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Rosenberger Maële 1STD2A

« Le joujou du pauvre » Commentaire

Le XIX° représente la modernité. C’est le siècle de l’industrialisation, de l’avènement de la


bourgeoisie et du capitalisme, mais aussi de l’urbanisation. Les poètes s’ouvrent à cette modernité
tant dans les thèmes qu’ils abordent que dans leurs recherches de nouveaux styles d’écriture
poétique. Ainsi Charles Baudelaire, qui a déjà évoqué le modernisme dans son recueil Les Fleurs
du Mal, se tourne vers une forme nouvelle, le poème en prose, dans son recueil intitulé Le Spleen
de Paris, écrit entre 1855 et 1864 et publié à titre posthume en 1869. Le poème « Le joujou du
pauvre », extrait de ce même recueil, oppose alors deux enfants appartenant à des classes sociales
très différentes, espérant ainsi sensibiliser le lecteur à ces inégalités. Il s’agira donc de comprendre
comment ce poème en prose qui présente la peinture contrastée de ces deux enfants, se présente
finalement comme un apologue. Nous nous intéresserons ainsi à la composition de ce tableau en
diptyque avant d’analyser en quoi ce texte est un apologue.
Baudelaire propose dans ce poème en prose un tableau relevant de la scène de genre. Il construit
de tableau en diptyque afin de mieux souligner les différences sociales et de les faire se contraster.
Après un premier paragraphe introductif, il présente en effet tour à tour deux enfants en utilisant un
discours descriptif ainsi qu’en démontrent les nombreux adjectifs, les expansions du nom et le
lexique des paysages. Il effectue ainsi le portrait d’un enfant aisé, puis celui de l’enfant pauvre.
Lors de la description de chaque enfant un cadre particulier lui est associé, qui insiste sur sa classe
sociale. Du côté du premier, tout n’est que luxe, beauté et immensité. L’accumulation des
compléments circonstanciels de lieu des lignes 13 et 14, souligne l’étendue de la propriété, ce qu’
accentue l’adjectif « vaste » (l.12) tandis que le mot « château »(l.13) évoque la richesse. La
description comporte de nombreux termes mélioratifs comme « beau »(l.13), « si pleins de
coquetterie »(l.14), « luxe »(l.15). Le lieu se trouve alors mis en lumière par la syntaxe. Il est
caractérisé par « la blancheur »(l.13), il est mis en avant, « frappé par le soleil »(l.13) ce qui
accentue sa supériorité hiérarchique. De son côté, l’autre enfant est présenté dans un cadre naturel,
sauvage, ainsi que le suggèrent la mention de « la route »(l.21) mais surtout « des chardons et des
orties »(l.21). Ce cadre nettement plus rural voit sa description réduite à une courte phrase qui
contraste avec l’ampleur de la description du premier enfant . Le poète souligne d’ailleurs ce
contraste en recourant à l’expression « deux mondes »(l.25). Chacun de ces univers constitue donc
une partie du diptyque, tandis que « la grille »(l.21) permet de les séparer en laissant un aperçut de
l’autre coté a chaque enfant.
Ainsi, Baudelaire met en scène leur confrontation et met en place tout un jeu de contrastes pour
rendre leurs différences criantes et saisissantes. Le luxe et à la richesse du vêtement du châtelain
contraste avec la saleté de l’autre. Le poète oppose le lexique mélioratif au lexique péjoratif.
L’accumulation d’adjectifs, « sale, chétif, fuligineux »(l.22) rend le deuxième enfant insignifiant
face à l’ampleur de la description de l’enfant riche. Le poète utilise un registre pathétique dans le
but de sensibiliser le lecteur. Le terme « chétif »(l.22) par exemple évoque la misère et la santé
fragile. Le terme « marmots »(l.22), relevant du vocabulaire familier, s’oppose à « enfant »(l.20),
comme si le pauvre n’avait guère de valeur ou comme s’il était privé du temps heureux de
l’enfance. Le terme « parias »(l.22), lui, signifie l’exclusion que subissent les plus démunis. La
misère peut en effet inspirer le dégoût pour les personnes aisés. Le poète recourt à plusieurs
périphrases comme « le petit souillon » (l.27) ou encore « les enfants de la médiocrité ou de la
pauvreté » (l.16-17 )qui sont représentatifs des propos que pouvaient avoir les riches a cette
époque.
Enfin la mise en scène de ces deux univers s’achève par l’évocation des jouets respectifs de ces
enfants. Celui du riche est à son image, « vêtu d’une robe pourpre »(l.19). La comparaison « aussi
frais que son maître »(l.18) identifie l’enfant au jouet. Pour le décrire le poète à recourt à des
hyperboles comme « splendide » (l.18) ou « couvert de plumets et de verroteries »(l.19) . Les
qualificatifs mélioratifs abondent avec les termes « verni, doré » (l.19) ou encore « pourpre »(l.19)
renchérit la valeur de ce qui semble être une poupée. Cette splendeur contraste avec le rat, objet de
l’amusement du pauvre. Le choix de cet animal renforce l’idée de misère et de détresse sociale
puisque le rat connote la saleté, la maladie et suscite bien souvent répugnance et dégoût. Toutefois
ce jouet attire le regard du riche qui néglige son propre jouet. Ce rongeur suscite son envie tandis
qu’il permet la communication entre les enfants. Ce regard envieux opère ainsi comme un coup de
théâtre. Les contrastes qui opéraient jusque là en faveur de l’univers de la richesse semblent remis
en question. Le renversement de la situation, l’intervention de ce rat qui annulent en partie les effets
de la grille et de ses barreaux.

