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EAF,

Session 2024, Voie Générale

Récapitulatif des œuvres et des textes étudiés durant la classe de Première

Établissement et ville : Groupe Scolaire René Descartes,

Tunis. Nom et prénom de l’élève :

Classe : 1G E et F

Nom du professeur : Mme DAHMANI

ŒUVRE CHOISIE PAR LE CANDIDAT pour la 2ème partie de


l’épreuve : Objet d’étude :
Auteur et titre :
Informations à l’attention de l’examinateur relatives au parcours du
candidat (absences, maladie, changement d’établissement, horaire
incomplet, …) :

Signature du professeur : Signature et cachet du Chef d’Établissement :

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EAF session 2023 voie générale


EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve
Séquence 1 : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

Œuvre intégrale : Prévost, Manon Lescaut (1753)


Parcours associé : Personnages en marge
et plaisirs du romanesque
Lecture Cursive : Le bal des folles de Mas

Texte n°1 : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731), Le récit de la


rencontre entre Manon et le Chevalier Des Grieux.
De “J’avais marqué le temps” à “tous ses malheurs et les miens”.

Texte n°2 : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731), La lettre


de Manon. De “Enfin, n’étant plus le maître” à “de la jalousie et
de la
honte”.

Texte n°3 : L’Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731), La mort de


Manon. De “Pardonnez, si j’achève” à “la mener jamais plus
heureuse”.

Texte n°4 : Laclos, Les Liaisons dangereuses (1782),“Lettre


81”. De “Mais moi, qu’ai-je de commun” à “quelquefois si
étonné”.

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EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve
Séquence 2 : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle

Œuvre intégrale : Jean de La Bruyère, Les Caractères (Livres V


à X) Parcours associé : La Comédie sociale.
Lecture Cursive : Voltaire , Le Monde comme il va (1748)

Texte n°1 : Nicandre, Livre V (“De la Société et de la Conversation”),


Les Caractères (1688), La Bruyère
De “Nicandre s'entretient avec Elise” à “ qu'il veut se remarier.”

Texte n°2 : L’homme spectateur des autres hommes, Livre VIII (“De la
Cour”), Les Caractères (1688), La Bruyère
De “ L'on court les malheureux ” à “ choses pour vous à éviter !”.

Texte n°3 : Livre X,“Du souverain ou de la République”, Les


Caractères (1688), La Bruyère.
De “La guerre a pour elle l'antiquité” à “pour toujours la paix et la liberté”.

Texte n°4 : Madame De SEVIGNÉ, Lettres,“ Lettre à M. De


POMPONNE”. De “Il faut que je vous conte” à “il est loin de
connaître jamais la vérité”.

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EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve
Séquence 3 : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

Œuvre intégrale : Molière, Le Malade imaginaire,


1672 Parcours associé : Spectacle et comédie. Lecture
Cursive : George Feydeau , On purge bébé (1910)

Texte n°1 : Acte I, scène 5, Le Malade imaginaire (1672), Molière De “ Vous ne


la mettrez point dans un couvent.” à “elle m'obéira plutôt qu'à vous.”

Texte n°2 : Acte II, scène 5 - La présentation de Diafoirus , Le Malade


imaginaire De “Allons, Thomas, avancez.” à “Très fidèle serviteur et
mari”.

Texte n°3 : Acte III, scène 12, Le Malade imaginaire (1672), Molière De “ Ah!
mon Dieu! Ah! malheur! Quel étrange accident! ” à “ Eh bien, mon frère, vous
le voyez.”.

Texte 4: Acte III, scène 5, Dom Juan (1665), Molière


De “Voici la statue du Commandeur” à “Voilà de mes esprits forts qui ne
veulent rien croire”.

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EXPLICATIONS LINÉAIRES pour la première partie de l’épreuve
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Objet d’Étude 1 : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe
siècle :
Texte 1 : « La rencontre entre des Grieux et Manon », Manon Lescaut
(1731) , Abbé Prévost
1
J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour
plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je
devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous
vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures
descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui
se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant
qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire
tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à
la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le
monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au
transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être
arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût
encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui
demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance.
Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse.
L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je
regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui
fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré
elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était
déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens.

