté (contre nature) Ces vers accentuent le sentiment d’inquiétude face à l’élément féminin
répété (mère et fille) ; Exclusion masculine. Mais aussi rapprochement fleur toxique / femme toxique…
Un des noms botaniques du colchique est « filius ante patrem» : parce que le colchique a un cycle de reproduction décalé par rapport aux autres plantes: dans
l’année civile, ses fleurs automnales (patrem) semblent naître après ses graines (filius).
« Retour du champ lexical de l’œil avec évocation de la paupière fermée, symbole de fermeture, de repli.
« Qui battent comme les fleurs qui battent au vent dément » v12 Expression de la folie qui entre dans cet univers au départ paisible et personnification du vent.
Les allitérations en [t] rendent la scène sonore et angoissante.
l.13 On remarque que les vers se font de moins en moins nombreux au fil des strophes. Le pré se vide tout comme l’amour.
v13 « Le gardien du troupeau chante tout doucement » Pour la première fois, présence humaine dans le tableau .. Lyrisme : poésie chantée (revoir la définition
du lyrisme) le poème commence par le son de l’harmonica et finit sur un chant.
Le berger fait-il référence à l’Arcadie dans la mythologie grecque ? Ce qui serait une concession à la tradition…Voir annexe.
l.14/15 v14 « « Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent » Retour des assonances en [an] Fin de la journée et de la saison… Après le tumulte, retour au
calme (les vaches s’éloignent du danger) et au renoncement pour le poète qui délaisse son amour toxique.
V15 « Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne ». Importance du mot « toujours » : le poète ne retournera plus en arrière.
Le poème est construit comme une boucle qui se referme (attention, il ne s’agit pas d’un rondeau !) avec la reprise de certains mots du 1 er vers. « Pré »
« automne »

Apollinaire revisite les grands thèmes lyriques avec :

-Le colchique au lieu de la rose et le lys traditionnellement utilisés par les poètes.

- Un lexique du quotidien, prosaïque (ex : les vaches) Le lyrisme amoureux s’en trouve t désacralisé.

- une déconstruction dans la versification, une absence de ponctuation.

Comme toujours chez Apollinaire, on retrouve des concessions à la tradition poétique classique ; les thèmes, le lyrisme… voire une discrète référence mythologique,
l’utilisation de l’alexandrin et des rimes (parfois)
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Pour l’ouverture lire Automne malade ou Mai également d’Apollinaire ou tout autre poème qui vous inspire et qui partage des caractéristiques avec celui-ci.

A l’écrit, ne faites pas comme moi : limitez au maximum l’utilisation des parenthèses !

Signification de l’Arcadie dans la mythologie ainsi que son sens philosophique et spirituel.

L’Arcadie dans la mythologie grecque et romaine : description.


Au commencement, l’Arcadie est un territoire primitif, sauvage, peuplé de rustres chasseurs, pêcheurs et bergers. C’est un territoire montagneux, parsemé de bois, de
prairies et ponctué de sources.

Les auteurs de l’Antiquité font de l’Arcadie un espace pastoral et bucolique où les bergers pratiquent la musique et la poésie. Les auteurs latins (Ovide, Virgile, Tibulle) font
des Arcadiens les lointains ancêtres des Romains. Ils décrivent l’Arcadie comme un lieu où l’on pouvait guérir de toutes les souffrances par la pratique du chant.
C’est aussi le pays de l’amour heureux, sans passion ni souffrance, où les partenaires sont interchangeables et pourtant fidèles.

Au final, l’Arcadie est un lieu de bonheur et de concorde : l’harmonie règne entre les animaux et les hommes, entre l’Homme et la Nature, et entre les hommes entre eux
On peut aborder l’Arcadie de plusieurs manières différentes : ce peut être l’image d’un paradis perdu, nourrissant la nostalgie d’un état que l’on ne retrouvera jamais, ce
peut être une utopie : l’image d’une société idéale à construire, enfin, ce peut être un état mental accessible à celui qui réussit à vaincre ses soucis et des passions : une
nouvelle manière de voir le monde.

Autres noms du colchique qui traduisent sa forte vénénosité : « mort-chiens » « tue-chien » « tue-loup »

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