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SEQUENCE 3 : LE RECIT DU MOYEN AGE AU XXIème


Manon Lescaut (1730), l'Abbé Prévost
TEXTES EN ETUDE LINEAIRE .

Etude linéaire n°6: L'Abbé Prévost (1697-1763),Manon Lescaut, 1730, 1ère partie,« J'avais
marqué le temps de mon départ••• tous ses malheurs et les miens. » 1.

'

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas! que':ne le marquais-je un jour plus
tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais
'
quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le
coche d'Arras, et nous le suivîmes par curiosité jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent.
5 Nous n'avions point d'autre motif que de savoir de quelles persom:ies il était rempli. ll en sortit
quelques femmes qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seuie dans la
cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait
pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante', que moi, qui n'avais jamais
pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le
10 monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport.
J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter; mais loin d'être arrêté alors par
cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que
moi, elle reçut le compliment honnête que je lui fis sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce
qui l'amenait à Amiens, et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit
15 ingénument, qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si
éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je reganlai ce dessein comme un coup
mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle
était bien plus expérimenté que moi: c'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter
sans doute son penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré, et qui a causé dans la suite tous ses
20 malheurs et les miens.

Question de grammaire :

1. Analysez la structure syntaxique de la phrase suivante :


« Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut le compliment honnête que je lui fis sans
paraître embarrassée. » (1. 13-14)

2. Analysez la valeur des temps du passé de la ligne 5 à Il : « ll en sortit...jusqu'au transport. »


~équence 3/0bjet d'étude ~Le roman du XVIIIème siècle au XXIème siècle
Œuvre intégrale :Abbé Prévost, Manon Lescaut, 1731. '1

Explication linéaire n°6 : Scène 12, Acte III («J'avais marqué le temps tk nwn départ d'Amiens ( ...) qui
a cansé dans la suite tous ses malheurs et les miens.») '

INTRODUCTION :

1. Présentation de l'auteur et du texte dans son objet d'étude et son contexte ; unité du passage
choisi:

Auteur/époque: Ordonné prêtre en 1726, l'Abbé Prévost (1697-1763) mène une existence
mouvementée, partagée entre l'aspiration à la discipline religieuse et le goût de l'aventure. Ses
démêlés avec la justice le poussent plusieurs fuis à fuir en Angleterre et en Hollande. Traducteur de
romans anglais, journaliste, il est l'un des romanciers les plus féconds et les plus célèbres du XVIIIe
siècle, connu surtout de nos jours pour son roman Manon Lescaut.
Œuvre: Le roman de l'abbé Prévost, connu aujourd'hui sous le titre de Manon Lescaut, s'intitulait
lors de sa première parution en 1731 Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, et formait
le tome VII d'un ensemble plus vaste, Mémoires d'un homme de qua~ité. ll s'inscrit dans le contexte
philosophique des Lumières et reflète les caractéristiques du roman du ;xviiie siècle où l'on privilégie
l' aualyse des sentiments et le reflet de la réalité. Publié clandestinement en France en 1731 et frappé
par la ceusure, il devient rapidement un succès public notamment en niison de la réputation sulfureuse
de son hérome éponyme. Le roman nous raconte en effet la passion tragique d'un jeune homme, issu
de la noblesse et qui se destinait à une carrière religieuse, le chevilier Des Orieux pour Mauon
Lescaut, une jeune fille d'origine modeste, qui use de sa beauté pour se faire entretenir par des
hommes riches.
Situation de l'extrait : Le passage étudié se situe au début du récit que DG fait au marquis de
Renoncour, « l'homme de qualité }}, qui le retranscrit fidèlement pour son lecteur. Dans les pages qui
précèdent, le marquis a raconté ses deux rencontres avec le chevalier, à deux ans d'intervalle. Lors de
la première, à Pacy, DG suivait un convoi qui transportait jusqu'au Havre sa maîtresse et d'autres filles
de joie condamnées à être déportées en Amérique et le marquis, ému, l'avait secouru financièrement.
Lors de la 2• rencontre à Calais, le jeune homme de retour seul de Louisiane, et par gratitude envers le
marquis entreprend de lui raconter son histoire. DG commence donc pàr préciser les circonstances de
sa rencontre avec Manon : âgé de 17 ans, ayaut terminé ses études de philosophie à Amiens il
s'apprête à retourner chez son père. C'est alors qu'il voit Manon pour la 1ère fois. ll s'agit là d'un topos
du récit romanesque : la scène de première rencontre donue lieu à un coup de foudre. Cependant cette
simplicité est trompeuse car il s'agit d'un récit rétrospectif accompagné des commentaires d'un DG
beaucoup plus mûr, conscient de ses erreurs et assombri par le malheur.

