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Manon Lescaut : personnage en marge, plaisirs du romanesque

Lecture Linéaire 3 – 3/20

L’arnaque – L’abbé Prevost


 L'abbé Prévost, de son vrai nom Antoine François Prévost d'Exiles, est un homme d'Église
français né en 1697 et mort en 1763. C'est un romancier qui fut tour à tour lié à l'Église, puis enrôlé
dans l'armée. Il a connu l’amour passionnel, les dettes et même l’exile.
 Plusieurs de ces éléments ont eu un rôle dans la genèse de son chef d’œuvre, le roman
mémoire intitulé L’histoire du chevalier de Des Grieux et de Manon Lescaut, abrégé ensuite en
Manon Lescaut. Un ouvrage qui tient à la fois de la tragédie classique et du romanesque.
 L’extrait se situe dans la première partie du roman, après que Lescaut, le frère de Manon
propose au couple d'escroquer un vieil homme, ils organisent donc un souper : le vieillard offre à
Manon de magnifiques bijoux et la moitié de sa pension.
(Lecture)
Pb : Comment le narrateur nous présente-t-il son escroquerie comme une petite scène
amusante ?
Nous pouvons distinguer 4 mouvements :
- La mise en place du stratagème
- La comique autour d’un barbon ridiculisé
- La réussite de jeu de dupe plein de suspense
- Une fin dramatise par les personnages

 1e mvt : La mise en place du stratagème


- Dès le début, le lecteur est mis au courant du plan élaboré par ML, son frère et DG, grâce à
l’indication temporelle du début de la phrase « L’heure », et spatiale « la salle ».
- L’aristocrate « offre » des cadeaux à ML, dont l’abondance est mise en valeur par une énumération
« collier » « bracelets » « pendants de perles ».
- Les précisions sur les sommes en jeu « deux mille quatre cent » et l’emploie des verbes « compter »
et « valaient » donne l’impression qu’il s’agit d’une transaction entre une courtisane et un noble.
- « L’argent » vient en paiement « baisers » montre que ML a l’habitude à ce jeu. Mais la phrase
négative « ne peut lui refuser quelques baisers » marque la subjectivité de DG qui lui fait préférer
cette négation pour se rassurer sur les sentiments de celle qu’il aime.
 DG présente la mise en scène de la duperie comme une simple galanterie de libertin, non pas
un discours séducteur. Or cela se transforme en une ridiculisation du barbon.

 2e mvt : La comique autour d’un barbon ridiculisé


- Le mot « compliment » est détourné de son sens premier afin de ridiculiser le barbon en présentant
sa séduction en trois étapes: « Le premier compliment fut » « Il lui compta ensuite » « Il assaisonna
».
- La précision du mot « quantité » montre que les paroles du vieillard n’est là que pour mettre en
valeur la quantité de cadeaux.
- Le trio maitrise bien son arnaque à la perfection dont Lescaut apparaît en maître du jeu.
Manon Lescaut : personnage en marge, plaisirs du romanesque
Lecture Linéaire 3 – 3/20

 Le participe présent « attendant que Lescaut m’avertit d’entrer » et le passé simple « il vint
me prendre par la main » montre que c’est lui qui a préparé tout le plan.
 Il a déjà parler de DG au vieillard en le faisant passer comme un petit frère « vous aurez
l’honneur de voire ici souvent » « faites bien votre profit d’un si bon modèle ».
- L. fait un court éloge de DG comme un « enfant fort neuf » afin de rendre leur mensonge plus
crédible.
- La périphrase « le vieil amant » nous fait penser comme si c’est une scène de comédie.
 La maîtrise de ce trio semble être à leur avantage. Le vieil aristocrate semble tomber dans leur
piège et croire vraiment ce que l’on raconte dirigeant au succès de l’arnaque

 3e mvt : La réussite de jeu de dupe plain de suspense


- Le ridicule du barbon semble avoir une affection envers DG comme l’exprime le passé simple « me
donna deux ou trois petits coups à la joue » et le vocabulaire appréciatif « joli garçon ».
- Lescaut insiste sur la sagesse du faux « écolier » « naturellement si sage » d’être un « prêtre ». Il
joue encore sur l’expression « faire petites chapelles »: Le pluriel invite à croire à une sens propre
dont il faut comprendre que DG participe à la construction de chapelle. Mais l’expression singulière,
« faire petite chapelle » possède deux sens figurées : le premier est se mettre à part, le deuxième est
de s’exhiber de façon impudique.
- Le discours direct « je lui trouve l’aire de Manon » montre que le barbon croit vraiment voir un air
de famille entre eux : au lieu de constater les différences physiques entre les deux amants, et conclure
qu’on lui ment même s’il a haussé « le menton avec la main » pour vérifier, ce qui dissipe le
suspense.
- Le chevalier se met à parler dont ses paroles à double sens « nos deux chairs se touche de bien
proche » « j’aime ma sœur Manon comme un autre moi-même » dissimulent une allusion des liens
familiaux.
- L’interrogative « l’entendez-vous ? », l’impérative « voyez » et la déclarative « cela est admirable
par un enfant de province » montre que cela n’éveille chez lui qu’une surprise émerveillée.

 Tout en rendant le vieil aristocrate plus ridicule, l’efficacité de trio est mise en danger dès
que ses membres laissent de parler leur caractère a part Lescaut qui agit de façon pragmatique.

 4e mvt : le suspense menaçant l’arnaque


- ML montre une absence de maitrise de soi, que le passé simple « fut » implique le suspense de
« gâter tout par ses éclats de rire ».
- DG reprend la parole, l’imparfait « menaçait » « tremblaient » désignant ML et son frère, montre
son « mauvais sort » et leur peur de gâter l’arnaque.
- L’extrait finit par une interpellation au lecteur « vous verrez » ainsi que la négation « ce n’est pas
sans raison que je me suis étendu sur cette ridicule scène » qui dissipe la curiosité de la suite du récit.

La scène est théâtralisée par les jeux de duperie qui sont mis en scène, afin de montrer le
caractère calculateur et dissimulateur sans aucune considération de moral. Il y a même du comique à
Manon Lescaut : personnage en marge, plaisirs du romanesque
Lecture Linéaire 3 – 3/20

voir à quel point ses deux complices ont mis un plan si bien réglé. Ils prennent comptent seulement
sur l’argent et le paraître en société.
On peut s’intéresser à la tragédie grecque traditionnelle d’Eschyle Prométhée enchaîné.
Après le soulèvement de Zeus contre son père Cronos, et la guerre qui s'ensuivit, Zeus assoit sa
puissance et réduit à néant tous ses opposants. Prométhée, le « prévoyant », avait d'abord conseillé
aux Titans d'utiliser la ruse, car il savait que seule celle-ci amènerait la victoire.

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