Texte 2 : « La trahison », Manon Lescaut (1731) , Abbé Prevost

1
Enfin, n'étant plus le maître de mon inquiétude, je me promenai à grands pas dans nos
appartements. J'aperçus, dans celui de Manon, une lettre cachetée qui était sur sa table.
L'adresse était à moi, et l'écriture de sa main. Je l'ouvris avec un frisson mortel ; elle était
dans ces termes :
Je te jure, mon cher Chevalier, que tu es l'idole de mon cœur, et qu'il n'y a que toi au monde
que je puisse aimer de la façon dont je t'aime ; mais ne vois-tu pas, ma pauvre chère âme,
que, dans l'état où nous sommes réduits, c'est une sotte vertu que la fidélité ? Crois-tu qu'on
puisse être bien tendre lorsqu'on manque de pain ? La faim me causerait quelque méprise
fatale ; je rendrais quelque jour le dernier soupir, en croyant en pousser un d'amour. Je
t'adore, compte là-dessus ; mais laisse-moi, pour quelque temps, le ménagement de notre
fortune. Malheur à qui va tomber dans mes filets ! Je travaille pour rendre mon Chevalier riche
et heureux. Mon frère t'apprendra des nouvelles de ta Manon, et qu'elle a pleuré de la
nécessité de te quitter.

Je demeurai, après cette lecture, dans un état qui me serait difficile à décrire car j'ignore
encore aujourd'hui par quelle espèce de sentiments je fus alors agité. Ce fut une de ces
situations uniques auxquelles on n'a rien éprouvé qui soit semblable. On ne saurait les
expliquer aux autres, parce qu'ils n'en ont pas l'idée ; et l'on a peine à se les bien démêler à
soi-même, parce qu'étant seules de leur espèce, cela ne se lie à rien dans la mémoire, et ne
peut même être rapproché d'aucun sentiment connu. Cependant, de quelque nature que
fussent les miens, il est certain qu'il devait y entrer de la douleur, du dépit, de la jalousie et
de la honte. Heureux s'il n'y fût pas entré encore plus d'amour

Texte 3 : « La Mort de Manon Lescaut », Manon Lescaut


(1731), Abbé Prévost

1
Pardonnez, si j'achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur
qui n'eut jamais d'exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. Mais, quoique je le
porte sans cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que
j'entreprends de l'exprimer.

Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit. Je croyais ma chère maîtresse
endormie et je n'osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. Je
m'aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu'elle les avait froides et tremblantes.
Je les approchai de mon sein, pour les échauffer. Elle sentit ce mouvement, et, faisant un
effort pour saisir les miennes, elle me dit, d'une voix faible, qu'elle se croyait à sa dernière
heure. Je ne pris d'abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l'infortune, et je n'y
répondis que par les tendres consolations de l'amour. Mais, ses soupirs fréquents, son silence
à mes interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les
miennes me firent connaître que la fin de ses malheurs approchait. N'exigez point de moi que
je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la
perdis ; je reçus d'elle des marques d'amour, au moment même qu'elle expirait. C'est tout ce
que j'ai la force de vous apprendre de ce fatal et déplorable événement.

Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez rigoureusement

puni. Il a voulu que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je renonce
volontairement à la mener jamais plus heureuse.

Texte 4 : extrait « Lettre 81 », Les Liaison dangereuses (1782),


de Pierre Choderlos de Laclos

Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées? Quand m’avez-vous
1
vue m’écarter des règles que je me suis prescrites et manquer à mes
principes? je dis mes principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas,
comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et
suivis par habitude; ils sont le fruit de mes profondes réflexions; je les ai créés,
et je puis dire que je suis mon ouvrage.
5

Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j’étais vouée par état au
silence et à l’inaction, j’ai su en profiter pour observer et réfléchir. Tandis qu’on
me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu’on
s’empressait de me tenir, je recueillais avec soin ceux qu’on cherchait à me
cacher. Cette utile curiosité, en servant à m’instruire, m’apprit encore à
dissimuler: forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux qui
m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon gré; j’obtins dès lors de
prendre à volonté ce regard distrait que depuis vous avez loué si souvent.
Encouragée par ce premier succès, je tâchai de régler de même les divers
mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m’étudiais à
prendre l’air de la sécurité, même celui de la joie; j’ai porté le zèle jusqu’à me
causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l’expression
du plaisir. Je me suis travaillée avec le même soin et plus de peine pour
réprimer les symptômes d’une joie inattendue. C’est ainsi que j’ai su prendre
sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné.

