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Charles Baudelaire est un poète français du XIXème siècle, essentiellement connu pour son
recueil Les Fleurs du Mal, paru en 1857. Il est notamment le poète du spleen, sorte de
mélancolie sans cause apparente, et qui dégoûte de toute chose. « Spleen » est
précisément le nom du poème qui nous occupe ici. Il est inséré dans la partie « Spleen et
Idéal », dans laquelle le poète traite de l’Homme déchiré entre l’aspiration à s’élever et
l’attirance vers la chute.
Titre:
«Spleen» est un mot anglais qui signifiait initialement «rate», puis «bile»; par la suite, le
terme a pris le sens de «mélancolie», «dégoût», «ennui existentiel», sur la base d'anciennes
théories médicales qui localisent la cause du syndrome dépressif dans la rate. Déjà à partir
du simple titre, on peut deviner quel est le thème principal du poème, expression, en fait,
d'un malaise existentiel, d'une incapacité à réagir à un ennui paralysant.
Analyse:
À travers une série d'images suggestives, l'auteur décrit l'état d'esprit de la rate: une
condition intérieure de désespoir, un malaise existentiel, provenant non pas de motivations
particulières, mais de la vie humaine elle-même.
Le texte va comme ceci:
- Les trois premières strophes soulignent avec insistance une situation de malaise; le
premier verset crée déjà un univers oppressant et suffocant, presque un tombeau, qui
devient alors le secret humide du v. 5;
- Dans le quatrième strophe, l'angoisse explose et hurle à l'intérieur du cerveau: une
véritable hallucination auditive remplit le vv. 13-14 (le poète imagine que les cloches,
personnifiées, lancent un énorme cri contre le ciel). Ici se termine la seule période lourde et
solennelle qui occupe les seize premières lignes;
- Le cinquième strophe, enfin, présente la phase suivant la crise dépressive, c'est-à-dire
l'abandon à l'angoisse terrifiante. L'allégorie d'un enterrement (avec une vaincu, espérance,
et un vainqueur, angoisse) vient représenter la défaite finale.
Les mots et les images donnent à la rate le caractère concret d'un mal psychologique et
physique. Le drame est accentué par des symboles très concrets, parfois même macabres.
Dans les trois premières strophes, la rate se reflète dans l'environnement sombre et
pluvieux; il y a un crescendo (augmentation) d'obsessions qui traduisent en termes concrets
une perturbation toujours plus grande. Le crescendo dramatique culmine dans le quatrième
strophe, dans lequel le désespoir semble exploser. Les deux derniers vers scellent la
défaite: l'âme est prisonnière de l'angoisse qui, despotique et sinistre, plante son drapeau
noir sur le crâne du moi lyrique, comme un pirate victorieux plante sa sombre bannière sur
les territoires à peine conquis.
Les fleurs du mal
Les fleurs du mal comprennent 126 poèmes, divisées en 6 parties, le résultat d'un travail
minutieux et patient à la fois dans le style et dans l'ordre de succession, pour être une
œuvre organique. La première section s'intitule Spleen et idéal et le thème principal est le
dualisme psychologique entre l'ennui et l'espoir que l'angoisse de l'homme. Viennent ensuite
les tableaux parisiennes, 17 lyriques sur la métropole dégradée, Le vin, parle des paradis
artificiels des drogues et de l’alcool pour s’évader des limitations du monde puis Les fleurs
du mal, dans lesquelles Baudelaire exprime son rejet décisif de la poésie traditionnelle, à la
recherche d'une nouvelle beauté dans l'ambigu et dans le pécheur. (Ils sont une liste des
illusions perdues d’un homme qui ne trouve nulle part la perfection idéale qui l’appelle
irrésistiblement, de là vient l’ennui qu’est l’angoisse existentielle (spleen) qui rende la vie
insupportable ainsi il se perd dans un labyrinthe de tentations, de souffrances et de laideurs.
Le titre du recueil révèle la tentative de Baudelaire qui voulait extraire la beauté du mal.) La
cinquième section s'intitule Révolte et contient quelques lyriques à caractère religieux, tandis
que la sixième, La mort, considère l'expérience humaine extrême comme un voyage dans
l'inconnu, le nouveau. Baudelaire ne recourt pas au langage descriptif traditionnel, mais
utilise des symboles et des analogies, inspirant le décadentisme et le symbolisme, des
mouvements artistiques qui tentent de dépasser les aspects objectifs de la réalité, à la
recherche de nouveaux chemins, associations, émotions capables de révéler les plus
profonds et mystérieux. de l'existence humaine, que la raison ne sait ni saisir ni exprimer.
Baudelaire est le fondateur de la poésie moderne, il est né à Paris en 1821 et, quand sa
mère se remarie, il quitte sa famille, pour vivre en marge de la société. En 1857 il publie Les
fleurs du mal, et le scandale suscité porte le poète devant le tribunal pour outrage à la
morale publique et il doit éliminer six poèmes en vue de la seconde édition de son chef-
d'œuvre en 1861. En 1862 paraît Le spleen de Paris qu’est formé par des petits poèmes en
prose. L’abus des drogues et le surmenage limitent ses possibilités de travail. Il meurt dans
une maison de santé en 1867.