2. Lecture: Insister sur l'émotion de DG racontant à Renoncour sa prelnière rencontre avec celle qui
va devenir « la maîtresse de [s]on cœur ». l,

Projet de lecture : Comment coexistent dans le texte deux points ~e vue, celui du DG de 17
ans, et celui du DG de 22 ans ? Comment le regard du DG actuel in~uence-t-illa narration, et
donc le lecteur pour faire de cette rencontre un élément fondateur qui bouleverse sa vie ?

LESMOlNEMENTS : 1

~ L.I-6: Le cadre réaliste d'une curieuse rencontre


~ L.6-12 : Un coup de foudre
~ L.l2-20: L'emprise de Mauon
Etude du 1" mouvement: le cadre réaliste d'une curieuse rencontre (L. 1-6: «J'avais marqué ...
aussitôt»)

L. 1-2:
1) Des Grieux évoque au plus-que-pa.rfu.it sa décision de quitter Amiens, ce qui confère à ce récit un
certain réalisme, la valeur d'anticipation du verbe «marquer» donnant à deviner une existence
réglée, avec un projet, et la mention d'Amiens situant ce projet dans une ville connue.
2) Cependant la deuxième phrase module ces propos en une exclamation tragique avec l'interjection
« hélas », le double point d'exclamation et la formule littéraire avec inversion du sujet « que ne le
marquais-je ». Cette prolepse est une déploration, un regret qui pique la curiosité du lecteur.
3) L'annonce aussi du ton général du récit dans lequel le chevalier souvent se plaindra a posteriori
de n'avoir pas pris les bonnes décisions ou d'être le jouet d'nn destin contraire.
4) La suite de la phrase au conditionnel passé «j'aurais porté », irréel du passé, peint une autre vie
qui convoque son père et son innocence, la figure d'autorité étant liée à une moralité irréprochable.
On pent dès lors augurer de mauvaises relations dans la suite du récit avec son père.

L. 2-4
1) Si cette scène est celle d'une rencontre amoureuse, elle est peut-être avant tout celle d'une entrée
dans le contraire de l'innocence, dans le vice donc. Le CCT qui suit «la veille même de ... »
témoigne à nouveau d'une volonté d'inscrire le récit dans une vérité temporelle.
2) L'évocation toute« innocente» d'une promenade avec un ami, le participe présent« étant à me
promener »faisant durer dans le temps ce moment. L'entrée dans le récit est marquée par les deux
passés simples « vîmes »1 « suivîmes » dont le sujet commun « nous » témoigne là encore de
l':ililnocence du fait : Tiberge et Des Orieux étaient deux jeunes hommes tranquilles et curieux, et
l'arrivée d'un coche, un spectacle anodin.
3) 2° précision géographique réaliste avec la mention de la ville d'Arras.

L. 5-6:
l) La phrase suivante sonne comme une justification, un déni de culpabilité : la négation restrictive
« ne ... que »implique que la seule « curiosité »n'est pas un péché. C'est un moyen habile d'allumer
celle du lecteur qui apprend que cette voiture abritait « quelques fennnes », formule vague qui
indifférencie ces personnes, des figurantes donc, préparant l'arrivée de l'actrice principale.
2) Des Grieux n'est pas particulièrement intéressé par les fennnes de cet attelage.

Bilan : Ce premier mouvement propose donc une mise en scène efficace puisqu'il dresse un cadre
réaliste et amène le lecteur à se demander comment la vie d'un innocent va être bouleversée.

Etude du 2e mouvement: Un coup de foudre (L. 6-12 «Mais il en resta une ... de mon cœur»).

