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Les Fleurs Du Mal - Alchimie poétique : La Boue et L’Or

Lecture Linéaire 2 – 12/20

Spleen IV – Charles BAUDELAIRE


 Charles Baudelaire est un poète français bourgeois. Il ne supporte pas le remariage de sa
mère et fréquentera de nombreuses femmes. Il s’adonnera a l’alcool, la paresse et la luxure.
 Les Fleurs du Mal est un recueil de poème qui a pour thèmes le « ailleurs », le voyage ou
encore l’exotisme. Ce recueil a été condamné pour immoralité en 1857, censurée partiellement ce qui
le rendra malheureux, car il se sentira incompris
 Ce poème est le quatrième de la série des « Spleen » présente dans la section « Spleen et
Idéal ». Il exprime ainsi l’apogée de la souffrance et le constat de l’échec. Formé de cinq quatrains, il
présente de façon imagée les manifestations successives d’un mal physique et d’une profonde
souffrance intérieure : le spleen. La structure du texte rend compte de la montée progressive de
l’horreur et du désespoir.
Donc, comment ce poème rend-il compte du spleen baudelairien ?
(Lecture)
Nous pouvons distinguer 2 mouvements :
- Strophe 1 à 3 : Un emprisonnement et enfermement progressif
- Strophe 4 à 5 : La défaite : l'enfoncement dans l'angoisse et la folie

 1e mvt (strophe 1 à 3) : Un emprisonnement et enfermement progressif

 Strophe 1 : Un double mouvement de rétrécissement


- Par le CCT « Quant le ciel bas et lourd » (v.1) qui ouvre le poème, le poète semble écrasé par le
monde qui pèse sur lui.
- La comparaison « comme un couvercle » permet de visualiser le sentiment d'enfermement et insiste
sur le lien entre l'extérieur « le ciel » et l'intérieur « un couvercle » et accentue le sentiment
d'étouffement. L'immensité du ciel semble prise en étau, et dégage un sentiment de claustrophobie.
- Le présent « pèse » (v.1) à une valeur d'action répétitive ou générale qui vient accentuer le
sentiment de mal être. Et la personnification « l'esprit gémissant » (v.2) permet à caractériser l'esprit
par sa situation de victime « en proie ».
- Par les termes péjoratifs « longs ennuis » (v.2) et participe passé « gémissant » (v.2) le poète
apparaît comme vulnérable et inactif il n'est pas le sujet des verbes, il semble subir ce qui lui arrive.
- La conjonction de coordination « Et » (v.3) marque l'accumulation.
- Les termes qui s'opposent « horizon »/« cercle » (v.3) « le ciel »/« pèse » (v.1) marque une
aggravation dans le sentiment d'emprisonnement.
- L'oxymore « jour noir » (v.4), a la sensation physique de pesanteur, ajoute l'aveuglement dû à
l'obscurité. La vie du poète apparaît alors comme sombre et triste.
- Le comparatif hyperbolique « plus triste que les nuits » (v.4) insiste sur le sentiment de mal être
moral, au sentiment d'engloutissement, de claustration. L'enfermement est donc total.
 Strophe 2 : L'espérance emprisonnée
- L’anaphore « Quand la terre » (v.5) « Quand le ciel » (v.) permet de faire un passage d'un univers
céleste à un univers terrestre. Procédé d'insistance qui rend compte d'un emprisonnement croissant.
Les Fleurs Du Mal - Alchimie poétique : La Boue et L’Or
Lecture Linéaire 2 – 12/20

- Le champ lexical de l’emprisonnement « un cachot humide » (v.5) + les adjectifs péjoratifs donnent
l'impression que la terre se « change » en un espace fermé, asphyxiant et désagréable. Le poète
participe à représenter les circonstances extérieures qui suscitent le spleen.
- L’allégorie de « l'Espérance » (v.6) et verbe exprimant la lutte « s'en va battant » « se cognant »
(v.l,8) décrit l'espérance dans une situation de lutte pour regagner sa liberté. Mais par les termes « les
murs » (v.6) « plafonds pourris » (v.7) cette lutte s'avère inutile et l'espérance « se cogne » contre des
obstacles.
- La comparaison « comme une chauve-souris / S'en va battant les murs de son aile timide / Et se
cognant la tête à des plafonds pourris » (v.6-8) donne l'image de l'impossibilité de se sortir de cette
situation, montrant que le poète perd espoir.
 Strophe 3 : L'aggravation cauchemardesque
- L’anaphore « Quand la pluie » (v.9) « Quand la terre » (v.5) « Quand le ciel » (v.1) souligne une
nouvelle étape dans le sentiment d'emprisonnement du poète.
- La référence de « la pluie » (v.9) prolonge l'image météorologique d'un ciel pesant. Elle contribue
encore à la description d'un paysage triste, mélancolique et marqué par le spleen
- L’enjambement « Quand la pluie étalant ses immenses traînées / D'une vaste prison imite les
barreaux » (v.9-10) accentue l'image des « immenses traînées ».
- Le champ lexical de l'emprisonnement « vaste prison » (v.10) « barreaux » (v.10) renforce l'idée
d'emprisonnement déjà exprimé dans la strophe 2.
- Par la métaphore du spleen « Et qu'un peuple muet d'infantes araignées / Vient tendre ses filets au
fond de nos cerveaux » le poète se sent pris au piège, comme les araignées qui tissent leur toile, la
mélancolie envahit l'esprit du poète.
- L’expression « au fond de nos cerveaux » (v.12) donne l'impression d'étouffement n'est plus
seulement physique mais également morale.
 Ce premier mouvement rend compte d'une étroite imbrication entre l'extérieur générateur
de malaise physique et l'état d'âme du poète. Finalement, le spleen touche à la fois le corps, l'esprit et
l'âme. Il s'empare complétement du poète et le plonge dans un état qui semble sans retour.

