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Séance 6 : explication linéaire n.

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« Ma Bohème », Cahier de Douai, Rimbaud
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Introduction
Le recueil Cahier de Douai est un recueil poétique qui a une histoire assez forte et originale puisque son
auteur, Rimbaud, n’avait que 15-16 ans lorsqu’il a écrit les poèmes qui le composent. De plus, c’est lors de ses
nombreuses fugues qu’il a transmis ses textes à Demeny, en espérant être publié. C’est la raison pour laquelle ce recueil
s’appelle également le Recueil Demeny. Le jeune adolescent ne cesse de fuir le domicile maternel et cette esthétique de
la fuite se retrouve dans ce poème intitulé « Ma Bohème ». C’est un poème de jeunesse, inscrit dans un recueil encore
assez traditionnel, et pourtant l’audace, la provocation rimbaldienne et sa volonté d’émancipation se font déjà sentir.
Dans ce texte, le poète, voyageur solitaire, décrit une douce nuit d’errance. Le poème peut être décomposé en
trois mouvements :
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1er quatrain : le bonheur du pauvre poète
- 2ème quatrain : une atmosphère propice à la création poétique
- les tercets : la force des synesthésies
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PREMIER MOUVEMENT
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v.1 : pronom "je" = autobiographie et lyrisme. Le poète va parler de lui et Rimbaud lui-même ayant fait de
nombreuses fugues, on peut dire qu’ici, le je poétique est celui de Rimbaud.
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"poches crevées" = pauvreté
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"m'en allais" = fugue
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rime crevées / rêvées : rimes embrassées qui opposent le champ lexical de la pauvreté à celui du rêve ce qui nous
montre que la pauvreté du voyageur n'est pas incompatible avec le bonheur.
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v. 2 : "idéal" = bonheur absolu / rime avec féal : supériorité du monde qui l'entoure, le ciel (sa Muse). L’idéal est un
concept philosophique de Platon : il désigne le monde supérieur, le monde des Idées, des abstractions. Ici, le fait qu’un
manteau, un objet banal, soit associé à ce concept philosophique est surprenant, voire humoristique. Rimbaud associe
les contraires, non sans une certaine provocation.
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v1 et 2 : allitération en p : bruit de pas ou alors pour insister sur la détérioration du vêtement
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v. Muse : femme qui inspire le poète + poète "féal" donc hiérarchie, la femme est supérieure.
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v. 4 : interjection = original dans un poème.
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+ exclamative qui accentue sa joie, son bien-être dû à l'inspiration amoureuse « amours rêvées » : comme dans le
poème « Roman », on retrouve la thématique du bovarysme, avec le rêve d’amours grandioses. N’y a-t-il pas ici une
pointe d’ironie de la part du poète ?
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DEUXIEME MOUVEMENT
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v.5 : "large trou" rappelle les "poches crevées" = pauvreté
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Les adjectifs "unique" et "large" : accentuent la misère matérielle du poète
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v. 6 : métaphore Petit-Poucet : il sème des rimes : mise en abyme (poème qui parle de poésie)
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v. 7 : métaphore de la Grande Ourse : il vit à la belle étoile. Le mot « auberge » montre que le ciel le réconforte, se
montre protecteur et chaleureux.
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Petit Poucet / Grande Ourse : deux noms propres antithétiques : supériorité du cosmos sur le poète.
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v. 8 : champ lexical du ciel
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"frou frou" : mot surprenant, modernité poétique de Rimbaud. Association entre un vêtement et un son. Le frou-frou
est une pièce d’un vêtement féminin, mais ici c’est son aspect sonore qui va être mis en évidence dans la strophe
suivante.
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TROISIEME MOUVEMENT
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verbe "écoutais" et "sentais" = synesthésies (ouïe et le toucher)
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utilisation de l'imparfait = action lente, atmosphère douce
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v. 10 : allitération en [s] : accentue cette douceur
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"bons" = adjectif simple, innocence, jeunesse
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v. 11 : comparaison méliorative, le vin qui redonne de la vigueur = la rosée qui a des bienfaits, qui le rafraichit = bien -
être.
« vin » : le sens du goût se mélange au toucher
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v.12 : "rimant" : allusion à la poésie (mise en abyme).
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"ombres fantastiques" : mélioratif (on n'est pas du coté de la peur ici). Le fantastique est aussi un registre littéraire,
celui du doute entre le réel et l’irréel. La scène vécue ici semble floue, à mi-chemin entre le rêve et la réalité.
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--> monde propice au rêve
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v. 13 : compare ses lacets à une lyre : sublimation d'un objet banal + "élastique" : mot du quotidien, original en poésie,
décalage avec la proximité du mot « lyre". Décalage qui peut également être comique.
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v. 14 : "souliers blessés" : chaussures abimées MAIS le mot "coeur" : joie, liberté.
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assonnance en [é] : donne du rythme à ce dernier vers.
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"pied" : une syllabe en poésie, mise en abyme.
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CONCLUSION
Rimbaud propose ici un poème qui reprend une thématique traditionnelle, celle de l’errance, du voyage, mais il
s’émancipe de cette tradition en utilisant des mots originaux et inhabituels. De plus, les mises en abyme, qui
permettent une réflexion sur la poésie, et les légères marques de comique du poète provocateur, marquent l’inovation
poétique du jeune Rimbaud.
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