L. 6-8:
1) Le 2° mouvement s'ouvre par la conjonction adversative «Mais>> qui prépare l'apparition de
l'héroïne. La formule impersonnelle «il en resta une » donne l'impression qu'elle vient de nulle
part, détachée du monde, c'est une véritable apparition avec ce que le mot connote de magie. Cette
1ere apparition de Manon face à DG répète de manière prémonitoire les circonstances de la rencontre
de Renoncour avec la jeune fennne, enchaînée aux autres prostituées et croisées à Pacy. Là aussi,
Manon se distingnait du groupe et éclipser ses compagnes d'infortune ...
2) La singularité du pronom « une » s'oppose an collectif« quelques femmes ». Si ces dernières ont
vite disparu du champ de vision de DG, la jeune fille, seule, retient aussitôt son attention. Seule
caractérisation : sa grande jeunesse. Des Grieux ne souhaite-t-il pas ici amadouer le destinataire de
son récit en sous-entendant que, encore plus jeune que lui, Manon n'était pas entièrement
1

responsable de ce qui arriva par la suite ? i

3) La proposition relative« qui s'arrêta seule dans la cour» liée à Jaijeune fille met en valeur son
isolement, la plaçant « seule dans la cour »,.comme le personnage prirlcipal sur une scène.
4) Le mystère de Manon commence·ÎCÎ, avec cette singularité, mais aussi avec l'évocation de
l'homme âgé qui l'accompagne et dont le verbe modalisateur « par4issait »montre que l'on peut
s'interroger sur le statut, d'aillems jamais élucidé. Cela pose aussi la question du statut social de
Manon: pourquoi aurait-elle un serviteur, qui plus est empressé (« s1empressait »), à la différence
des autres femmes ? Son bagage même semble particulier, seul an milieu des «paniers )). Les autres
femmes n'avaient-elles pas de bagages? ·

L. 8-10:
1) La phrase suivante, longue et complexe, est un retour sur Des Grietix qui s'étend sur son coup de
foudre. Les pronoms de Pl saturent ce passage avec cinq occurrences. i
2) L'image de Manon semble s'imprimer en lui « elle me parut )), le N-erbe paraître montrant qu'il
s'agit avant tout d'un bQuleversement physique, l'adjectif« charmante!)) étant à prendre ici dans son
sens étymologique d'« envoûtante». Sa simple vue crée un véritable s~isme en lui.
3) Le pronom tonique «moi >>répété, comme pour marquer l'étrangeté du fait. Suivi de trois PSR
qui dressent le portrait d'un pur innocent avec deux hyperboles« n'avais jamais pensé à ... avec un
peu d'attention»: les deux premières, relatives s'enchaînent év~ un Des Orieux asexué qui
n'aurait même jamais porté son regard sur une fille.·Mais le narrateur tient à se défendre par avance
en interrompant la suite attendue, par une reprise du pronom « moi ;) ~vi d'une proposition incise
« dis-je » qui modalise le propos en insistant sur le fuit qu'il croit absoljllnent ce qu'il dit.
4) Ce jeune homme était un parangon de pureté, pour qui les femmes n'existaient pas. Ici encore
c'est sa naïveté qui est pointée. S'ensuit dans la3° relative un autopoi:trait de lui-même vu par les
yeux des autres avec ici aussi une hyperbole « tout le monde »à la mesure de son innocence.
5) La << sagesse » et la << retenue »caractérisaient donc le chevalier, deu:k vertus anéanties dans la fin
de la· phrase et sa métaphore « enflammé ». La locution adve~e « tout à coup » signale
l'instantanéité du coup de fuudre et Des Orieux semble être alors la proie des flammes de l'enfer.
6) Le CCM qui clôt la phrase «jusqu'au transport » annonce la sens~té dévorante qui sera alors
la sienne en présence de Manon, car il s'agit là de manifestations physiques autant que morales.