 Deuxième mouvement (strophes 4 et 5) : La défaite : l'enfoncement dans l'angoisse et la


folie

 Strophe 4 : L'apogée de la crise


- La proposition principale dont les trois strophes précédentes constituaient des subordonnées
circonstancielles de temps. Or ici « Des cloches tout à coup sautent avec furie » (v.13) la proposition
principale marque le déclenchement de la crise.
- L’adverbe de temps « tout à coup » (v.13) insiste sur la brutalité du déchainement.
- Les verbes d'action « sautent » (v. 13), « lancent » (v.14) renforcent l'idée de brutalité et indiquent
une intensité croissante dans la souffrance.
- Le champ lexical de l'horreur « affreux » (v.14). « geindre » (v.16), « opiniâtrement » (v.16) insiste
sur le caractère quasi hystérique de la scène : horreur du bruit, surprise, mouvement incontrôlé.
- La comparaison des cloches à l'esprit « Ainsi que des esprits errants et sans patrie » (v.15) témoigne
une fusion entre le physique et le moral.
 Baudelaire se révolte contre sa souffrance, contre lui-même, contre le ciel, contre le destin.
Les Fleurs Du Mal - Alchimie poétique : La Boue et L’Or
Lecture Linéaire 2 – 12/20

 Strophe 5 : L'apaisement définitif


- La conjonction de coordination « Et » (v.17) témoigne d'un aboutissement, d'une prise de
conscience de l'échec définitif.
- Le terme « corbillards » (v.17), la négation « sans tambours ni musique » (v.17) et l’adverbe
« lentement » (v.18) donne une image d'un cortège funèbre au rythme lent et régulier.
- L’opposition allégorique « l'Espoir, / Vaincu, Leur » (v.18-19) « l'Angoisse atroce, despotique, / (..)
plante » (v.19-20) par les majuscules + les verbes d'action, présente L'Espoir et l'Angoisse comme
deux combattants qui luttent dans l'esprit du poète.
- CCL « sur mon crâne incliné » (v.20) marque l'inaction du poète qui reste passif et abdique face à
l'angoisse. Mais sa position traduit en quelque sorte la défaite, l'échec.
- La métaphore du triomphe « plante son drapeau noir » (v.20) pose une image de la conquête, tel un
pirate, qui rend bien compte de la victoire de l'Angoisse sur l'Espoir et sur le poète.
- Le passage du déterminant possessif pluriel « nos cerveaux » (v.12) au déterminant possessif
singulier « mon crâne » (v.20) « mon âme » (v.18) marque une libération et apaisement du poète qui
semble se sentir enfin lui-même.
 L'esprit du poète semble perdu dans un déchaînement des images qui mènent au tragique
et l'âme devient un lieu de deuil et de résignation.

Le combat entre l'Espoir et l'Angoisse montre le déchirement sentimental auquel est en proie
Baudelaire. Ce déchirement conduit à la souffrance poète est en proie au spleen, il est prisonnier de
son esprit. L'issue de ce combat semble inévitable l'espérance est vaine, la seule solution à la
souffrance serait la mort, seule capable d'apporter la délivrance. L'horreur qui ressort de ce poème
permet de cerner avec réalisme la notion de spleen. On comprend alors que le spleen est un mal à la
fois physique, moral et métaphysique (incapacité de l'homme à trouver un sens à sa vie).
La section « Mort » des Fleurs du Mal qui exprime cette évolution vers la mort. Ce malaise
existentiel se trouve aussi dans Fusées de Baudelaire, par une série de visions terrorisantes : « Au
moral comme au physique, j'ai toujours eu la sensation du gouffre, non seulement du gouffre du
sommeil, mais du gouffre de l'action, du rêve, du souvenir, du désir, du regret, du remords, du beau,
du nombre, etc. » comme le confesse Baudelaire lui-même.

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