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Hypotypose: 

une hypotypose est un tableau vivant, une


description animée, expressive qui donne l’impression à
sa lecture d’assister à la scène, de l’avoir sous les yeux.
Une hypotypose peut se trouver aussi bien dans la
poésie, le roman ou le théâtre.
Flaubert et le Réalisme
L’abondance des descriptions
Flaubert utilise donc ici toutes les techniques propres au
réalisme. Il ne s'agit pas pour autant de décrire simplement le
réel, mais bien de le critiquer.
Décrire, c’est, au moyen de mots, donner une idée aussi
exacte que possible du réel. Or, Madame Bovary abonde en
descriptions. Mais le paradoxe est que cette abondance
même nuira à Flaubert aux yeux des « réalistes » : ainsi un
compte rendu du roman publié dans la revue Réalisme lui
reproche-t-il son attachement obstiné au détail, où se perd la
vue d’ensemble. Quand Emma et Léon reviennent de chez la
nourrice (II, 3), le romancier note en effet :

« Quelquefois, à la pointe des joncs ou sur la feuille des


nénuphars, un insecte à pattes fines marchait ou se posait. Le
soleil traversait d’un rayon les petits globules bleus des ondes
qui se succédaient en crevant; les vieux saules ébranchés
miraient dans l’eau leur écorce grise; au-delà, tout alentour,
la prairie semblait vide. »
Il est évident que ce n’est pas une vue « réaliste » de la
campagne normande que Flaubert veut ici donner, mais une
idée de la rêverie d’Emma qui s’attache à des détails
insignifiants. Si réalisme il y a, c’est un réalisme subjectif,
c’est-à-dire conforme aux limitations, voire aux extra-
vagances du regard d’un sujet.

Tout n’est pas vu par les yeux d'Emma dans le roman :


Flaubert ira plus loin dans la voie du réalisme subjectif avec
L’Éducation sentimentale. Mais les paysages ne se
développent nulle part mieux que dans les passages où elle
s’abandonne à sa rêverie ou à son ennui. Le romancier
n’indiquant pas toujours nettement la frontière entre les
passages focalisés et ceux qui ne le sont pas, on a souvent le
sentiment d’une complicité entre lui et son héroïne.

Parfois, il décrit sans ambiguïté/d’un point de vue extérieur à


celui d’Emma ; ainsi pour la casquette de Charles ou pour la
pièce montée de la noce. L’extravagance de cette dernière
est vraisemblable. Le lecteur en tirera-t-il pour autant la
satisfaction de posséder un document sur les repas de noces
normands au xixe siècle? L’observation, après tout possible,
d’une pièce montée réelle a surtout servi à Flaubert à libérer
son délire descriptif et à étaler dans cet objet (où il y a du
reste fort peu de chose à manger) toute la vanité humaine.
On le dira avec plus de certitude encore à propos de la
casquette de Charles, dont on doute qu’elle ait jamais eu de
modèle, et qui permet surtout au romancier de résumer la
bêtise involontaire du personnage.

Flaubert « En haine du réalisme »


« C’est en haine du réalisme que j’ai entrepris ce roman »,
écrit Flaubert à Mme Roger des Genettes le 30 octobre 1856,
et, à Sainte-Beuve, il fera savoir après sa parution : « Ce livre
est pour moi une affaire d’art pur et de parti pris. Rien de
plus » (5 mai 1857). Sa conscience professionnelle l’oblige à
respecter le vrai dans les détails, et, désireux de provoquer
l’illusion (but de toute grande œuvre, à ses yeux), il tient à ce
que son héroïne fasse pleurer dans les chaumières et qu’on
trouve au roman une couleur typiquement normande. Mais il
tient aussi à la réussite de sa composition et à l’harmonie de
la moindre de ses parties. Quelque passion qu’il ait mise à
raconter cette histoire normande d’une femme adultère, il
n’a pu s’empêcher, en l’écrivant, de rêver à un livre qui aurait
le moins de matière possible. « Ce qui me semble beau, ce
que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans
attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force
interne du style » (à Louise Colet, 16 janvier 1852).
Gustave Flaubert est un romancier français du milieu du XIXe
siècle. Dans le chapitre IV de la première partie de Madame
Bovary, il décrit la noce d'Emma et de Charles. Cet épisode
est l'occasion pour lui de condamner la médiocrité de la
petite-bourgeoisie provinciale. Le passage illustre les
problématiques liées à la question complexe du réalisme en
littérature. On a coutume de faire de Flaubert l'un des
écrivains de ce mouvement littéraire et artistique de la
seconde moitié du XIXe siècle, mouvement qui envisage la
littérature comme le reflet, presque documentaire, de la
réalité sociale et humaine. Dans quelle mesure ce passage
illustre-t-il la complexité du réalisme en littérature ? On peut
considérer que la description de l'arrivée des convives lors de
la noce constitue une peinture minutieuse de la réalité
sociale contemporaine de l'auteur. Cette description permet
à Flaubert d'ironiser, et ainsi de critiquer la société qu'il
décrit. Mais on ne peut s'arrêter à cette dimension réaliste et
critique, liée à un contexte d'écriture particulier : Flaubert se
livre à une virtuose stylisation de l'épisode, qui en fait une
œuvre d'art intemporelle.