L. 10-12:
1) Enfin, cette rencontre provoque un changement de comportement puisque l'aven qu'il fuit de son
défaut «excessivement timide »est démenti par son attitude. Notons qtle le seul défaut de DG n'en
est pas un, ce qui est encore ici un moyen de se rehausser aux yeux de s~n auditeur.
2) La singularité de son attitode en présence de Manon est annoncée plir la conjonction adversative
«mais )} et préparée par le CC d'opposition «loin d'être ... faiblesse». Ici renversement des
v~eurs: sa ~dité étant_une fuiblesse, donc un défaut, le fuit que la 'ji~ de Manon !'~traîne_ à la
depasser peut être compns comme un geste valeureux, DG renouant 1c1 avec un certain espnt de
noblesse. · · 1

3) Le passé simple·« je m'avançai ;; signale le début des aventures, et la trenphrase «la maîtresse de
mon cœur» installe Manon dans la vie de Des Orieux qui, vaincu par l'amour, devient la victime de
la beauté de la jeune fille. L'emprise de celle-ci est totale. \ ·

Bilan: Dans ce 2° mouvement DG raconte le coup de foudre dont il esll'objet mais prépare aussi
son auditeur à pardonner ses errements en dressant un portrait positif de deux jeunes gens innocents.
1
Etude du 3e mouvement: L'emprise de Manon (L. 12-20: «Quoiqu'elle fût ... et les miens»)

L. 12-13:
1) Le 3° mouvement s'ouvre sur une PS conj. d'opposition qui affirme l'extrême jeunesse des deux
protagonistes, en portant l'attention sur Manon alors sujet de la plupart des verbes : elle devient
bien le personnage principal dans la vie de DG.
2) Ce qui frappe d'abord en elle, c'est un manque: l'embarras. Le verbe« paraître» laisse planer
un mystère sur la psychologie de la jeune femme. DG semble ainsi déjà vouloir inciter sur
l'expérience de la jeune fille en matière de séduction : M paraît habituée à être accostée de la sorte
par uo inconnu. On peut peut-être voir là aussi une critique masquée, uoe volonté de se dédouaner
un peu en faisant porter la faute sur M : une jeune fille comme il faut aurait dü être embarrassée, M
était-elle pervertie ?

L. 13-15:
1) Le passage au discours indirect qui suit est tout à fait banal, DG se renseignant sur les
circonstances de la présence de Manon, et notannnent sur les connaissances qu'elle pourrait avoir
en ville.
2) On peut cependant penser que DG prépare le terrain à son idylle, en vérifiant qu'elle n'a pas
d'attache qui pourrait la retenir.
3) Or Manon ne semble pas répondre à la question. De plus, l'adverbe «ingénument» qui
caractérise au début de la phrase sa prise de parole peut sembler suspect: est-ce une posture? est-
elle déjà en train de jouer le rôle de la jeune fille innocente ?
4) Manon, sujet d'une phrase passive: «elle y était envoyée >> dont le complément d'agent est « ses
parents », ce qui devrait freiner les ardeurs de DG d'autant plus qu'elle est destinée à devenir
religieuse.

L.l5-17:
1) Mais DG avoue déjà être gnidé par l'amour, sujet du verbe «rendait» dont il est l'objet «me >> :
c'est presque une allégorie, DGn'estplus maître de lui, victime d'une fatalité amoureuse.
2) L'adj «éclairé» exprime un bouleversement qui tient du prodige, DG a acquis une forme de
connaissance instantanée, il est immédiatement « déniaisé >>, la rapidité du changement étant
perceptible à travers les 2 CCT «déjà »et« depuis uo moment que ». ll n'aura fallu que ce moment
pour qu'il remette en question la voie religieuse que Manon allait prendre.
3) La fin de la phrase continue dans un registre de tragédie avec l'évocation du «dessein» des
parents qui est un« coup mortel», hyperbole qui recentre le propos sur lui. Dès cette rencontre, la
vie de DG est suspendue au destin de Manon. Ce sont ses« désirs» qui sont enjeu et l'on peut
s'interroger sur ce que le mot recouvre car le pluriel oriente la signification vers le physique autant
que le moral.

