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5éme« Ma bohème » Rimbaud

A l'âge de 16ans, Rimbaud veut fuir un milieu bourgeois étouffant. Paule Verlaine le surnomme «
L'Homme aux semelles de vent » en raison de son amour pour le voyage et pour la vie bohémien.
En septembre et octobre 1870, il trouve refuge à Douai chez son professeur de lettres, Georges
Izambard, à l'issue d'une fugue. Là, il recopie avec application 22 poèmes récents, dans l'espoir de
les faire publier ; il en est le dernier poème, un poème plain de « fantaisie », qui illustre bien les
errances adolescentes de Rimbaud. Le poète se présente comme un vagabond ivre de liberté ; il joue
avec les règles du sonnet traditionnel afin de chanter son amour pour la poésie moderne. Nous
allons nous demander en quoi ce poème est autobiographique. Pour répondre à cette problématique,
nous analyserons les 3 mouvements de ce texte : nous évoquerons le départ du poète en quête de
liberté (dans le premier quatrain), ses errances dans la nature (dans les 2 strophes suivantes) et enfin
son amour immense pour la poésie (dans le dernier tercet)
PREMIER QUATRAIN. Départ.
Vers 1. Dès les premiers mots, le lecteur comprend la dimension autobiographique du poème
(emploi du pronom personnel « je »). On voit que ce poème évoque un départ, un voyage (avec le
verbe de mouvement « je m'en allais » placé en tête de vers) mais on ne sait pas où part le poète ni
pourquoi. Le poète semble être en colère, comme le montre le mot « poings », qui fait allusion à un
combat. L'adjectif « crevées » est familier, ce qui confirme cette idée de révolte, de rejet de la
société, de refus du conformisme. Le mot « crevées », qui est péjoratif, indique par ailleurs que le
poète porte des vêtements de mauvaise qualité.

Vers 2. Avec une certaine autodérision, Rimbaud se peint en vagabond, avec son « paletot », qui est
presque devenu une idée, c'est-à-dire qu'il est très usé. Cette image du vagabond peu présentable est
déjà apparue lorsqu'il a parlé de ses poches « crevées ». Pourtant, on peut aussi interpréter le mot «
idéal » comme un symbole de perfection. Le poète est satisfait du peu qu'il possède, et il est fier de
se montrer démuni ; il se moque du confort matériel. La vraie richesse est spirituelle, poétique.

Vers 3. La formule « j'allais sous le ciel », fait référence à un voyage associé à un sentiment de
liberté : le poète n'a pas de toit ni de barrière qui l'empêchent de profiter pleinement de la grandeur
de la nature. La Nature devient son refuge.
Rimbaud interpelle la « Muse » (déesse qui inspire le poète), et il dit « j'étais ton féal » (ton fidèle
serviteur). Avec ce vers, on commence à comprendre le sens de son voyage : très attaché à la poésie,
il est guidé par sa passion pour la poésie. Ainsi le vers 3 compare l'adolescent en fugue à un
chevalier servant ("féal", qui rime avec "idéal") courant l'aventure au service de sa "Muse", qui
incarne la poésie.

Vers 4. L’interjection initiale « Oh ! là là » surprend par son caractère familier (qui contraste
fortement avec le terme « féal »). Le verbe « rêver » traduit à la fois le besoin d’évasion et la force
de l’imagination.
Son évocation « d'amours splendides » peut être interprété de diverses manières : tout d'abord, cela
peut être une métaphore qui symbolise la relation du poète avec son inspiration, qu'il rêve de
trouver et avec laquelle il souhaite être en harmonie. Cela peut aussi symboliser son besoin d'amour
car il est seul et n'a que la nature avec lui.
DEUXIÈME QUATRAIN. Errance insouciante.
Vers 5. Rimbaud accentue encore son image de vagabond en insistant sur la pauvreté de son
pantalon (« unique », mot familier « culotte » et « large trou »).
Vers 6. Ce vers est associé au monde de l’enfance et du rêve. Le poète se compare au petit poucet,
personnage de conte pauvre et rêveur qui semait des cailloux pour retrouver son chemin. Le poète,
lui, poursuit son errance (« course ») et il sème « des rimes », groupe de mots qu'il met en valeur
par un enjambement et un rejet du groupe des rimes au vers 7.

