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Baudelaire, Spleen, LXXVIII

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LXXVIII - Spleen, Charles Baudelaire, les Fleurs du Mal 

Lecture du poème : 

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle 


Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis, 
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle 
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits; 

Quand la terre est changée en un cachot humide, 


Où l'Espérance, comme une chauve-souris, 
S'en va battant les murs de son aile timide 
Et se cognant la tête à des plafonds pourris; 

Quand la pluie étalant ses immenses traînées 


D'une vaste prison imite les barreaux, 
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées 
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux, 

Des cloches tout à coup sautent avec furie 


Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, 
Ainsi que des esprits errants et sans patrie 
Qui se mettent à geindre opiniâtrement. 

- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, 


Défilent lentement dans mon âme; l'Espoir, 
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique, 
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. 

Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire, 1857 

Analyse du poème

Ce poème est extrait des Fleurs du mal publié en 1857. Vers la fin de la
section "Spleen et idéal", quatre poèmes portent tous le même titre.
Chacun présente un visage différent qui accable le poème. Le spleen se
présente comme un malaise existentiel, ce poème mélange donc les
conditions de celle-ci sur le physique et les sens. 

Afin de répondre à la problèmatique "Nous pouvons nous demander


quels sont les enjeux et les particularités de ce poème ?" Nous
étudierons dans un premier temps Le récit d'un combat, puis des
Précisions sur la nature du Spleen 

Nous verrons, comment, en racontant ce combat entre l'espérance et


l'angoisse, Baudelaire nous propose ici une description du Spleen. 

I) Le récit d'un combat 

1) Construction du poème 

Le texte est composé de cinq quatrains, il n'y a aucune possibilité de


symétrie. Le poème est reparti en deux phrases, une de quatre
quatrains, l'autre d'un seul, cela signale un changement. Les trois
premières strophes sont reliées par l'anaphore "Quand" le rythme est
languissant. Le poète décrit une situation de crise qui allie trois
éléments : L'air, la terre et l'eau. On peut remarquer l'absence du feu
car le décor présenté ici est terne et envahi par la grisaille. La 4e
strophe est le premier changement du rythme "Quand" est remplacé
par "Tout a coup" et au vers 13 on a une idée de mouvement avec les
cloches qui s'agitent au mouvement s'ajoute le bruit comme les
"Hurlements". La 5e strophe est le constat de défaite, l'espoir est
vaincu allors que l'angoisse triomphe "Drapeau de la victoire". 

2) Double postulation 

Il y a dans tout homme, deux postulations simultanées l'une vers Dieu,


l'autre vers Satan. L'invocation à Dieu est un désir d'être bon, celle de
Satan est une joie de se rapprocher de l'Enfer. Il y a ici un combat
entre l'espérence et l'Angoisse tout au long de cette strophe, on
rencontre la métaphore de la guerre où deux puissances s'opposent. La
défaite de l'espoir est visible avec la rime finale puisque le poème fait
rimer "Espoir" et "Noir". 

II) Précisions sur la nature du Spleen 

1) Les symptômes : Enfermement et Etouffement 

Un symptôme : Signe d'une maladie quelconque. Dans la mesure où


Baudelaire considère le Spleen comme une maladie, il y aura donc deux
symptômes : 

-L'enfermement : Avec le champ lexical de l'enfermement avec les mots


"Couvercle", "Cachots", "Mur", "Plafond", "Prison", "Barreaux", "Plats". 

-L'etouffement est exprimé par un bestiaire effrayant, "Chauve


souris", symbolique car elle est aveugle, et ne fait pas la distinction
entre le jour et la nuit, ce qui accentue l'idée d'enfermement et
d'étouffement. 
La monstruosité des araignées est accentuée par le pluriel, et les
araignées sont des prédateurs. Les adjectifs qualificatifs les
différencient. 
La chauve souris est timide, sa faiblesse se manifeste aussi par le
singulier, tandis que les araignées sont infâmes et en force. 

Jour noir : C'est l'oxymore (deux termes opposés à côté) qui est repris
au vers final par le drapeau noir. 

2) Un combat intérieur 

Tout indique que cette bataille est mentale, qu'elle se déroule à


l'intérieur de l'esprit du poète (Exemple : Vers 2 "Esprit", vers 12 "Au
fond de nos cerveaux", Vers 20 "Sur mon crâne".) 

Le combat est purement intellectuel comme nous montre la rime


"Barreaux" et "Cerveaux" au fur et à mesure du poème, on passe de la
généralisation (Nous verse, Nos cerveaux) à une personnalisation, celle
du poète qui va parler a la première personne du singulier (Mon âme,
Mon crâne). La défaite est bien celle du poète qui est désormais régi
par l'angoisse victorieuse qui est l'esclave du Spleen comme le montre
l'image sinistre de l'enterrement à la fin (corbillards). On peut
remarquer que, comme toujours chez Baudelaire, les fausses notes
dominent. Il ne s'agit pas d'une musique funèbre mais de hurlements. 

Conclusion : Ce poème nous montre une sorte de crise du Spleen avec
deux forces qui s'opposent dans chaque individu. En fait, sous la
généralisation, le poète cache sa propre défaite, il est soumis à
l'angoisse. Les quatre poèmes descriptifs et explicatifs du Spleen
s'achèvent sur un constat de défaite et le poète devient définitivement
mélancolique. L'opposition radicale entre le Spleen et l'Ideal ou
autrement dit entre Dieu et Satan domine tout au long de cette poésie.
L'opposition est radicale et n'est jamais dépassée. 

Ouverture : Le double postulat d'un être déchiré entre Spleen et Idéal
domine. Cette dualité est le lieu de tout le drame Baudelairien. 
Le Spleen connote le temps qui passe : Le temps étudie le malaise : Point
commun avec les autres poèmes "Spleen" : "J'ai plus de souvenirs que si
j'avais 1000 ans." : Traduction du malaise existentiel Baudelairien. 

Définitions : 

*Spleen : Malaise existentiel : Un état d'âme synonyme d'ennui,


d'enlisement = Le mal baudelairien 

*L'idéal : L'anti-monde du Spleen : 


Le spleen se rapporte au temps. 
L'idéal se rapporte à l'instant.

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