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Objet d’étude et parcours : le roman et le récit du Moyen-Age au XXIème siècle / Les romans de l’énergie : création et destruction

Séquence 1 : Œuvre intégrale. La Peau de Chagrin, Balzac, 1831.


Qtt : Comment la peau devient-elle un prétexte à une réflexion romantique sur l’existence ?
Activités majeures Activités mineures
Lectures : - Le point sur les courants littéraires du XIXè + rappel des notions du narratif
- Lecture pas à pas / le parcours à travers la découverte de personnages
- 1 partie / « le Palais-Royal »
ère

- 2ème partie / « l’aveu » Textes échos


- 3 ème
partie / « l’agonie »
Méthodes : Grammaire :
Pratique des lectures analytiques et linéaires manipulations phrases, interrogation et négation.
Rédaction de parties de dissertations

Séquence 2 : parcours associé.


Qtt : Comment l’énergie questionne-t-elle l’humanité ?
Activités majeures Activités mineures
Lectures : Panorama de l’écriture narrative
- Voyage au bout de la Nuit, Louis-Ferdinand Céline, extrait du ch.7, 1932. Lecture cursive : La Nuit des temps, Barjavel, 1968.

Deux sujets à réfléchir/ Les romans de l’énergie : création et destruction

Dans Julie ou la Nouvelle Héloïse, Rousseau écrit : « Malheur à qui n’a plus rien
à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce
Dans quelle mesure le personnage des romans de l’énergie, et notamment La
qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être
Peau de Chagrin de Balzac, est-il un personnage ancré dans la réalité ?
heureux. »
Trouvez-vous que Balzac illustre cette conception de la vie dans La Peau de
Chagrin ?
La Peau de Chagrin, Balzac, 1831.

Texte 1 :

1 Paris s'enorgueillit de son Palais−Royal dont les agaçantes


roulettes donnent le plaisir de voir couler le sang à flots
sans que les pieds du parterre risquent d'y glisser. Essayez
de jeter un regard furtif sur cette arène, entrez ? ... Quelle
5 nudité ! Les murs couverts d'un papier gras à hauteur
d'homme n'offrent pas une seule image qui puisse rafraîchir
l'âme. Il ne s'y trouve même pas un clou pour faciliter le
suicide. Le parquet est usé, malpropre. Une table oblongue
occupe le centre de la salle. La simplicité des chaises de
10 paille pressées autour de ce tapis usé par l'or annonce une
curieuse indifférence du luxe chez ces hommes qui viennent
périr là pour la fortune et pour le luxe. Cette antithèse
humaine se découvre partout où l'âme réagit puissamment
sur elle−même. L'amoureux veut mettre sa maîtresse dans la
15 soie, la revêtir d'un moelleux tissu d'Orient, et la plupart
du temps il la possède sur un grabat. L'ambitieux se rêve au
faîte du pouvoir tout en s'aplatissant dans la boue du
servilisme. Le marchand végète au fond d'une boutique
humide et malsaine, en élevant un vaste hôtel, d'où son fils,
20 héritier précoce, sera chassé par une licitation fraternelle.
Enfin, existe−t−il chose plus déplaisante qu'une maison de
plaisir ? Singulier problème ! Toujours en opposition avec
lui−même, trompant ses espérances par ses maux présents,
et ses maux par un avenir qui ne lui appartient pas, l'homme
25 imprime à tous ses actes le caractère de l'inconséquence et
de la faiblesse. Ici−bas rien n'est complet que le malheur.

Extrait Incipit de la partie « Le Talisman »


Texte 2 : extrait du début de la partie « La Femme sans cœur »

1 […] n'ayant jamais trouvé d'oreilles où jeter mes propos


passionnés, de regards où reposer les miens, de cœur pour mon
cœur, j'ai vécu dans tous les tourments d'une impuissante énergie
qui se dévorait elle−même, soit faute de hardiesse ou d'occasions,
5 soit inexpérience. Peut−être ai−je désespéré de me faire
comprendre, ou tremblé d'être trop compris. Et cependant j'avais
un orage tout prêt à chaque regard poli que l'on pouvait
m'adresser. Malgré ma promptitude à prendre ce regard ou des
mots en apparence affectueux comme de tendres engagements, je
10 n'ai jamais osé ni parler ni me taire à propos. A force de sentiment
ma parole était insignifiante, et mon silence devenait stupide.
J'avais sans doute trop de naïveté pour une société factice qui vit
aux lumières, qui rend toutes ses pensées par des phrases
convenues, ou par des mots que dicte la mode. Puis je ne savais
15 point parler en me taisant, ni me taire en parlant. Enfin, gardant en
moi des feux qui me brûlaient, ayant une âme semblable à celles que
les femmes souhaitent de rencontrer, en proie à cette exaltation
dont elles sont avides, possédant l'énergie dont se vantent les sots,
toutes les femmes m'ont été traîtreusement cruelles. Aussi,
20 admirais−je naïvement les héros de coterie quand ils célébraient
leurs triomphes, sans les soupçonner de mensonge. J'avais sans
doute le tort de désirer un amour sur parole, de vouloir trouver
grande et forte dans un cœur de femme frivole et légère, affamée
de luxe, ivre de vanité, cette passion large, cet océan qui battait
25 tempétueusement dans mon cœur. Oh ! se sentir né pour aimer,
pour rendre une femme bien heureuse, et n'avoir trouvé personne,
même pas une courageuse et noble Marceline ou quelque vieille
marquise ! Porter des trésors dans une besace et ne pouvoir
rencontrer une enfant, quelque jeune fille curieuse pour les lui
30 faire admirer. J'ai souvent voulu me tuer de désespoir.