Cette dualité, qui confronte au fil du texte richesse et pauvreté et qui se voit contester par la
fraternisation finale des deux enfants, permet en effet au poème d’œuvrer comme un apologue.
Baudelaire, qui choisit chaque fois un enfant unique pour évoquer ces deux mondes, propose au
lecteur la mise en scène de deux enfants, évoquant l’innocence, ils ne savent rien de leur classes
sociales ni de leur différences, cependant ils en sont les représentants dans ce poème. L’article
indéfini « un » qui introduit les groupes nominaux « un enfant beau »(l.13) puis « un autre sale »
(l.22) , adopte une valeur générique. La métonymie des « barreaux symboliques »(l.25) évoque
l’idée d’une barrière infranchissable entre ces deux univers qui se voit finalement franchie,
enfreindre par les regards et les rires des enfants. Le groupe prépositionnel « A travers »(l.25) ainsi
que les verbes « montrait à »(l.26) ou « se riaient »(l.30) signifient en effet que ces univers ne
demeurent pas infranchissables.
Mais ces « barreaux symboliques »(l.25) instaurent finalement une autre frontière, celle qui sépare
un monde inerte, sans vie, artificiel ainsi que le suggère la métaphore du « spectacle »(l.15) , d’un
univers plus vivant. Force est de constater que le petit riche, à l’image du rat, vit dans « une boîte
grillée » (l.28) . Les accumulations qui accompagnent sa description et celle de son jouet, évoquent
un enfant prisonnier de son château, de ce cadre luxueux mais fermé et figé. L’insouciance et
l’ennui qu’il porte a son habitat, et a ses jouets, le démontre également, cet enfant paraît blasé et ne
s’amuse pas. Le pauvre, à l’inverse est sur la route au milieu « de chardons et d’orties »(l.21) qui
sont des mauvaises herbes qui connote la liberté et l’indépendance. L’enfant riche est comme privé
d’enfance. Le verbe « gisait »(l.18) témoigne de cet ennui et condamne le jeu à une mort
symbolique. De cette façon, le poète dévalorise ce jouet et minimise les bienfaits du luxe et de
l’abondance. C’est le rat qui l’emporte face à la poupée inanimée, précisément parce qu’il est
vivant. On peut donc appréhender ce récit comme le corps d’un apologue. Baudelaire a recourt à
une mise en scène orchestrée par un jeu de contrastes pour dramatiser son point de vue.
Le dénouement de ce récit réside alors dans l’effet de chute ménagé par les deux dernières lignes
qui opèrent comme une morale implicite. Ces personnages, que tout semblait opposer, se
rapprochent finalement grâce a leur innocence et leur jouet. L’emploi du verbe rire dans une
formule de réciproque, « se riaient l’un à l’autre » (l.30) , traduit l’idée d’une complicité. L’adjectif
« égale »(l.31) , quant à lui, anéantis en partie leurs différences pour souligner que ces deux enfants
reste avant tout des humains. Ajoutons à cela que si le poète recourt au monde de l’enfance pour
rappeler l’humanité naturel de chaque être, peut importe leur classe sociale, c’est aussi parce que cet
âge innocent les protège au moins en partie des préjugés sociaux. Ils n’en n’ont peut être pas
conscience…

Pour conclure, dans l’analyse du poème où nous avons vu tout d’abord comment Baudelaire arrive à
souligner les différences sociales et les faire se contraster en formant un tableau en diptyque ;
notamment grâce à la description du cadres de vies, des enfants et de leur jouets. Par la suite nous
avons vu comment se poème se transforme en apologue ; avec les différents personnages qui
représentent figurativement les deux classes sociales. Nous pouvons ainsi en démontrer que ce jeu
de contraste ainsi que la construction du poème avec le mode du diptyque permet la création d’un
apologue. Grace à ces deux enfants Baudelaire arrive à nous donner le regard du petit riche,
comprendre l’allégorie du texte et a passer outre la barrière séparant les deux mondes affin de
rétablir, la chose la plus importante, l’humanité. Comme Victor Hugo, auteur des Contemplations et
des Misérables, Baudelaire s’engage dans ce poème a travers des enfants pour faire comprendre le
sens de l’humanité.

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