Sa poésie est la synthèse des deux courants: du Romantisme il garde l’expression du moi,
les émotions fortes, l’ennui et l’aspiration à l’infini, avec le Parnasse il partage la recherche
de la perfection formelle et le culte de la beauté. Dans ce recueil Baudelaire décrit la
condition du poète entre l’ennui et l’angoisse de la vie d’un côté et l’aspiration vers l’idéal de
l’autre.
Pensée:
Baudelaire, avec sa poétique et sa pensée, a toujours été un rebelle en conflit avec le
monde qui l'entoure, avec la médiocrité de la société contemporaine et avec les rêves de
progrès si chers à la société bourgeoise à laquelle il appartient. Son mode de vie, irrégulier
et non conventionnel, était pour lui l'antidote à l'ennui causé par un monde trop ordinaire et
vulgaire. La vérité, cependant, est que précisément la sensualité lubrique dans laquelle le
poète s'est réfugié pour remédier au mal était elle-même une raison de tourment spirituel
encore plus sérieux pour le poète.
À la base de la poésie de Baudelaire, il y a donc la rate, qu'il définit comme un état d'ennui
sombre, de dépression et de dégoût pour le monde dans lequel il vit et, en particulier, pour
la classe moyenne supérieure de la grande métropole moderne. La ville dans son sens
moderne apparaît souvent et volontairement dans ses vers, vécue comme un cauchemar.
L'expérience du poète est marquée par une forte antinomie, cette contradiction perpétuelle
entre le Ciel et l'Enfer. Pour Baudelaire, l'homme a, d'une part, un besoin de spiritualité et
d'élévation, d'une pureté divine; d'un autre côté, cependant, il éprouve toujours cette sombre
attirance pour tout ce qui touche à la décomposition, au mal et au vice.
La poésie de Baudelaire se situe à mi-chemin entre le romantisme et le décadentisme et est
une expérience très lucide de la crise profonde des valeurs contemporaines.
Car règne également une ambiance très pesante, servie par le champ lexical de la
pesanteur : « bas », « lourd », « pèse », « couvercle », etc. En outre, il y a celui de
l’enfermement, ce qui contribue de la même manière à l’oppression du poète : « couvercle »,
« cachot », « prison », « barreaux ».
L’oxymore « jour noir » rajoute au sentiment d’impasse : car si le jour est censé être
lumineux, cet espoir est réduit à néant par l’adjectif qualificatif « noir ».
Enfin, nous pouvons relever le champ lexical de la tristesse, qui qualifie l’état émotionnel du
poète dans le premier quatrain : « gémissant », « longs », « ennuis », « noir », « triste ».
Surtout, le lecteur assiste à la montée en puissance d'un sentiment qui devient totalitaire.
Ainsi, le poète traîne son spleen, qui se diffuse partout, comme le montre l’utilisation des
participes présents, qui renvoient l’idée d’un temps long, qui s’étend : « gémissant », «
battant », « cognant », « embrassant », etc.
Sans issue sonore non plus, car les consonnes explosives, dans les deux vers « S’en va
battant les murs de son aile timide / Et se cognant la tête à des plafonds pourris. » viennent
signifier comment le poète se trouve saoulé par sa propre lassitude. De même pour l’image
des araignées, qui pullulent (avec l'utilisation du mot « peuple ») et tissent une toile dont on
ne peut pas se sortir.
Enfin, on peut également remarquer la manière dont le sentiment se localise dans la tête,
avec les nombreuses références à cette partie du corps : « esprit », « tête », « cerveaux », «
esprits »,« âme », « crâne ».
C’est que le sentiment d’angoisse croît jusqu’à engloutir entièrement le poète.
La rupture
Après la monotonie des trois premiers quatrains, voilà donc trois ruptures qui surgissent :
- rupture syntaxique avec l’apparition de la proposition principale : « Des cloches », qui est le
sujet tant attendu
- rupture structurelle, car le « tout à coup » rompt avec le rythme lancinant des premiers
quatrains
- rupture sonore, avec les allitérations en [t] et en [k] (« cloches » et « coup », « tout » et «
sautent »)
Le déferlement du sentiment
Les champs lexicaux du cri (avec « furie », « affreux », « hurlement ») et du mouvement («
sautant », « lancent », « errants », « sans patrie ») contribuent à accélérer le rythme : le
poète est définitivement cerné, en même temps qu’il semble délirer.
On retrouve ainsi l’allitération en [t] qui mitraille l’esprit du poète. Le poète semble ainsi
impuissant face au sentiment qui le prend « avec furie ».
Surtout, le Spleen triomphe en établissant un silence de mort ; c’est lui qui, avec le noir,
règne, « sans tambour ni musique ».
Néanmoins, le lecteur attentif remarquera que le dernier quatrain recèle des références
théâtrales, avec les allégories de l’Espoir et de l’Angoisse, et le poète qui décrit le corps
funèbre comme une scène mentale.