L'épisode de l'arrivée des convives constitue un passage


réaliste.
Le texte s'ouvre sur un passage narratif, pour devenir
progressivement descriptif. Le narrateur évoque d'abord
l'arrivée des carrioles, des lignes 1 à 4, puis décrit les
personnages qui en sortent, les « dames » (lignes 4 à 6), les «
gamins » (lignes 6 à 8) les « fillettes » (lignes 8 à 12) et enfin
les messieurs (lignes 12 et 13). Dans la troisième partie du
texte, le narrateur s'arrête plus précisément sur les habits de
ces messieurs qu'il cite à la ligne 14, avant de les détailler un
par un. Le passage du narratif au descriptif est souligné par le
changement de valeur de l'imparfait au cours du texte. On a
d'abord de imparfaits de répétition, comme le souligne
l'expression « de temps à autre » puis des imparfaits de
description.
Le narrateur, réaliste, se présente en simple observateur de
la scène décrite. Les expressions « on entendait » (ligne 1) et
« on voyait » (ligne 9) montrent qu'il prend la place de
n'importe quel spectateur de la scène. Le pronom indéfini «
on » efface toute individualité. Il est ainsi réduit à de pures
sensations, comme s'il enregistrait le réel sans le filtrer. On
relève ainsi de nombreuses imprécisions, comme « quelque
grande fille de 14 ou 16 ans », « les gamins [...] semblaient
incommodés », « leur cousine ou leur soeur aînée sans doute
». Lorsque le narrateur quitte sa position de simple
récepteur, il n'émet que des hypothèses fondées sur le bon
sens et le savoir partagé par n'importe quel spectateur de ce
genre de fête. On serait ainsi presque tenté de penser que le
narrateur quitte un moment le point de vue omniscient, pour
adopter un point de vue externe.
Enfin, la dimension réaliste est rendue manifeste par la
profusion des détails. Le narrateur privilégie le substantif et
l'adjectif, au détriment du verbe. Il multiplie les expansions
du nom, compléments du nom (« en or », « à bouts croisés
»), adjectifs épithètes (« neufs », « blanches ») ou apposés («
rougeaude, ahurie »), participes employés comme adjectifs
(« attachés », « ayant bien peur ») ou encore propositions
relatives (« qui leur découvraient... »). La fin du texte est
occupée par une longue énumération, constituée de
propositions nominales. L'auteur semble ici oublier les lois de
la syntaxe française, qui privilégie les phrases verbales, au
profit de l'évocation précise d'éléments descriptifs. Il utilise
ici une technique picturale, qui vise à préciser les formes, les
textures, les couleurs, et se passe d'actions.
Les individus sont en effet réduits au rang d'objets par le
narrateur. Dans les premières lignes, on assiste à la
personnification ou animalisation de la carriole qui « entr[e]
», « galop[e] », « s'arrêt[e] » et « vid[e] son monde ». Au
contraire, les personnages sont objectivés, ce que symbolise
leur réduction à leurs vêtements, eux-mêmes personnifiés :
les « habits-vestes » sont dotés d' « yeux ». Le narrateur
ironise sans doute ici sur la vieille métaphore qui veut que les
yeux soient le miroir de l'âme. On voit mal de quelle âme
peuvent être dotés des individus qui n'ont pas d'autres yeux
que les boutons de leurs vêtements.