L. 17-20:
1) Le discours narrativisé qui suit «je lui parlais » évoque non pas un objet précis de discours, mais
une manière, « d'uoe manière qui lui fit comprendre ». Périphrase bien vague que Manon semble
déchiffrer sans problème comme le souligne la conj de coordination « car » qui en explicite la
cause : son expérience.
2) L'adjectif« expérimentée» a une connotation franchement sexuelle, Manon serait uoe femme
expérimentée et non une jeune fille vertueuse.
3) D'ailleurs la proposition qui suit au discours indirect libre introduite par les 2 points qui ont aussi
une valeur explicative, laisse penser que Manon elle-même a prononcé l'expression« penchant au
plaisir » qui ne laisse plus de doute sur son expérience.
,
1
4) Elle n'a aucune envie d'aller s'enfermer au couvent, c'est un vagrni pronom indéfini «on» qui
l'y envoie, et son désaccord est exprimé par la fornmle empbaiique « c'~tait malgré elle qu' ... ».
5) Cependant l'adv :modalisaieur « sans doute » floute le propos: signifie-t-il qu'il ne s'agit en
réalité que de l'interprétation de DG, et que dans ce cas, Manon n'aurait rien dit de tel?
6) Les deux PSR qui suivent caractérisent et donc confinneut cette dorlnée. La première évoque un
passé amoureux pour Manon dans une formule étonnante, presque mé~cale « s'était déjà déclaré ».
Ce passé sensuel de Manon serait une maladie, une tare, ou une sorte de « fatwn » qui provoquera
un avenir funeste pour les deux jeunes gens. dans une formule tragique « tous ses malheurs et les
miens » qui lie le sort des protagonistes. Mais sont-ils responsables, l'ui l' o~et de l'amour contre
lequel on ne peut rien, elle soumise à une nature profonde? Tous ces',malheurs ont pour cause ce
penchant précoce et non DG lui-même.

Bilan: Manon parait ici nimbée d'un certain mystère annonciateur de'; la suite, DG n'étant jamais
catégorique sur ses motivations. DG raconte cette histoire à un « hoiiDiie de qualité » qu'il souhaite
sinon séduire, du moins convaincre de la pureté de son cœur. Le récit montre ainsi deux destins
fatalement et inextricablement liés. '

Conclusion
1) Bilan : Le narrateur semble revivre tous les détails de sa premièrl: rencontre avec Manon et
retrouver intacte son émotion d'alors. Cependant, ilia voile d'une omb~ tragique par des allusions
aux malheurs futurs. TI a tendance à se présenter en victime de la fatalité ou dominé par l'amour. Sa
façon d'évoquer Manon témoigne de l'attrait qu'elle a exercé sur lui et ~ela difficulté qu'il a eue à
la comprendre, puisque la vision qu'il donne d'elle demeure ambigu~. Le topos de la scène de
première rencontre est ici entièrement renouvelé. Elle se dérouie dans ~ cadre sans prestige, ancré
dans la réalité d'une cour d'auberge où stationnent les diligences les c0ches, mais un lieu propice
aux voyages, aux fuites, qui fait la part de belles aventures de hasard. L~s rôles sont inversés : c'est
le jeune homme qui est ingénu, tandis que la jeune fille ne semble guère naive. La dimension
sensuelle de l'amour n'est pas masquée: c'est une attirance physique i!répressible qu'éprouve des
Grieux. Par ailleurs, chose étonnante pour une 1ère rencontre racontée selon le point de vue du futur
amant: la jeune fille n'est absolument pas décrite, transformant déjà Manon en fantasme pour un
lecteur bien obligé d'imaginer sa propre Manon. Enfin, avec Manon app8.raît un type d'héroïne tout
à fait nouveau dont le pouvoir de séduction est détaché du prestige social. et de la perfection morale
puisqu'elle est de condition modeste et présentée comme peu vertueuse. ,
2) Ouverture : Cette rencontre va provoquer une rupture dans le destin tout tracé des deux
protagonistes. Alors que la carrière ecclésiastique de DG semblait toute tracée, il décide de tout
abandonner, études, famille, carrière, pour suivre la «maîtresse de (~)on cœur ». Manon, elle,
décide de désobéir à l'autorité parentale en refusant d'être enfermée dans', un couvent Tous les deux
par ce nouveau départ, échappent à l'ordinaire et à la nonne sociale, s'~lançant dans une aventure
romanesque qui promet déjà d'être riche en rebondissements et péripétirs. Dès le seuil du roman,
les deux héros font ainsi le choix de la marge pour le plus grand plaisir de~ lecteurs...
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