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Séance 2 : EL La Peau de chagrin, « La découverte du Talisman » (p.

72-74)
Obj. : - Explication linéaire (Oral)
- Notions : dialogue et narration, le registre fantastique, le héros romantique.
Intro : La Peau de chagrin est le premier succès de Balzac, qu’il a fait connaître. Ce roman est paru en
1831 et se déroule à la même époque, juste après la révolution de Juillet. Nous sommes au début du
récit. Raphaël de Valentin, dont on ne connaît pas encore le nom, a décidé d’attendre la nuit avant de
suicider, poussé au désespoir par son manque d’argent après avoir perdu au jeu. Il erre sur les quais
de de la Seine et tombe sur la boutique d’un antiquaire, qui, sensible à son désespoir, attire son
attention sur une mystérieuse peau d’animal. Le passage est essentiellement un dialogue entre les
deux hommes, dont l’un fait faire une découverte fascinante au second.
Lecture du texte.
Comment l’attitude ambivalente de Raphaël, entre scepticisme et fascination, permet-elle de
susciter l’intérêt du lecteur ? Je vais le montrer en suivant les 3 mouvements du texte, axés autour du
scepticisme initial de Raphaël, puis des paroles inscrites sur la peau de chagrin, et enfin de l’attirance
de Raphaël pour cette dernière.
I. Le scepticisme de Raphaël (l. 1-14)
- L. 1-2. Le dialogue s’ouvre sur la surprise de Raphaël (« s’écria », « je ne devine guère ») face aux
écritures profondément gravées dans la peau. Mais son point de vue reste rationnel car il présuppose
l’existence d’un « procédé » (terme scientifique) qu’il suffirait de connaître pour expliquer le mystère.
Conformément aux principes de la littérature fantastique, l’apparition du surnaturel amène le
personnage à chercher une explication rationnelle.
- L. 3-7. La narration, brève, permet de visualiser la scène et l’attitude, scientifique / expérimentale, de
R (« vivacité », « chercher »). Le rythme des questions-réponses est rapide, montrant l’impatience de
R. à résoudre l’énigme par une expérience empirique (il réclame un « instrument » « afin de voir »).
- L. 8-11. Narration plus développée, permettant toujours au lecteur de visualiser la scène (point de vue
externe pour commencer). Description objective d’un phénomène surnaturel (« les lettres y
reparurent si nettes »), puis 1ère entrée dans les pensées de R. (point de vue interne : « il crut n’en
avoir rien ôté »). Le lecteur peut commencer à adopter son point de vue, toujours plus intrigué.
- L. 12-14. R. a cependant conservé son scepticisme rationnel, puisque la réplique qui suit mentionne
« l’industrie du Levant » dont ignore seulement les « secrets ». Le vieillard lui donne implicitement la
contradiction en mentionnant, lui, « Dieu » auquel il ne faut pas se prendre… Son attitude est plus
ésotérique.

II. Les paroles de la Peau de chagrin (l. 15-28)


- L. 15-16. Le narrateur présente les paroles inscrites sur la peau en les mettant en valeur
typographiquement (lettres arabes mystérieuses, belles). Zone d’illisibilité dans le texte : lecteur
plongé dans l’obscurité d’un monde étranger, lointain et incompréhensible (tout comme R).
Narrateur omniscient : peut traduire le soi-disant sanskrit avec « Ce qui voulait dire en français… ».
Dimension graphique et tout aussi mystérieuse de la traduction formant un triangle : calligramme
avant Apollinaire.
- L. 17-28 Traduction : pouvoir magique de la peau qui exauce les vœux en échange de la vie. Elle
propose un pacte (fait penser à Faust). Champ lexical du désir (« désire », « désir », « souhaits »,
« vouloir », « veux », « exaucera ») s’opposant aux références à un ordre supérieur (« ta vie
m’appartiendra », « Dieu l’a voulu ainsi », « règle », « je décroîtrai comme tes jours ») Ton
autoritaire, presque menaçant (futur, injonctions, répétitions). Références à Dieu renforçant la
dimension tragique (fatalité) // triangle symbolisant la vie qui se rétrécit progressivement.

III. La fascination de Raphaël (l. 29-36)


- L. 29-32 Dialogue qui suit un peu comique de la part de Balzac (involontairement ?) : le vieillard parle
de sanskrit alors que c’est de l’arabe, R répondant « non » sans autre explication concernant sa
connaissance du « sanskrit » – ce qui peut montrer sa distraction, tout absorbé qu’il est par le
mystère de la peau. La « curiosité » de R. n’est plus seulement scientifique : il s’agit désormais d’un
véritable désir de savoir.
+ L’expression « peau symbolique » peut avoir deux sens : elle a des symboles écrits dessus / elle
symbolise qqch (la tentation de sacrifier sa vie à ses désirs). Le narrateur fait toujours ses petits
commentaires bavards montrant son omniprésence (« assez semblable à une feuille de métal par son
peu de flexibilité »).
- L. 33-35 On revient au récit et à la scène visuelle opposant le « vieux marchand » au « jeune homme »
(clichés de l’expérience/sagesse face à la naïveté/insouciance). Fin de l’épisode de découverte avec le
rangement de « la lampe » : c’est bien le vieillard le metteur en scène et R le novice. La réaction
ironique de l’antiquaire le souligne : Raphaël a oublié ses idées suicidaires dès qu’il a trouvé un
nouvel objet à désirer.
- L. 36 Dernière réplique de Raphaël : interrogation mettant en valeur l’hésitation entre deux
interprétations (rationnelle ou irrationnelle), qui est propre au fantastique. Raphaël a perdu son
assurance du début et est maintenant ouvert au mystère, comme s’il était déjà ensorcelé par la peau
de chagrin.

Conclusion La Peau de chagrin devient intéressante pour Raphaël à partir du moment où il ne


parvient pas à l’expliquer rationnellement. Elle devient également intéressante pour le lecteur, qui
attend la suite de l’histoire avec impatience : cette scène crée une certaine tension dramatique.
Cet extrait met en évidence le caractère du héros romantique : c’est celui qui, dans un monde qui lui
ferme toutes ses portes (cf la perte d’argent qui précède), garde l’ambition de satisfaire ses désirs,
quitte à chercher ce moyen dans la magie.

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