Objet d’Étude 2 : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe


siècle :
Texte 1 : Nicandre, Livre V “De la Société et de la
Conversation”, Les Caractères (1688), La Bruyère

Nicandre, le veuf en quête d’une épouse (V, 82)

La Bruyère fait ici le portrait d’un veuf qui fait étalage de ses richesses pour tenter de séduire
une femme afin de l’épouser.
Nicandre s'entretient avec Elise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec
sa femme, depuis le jour qu'il en fit le choix jusques à sa mort ; il a déjà dit qu'il regrette
qu'elle ne lui ait pas laissé des enfants, et il le répète ; il parle des maisons qu'il a à la
ville, et bientôt d'une terre qu'il a à la campagne : il calcule le revenu qu'elle lui rapporte, il
fait le plan des bâtiments, en décrit la situation, exagère la commodité des appartements,
ainsi que la richesse et la propreté des meubles ; il assure qu'il aime la bonne chère, les
équipages; il se plaint que sa femme n'aimait point assez le jeu et la société. "Vous êtes
si riche, lui disait l'un de ses amis, que n'achetez-vous cette charge ? Pourquoi ne pas
faire cette acquisition qui étendrait votre domaine ? On me croit, ajoute-t-il, plus de bien
que je n'en possède." Il n'oublie pas son extraction et ses alliances : Monsieur le
Surintendant, qui est mon cousin ; Madame la Chancelière, qui est ma parente ; voilà son
style. Il raconte un fait qui prouve le mécontentement qu'il doit avoir de ses plus proches,
et de ceux même qui sont ses héritiers: "Ai-je tort ? dit-il à Elise ; ai-je grand sujet de leur
vouloir du bien ?" et il l'en fait juge. Il insinue ensuite qu'il a une santé faible et
languissante, et il parle de la cave où il doit être enterré. Il est insinuant, flatteur, officieux
à l'égard de tous ceux qu'il trouve auprès de la personne à qui il aspire. Mais Elise n'a
pas le courage d'être riche en l'épousant. On annonce, au moment qu'il parle, un
cavalier, qui de sa seule présence démonte la batterie de l'homme de ville : il se lève
déconcerter et chagrin, et va dire ailleurs qu'il veut se remarier.

1 Jean de La Bruyère, Les Caractères (1688), V « De la société et de la conversation », 82


(V)

Complaisante : aimable, pour plaire à autrui.


Commodité : confort.
Équipages : carrosses et beaux vêtements.
Extraction : origine familiale, sociale.
Alliances : lien entre deux familles.
Languissante : qui se détériore.
Officieux : qui aime rendre service.
La batterie : ici, la mise en scène flatteuse.

Texte 2 : l’Homme spectateur des autres hommes, Livre


VIII “De la Cour” Les Caractères (1688), La Bruyère

Prenant le thème du condamné à mort que l'on vient voir supplicier et


exécuter, La Bruyère invite à se détourner du spectacle des malheurs du
monde pour profiter, davantage, de l'exemple des hommes heureux.
L'on court les malheureux pour les envisager ; l'on se range en haie, ou l'on
se place aux fenêtres, pour observer les traits et la contenance d'un homme
qui est condamné, et qui sait qu'il va mourir : vaine, maligne, inhumaine
curiosité ; si les hommes étaient sages, la place publique serait
abandonnée, et il serait établi qu'il y aurait de l'ignominie seulement à voir
de tels spectacles. Si vous êtes si touchés de curiosité, exercez-la du moins
en un sujet noble : voyez un heureux, contemplez-le dans le jour même où
il a été nommé à un nouveau poste, et qu'il en reçoit les compliments ; lisez
dans ses yeux, et au travers d'un calme étudié et d'une feinte modestie,
combien il est content et pénétré de soi-même ; voyez quelle sérénité cet
accomplissement de ses désirs répand dans son cœur et son visage,
comme il ne songe plus qu'à vivre et à avoir de la santé, comme ensuite sa
joie lui échappe et ne peut plus dissimuler, comme il plie sous les poids de
son bonheur, quel air froid et sérieux il conserve pour ceux qui ne sont plus
égaux : il ne leur répond pas, il ne les voit pas ; les embrassements et les
caresses des grands, qu'il ne voit plus de si loin, achèvent de lui nuire; il se
déconcerte, il s'étourdit: c'est une courte aliénation. Vous voulez être
heureux vous désirez des grâces ; que de choses pour vous à éviter !

