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2ème texte « Melancholia »

La révolution industrielle au XIXème siècle a engendré de grands besoins de main d’œuvre dans
l’industrie. Les enfants, issus des classes sociales pauvres, étaient alors conduits à travailler très
jeunes. Chef de file du Romantisme, Victor Hugo était aussi un homme politique très investi ; élu
Pair de France puis député, il a pris partie pour le peuple et il a défendu les « misérables ».
Le poème « Melancholia » est issu du livre III des Contemplations. Composé de 336 alexandrins, il
décrit la misère du monde, et s’attarde dans les vers 113 à 146 sur les conditions de travail des
enfants. « Melancholia » désigne la mélancolie politique de Victor Hugo devant l’exploitation des
enfants.
Problématique : Comment Victor Hugo dénonce-t-il le travail des enfants dans les usines ?
Annonce de plan linéaire
-Victor Hugo dresse un tableau réaliste et tragique du travail des enfants. (du début au vers 13)
-Puis il leur cède brièvement la parole (aux vers 15 et 16).
-Du vers 17 à la fin, le poète critique l’industrialisme.

1. Un tableau réaliste et tragique du travail des enfants


A. Un poème pathétique. (vers 1 à 3)

-Le poème s’ouvre sur des questions rhétoriques, qui ont pour but d’interpeller le lecteur et de lui
faire partager l’indignation du poète.  
Citations : V1 « Ou vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit » 
-Victor Hugo dresse un tableau de la misère à travers le portrait en action d’enfants qui vont au
travail. L’image qu’il donne des enfants est celle de petits êtres en danger ; leur situation paraît
impensable (emploi de paradoxes). 
Ils sont tristes alors qu’ils devraient être joyeux. (Citation : V2 « dont pas un seul ne rit ? ») 
Ils sont chétifs alors qu’ils devraient être pleins de vie (Citation : V2 « que le fièvre maigrit ? ») 
Ils sont isolés (Citation : « qu'on voit cheminer seules ? ») 
-Les périphrase « Ces doux êtres pensifs », « Ces filles de huit ans » suscitent la pitié du lecteur en
insistant sur la fragilité et l’innocence de ces enfants. L’âge de « huit ans » n’est pas donné au
hasard : c’est jusqu’en 1892 l’âge minimal pour travailler en usine. 
     B. L’usine, une prison. (vers 4 à 6) 
 
-La réponse aux questions précédentes est donnée avec l’anaphore du verbe « ils vont » (vers 4 et
5). C’est le travail qui accable les enfants (placés « sous des meules », qui les oppressent) ; 
l’usine est comparée à une prison (Citation : V6 « Dans la même prison »). 
L’usine que décrit le poète ressemble aux Enfers de la mythologie antique. 
-Victor Hugo dénonce un travail long (Citations : V4 « quinze heure sous des meules ») pénible
(Citations : V4 « sous des meules ») 
répétitif (Citations : V5 « faire éternellement » V6 « Le même mouvement ») 
Les enfants subissent donc un véritable supplice ; ils sont réduits à l’état d’outils. Il y as une
allitération en « m ». 
     C. Des machines dangereuses. Vers 7 et 8. 
 
-Victor Hugo a ensuite recours à un registre fantastique en transformant la machine en créature
mythologique (Citations : V8 « Montre hideux »). La machine est comparée au monstre effrayant
des contes, qui dévore les enfants. Il s'agit donc une métaphore plus d'une personnification. 
    D. Un monde hostile. Vers 9 à 13. 
 
-Au vers 9, les antithèses/opposition « Innocents / bagne » et « anges / enfer », mises en valeur par
un rythme binaire, montrent que la civilisation industrielle (oppressante) ne convient pas aux
enfants (fragiles et candides). Le travail des enfants est anormal ; les tâches qu’on leur impose sont
mécaniques et elles ne sont pas adaptées à leur jeune âge. Le verbe « travaillent » placé en rejet au
vers 10 est mis en relief ; il suggère l’idée que les enfants sont exploités par l’usine. 
-Par le champs lexical de l'usine  (« machine »« airain », « fer ») et par l'anaphore de la formule «
tout est » au vers 10, Victor Hugo met en évidence la froideur de l’usine ; le « fer » rime avec «
enfer ». C’est une description très réaliste. 
-Au vers 11, le poète évoque une aliénation des enfants (ils perdent leurs caractères propres, leurs
droits) : ce qui fait l’essentiel de l’enfance, le « jeu », a disparu ; il est remplacé par un travail sans
répit. (Citations : anaphore « Jamais on ne ») 
Le pronom onéfini « on » souligne l’idée que cette civilisation industrielle ne laisse pas de place
pour l’individu ; tout est impersonnel, monotone, uniforme. 
 
