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Explication linéaire "Il fait un temps d'insectes affairés" page 73

Ce poème est issu de la 3ème section "L'onde du chaos" dans laquelle


nous retrouvons des voix dissonantes. Les violence sociales ou économiques
sont bel et bien présentes dans cette partie du recueil. Dans les textes qui
précèdent notre poème, nous retrouvons des éléments largement négatifs
comme les "guerres", les "famines".

LECTURE
Comment dans ce texte Hélène Dorion dépasse-t-elle ses inquiétudes sur
le monde pour tendre vers une prise de conscience du changement?

Nous déploierons notre analyse en quatre mouvements qui


correspondent aux quatre strophes du poème. Le premier mouvement fait
référence à la Bible et au châtiment divin, le second mouvement fait référence
à notre société moderne qui se brise, le troisième mouvement s'attache à nos
illusions alors que finalement, le dernier mouvement nous invite à une prise de
conscience.

1er mouvement
Dès le premier vers, les hommes sont réduits à des "insectes affairés".
Cette métaphore signifie notre petitesse à plusieurs niveaux: en rapport à
l'univers, dimension qui est chère à Hélène Dorion mais aussi en terme
d'intérêts: nos préoccupations sont matérielles "affairés"// "affaires" "chiffres"
(v.2).
Les insectes peuvent aussi être vus comme une allusion biblique. Dieu
infligea 10 châtiments à l’Égypte en exigeant que Pharaon laisse partir les
Hébreux . Parmi ces châtiments, il en était un concernant les insectes: le vent
apporte des nuages de sauterelles qui dévorent tout sur leur passage.
Le verbe "s'emmêler" au vers 3 a une connotation négative comme l'a
également le terme "souillée": la terre est déjà abîmée, à cause de ces
"insectes" qui ne cessent de s'agiter.
Les vers 4 et 5 montrent que les éléments ne sont pas à leur place, il
s'agit ici d'une sorte de déluge. Nous remarquons que le mot "vague" est
répété en fin de vers ce qui amplifie l'idée de chaos.
Cette première strophe est marquée par une récurrence du temps
météorologique. Nous pouvons faire un parallèle avec l'expression "il fait un
temps de chien" qui implique une idée négative.

2ème mouvement
Ici l'être humain apparaît grâce au "corps". Mais il est annihilé par tous
les acronymes qui suivent. Ces acronymes étaient annoncés dans la strophe
précédente à travers "les lettres emmêlées."
ARN // au vaccin contre la Covid 19
RAM: Random Access Memory (=mémoire vive d'un ordinateur)
zip: // fichiers compressés
chus// centre hospitalier universitaire de Sherbrooke en Estrie (lieu
d'habitation de Hélène Dorion)// période de pandémie
SDF: sans domicile fixe VIP: very important people
triple k: le "k" est un terme économique "Le « K » traduit une idée très
simple : la pandémie a des effets économiques négatifs importants sur
certaines parties de l’économie (la partie inférieure du K) et très peu d’effets
sur d’autres (la partie supérieure du K).
"https://www.osler.com/fr/ressources/situations-critiques/2020/comprendre-
la-reprise-economique-en-forme-de-k
Mais ce "triple k" peut aussi être une allusion au Ku Klux Klan qui promeut le
racisme et la haine de l'autre.
usa, made in China : allusion au consumérisme de notre société
Notre société est éclatée entre les problèmes de santé mais aussi les inégalités
de classes sociales.

Nous retrouvons "il fait" comme anaphore qui donne un rythme au


poème. Cette anaphore scande le poème, nous la retrouverons également
dans le mouvement suivant.

Les allitérations en [k] "ko", "triple k", "casse-gueule" soulignent que


l'être humain ne peut qu'être désenchanté, les "émerveillements" n'ont plus
lieu d'être.
Même le bruit du monde ne s'avère pas harmonieux, il fait "un bruit de
ferraille".
Le verbe "déchirer" est ici associé au son alors que traditionnellement il l'est au
toucher par le "tissu": nous remarquons l'emploi de la synesthésie ici qui
permet d'associer les sens du toucher et de l'ouïe.
La comparaison avec le "vêtement usé" montre à quel point notre
société est malade de la surconsommation et du gaspillage. Nous pouvons faire
ici un parallèle avec la "fast fashion" qui, entre autres, met la planète à mal.

3ème mouvement

Dans cette société qui veut toujours plus, qui encense le numérique
"pixels", "algorithmes" la poétesse affirme son opinion "il fait refus et rejet":
cette façon d'être au monde ne peut nous convenir. Elle affiche ici une prise de
conscience et invite le lecteur à faire de même.
Le vers 20 indique que nous ne contrôlons pas nos mouvements, tout va
trop vite pour nous, d'autant plus que nous ne savons pas où nous allons
comme le montrent "les routes invisibles".
Tout n'est pas négatif, puisque "l'avenir" est tout de même à penser et
que le "creux de la main" offre une protection, certes fragile, mais présente
quand même.
Le terme "chimère " est à comprendre dans les deux sens de son
acception, à savoir comme une illusion mais aussi le monstre mythologique
ayant une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent.
La perte d'espoir est tangible grâce à la phrase nominale ainsi que le
suggère l'expression "un siècle de questions rudoyées".

4ème mouvement
Dans ce dernier mouvement l'homme s'approche dangereusement de ses
limites comme le montre "le bord d'une falaise". Ici, nous pouvons nous
demander ce que peut faire la littérature dans un monde comme celui-ci
puisque même "les poèmes chutent". Ils sont vus comme des flocons de neige,
nous trouvons une certaine légèreté ici mais il peut s'agir aussi de rigueur ou
de froid comme le dénote le terme "neige".
Les deux derniers vers mettent l'accent sur l'aspect inéluctable de la
perte à travers la répétition du verbe "perdre". De plus, le futur de l'indicatif
accentue cette idée d'inéluctabilité. L'être humain, avec le pronom personnel
"nous" est intégré ici, il doit savoir les conséquence de ses actes.

=> Ce poème d'Hélène Dorion se révèle particulièrement pessimiste puisqu'il


nous fait part d'un monde complètement brisé. Elle nous dit l'urgence de
changer de cap, pour ne pas être "au bord de la falaise". Peut-être la solution
viendra du changement de rythme de l'homme comme l'implique le poème
suivant où la poétesse n'hésite pas à prendre le temps nécessaire pour écouter
"le voyage immobile" de l'arbre.

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