La description presque pointilleuse du réel a pour fonction


principale de critiquer la société petite-bourgeoise, qui
cherche à cacher derrière les apparences son vide existentiel.
Le réalisme flaubertien ne saurait donc être considéré
comme un simple enregistrement du réel, mais bien comme
une stylisation de ce réel. Le sens du texte ne vient pas
seulement du fait que le narrateur adopte un regard critique,
mais aussi parce que l'auteur est un écrivain, c'est-à-dire un
artiste qui utilise le matériau qui lui est propre, le langage.
Le château de Vaubyessard
Le rêve d'Emma
1. La fascination domine l'ensemble du passage
2. Emma est perdue au milieu de ce rêve
II. L'ironie de Flaubert
1. Une esthétique du cliché
2. Une splendeur ridicule
3. Le miroir brisé
Commentaire littéraire
I. Le rêve d'Emma
Focalisation interne : le lecteur connaît les pensées d'Emma,
observant les moindres détails, percevant son passé comme
« évanoui ». Champ lexical de la vue, de la perception.
Hypotypose (procédé qui vise à rendre vivant une description
par un grand renfort de détails).
1. La fascination domine l'ensemble du passage :
- Superlatifs désignant les hommes et leurs habits : « mieux
faits », « plus souples », « plus fines ».
- Les hommes semblent appartenir à une sorte de
communauté. Un lien indéfinissable les unis : « se
distinguaient de la foule par un air de famille ». Ils semblent
tous avoir le même âge : « ceux qui commençaient à vieillir
avaient l'air jeune ».
- Ils ont le « teint de la richesse » : Leur richesse est visible.
Cette expression est suivie d'une énumération élogieuse « la
pâleur des porcelaines... » avec des éléments nobles
(porcelaine, satin...).
- Ils participent à la fois de l'idéal du chevalier et du
séducteur, ayant des « regards indifférents » exprimant les «
passions journellement assouvies », et alliant douceur et
violence (« brutalité », « domination », « force », « vanité », «
maniement des chevaux de race »).
- Personnages qui savent parler : accumulation de détails sur
l'Italie.
2. Emma est perdue au milieu de ce rêve :
- Utilisation du pronom « on » (« On entourait », « On refluait
»...), qui exprime l'inconnu : Emma distingue des actions et
des mouvements plutôt que des personnes.
- Elle ne comprend pas tout ce qui se passe : « une
conversation pleine de mots qu'elle ne comprenait pas ».
- Une illusion consciente et prolongée ? Loin d'être un
avertissement, le « carreau cassé » affirme la disparition du
passé.
- Emma « ferme les yeux » à la fin du passage : elle semble
entretenir son illusion.
II. L'ironie de Flaubert
1. Une esthétique du cliché :
- Les personnages semblent ne pas avoir de personnalité
propre. « un air de famille, quelles que fussent leur
différence d'âge, de toilette ou de figure ». Tous sont à
l'unisson (cf. remarque sur leur âge).
- Une littérature un peu dépassée : idéal du séducteur et de
la chevalerie correspond à un vieil idéal esthétique.
- Une conversation plate et pleine d'idées reçues (rappel:
Flaubert est l'auteur d'un Dictionnaire des idées reçues). « On
causait Italie » : la construction de cette phrase, sans article,
évoque un sujet de conversation banal, convenu, et
l'énumération qui suit est une sorte de carte postale sans
originalité.
2. Une splendeur ridicule :
- Réification, animalisation : l'hypotypose et ses détails crée
une confusion inattendue et grotesque : les personnages
deviennent le prolongement de leurs vêtements : « Leur cou
tournait à l’aise sur des cravates basses », etc....
- « L’un se plaignait de ses coureurs qui engraissaient ; un
autre, des fautes d’impression qui avaient dénaturé le nom
de son cheval. » : ils donnent plus d'importance aux animaux
qu'à l'homme et les valeurs sont inversées (les coureurs
engraissent, tels des animaux, alors que les chevaux ont des
noms qu'il faut respecter).
- Conversations d'experts incongrues : Flaubert se moque du
détournement que le langage des courses fait opérer à la
langue : « un tout jeune homme qui avait battu, la semaine
d’avant, Miss Arabelle et Romulus, et gagné deux mille louis à
sauter un fossé » (phrase qui traduit également
l'incompréhension d'Emma).
- Les fantasmes d'Emma s'avèrent en définitive être
culinaires : « glace au marasquin », « coquille de vermeil », et
son extase s'achève avec une « cuiller entre les dents »
(pointe de Flaubert).
3. Le miroir brisé :
- « Un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitre
». Cette phrase est non dramatisée, l'action semble
accomplie dans le mouvement, comme faite exprès.
- Fin de la description, reprise de la narration. Annoncé par
un air « lourd » de mauvais augure et « les lampes pâlissaient
» (idée de quelque chose qui se termine).
- Emma ne perçoit pas le danger mais le lecteur le perçoit.
- Flaubert insiste sur le décalage social à travers le champ
lexical de la campagne et de la paysannerie (« faces de
paysans » à la fois grotesques et inquiétantes).
- Le miroir brisé symbolise un univers illusoire, d'apparat et
de décor.
Conclusion
Le bal à la Vaubyessard est un événement essentiel dans la
vie de Madame Bovary. Ce passage permet à Flaubert
d'illustrer l'histoire et la personnalité de son héroïne.

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