 
-Le vers 12 repose sur un contraste frappant entre « pâleur » (associée à la maladie) et « cendre »
(associée à l’obscurité et parfois à la mort). Dans ce monde industriel, on ne reconnaît plus les
enfants ; ils semblent cadavériques comme le suggère l’exclamation « quelle pâleur ! » ; le terme «
cendre » montre que le travail harassant noircit leur visage. 
-Au vers 13 s’opposent la naissance du jour et la fatigue extrême de la fin de la journée. Le poète
rappelle ainsi, sur un rythme binaire, que les enfants sont épuisés par les tâches de l'usines. 
 
II. La prière des enfants. Vers 14 à 16. 
L’anaphore du pronom personnel « ils » attire l’attention sur les enfants. 
     A. Un destin tragique. 
Les enfants sont accablés et impuissants face à la destinée. Citations : V15 « Petits comme nous
sommes » 
     B. Une supplique. ( → prière très insistante) 
Le poète cède la parole aux enfants (style direct) ; il leur accorde un droit que la société leur refuse.
Ces derniers s’adressent à Dieu ; ils cherchent auprès de lui refuge, réconfort et soutien. Ils
rappellent leur fragilité avec l’adjectif « petits », placé au début de leur réplique. 
Leur phrase prend le ton d’une prière comme le suggère l’apostrophe « notre père» (qui rappelle la
prière chrétienne). Avec l’impératif « voyez », les enfants montrent les mauvais traitements que leur
font subir les adultes, qui sont pourtant des « hommes ». 

Ce passage suscite donc la compassion. Nous lecteurs, nous sommes aussi des « hommes » et avons
donc une part de responsabilité dans le sort réservé à nos enfants. 
 
III. Un réquisitoire contre le travail des enfants. 
     A. Victor Hugo plaide la cause des enfants (vers 17 et 18). 
-Le poète, tel un avocat, reprend la parole avec une invocation au vers 17 « Ô servitude infâme
imposée à l’enfant ! ». L’exclamation du poète rejoint l’injonction des enfants. Tout le vocabulaire
de la phrase marque la réprobation : les termes « servitude », « infâme » et « imposer » sont
péjorative. 
-Le « Rachitisme » désigne une maladie qui aboutit à la déformation du squelette de l’enfant.
L’exclamation du début du vers 18 et le participe « étouffant » (placé à la rime) dénoncent les
conséquences tragiques de l’exploitation des enfants dans les usines. 
     B. La condamnation du travail des enfants (vers 19 à 22). 
-Le travail est présenté par Victor Hugo comme destructeur et diabolique : il fait disparaître ce que
Dieu lui-même a créé, il est donc contre-nature. Pour souligner la puissance dévastatrice du travail,
le poète emploie le préfixe privatif dé- avec le verbe « défaire », qui prend une connotation
péjorative, ainsi que le verbe « tuer », qui choque les lecteurs car il évoque un crime. Citations :
V19 « Le souffle étouffant » V20 « Défait ce qu'a fait Dieu » 
Il utilise aussi deux chiasmes : V20 « La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée » 
-L’industrialisme (présenté comme une « œuvre insensée », c’est-à-dire dénuée de sens, absurde) a
des effets néfastes à la fois sur la croissance physique des enfants et sur leur développement
intellectuel (comme l’indique le rythme binaire). On sacrifie donc la jeunesse porteuse d’espoir au
nom du progrès industriel. 
-Au vers 21, Victor Hugo donne une tonalité ironique au terme « fruit ». Le « fruit » désigne
habituellement une récolte, le bénéfice d’une action mais fait ici allusion aux méfaits de la
révolution industrielle. 
- Le passage se termine par un double paradoxe ; Victor Hugo montre les effets néfastes du travail
des enfants à travers des hyperboles qui frappent l’imagination : le travail «ferait (…) d’Apollon
(Dieu de la beauté) un bossu, de Voltaire (philosophe de la lumière) un crétin ! ». L’usine détruit
inexorablement toutes les qualités humaines. 
 
CONCLUSION 
-Ce poème écrit en 1838 traduit l’engagement politique de Victor Hugo auprès des plus démunis. Le
poète a recours à différents registres littéraires pour dénoncer l’exploitation des enfants dans les
usines : descriptions réalistes ou fantastiques, tableau pathétique, prise de position polémique contre
l’industrialisme. A une époque qui voit dans la révolution industrielle l’avènement d’une société
heureuse, Victor Hugo fait entendre une voix divergente.Après des débats houleux, la chambre des
députés vote en 1841 la première loi française relative au travail des enfants employés dans les
manufactures, usines ou ateliers. Cette loi fixe l’âge minimum de travail à 8 ans. 
-Elargissement : En 1862, Victor Hugo publie le roman Les Misérables pour dénoncer les injustices
et les inégalités sociales à travers le parcours de personnages emblématiques comme Cosette, sa
mère Fantine, Jean Valjean ou encore Gavroche. 

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