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Séquence 1

Séance 13
Lecture linéaire du texte 5 : « Spleen » LXII (« Quand le ciel bas et lourd »), Les Fleurs du
Mal, Spleen et Idéal, Charles Baudelaire
A écouter
http://blog.ac-versailles.fr/yourcenarchimbaud/index.php/post/13/04/2019/Quand-le-ciel-bas-et-
lourd...-de-Charles-Baudelaire

Introduction

Eléments de contexte

C’est en 1857 que Baudelaire publie son recueil des Fleurs du Mal, recueil construit
selon le mécanisme de la double postulation, entre le Spleen et l’Idéal, entre l’enfer et le
paradis, entre la boue et l’or. Dans la section Spleen et idéal, la plus large, nous allons étudier
le poème LXII, le dernier d’une série de quatre poèmes qui partagent le même titre,
« Spleen », peut-être le plus angoissant et le plus dément, pour évoquer cette humeur noire,
cette mélancolie, cette angoisse mêlée d’un terrible ennui, décrite ici dans un paysage état
d’âme.

Problématique

Comment le poète décrit-il son expérience du Spleen ?

Annonce des mouvements du texte

Nous verrons comment les trois premiers quatrains décrivent la montée de la crise puis
comment, dans un second mouvement, l’esprit en proie à un spleen paroxystique sobre dans la
défaite.

Lecture expressive

Lecture linéaire

Strophe 1

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle


Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Triple anaphore de « Quand » : subordonnées circonstancielles, accablement tragique


Image des cercles de l’Enfer
Enjambement
Burlesque avec instrument de cuisine qui évoque étouffement
Du Ciel à la terre : verticalité de la chute
1
Antéposition du CDN « De l’horizon »
Ciel sujet de 3 verbes
Comme un couvercle : comparaison burlesque
Jour paradoxe + opposition singulier / pluriel : désespoir
Valeurs des temps : présent de vérité de vérité générale, portée universelle + « nous » qui
inclut le lecteur
Chiasme vers 2
Assonance en « ou » : atmosphère lugubre
Assonance en i : cri de douleur à la rime , macabre
Métaphore filée : le monde est un réceptacle où nous enfermés, un piège

Strophe 2

Quand la terre est changée en un cachot humide,


Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Trajet sinistre, du ciel à la terre enfermés


Allégorie de l’Espérance / albatros devenu chauve-souris, aux ailes rognées, La colombe
symbole de l’espérance : dégradation tragique. Mort
Rime « chauve-souris » pourris : cf « Une charogne », comme si l’animal était déjà mort
« timide » : de timeo, craindre : annonce du malheur final
Verticalité / horizontalité : toute élévation est impossible . Voir poème antithétique
« Elévation »

Strophe 3

Quand la pluie étalant ses immenses traînées


D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Pluie prolonge fatalement la chute, aussi inexorable que la gravité


Intériorisation
Pluie verticale contradiction avec « étaler » : enfermement, clôture
Métaphore carcérale (= de la prison)
Bestiaire des animaux de l’ombre, chauve souris aveugle, araignées muettes : le poète est
progressivement privé de tous ses sens. La toile de l’araignée appartient au champ lexical
du piège.
Ralentissement du temps
infâme : ignoble

Strophe 4

Des cloches tout à coup sautent avec furie


Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,

2
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

Passage au deuxième mouvement , adverbe « Tout à coup » : rupture temporelle


Personnification des cloches V. 14 : registre fantastique
Connotation funèbre des cloches, qui semblent sonner comme pour un enterrement (le glas)
Enjambement vers 17 et 18 : accélération
« ciel », « esprits » et « geindre » : voir vocabulaire de la strophe 1 : écho et enfermement
« vers le ciel » complément circonstanciel de lieu : la seule élévation possible est celle d’un
cri
De l’esprit au singulier vers les esprits au pluriel : bascule vers imaginaire fantastique.
Elégie (= chant de deuil) : âmes errantes des morts
Silence rompu : cf champ lexical du bruit, dans lequel on peut inclure « muet » : monde
silencieux, où bruits très faibles, seul le son des cloches (donc de choses inanimées) rompt
ce silence. Le terme de « hurlement » , au-delà de la personnification, constitue une rupture
forte
Diérèse « opiniâtrement » : même idée de douleur
L’esprit se retourne contre lui-même : voir autres poèmes du recueil
« Heautontimoroumenos » (le bourreau de soi-même)« La cloche fêlée » / « De profundis
clamavi »
Comparaison avec « ainsi que », périphrase avec « esprits errants » : image des enfers ou du
purgatoires, des damnés
Allitérations en r dans tout le texte : idée de douleurs : un monde où peu de sensations sont
possibles (obscurité, des mouvements qui sont ceux de corps qui se débattent et entravés ) ,
et celle qui existant sont liées à la souffrance

Strophe 5

- Et d’anciens corbillards, sans tambours ni musique,


Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Signe typographique du tiret ; épilogue ou épitaphe, comme si le poète assistait à son


propre enterrement . Signe typographique du tiret qui souligne la rupture, avec conjonction
de coordination « et » qui marque l’accablement, la phase ultime de la chute, dans la folie
ou dans la mort
Présence de deux allégories « Espoir », « Angoisse ». Dans la strophe 1, nous avions
l’Espérance, le mot lui-même semble raccourci, ce qui traduit cette idée de disparition, de
mort
Boite crânienne : image de l’enfermement
Des participes présents aux participes passés : comme une armée vaincue, sans tambour n
trompettes
Espoir disloqué par enjambement du vers 2 au vers 3 de la strophe
De l’abstrait « âme » au concret « crâne »
Vanités et piraterie
Retour de « noir : circularité par apport au lexique de la strophe 1.

3
Enonciation le « nous » qui incluait le lecteur, l’ « hypocrite lecteur » du poème liminaire,
est réduit au déterminant possessif de 1ère personne « mon » : solitude devant la mort. Image
de la défaite « vaincu », « incliné »

Conclusion

Le cerveau devient la scène d’une défaite tragique de l’esprit

Mélange tradition culturelle et images burlesques, échec métaphysique, moral mais aussi victoire
poétique.

Dans ce poème, comme dans « l’Albatros », Baudelaire exprime le mal-être, la solitude et


l’isolement, sentiment ressentis par les Poètes maudits comme lui, rejetés de la société.

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