Texte 3 : Extrait excipit de la partie « L’Agonie »

1 La jeune fille crut Valentin devenu fou, elle prit le talisman,


et alla chercher la lampe. Eclairée par la lueur vacillante qui
se projetait également sur Raphaël et sur le talisman, elle
examina très attentivement et le visage de son amant et la
5 dernière parcelle de la Peau magique. En la voyant belle de
terreur et d'amour, il ne fut plus maître de sa pensée : les
souvenirs des scènes caressantes et des joies délirantes de
sa passion triomphèrent dans son âme depuis longtemps
endormie, et s'y réveillèrent comme un foyer mal éteint.
10 − Pauline, viens ! Pauline !
Un cri terrible sortit du gosier de la jeune fille, ses yeux se
dilatèrent, ses sourcils violemment tirés par une douleur
inouïe, s'écartèrent avec horreur, elle lisait dans les yeux
de Raphaël un de ces désirs furieux, jadis sa gloire à elle ;
15 mais à mesure que grandissait ce désir, la Peau, en se
contractant, lui chatouillait la main. Sans réfléchir, elle
s'enfuit dans le salon voisin dont elle ferma la porte.
− Pauline ! Pauline ! cria le moribond en courant après elle, je
t'aime, je t'adore, je te veux ! je te maudis, si tu ne
20 m'ouvres ! je veux mourir à toi !
Par une force singulière, dernier éclat de vie, il jeta la porte
à terre, et vit sa maîtresse à demi nue se roulant sur un
canapé. Pauline avait tenté vainement de se déchirer le sein,
et pour se donner une prompte mort, elle cherchait à
25 s'étrangler avec son châle.
− " Si je meurs, il vivra ! " disait−elle en tâchant vainement
de serrer le nœud.
Parcours associé :

Texte 4 : Voyage au bout de la Nuit, Louis-Ferdinand Céline, extrait du ch.7

1 — Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes


répugnant comme un rat...
— Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a
dedans... Je ne la déplore pas moi... Je ne me résigne pas moi... Je
5 ne pleurniche pas dessus moi... Je la refuse tout net, avec tous les
hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec
elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout
seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce
que je suis le seul à savoir ce que je veux, je ne veux plus mourir.
10 — Mais c’est impossible de refuser la guerre, Ferdinand ! Il n’y a
que les fous et les lâches qui refusent la guerre quand leur Patrie
est en danger...
— Alors vivent les fous et les lâches ! Ou plutôt survivent les fous
et les lâches ! Vous souvenez-vous d’un seul nom par exemple, Lola,
15 d’un de ces soldats tués pendant la guerre de Cent Ans ?... Avez-
vous jamais cherché à en connaître un seul de ces noms ?... Non,
n’est-ce pas ?... Vous n’avez jamais cherché ? Ils vous sont aussi
anonymes, indifférents et plus inconnus que le dernier atome de ce
presse-papier devant nous, que votre crotte du matin... Voyez donc
20 bien qu’ils sont morts pour rien, Lola ! Pour absolument rien du
tout, ces crétins ! Je vous l’affirme ! La preuve est faite ! Il n’y a
que la vie qui compte. Dans dix mille ans d’ici, je vous fais le pari
que cette guerre, si remarquable qu’elle nous paraisse à présent,
sera complètement oubliée... À peine si une douzaine d’érudits se
25 chamailleront encore par-ci, par-là, à son occasion et à propos des
dates des principales hécatombes dont elle fut illustrée... C’est
tout ce que les hommes ont réussi jusqu’ici à trouver de mémorable
au sujet les uns des autres à quelques siècles, à quelques années et
même à quelques heures de distance... Je ne crois pas à l’avenir,
30 Lola... »

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