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La Peau de Chagrin extrait 1 : « Le Talisman »

Dans l’incipit de ce roman se trouve un portrait du personnage principal, Raphaël de


Valentin, dont le nom n’apparait pourtant que tard dans l’histoire. Cette première partie se
déroule rapidement, en octobre 1830, et elle se termine dans la nuit. Plusieurs lieux sont mis
en scène, près du Palais Royal : un tripot où le héros joue sa dernière pièce d’or, puis il visite
la boutique d’un antiquaire, puis il est invité à un banquet orgiaque à l’hôtel particulier du
Baron Taillefer, suite au souhait qu’il formule à la Peau de Chagrin.
Ce passage suit deux brefs paragraphes où on voit le héros qui entre dans la maison de jeu.
Là, Balzac peint une galerie de joueurs dramatiques qui réagissent à l’entrée du personnage :
« ils éprouvèrent je ne sais quels sentiments épouvantables ».
Comment la description réaliste d’un jeune homme mystérieux annonce-t-elle le destin
tragique de ce héros ?

Mouvement 1 : « Au premier coup d’œil » > « l’étude et la maladie » : Le portrait physique


d’un jeune homme mystérieux
- Une écriture réaliste : une alternance de focalisations internes/externes
Attaque : « au premier coup d’œil » = point de vue omniscient
Conj de coor « mais » = le narrateur intervient
Verbe « lurent » l1
Style indirect libre « Était-ce la débauche » = interne l6
Cette alternance permet une extrême précision et d’approcher au plus près
l’impression ressentie dans l’ambiance.
- Un jeune homme romantique en souffrance
Un portrait romantique : - il est neuf : « novice »l1 « jeunes »l2
- la féminité : « grâce »l2 « pâleur maladive »l5
« résignation »l5
- la pureté : « pure »l7
La souffrance : - adj « pâleur »l3 + assonance en -a
- les traits marqués : les yeux voilés physique
- L’échec : « mille espérances trompées »l2-3
psychologique

- Mystère : incertitudes et hypothèses


Adjectif « Nébuleuse »l2 = étymologie nuage, forme indistincte
Il suscite l’interrogation : le conditionnel « aurait attribué »l7-8, adverbe « peut-
être »l6
L’imprécision : adj indéfini « quelque »l5
3 hypothèses : - le libertinage : « fatigues du plaisir »l6 « débauche »l6
- médicale : « les médecins auraient sans doute attribué »l7-8 =
science, réalisme
- poétique : « les poètes eussent voulu reconnaître »l9
« studieuse »l10
« science » + hypallage « lampe studieuse »

Mouvement 2 : « comme lorsqu’un célèbre criminel » > « fin » : Un portrait contrasté


- Le regard des joueurs ( la focalisation interne )
Comparaison dramatisante « criminel » : les joueurs sont aliénés « bagne »l13
« condamnés »l13 « démons »l14 « tortures »l14, dans une phrase longue
La supériorité dépasse les autres par sa souffrance : « un de leurs princes »l15 =
l’enfer où il devient Lucifer qui est beau, et il conserve cette grandeur méprisante :
« la majesté de sa muette ironie »l16
- Les contrastes physiques
Focalisation omnisciente : la durée adv de temps « depuis »19
Les deux vêtements : - la cravate, symbole d’élégance mais ici de pauvreté car elle
montre qu’il n’a pas l’argent pour se payer des sous-vêtements
- les gants : il n’en a pas = pauvreté + omniscience « depuis
deux jours il ne portait plus de gants »l19
La réaction des assistants : « frissonnaient » qui s’oppose à « florissaient » l20
Un contraste entre délicatesse et effroi : adjs en doublon « grêles et fines » « blonds
et rares » l21
- Le contraste moral
Un narrateur omniscient : « Cette figure avait au moins vingt-cinq ans » l21-22
La jeunesse et l’innocence : la négation restrictive « le vice paraissait n’y être qu’un
accident » l22
La « lubricité » s’oppose à la métaphore lumineuse « la verte vie de la jeunesse » +
allité en v l22-23
L’adverbe « encore » montre qu’il est encore pur l23
Parallélismes à rythme binaire : « les ténèbres et la lumière» «le néant et
l’existence»l23-24
Le combat interne : champ lex combat « ravages »l23 « luttait »l23
Ce passage se conclut sur une belle métaphore « comme un ange sans rayons, égaré dans sa
route ». Il n’est donc pas Lucifer mais un ange perdu et pur.

Nous avons ici l’incipit de ce roman, avec une description physique et morale d’un héros
encore inconnu, que l’on approche par un jeu d’alternance entre les points de vue interne et
omniscient, avec des hypothèses(les joueurs) et les certitudes(narrateur). C’est donc un
portrait contrasté, physique et moral typique de Balzac, qui repose sur le paradoxe d’un
jeune homme en souffrance, en proie à un combat intérieur et à une véritable désillusion :
c’est un romantique. Il est auréolé d’un certain mystère, d’une « grâce nébuleuse », et
Balzac maintient un horizon d’attente. Tous ces éléments permettent d’anticiper sur le sens
du roman : la mort tragique de ce héros est déjà inscrite avant même qu’il ne prenne la peau
de chagrin. Sa future mort est-elle due à cet objet maléfique, ou est-elle la conséquence des
excès de l’étude et de la débauche qui ont tué prématurément l’énergie de ce jeune
homme ?

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