Jean de La Bruyère, Les Caractères (1688), VIII


« De la Cour », 50 (V)
Envisager : regarder.
Vaine : pleine de vanité, de suffisance.
Aliénation : perte de liberté.
Grâces : faveurs .

Texte 3 : Livre X, “Du souverain ou de la République”,


Les Caractères (1688), La Bruyère

La guerre a pour elle l'antiquité ; elle a été dans tous les siècles : on l'a toujours vue
1
remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les familles d'héritiers, et faire
périr les frères à une même bataille. Jeune Soyecour ! je regrette ta vertu, ta
pudeur, ton esprit déjà mûr, pénétrant, élevé, sociable ; je plains cette mort
prématurée qui te joint à ton intrépide frère, et t'enlève à une cour où tu n'as fait
que te montrer : malheur déplorable, mais ordinaire ! De tout temps les hommes,
pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de
se dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres ; et pour le faire plus
ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu'on
appelle l'art militaire ; ils ont attaché à la pratique de ces règles la gloire ou la plus
solide réputation ; et ils ont depuis renchéri de siècle en siècle sur la manière de
se détruire réciproquement. De l'injustice des premiers hommes, comme de son
unique source, est venue la guerre, ainsi que la nécessité où ils se sont trouvés
de se donner des maîtres qui fixassent leurs droits et leurs prétentions. Si,
content du sien, on eût pu s'abstenir du bien de ses voisins, on avait pour
toujours la paix et la liberté.
15

Jean de La Bruyère, Les Caractères (1688), X « Du souverain ou de la République

Texte 4 : “Lettre à M. De POMPONNE”, Lettres (1664), Madame


De
SÉVIGNÉ,
[...]

Il faut que je vous conte une petite historiette, qui est très vraie et qui vous
divertira.Le
1
Roi se mêle depuis peu de faire des vers ; MM. de Saint-Aignan et Dangeau lui
apprennent comme il s'y faut prendre. Il fit l'autre jour un petit madrigal, que
"Monsieur le maréchal, je vous prie, lisez ce petit madrigal, et voyez si vous en
avez jamais vu un si impertinent.
5
Parce qu'on sait que depuis peu j'aime les vers, on m'en apporte de toutes les
façons." Le maréchal, après avoir lu, dit au Roi: "Sire, Votre Majesté juge
divinement bien de toutes choses ; il est vrai que voilà le plus sot et le plus lui-
même ne trouva pas trop joli. Un matin, il dit au maréchal de Gramont : ridicule
madrigal que j'aie jamais lu." Le Roi se mit à rire, et lui dit : "N'est-il pas vrai que
celui qui l'a fait est bien fat ? - Sire, il n'y a pas moyen de lui donner un autre
nom. - Oh bien ! dit le Roi, je suis ravi que
10
vous m'en ayez parlé si bonnement ; c'est moi qui l'ai fait. - Ah! Sire, quelle
trahison ! Que Votre Majesté me le rende ; je l'ai lu brusquement. - Non, monsieur
le maréchal ; les premiers sentiments sont toujours les plus naturels." Le Roi a
fort ri de cette folie, et tout le monde trouve que voilà la plus cruelle petite chose
que l'on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi, qui aime toujours à faire des
réflexions, je voudrais que le Roi
15
en fît là-dessus, et qu'il jugeât par là combien il est loin de connaître jamais la

vérité. [...]

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