Vers 7. Le mot « rimes » mis en valeur au début du vers souligne à nouveau l’attachement de
Rimbaud à la poésie. La métaphore montre que le poète s'aide de ses écrits (comme le Petit Poucet
de ses cailloux), pour retrouver son chemin ; il marche en suivant son inspiration. Ce rêveur
solitaire dort à la belle étoile comme le prouve la métaphore « Mon auberge était à la Grande Ourse
». Il est donc parfaitement libre.

Vers 8. De plus, Rimbaud semble s'approprier la nature : il emploie à deux reprises des déterminants
possessifs (« Mon auberge », « Mes étoiles »). Il est très attaché à la nature et emploie des termes
mélioratifs pour la qualifier (« doux », puis « bons » soirs, au vers 10) ainsi qu’une allitération en M
et une assonance en OU. Elle est bienveillante et protectrice envers cet orphelin ; elle lui offre
l’hospitalité (la Grande Ourse est comparée à une « auberge »(vers 7)). « Mes étoiles au ciel avaient
un doux frou-frou » est une métaphore qui suggère que le poète peut entendre le bruissement des
étoiles ; il a donc accès à ce que les autres ne voient pas. Le bruit du frou-frou a une connotation
légèrement féminine, ce qui renvoie à l’idée de relation privilégiée avec la Nature.
PREMIER TERCET. Apaisement.
Vers 9. On constate un enjambement entre la deuxième et la troisième strophe, qui brise le rythme
habituel du sonnet.
Le poète est assis « au bord des routes » ; il semble alors un peu apaisé, attentif aux signes que lui
adresse la Nature (« j’écoutais »).
Son voyage ne vient pas de commencer (emploi de l'imparfait, qui exprime la répétition ou
l’habitude et du pluriel « routes »).

Vers 10. Les « soirs de septembre » dont il parle renvoient sûrement à la fugue qu’il a faite à
l’automne 1870, lorsqu'il avait 16 ans, par rejet de la société et des règles imposées. La Nature est
son refuge et sa source d’inspiration (deuxième hémistiche).

Vers 11. Il compare les gouttes de rosées à un « vin de vigueur » ; la Nature lui redonne donc de de
la force. Le fait qu'il ait des gouttes de rosée sur le front montre encore une fois qu'il dort dehors. Il
y a une allitération en [v]
DEUXIEME TERCET. Puissance de l’imagination.
La dernière strophe commence elle aussi par un enjambement, la phrase se poursuivant sur 5 vers ;
ce deuxième tercet met en avant la puissance de l'imagination.

Vers 12. Le participe «rimant » évoque l’activité poétique. Il est associé à « ces bons soirs de
septembre », ce qui laisse penser que Rimbaud écrivait ses poèmes à cette époque, durant sa fugue.
Le monde du rêve réapparaît lorsqu'il parle d' « ombres fantastiques ».

Vers 13. Le poète transforme des élastiques de ses chaussures en lyre grâce aux pouvoirs de
l’imaginaire. Il allie le concret et l'abstrait, comme dans tout le poème. C'est sa manière d'exprimer
sa liberté : il peut jouer comme il le souhaite avec les mots et les sonorités.
Vers 14. Pour finir, Rimbaud porte des « souliers blessés » ce qui veut dire qu'il a déjà fait une
longue marche ; le participe passé peut aussi évoquer ses souffrances morale. Il termine le poème
par une exclamation, sur le nom « cœur», pour souligner la prépondérance des sentiments dans la
création poétique (registre lyrique).
Conclusion :Le poème « Ma Bohême » occupe une place à part dans les 1ére poésies de Rimbaud.
C'est un poème autobiographique, plein d'humour. C'est un éloge de la liberté de mouvement et de
création. Rimbaud célèbre, en effet, le bonheur du bohémien; il souligne l'attrait du voyage et les
pouvoirs de la nature. Un peu provocateur, il s'amuse des règles de la poésie traditionnelle et il
ouvre ainsi la voie à la modernité poétique.
On retrouve les thématiques du voyage, de la révolte et de la liberté chères à Rimbaud dans
le sonnet « Au cabaret vert » et dans le poème « On n'est pas sérieux quand on a 17 ans ».

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